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22/11/2001 | SUISSE | N°5C.215/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 22 novembre 2001, 5C.215/2001


«/2»
5C.215/2001

IIe C O U R C I V I L E
*****************************

22 novembre 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Reeb, président,
Bianchi et Meyer. Greffier: M. Braconi.

__________

Statuant sur le recours en nullité
formé par

X.________ , représenté par Me Alain Berger, avocat à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 15 juin 2001 par la Chambre civile de la
Cour de justice du canton de Genève dans la cause qui oppose
le recourant à Y.________ , représentÃ

©e par Me Jacques
Borowsky, avocat à Genève;

(art. 68 ss OJ; compétence du juge suisse
pour modifier des mesures provi...

«/2»
5C.215/2001

IIe C O U R C I V I L E
*****************************

22 novembre 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Reeb, président,
Bianchi et Meyer. Greffier: M. Braconi.

__________

Statuant sur le recours en nullité
formé par

X.________ , représenté par Me Alain Berger, avocat à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 15 juin 2001 par la Chambre civile de la
Cour de justice du canton de Genève dans la cause qui oppose
le recourant à Y.________ , représentée par Me Jacques
Borowsky, avocat à Genève;

(art. 68 ss OJ; compétence du juge suisse
pour modifier des mesures provisoires)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) X.________ et Y.________ se sont mariés le 18
juillet 1969 à Istanbul (Turquie); deux enfants sont issus
de
leur union: H.________, né le 9 juin 1975, et A.________,
née
le 10 avril 1983. Les conjoints ont la double nationalité
turque et suisse, et sont tous deux domiciliés dans le
canton
de Genève.

b) Par jugement du 8 janvier 1998, le Tribunal de
première instance de Genève a prononcé la séparation de
corps
des époux X.________ et Y.________ pour une durée de 18 mois.

Le 23 mai 2000, Y.________ a sollicité derechef la
séparation de corps.

Statuant le 23 juin 2000 sur la requête de mesures
préprovisoires urgentes formée par l'intéressée, le Tribunal
de première instance de Genève a, notamment, attribué à la
requérante la garde de l'enfant A.________ et condamné
X.________ à verser une contribution d'entretien de 2'000
fr.
par mois, allocations familiales non comprises, et à assumer
les primes d'assurance-maladie de sa femme et de sa fille,
ainsi que les charges de la villa conjugale.

c) Lors de l'audience de comparution personnelle des
parties du 27 septembre 2000, Y.________ a conclu au divorce
et, sur mesures provisoires, à ce que son mari soit astreint
à lui payer une provisio ad litem de 3'000 fr. et une
pension
mensuelle de 2'000 fr. en faveur de sa fille.

De son côté, X.________ a soulevé une exception de
litispendance internationale, alléguant avoir introduit une
procédure en divorce en Turquie; sur mesures provisoires, il

a conclu à ce qu'il lui soit donné acte de son engagement de
verser la somme de 2'000 fr. par mois pour l'entretien de sa
famille.

d) Le 22 décembre 1999, X.________ a déposé une de-
mande en divorce devant le Tribunal de première instance
d'Istanbul. Une audience s'est tenue le 29 juin 2000, à la-
quelle étaient présentes les deux parties; à cette occasion,
Y.________ a excipé de l'incompétence du juge saisi.

La cause a été reconvoquée au 12 juillet suivant; à
cette audience, la défenderesse paraît avoir renoncé à son
exception, de sorte qu'une instruction écrite a été ordonnée
sur le fond, de même que l'ouverture d'enquêtes.

B.- Par jugements du 23 novembre 2000, le Tribunal
de première instance de Genève a, d'une part, débouté le
mari
des fins de sa requête de mesures provisoires et, d'autre
part, déclaré irrecevable, pour cause de litispendance, la
demande en divorce de l'épouse.

Statuant le 15 juin 2001 sur appel des deux parties,
la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève
a
confirmé le jugement rendu sur mesures provisoires et
renvoyé
au premier juge la cause sur le fond pour qu'il en ordonne
la
suspension, conformément à l'art. 9 LDIP.

C.- Agissant par la voie du recours en nullité au
Tribunal fédéral, X.________ conclut principalement à l'annu-
lation de cet arrêt et à la constatation de la compétence
des
juridictions genevoises pour modifier l'ordonnance de
mesures
préprovisoires du 23 juin 2000, subsidiairement au renvoi de
la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à
nouveau
dans le sens des considérants.

L'intimée propose le rejet du recours dans la mesure
de sa recevabilité; elle demande le bénéfice de l'assistance
judiciaire. L'autorité inférieure se réfère aux considérants
de sa décision.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) En tant qu'il confirme l'incompétence des
tribunaux genevois pour ordonner, respectivement modifier,
des mesures provisoires en instance de divorce, l'arrêt atta-
qué n'est pas susceptible d'un recours en réforme (ATF 126
III 261 consid. 1 p. 263 et les citations), mais bien d'un
recours en nullité (ATF 118 II 184 consid. 1a p. 185/186 et
les citations). Le présent recours est, partant, recevable
de
ce chef.

b) Selon l'art. 63 al. 2 OJ, applicable en vertu du
renvoi de l'art. 74 OJ (ATF 127 III 390 consid. 1f p. 393),
le Tribunal fédéral fonde son arrêt sur les faits tels
qu'ils
ont été constatés par la dernière autorité cantonale, à
moins
que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient
été violées ou que des constatations de fait ne reposent sur
une inadvertance manifeste. Dans la mesure où le recourant
s'écarte des faits retenus dans la décision attaquée, sans
invoquer l'une de ces exceptions, son recours est dès lors
irrecevable; il en est ainsi, en particulier, des
allégations
relatives à sa situation financière.

c) Le chef de conclusions tendant à la constatation
de la compétence des autorités genevoises pour statuer sur
la
requête en modification des mesures préprovisoires ordonnées
le 23 juin 2000 est recevable (art. 73 al. 2 OJ).

2.- a) En l'espèce, la Cour de justice a considéré
que, les juridictions genevoises étant manifestement incompé-
tentes pour statuer au fond, elles ne pouvaient ni ordonner
des mesures provisoires (cf. art. 62 al. 1 LDIP), ni
modifier
celles qui ont été prises le 23 juin 2000; il appartient aux
tribunaux turcs d'en connaître, «aux conditions admises par
le droit de l'Etat dont [ces mesures] émanent».

b) Il convient de relever d'emblée que l'auteur sur
lequel se fonde la cour cantonale préconise une application
cumulative de la lex causae et de la lex fori, en ce sens
que, si «l'autorité saisie accepte de modifier les mesures
provisoires à des conditions plus restrictives que le droit
de l'Etat d'origine [i.e. suisse], les barrières posées par
la loi du for [i.e. turc] doivent également être surmontées
pour que le juge puisse ordonner leur modification» (Merkt,
Les mesures provisoires en droit international privé, thèse
Neuchâtel 1993, n° 416). Or, la décision attaquée est muette
sur les conditions que pose le droit turc à cet égard, ce
qui
constituerait, en soi, un motif d'annulation (art. 68 al. 1
let. d OJ; ATF 126 III 492 consid. 3c p. 494 ss).

Les principes dégagés par la jurisprudence au sujet
de la compétence des autorités helvétiques pour ordonner des
mesures provisoires lorsqu'un procès en divorce est pendant
à
l'étranger entre deux époux domiciliés en Suisse (arrêt non
publié du 5 mars 1991, in SJ 113/1991 p. 457 ss, spéc. 464
ss
consid. 5) ne sont pas applicables dans le cas particulier;
en effet, l'action en divorce avait été rejetée en Suisse en
1972 et une nouvelle demande avait été déposée aux Pays-Bas
en 1975, de sorte qu'il n'y avait aucun problème de litispen-
dance quant au fond (Bucher, RSDIE 1992 p. 195). En
revanche,
lorsque - comme ici - le juge suisse est saisi d'une demande
en divorce dont l'examen a été suspendu selon l'art. 9 LDIP
parce qu'une action ayant le même objet est déjà pendante à

l'étranger, il reste compétent sur la base de l'art. 62 LDIP
pour ordonner, respectivement modifier, des mesures provisoi-
res au sens de l'art. 137 al. 2 CC, dans l'hypothèse où le
juge étranger n'a pas pris de mesures pouvant être reconnues
et exécutées en Suisse (Bucher, Droit international privé
suisse, vol. II, n° 537; Candrian, Scheidung und Trennung im
internationalen Privatrecht der Schweiz, thèse St-Gall 1994,
p. 67 ch. 1 in fine). Or, il ne ressort pas des
constatations
de l'arrêt attaqué que le juge turc aurait ordonné de telles
mesures.

Comme le souligne le recourant, cette solution n'est
pas en contradiction avec l'arrêt rendu par la cour de céans
dans la cause 5C.233/2000: d'une part, le juge turc -
premier
saisi - avait déjà pris des mesures provisoires susceptibles
de reconnaissance en Suisse; d'autre part, le débirentier
s'acquittait des obligations alimentaires auxquelles il
avait
été astreint, de sorte qu'aucune urgence, ni nécessité, ne
justifiaient l'intervention des autorités suisses (consid. 3
et 4).

3.- En conclusion, il y a lieu d'admettre le recours
dans le sens des conclusions principales du recourant.

L'intimée doit être mise au bénéfice de l'assistance
judiciaire (art. 152 al. 1 OJ); cela ne la dispense pas,
pour
autant, de verser des dépens à sa partie adverse (ATF 122 I
322 consid. 2c p. 324/325).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le recours dans la mesure où il est receva-

ble et réforme l'arrêt attaqué en ce sens que les autorités
genevoises sont déclarées compétentes pour statuer sur la
requête en modification de l'ordonnance de mesures préprovi-
soires prise le 23 juin 2000 par le Tribunal de première
instance de Genève.

2. Admet la requête d'assistance judiciaire de l'in-
timée et lui désigne Me Jacques Borowsky, avocat à Genève,
comme avocat d'office.

3. Met un émolument judiciaire de 2'000 fr. à la
charge de l'intimée, mais dit qu'il est provisoirement sup-
porté par la Caisse du Tribunal fédéral.

4. Dit que l'intimée versera au recourant une indem-
nité de 2'000 fr. à titre de dépens.

5. Dit que la Caisse du Tribunal fédéral versera au
conseil de l'intimée une indemnité de 1'000 fr. à titre d'ho-
noraires d'avocat d'office.

6. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre civile de la Cour de jus-
tice du canton de Genève.
__________

Lausanne, le 22 novembre 2001
BRA/dxc

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.215/2001
Date de la décision : 22/11/2001
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-11-22;5c.215.2001 ?
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