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22/11/2001 | SUISSE | N°4P.227/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 22 novembre 2001, 4P.227/2001


«AZA 1/2»

4P.227/2001

Ie C O U R C I V I L E
************************

22 novembre 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu
et Corboz, juges. Greffière: Mme Aubry Girardin.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

La République du N i c a r a g u a, représentée par
Me Jean-Marie Vulliemin, avocat à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 8 mai 2001 par la Cour d'appel de la Ju-
ridiction des prud'hommes du canton de Genève, dans la

cause
qui oppose la recourante à José Fernando R u i z, à
Gaillard
(France), représenté par Me Jean-Pierre Garbade, avoc...

«AZA 1/2»

4P.227/2001

Ie C O U R C I V I L E
************************

22 novembre 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu
et Corboz, juges. Greffière: Mme Aubry Girardin.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

La République du N i c a r a g u a, représentée par
Me Jean-Marie Vulliemin, avocat à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 8 mai 2001 par la Cour d'appel de la Ju-
ridiction des prud'hommes du canton de Genève, dans la cause
qui oppose la recourante à José Fernando R u i z, à
Gaillard
(France), représenté par Me Jean-Pierre Garbade, avocat à
Genève;

(droit d'être entendu; arbitraire)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 5 juin 1983, José Fernando Ruiz, ressor-
tissant chilien, a été engagé à Genève par la République du
Nicaragua en qualité d'employé administratif au sein de la
Mission permanente du Nicaragua auprès de l'Office européen
des Nations Unies.

L'engagement a été formalisé à Genève par un con-
trat du 5 décembre 1983, ratifié par le Ministère des affai-
res étrangères du Nicaragua le 15 décembre 1983.

Par courrier du 5 mai 1997, le Ministère précité a
signifié à José Fernando Ruiz la suspension de ses fonctions
au 31 mai 1997, date à laquelle ce dernier a cessé toute ac-
tivité.

B.- Par demande du 20 mars 1998, José Fernando
Ruiz a assigné la République du Nicaragua en paiement de
185'406,60 fr. plus intérêt à titre de salaire, d'indemnités
de vacances et de départ, ainsi que de primes d'assurance-
maladie.

La République du Nicaragua a excipé de son immunité
de juridiction, faisant valoir que José Fernando Ruiz n'au-
rait pas été un simple employé administratif, mais qu'il au-
rait accompli des tâches étroitement liées au fonctionnement
diplomatique de la Mission.

Par jugement incident sur immunité du 23 mars 1999,
le Tribunal des prud'hommes du canton de Genève a rejeté
l'exception d'immunité de juridiction soulevée et s'est dé-

claré matériellement et territorialement compétent pour con-
naître du litige.

La République du Nicaragua a déposé un appel à
l'encontre de cette décision, en concluant à l'annulation du
jugement du 23 mars 1999, à l'admission de l'exception d'im-
munité et à l'irrecevabilité de la demande.

José Fernando Ruiz a conclu à l'irrecevabilité de
l'appel à la forme et, sur le fond, à la confirmation du ju-
gement attaqué.

Entre avril et octobre 2000, diverses audiences
prévues ont été plusieurs fois repoussées en raison de l'in-
disponibilité des parties ou d'un témoin cité par José
Fernando Ruiz.

Le 8 mai 2001, une audience s'est tenue au cours de
laquelle il a été procédé à l'audition de l'ancien premier
secrétaire de la Mission du Nicaragua à Genève, témoin de
José Fernando Ruiz. La République du Nicaragua a sollicité
l'ouverture d'enquêtes supplémentaires destinées à permettre
l'audition de l'ambassadeur en poste et celle d'un ancien am-
bassadeur auprès de sa Mission permanente à Genève.

A l'issue de cette audience, la Cour a gardé la
cause à juger.

Le 10 mai 2001, le conseil de la République du
Nicaragua a confirmé par écrit sa requête en audition des
deux ambassadeurs et il a sollicité de pouvoir s'exprimer
par
écrit à l'issue des enquêtes.

Par arrêt du 8 mai 2001, la Cour d'appel de la Ju-
ridiction des prud'hommes du canton de Genève, admettant la
recevabilité de l'appel interjeté par la République du Nica-

ragua, a confirmé le jugement du 23 mars 1999 en tant qu'il
reconnaissait la compétence ratione materiae de la juridic-
tion des prud'hommes et qu'il rejetait l'exception
d'immunité
de juridiction soulevée par la République du Nicaragua; l'af-
faire a été renvoyée au tribunal des prud'hommes pour ins-
truction et jugement sur le fond.

C.- Contre cet arrêt, la République du Nicaragua a
déposé un recours de droit public au Tribunal fédéral. Invo-
quant une violation du droit d'être entendu et l'arbitraire,
elle conclut, à la forme, à ce que son recours soit déclaré
recevable et, au fond, à l'annulation de l'arrêt du 8 mai
2001, sous suite de frais et dépens.

La République du Nicaragua n'a pas été dispensée de
fournir une avance de frais, comme elle le demandait. En re-
vanche, sa requête d'effet suspensif a été admise par ordon-
nance du 6 novembre 2001 rendue par le Président de la Ie
Cour civile.

José Fernando Ruiz propose le rejet du recours,
dans la mesure où il est recevable, avec suite de frais et
dépens.

La Cour d'appel renonce, pour sa part, à présenter
des observations, se référant à l'arrêt entrepris.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et avec
une pleine cognition la recevabilité des recours de droit
public qui lui sont soumis (ATF 127 I 92 consid. 1, III 41
consid. 2a et les arrêts cités).

Lorsqu'un Etat a été attrait devant les juridic-
tions suisses pour des actes accomplis de iure gestionis (no-
tamment en cas d'engagement d'un employé subalterne), la
voie
du recours en réforme au Tribunal fédéral lui est ouverte de
la même manière qu'à un particulier. Il peut, dans ce cadre,
invoquer notamment une violation par les autorités
cantonales
des règles relatives à l'immunité (cf. ATF 124 III 382 con-
sid. 2a).

En revanche, si l'Etat choisit d'interjeter le re-
cours spécial que constitue le recours de droit public, en
faisant valoir une violation de ses droits constitutionnels,
il convient de se demander s'il est bien titulaire des
droits
qu'il invoque en justice. L'art. 84 al. 1 let. a OJ dispose
à
cet égard que le recours de droit public est recevable
contre
une décision cantonale pour violation de droits constitution-
nels des citoyens. Selon la jurisprudence, un Etat étranger
agissant en vertu de sa souveraineté (iure imperii) ne peut
déposer un recours de droit public au sens de l'art. 84 al.
1
let. a OJ, puisqu'il n'est par définition pas titulaire des
droits constitutionnels des citoyens (arrêt du Tribunal fédé-
ral du 13 janvier 1999 publié in SJ 1999 I 255, consid. 1a
in
fine; ATF 101 Ia 163 consid. 2). Si l'Etat étranger a été ci-
té en justice pour des actes de iure gestionis, ce qui est
le
cas en l'occurrence, la recevabilité de son recours de droit
public pour violation de droits constitutionnels suppose
donc
qu'on puisse lui reconnaître, dans ce contexte, la qualité
de
citoyen en regard de l'art. 84 al. 1 let. a OJ.

Cette délicate question n'a toutefois pas à être
tranchée en l'espèce, dès lors que le recours doit de toute
manière être rejeté, pour les motifs qui suivent.

2.- Saisi d'un recours de droit public, le Tribu-
nal fédéral n'examine que les griefs exposés de manière
assez

claire et détaillée pour qu'il puisse déterminer quel est le
droit constitutionnel dont l'application est en jeu (ATF 126
III 524 consid. 1c p. 526, 534 consid. 1b; 125 I 492 p. 495
consid. 1b et les arrêts cités). Concernant l'arbitraire, il
appartient en particulier au recourant d'établir la réalisa-
tion de ces conditions en tentant de démontrer, par une argu-
mentation précise, que la décision incriminée est insoutena-
ble (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 125 I 492 consid. 1b
p. 495; 110 Ia 1 consid. 2a).

La recourante semble perdre de vue ces principes,
dès lors que, confondant le recours de droit public avec un
appel, elle commence par présenter sa propre version des
faits, s'écartant des éléments figurant dans l'arrêt
attaqué,
ce qui n'est pas admissible. La Cour de céans limitera donc
son raisonnement aux faits constatés, sauf lors de l'examen
des points sur lesquels la recourante invoque précisément
l'arbitraire.

3.- La recourante reproche tout d'abord à la cour
cantonale d'avoir violé son droit d'être entendu en refusant
de procéder à l'audition de l'Ambassadeur Lester Mejias
Solis
qu'elle avait cité comme témoin.

a) Comme elle ne se plaint pas de la violation ar-
bitraire de règles du droit cantonal de procédure à ce
sujet,
c'est exclusivement à la lumière des garanties offertes par
la Constitution qu'il convient d'examiner son grief (ATF 126
I 15 consid. 2a et les arrêts cités).

La jurisprudence rendue sous l'empire de l'ancienne
Constitution, dont il n'y a pas lieu de se départir s'agis-
sant de l'art. 29 al. 2 Cst., a déduit du droit d'être enten-
du notamment le droit pour l'intéressé de fournir des
preuves
quant aux faits de nature à influer sur le sort de la déci-

sion, de participer à l'administration des preuves, d'en
prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF
126 I 15 consid. 2a/aa; 124 I 49 consid. 3a, II 132 consid.
2b p. 137). L'autorité a, pour sa part, l'obligation de don-
ner suite aux offres de preuve présentées en temps utile et
dans les formes requises, à moins qu'elles ne soient manifes-
tement inaptes à apporter la preuve ou qu'il s'agisse de
prouver un fait sans pertinence (ATF 124 I 241 consid. 2;
121
I 306 consid. 1b).

b) En l'espèce, il ressort du recours et des pièces
produites que la cour cantonale n'a pas d'emblée refusé d'en-
tendre l'Ambassadeur Lester Mejia Solis. Son audition était
déjà prévue le 31 octobre 2000 et c'est à la demande de la
recourante, qui invoquait un empêchement du diplomate, que
la
cour cantonale en a accepté le report. La recourante avait
donc déjà eu l'occasion de faire entendre l'Ambassadeur bien
avant l'audience du 8 mai 2001. En outre, les parties ont
été
informées suffisamment tôt de cette séance, puisque la convo-
cation date du 9 février 2001. La recourante pouvait donc
prendre ses dispositions pour assurer la présence de l'Ambas-
sadeur qui est sous son autorité, surtout si elle estimait
que son audition était aussi importante qu'elle le prétend
aujourd'hui. Il lui était aussi possible de demander la fixa-
tion d'une autre date dans un délai raisonnable. Or, ce
n'est
que le 4 mai 2001 que la recourante a sollicité le renvoi de
l'audience agendée quatre jours plus tard, sans invoquer
d'empêchement extraordinaire ou imprévisible pour un ambassa-
deur. Dans un tel contexte, on ne voit manifestement pas en
quoi la cour cantonale aurait violé l'art. 29 al. 2 Cst. en
ne donnant pas suite à cette nouvelle demande. Oser invoquer
la violation du droit d'être entendu dans de telles circons-
tances confine même à la témérité.

En l'absence de violation du droit d'être entendu,
il ne saurait y avoir de conflit avec le principe de la célé-

rité du procès, de sorte que l'ATF 124 I 208 invoqué par la
recourante n'est pas pertinent.

Le refus de renvoyer l'audience du 8 mai 2001 ne
contrevient pas davantage à l'art. 44 de la Convention de
Vienne sur les relations consulaires (RS 0.191.02), dont le
chiffre 2 mentionné par la recourante prévoit que l'autorité
qui requiert le témoignage d'un membre d'un poste consulaire
doit éviter de gêner le fonctionnaire consulaire dans l'ac-
complissement de ses fonctions. En l'occurrence, il n'est
pas
démontré que l'Ambassadeur a été gêné dans l'exercice de sa
charge. Il ne s'est tout simplement pas présenté à l'audien-
ce.

4.- La recourante invoque ensuite l'arbitraire,
dans la façon dont la cour cantonale a appliqué le droit
cantonal et apprécié les preuves.

a) Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé
par l'art. 9 Cst., ne résulte pas du seul fait qu'une autre
solution que celle retenue par l'autorité cantonale pourrait
entrer en considération ou même qu'elle serait préférable;
le
Tribunal fédéral ne s'écarte de la décision attaquée que
lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle se
trouve en contradiction évidente avec la situation de fait,
qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique
clair et indiscuté ou encore lorsqu'elle heurte de manière
choquante le sentiment de la justice et de l'équité (ATF 127
I 60 consid. 5a p. 70; 126 III 438 consid. 3 p. 440). Pour
qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne
suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il
faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son
résultat (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41, 54 consid. 2b p.
56;
125 I 166 consid. 2a).

S'agissant plus précisément de l'appréciation des
preuves et des constatations de fait, il y a arbitraire lors-
que l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sé-
rieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision,
lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa por-
tée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments re-
cueillis, elle en tire des constatations insoutenables.

b) La recourante reproche aux juges d'avoir arbi-
trairement appliqué le droit cantonal de procédure en consi-
dérant que les déclarations de l'Ambassadeur Lester Mejia
Solis n'auraient eu que la valeur d'allégués.

Cet ambassadeur est le représentant permanent de la
Mission de la recourante à Genève, de sorte qu'il devait
être
entendu en qualité de partie, ce qui est d'ailleurs précisé
dans le recours. Il est vrai, comme le souligne l'intimé,
que
l'interrogatoire des parties est considéré en droit genevois
comme une mesure probatoire (cf. art. 197 et 206 LPC gen.
applicables par renvoi de l'art. 11 de la loi genevoise sur
la juridiction des prud'hommes du 25 février 1999). On ne
peut donc, comme l'a laissé entendre la cour cantonale, d'em-
blée refuser d'entendre une partie au motif que ses déclara-
tions n'auraient aucune valeur probante. Toutefois, le juge
dispose d'une grande liberté d'appréciation quant à l'oppor-

tunité de l'audition d'une partie lorsque celle-ci a eu
l'occasion de s'exprimer par écrit sur les faits dont elle
se
prévaut (Bernard Bertossa/Louis Gaillard/Jacques Guyet, Com-
mentaire de la loi de procédure civile genevoise, art. 197
LPC no 3 et art. 206 no 2).

En l'occurrence, on ne voit pas que la justifica-
tion, certes maladroite, figurant dans l'arrêt attaqué à
l'appui du refus d'entendre l'Ambassadeur fasse apparaître
cette décision comme arbitraire dans son résultat, compte
tenu de la liberté dont jouit le juge en ce domaine. En ef-

fet, un double échange d'écritures a été ordonné par la cour
cantonale, de sorte que les parties ont largement pu s'ex-
primer par écrit. En outre, l'Ambassadeur, qui a invoqué son
impossibilité de se présenter à la séance quelques jours
seulement avant sa tenue, avait déjà demandé et obtenu le
renvoi d'une audience précédente (cf. supra consid. 3b).
Enfin et surtout, cette décision n'a pas empêché la partie
recourante d'être interrogée le 8 mai 2001, puisque celle-ci
a pu substituer à l'Ambassadeur empêché un autre représen-
tant. Le grief est donc infondé.

c) La recourante soutient que la cour cantonale a
écarté de manière arbitraire la pièce 24 qu'elle avait pro-
duite, au motif qu'elle "ne peut émettre des pièces en cours
de procédure pour en déduire son immunité". Elle y voit une
méconnaissance choquante de la procédure cantonale, qui en-
traîne au surplus une violation de son droit d'être entendu,
ainsi qu'une appréciation des preuves insoutenable.

La pièce en cause consiste en une note du 28 sep-
tembre 1999 émanant du Ministère des Affaires étrangères de
la recourante et contenant des précisions sur le statut et
le
rôle de l'intimé au sein de la Mission permanente à Genève.
Dans l'arrêt attaqué, les juges ont souligné qu'aucune force
probante décisive ne pouvait être apportée à cette pièce,
car
l'examen de la qualité iure gestionis des actes de l'intimé
ne pouvait permettre à la recourante d'émettre des pièces en
cours de procédure pour en déduire son immunité. Le rapport
litigieux devait être qualifié sur la base des éléments de
fait pertinents intervenus durant les rapports de service.

aa) Replacée dans son contexte, la phrase citée par
la recourante ne signifie donc pas que les juges aient
refusé
la production de la pièce en cause. Après l'avoir examinée,
ils n'ont seulement pas reconnu de valeur probante décisive
à
son contenu, ce qui n'est pas pareil. Par conséquent, on ne

saurait suivre la recourante et voir dans cette motivation
le
refus de considérer a priori une telle pièce comme un moyen
de preuve, en violation des règles cantonales de procédure.
Les commentateurs cités par la recourante soulignent du
reste
expressément que la production d'une pièce qui contient elle-
même des allégués de faits ne saurait suffire à établir la
réalité de ces faits eux-mêmes (Bertossa/Gaillard/Guyet, op.
cit., art. 186 LPC no 4). En outre, la recourante ayant pu
produire la pièce 24, on ne discerne pas non plus de viola-
tion de son droit d'être entendu.

bb) Il convient en revanche de se demander si, com-
me le soutient également la recourante, la cour cantonale a
apprécié arbitrairement les preuves, en refusant de reconnaî-
tre une force probante décisive à cette pièce.

La déclaration du 28 septembre 1999 est postérieure
à la cessation des activités de l'intimé auprès de la
Mission
permanente de Genève. Selon la recourante, il s'agirait
d'une
description de la pratique administrative en vigueur au mo-
ment des faits qu'il conviendrait d'assimiler à la preuve
d'un jugement étranger. Cette conception ne peut être
suivie,
dès lors que ce document ne renseigne pas uniquement de
façon
générale sur la pratique de la recourante à l'époque, mais
contient des indications précises sur la fonction et le rôle
qu'auraient joués l'intimé durant son activité à Genève.
Dans
un tel contexte, on comprend les réserves émises par les ju-
ges cantonaux quant à la valeur probante de ces
déclarations,
qui proviennent du Ministère directement concerné et qui ont
été établies alors que le litige était déjà pendant devant
les juridictions genevoises. En préférant se fonder sur les
éléments de preuves intervenus durant les rapports de servi-
ce, plutôt que sur un tel document, la cour cantonale n'a en
aucune manière adopté une position insoutenable.

d) Enfin, la recourante reproche à la cour canto-
nale d'être tombée dans l'arbitraire en procédant à une ap-
préciation des preuves "sélective", omettant les
déclarations
de l'intéressé ressortant de son curriculum vitae et d'une
lettre du 4 août 1997 adressée à la sous-directrice des res-
sources humaines de son Ministère des affaires étrangères.

Ces deux documents produits par la recourante n'ont
pas été passés sous silence par la cour cantonale, qui a in-
diqué, de manière générale, que les pièces produites
n'étaient pas probantes pour admettre que le demandeur avait
effectué des tâches relevant d'activités iure imperii. Une
telle conclusion est évidente s'agissant du curriculum vitae
de l'employé, dès lors que l'accréditation à des conférences
n'entraîne pas pour autant le statut de diplomate. Quant à
la
lettre du 4 août 1997, il n'y a guère que le passage dans le-
quel l'intimé indique qu'il était devenu, à un moment donné,
le chargé d'affaires ad intérim de la Mission permanente de
Genève qui pourrait susciter des doutes. L'importance de cet-
te déclaration doit cependant être relativisée, car
l'employé
s'adressait alors uniquement à la recourante pour se
plaindre
de son licenciement et avait donc intérêt à amplifier ses
responsabilités. En outre, ces propos ne font pas le poids
comparés aux autres éléments de preuve ressortant de l'arrêt
attaqué qui démontrent tous que l'intimé était employé en
tant que chauffeur/secrétaire et qu'il effectuait des activi-
tés administratives ou d'intendance. Or, la recourante n'in-
voque pas l'arbitraire à leur sujet. Par conséquent, en con-
sidérant que l'intimé n'avait pas exercé une fonction permet-
tant à la recourante de se prévaloir de son immunité de juri-
diction, la cour cantonale n'a pas abouti à une conclusion
arbitraire.

Dans ces circonstances, le recours ne peut qu'être
rejeté, à supposer qu'il soit recevable.

5.- Comme la valeur litigieuse, selon la préten-
tion de l'intimé à l'ouverture de l'action (ATF 115 II 30
consid. 5b; 100 II 358 consid. a), dépasse 30'000 fr., la
procédure n'est pas gratuite (art. 343 al. 2 et 3 CO; RO
2001
p. 1048).

Compte tenu de l'issue du litige, les frais et dé-
pens seront mis à la charge de la recourante (art. 156 al. 1
et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable.

2. Met un émolument judiciaire de 4'000 fr. à la
charge de la recourante.

3. Dit que la recourante versera à l'intimé une in-
demnité de 6'000 fr. à titre de dépens.

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Cour d'appel de la Juridiction
des
prud'hommes du canton de Genève.

__________

Lausanne, le 22 novembre 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FÉDÉRAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.227/2001
Date de la décision : 22/11/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-11-22;4p.227.2001 ?
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