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21/11/2001 | SUISSE | N°4C.250/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 21 novembre 2001, 4C.250/2001


«/2»

4C.250/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

21 novembre 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu, juge, et
Aubert, juge suppléant. Greffier: M. Carruzzo.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

Le Laboratoire X.________ S.A., défenderesse et recourante
principale, représentée par Me Christophe Wilhelm, avocat à
Lausanne,

et

1. dame R.________, demanderesse et recourante par voie de

jonction, représent

ée par Me Charles Munoz, avocat à
Yverdon,

2. la Caisse publique cantonale vaudoise de chômage, rue
Caroline 9, à Lausanne...

«/2»

4C.250/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

21 novembre 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu, juge, et
Aubert, juge suppléant. Greffier: M. Carruzzo.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

Le Laboratoire X.________ S.A., défenderesse et recourante
principale, représentée par Me Christophe Wilhelm, avocat à
Lausanne,

et

1. dame R.________, demanderesse et recourante par voie de

jonction, représentée par Me Charles Munoz, avocat à
Yverdon,

2. la Caisse publique cantonale vaudoise de chômage, rue
Caroline 9, à Lausanne, intervenante;

(contrat de travail; accord concernant la fin des rapports
de
travail)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par contrat de travail du 28 septembre 1998, le
Laboratoire X.________ S.A. (ci-après: le laboratoire ou la
défenderesse) a engagé à mi-temps dame R.________, comme
aide
de laboratoire, dès le 1er octobre 1998 pour une durée indé-
terminée. Dame R.________ a été engagée à temps complet dès
le 1er mars 1999.

Au cours de l'été 1999, les relations entre les
parties se sont dégradées, le laboratoire reprochant à dame
R.________ une négligence croissante dans son travail, une
attitude agressive et une humeur instable.

Le 29 octobre 1999, le laboratoire a résilié le
contrat de dame R.________ avec effet au 31 décembre 1999.
Il
a prévu que, durant le délai de congé, dame R.________ n'oc-
cupe plus son poste de travail, mais colle des étiquettes.

Dame R.________ a considéré qu'il s'agissait d'une
dégradation et n'a pas voulu effectuer la tâche qui lui
était
attribuée dorénavant. Le 29 octobre 1999, elle a souhaité et
demandé la résiliation immédiate de son contrat de travail,
en confirmant être consciente de renoncer aux droits en dé-
coulant.

Les parties ont alors signé, le 29 octobre 1999,
une lettre intitulée "résiliation du contrat de travail de
l'employée avec effet immédiat et par consentement mutuel",
dont la teneur est la suivante:

"La présente a pour but d'établir clairement que
aussi bien vous-même que le laboratoire souhai-
tons la résiliation de votre contrat avec effet
immédiat. En conséquence, vous n'avez plus

l'obligation, dès cet instant, de venir tra-
vailler et nous n'avons plus l'obligation dès
cet instant de payer votre salaire (...). La
présente vaut pour solde de tout compte et de
toutes prétentions entre les parties."

Dans une lettre du 22 novembre 1999, dame
R.________ a demandé au laboratoire de revenir sur sa déci-
sion. Elle indiquait que sa réaction tardive était due au
choc consécutif au licenciement et à la méconnaissance de
ses
droits jusqu'à un entretien avec la responsable de son dos-
sier à l'assurance-chômage.

Par lettre du 24 novembre 1999, le laboratoire a
rappelé que dame R.________ avait demandé elle-même à être
licenciée avec effet immédiat et qu'elle avait été informée
des droits auxquels elle avait renoncé.

Du 1er novembre 1999 au 29 février 2000, dame
R.________ a reçu des indemnités de chômage à hauteur de
11 018 fr.65 net. Elle a été en incapacité de travail du 8
au
30 novembre 1999 et du 9 janvier au 15 février 2000.

B.- Par demande du 31 mars 2000, dame R.________ a
conclu que le laboratoire soit condamné à lui payer
20 000 fr. brut, intérêts en sus, sous déduction des indemni-
tés versées par l'assurance-chômage du 1er novembre 1999 au
29 février 2000.

La défenderesse a conclu au rejet de la demande et,
reconventionnellement, à ce que la demanderesse soit condam-
née à lui verser 698 fr.30.

La Caisse publique cantonale vaudoise de chômage
est intervenue au procès.

Par jugement du 11 juillet 2000, le Président du
Tribunal civil du district d'Echallens a rejeté la demande.

Saisie par la demanderesse, la Chambre des recours
du Tribunal cantonal vaudois a réformé le jugement et condam-
né la défenderesse à payer à la demanderesse 14 000 fr.
brut,
sous déduction de 11 018 fr.65 net à verser à la Caisse can-
tonale vaudoise de chômage.

C.- La défenderesse recourt en réforme contre cet
arrêt, en concluant au rejet total de la demande. La demande-
resse a formé un recours joint, en concluant à ce que la dé-
fenderesse soit condamnée à lui payer les montants indiqués
dans sa demande du 31 mars 2000.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) En cas de licenciement immédiat injustifié,
le travailleur a droit à ce qu'il aurait gagné si les rap-
ports de travail avaient pris fin à l'échéance du délai de
congé (art. 337c al. 1 CO). En principe, il ne peut pas va-
lablement renoncer à ce droit pendant la durée du contrat et
le mois qui suit la fin de ce dernier (art. 341 al. 1 CO).
Une renonciation à ce droit n'est licite que dans le cadre
d'un accord comportant des concessions réciproques, pour au-
tant qu'il s'agisse nettement d'un cas de transaction (art.
341 al. 1 CO; ATF 118 II 58 consid. 2b p. 61; 115 V 437 con-
sid. 4b; 110 II 168 consid. 3b p. 171).

b) En l'espèce, les juges précédents ont constaté
que la défenderesse a pris l'initiative de la fin des rap-
ports de travail. Si elle avait licencié la demanderesse
avec
effet immédiat, ce licenciement eût été injustifié, de sorte
que la défenderesse aurait dû verser la totalité du salaire

afférent au délai de congé, sans que la demanderesse pût y
renoncer valablement. Or, en résiliant le contrat moyennant
respect du délai de congé, mais en se libérant contractuelle-
ment de l'obligation de verser le salaire, la défenderesse
s'est procuré le même avantage que si elle avait procédé à
un
licenciement immédiat. Comme, en principe, la demanderesse
ne
pouvait pas renoncer valablement au salaire afférent au
délai
de congé, la protection impérative dont bénéficie le travail-
leur selon l'article 337c al. 1 CO a été éludée, de sorte
que
la défenderesse reste devoir le salaire afférent au délai de
congé.

Il n'en irait autrement que si la défenderesse pou-
vait valablement se prévaloir de l'accord signé par la deman-
deresse, aux termes duquel cette dernière a renoncé au délai
de congé. Tel n'est le cas, au sens de la jurisprudence, que
si cet accord constitue nettement une transaction, reposant
véritablement sur des concessions réciproques.

En l'occurrence, la défenderesse n'a fait aucune
concession substantielle. Au contraire, elle entendait de
toute façon renoncer à la prestation contractuelle de tra-
vail, puisque, selon les constatations souveraines de la
cour
cantonale, elle voulait contraindre la demanderesse à
quitter
son poste pour lui faire coller des étiquettes jusqu'à la
fin
du délai de congé. D'ailleurs, le simple fait que
l'employeur
renonce à la prestation de travail ne saurait constituer une
concession au sens de la jurisprudence, puisque, selon
l'art.
324 al. 1 CO, qui est de nature impérative (art. 362 al. 1
CO), une telle renonciation ne libère pas l'employeur de
l'obligation de rémunérer le travailleur.

En revanche, la demanderesse a fait une concession
- importante - en renonçant au salaire afférent au délai de
congé. Une telle renonciation lui coûtait d'autant plus
qu'elle n'avait pas d'emploi de remplacement et qu'elle a dû

solliciter des prestations de l'assurance-chômage. Peu impor-
te qu'elle ait elle-même proposé de cesser de travailler et
de mettre un terme au contrat: une telle proposition répon-
dait bien davantage à l'intérêt de la défenderesse, qui n'en-
tendait pas la maintenir à son poste, qu'à son propre inté-
rêt, puisqu'elle s'est trouvée subitement privée de ressour-
ces.

Faute de concessions réciproques, l'accord invoqué
par la défenderesse est contraire à l'article 341 al. 1 CO
et, partant, nul.

Le grief doit être rejeté.

2.- La cour cantonale a retenu que la demanderesse,
sans formation juridique, n'a pas été à même de prendre en
considération les conséquences, à terme, de la convention
qu'elle signait, s'agissant en particulier des prestations
de
l'assurance-chômage. La défenderesse lui reproche d'avoir,
ce
jugeant, violé l'art. 8 CC.

Relatif au point de savoir si la demanderesse était
capable de comprendre les effets de sa renonciation, le
grief
porte sur les constatations de fait des juges précédents. Il
est dès lors irrecevable (art. 55 al. 1 let. c OJ).

De toute façon, le grief est sans pertinence à la
solution du litige.

En effet, selon la jurisprudence rappelée ci-des-
sus, la renonciation à une créance découlant d'une disposi-
tion impérative de la loi n'est valable que si les parties
se
sont fait des concessions réciproques. Or, il a été retenu
que l'employeur n'a pas fait de concession substantielle,
puisqu'il n'entendait plus occuper la demanderesse à son pos-
te. Dans ces circonstances, peu importe que la demanderesse

ait eu ou non conscience des effets de sa renonciation sur
son droit aux prestations de l'assurance-chômage.

3.- La défenderesse reproche aux juges précédents
d'avoir violé l'art. 2 CO et, implicitement, les art. 23 ss
CO, en admettant que la demanderesse n'était pas liée par sa
déclaration de renonciation, alors même que l'arrêt cantonal
ne constate aucun vice de volonté dont cette renonciation
pourrait être entachée.

Ce grief est sans pertinence. La nullité de la re-
nonciation formulée par la demanderesse résulte de l'art.
341
al. 1 CO, sans qu'il soit nécessaire de rechercher si la de-
manderesse était sous l'empire d'un vice du consentement au
sens des art. 23 ss CO.

4.- a) La défenderesse conteste que l'assurance-
chômage ait pu se subroger dans les droits de la demanderes-
se, dès lors que les obligations des parties ont pris fin le
29 octobre 1999.

La défenderesse fonde explicitement ce grief sur
l'art. 30 LACI, aux termes duquel le droit de l'assuré à
l'indemnité est suspendu lorsqu'il a renoncé à faire valoir
des prétentions de salaire envers son dernier employeur, au
détriment de l'assurance.

En l'occurrence, il ne résulte pas de l'arrêt can-
tonal que le droit de la demanderesse aux indemnités de chô-
mage ait été suspendu; au contraire, ces indemnités ont été
versées.

Comme la défenderesse ne saurait se prévaloir d'une
suspension inexistante, le grief est sans fondement.

b) En réalité, la défenderesse paraît asseoir son
grief sur l'art. 29 LACI.

Selon les règles de l'assurance-chômage, n'est pas
prise en considération et, partant, ne donne en principe pas
lieu à indemnisation la perte de travail pour laquelle le
chômeur a droit à une indemnité pour cause de résiliation an-
ticipée des rapports de travail (art. 11 al. 3 LACI). Toute-
fois, si elle a des doutes sur la satisfaction de ces préten-
tions, la caisse verse l'indemnité de chômage et se subroge
au chômeur dans tous ses droits, jusqu'à concurrence de l'in-
demnité versée (art. 29 al. 1 et 2 LACI).

C'est ce qui s'est produit en l'espèce. Comme on
l'a vu, la demanderesse a droit au salaire afférent au délai
de congé. Ayant alloué les indemnités afférentes à ce délai,
la Caisse se trouve subrogée aux droits de la demanderesse à
concurrence des indemnités versées.

Sous cet angle également, le grief est mal fondé.

5.- La demanderesse a déposé un recours joint, en
concluant à ce que la défenderesse soit condamnée à lui
payer
trois mois de salaire, soit 10 500 francs. Toutefois, comme
ses conclusions ont été limitées, en première instance, à
20 000 fr. au total et qu'elle obtient la somme de
14 000 fr., qu'elle réclamait à titre de salaire pendant le
délai de congé, la conclusion sur recours joint n'est receva-
ble qu'à concurrence de 6000 fr.

a) Selon l'art. 337c al. 3 CO, en cas de licencie-
ment immédiat injustifié, le juge peut condamner l'employeur
à verser au travailleur une indemnité dont il fixera libre-
ment le montant, compte tenu de toutes les circonstances.

L'indemnité est due, en principe, dans tous les cas
de licenciement immédiat injustifié (ATF 121 III 64 consid.
3c p. 68; 120 II 243 consid. 3e p. 247; 116 II 300 consid.
5a). Les exceptions doivent être fondées sur les circonstan-
ces de chaque cas particulier; elles supposent l'absence de
faute de l'employeur ou d'autres motifs qui ne sauraient
être
mis à sa charge (116 II 300 consid. 5a).

Qu'il s'agisse du principe ou de l'ampleur de cette
indemnité, le juge cantonal possède, de par la loi (art. 4
CC), un large pouvoir d'appréciation, qui conduit le
Tribunal
fédéral à ne substituer sa propre appréciation à celle de
l'instance inférieure qu'avec une certaine retenue. II n'in-
terviendra que si la décision s'écarte sans raison des
règles
établies par la doctrine et la jurisprudence en matière de
libre appréciation ou lorsqu'elle s'appuie sur des faits
qui,
dans le cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle ou en-
core lorsqu'elle n'a pas tenu compte d'éléments qui auraient
absolument dû être pris en considération; il sanctionnera en
outre les décisions rendues en vertu d'un tel pouvoir d'ap-
préciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat manifeste-
ment injuste ou à une iniquité choquante (ATF 121 III 64 con-
sid. 3c; 119 II 157 consid. 2a in fine; 118 II 50 consid. 4
p. 55 s.; 116 II 145 consid. 6a p. 149).

b) En l'occurrence, il peut certes être reproché à
la défenderesse d'avoir privé la demanderesse de son poste
en
lui confiant une autre tâche que l'intéressée pouvait ressen-
tir comme dégradante. Toutefois, plutôt que de la mettre en
demeure de respecter le contrat, la
demanderesse lui a propo-
sé de résilier celui-ci avec effet immédiat d'un commun ac-
cord. D'ailleurs, lorsque la demanderesse a mis en demeure
la
défenderesse de l'occuper jusqu'au terme du délai de congé,
le contrat avait déjà pris fin du fait de la résiliation im-
médiate. Enfin, lorsqu'elle a résilié le contrat, la défende-
resse n'avait pas l'intention de laisser la demanderesse bru-

talement sans ressources. Ainsi, même si la demanderesse ne
pouvait pas valablement renoncer au délai de congé, la faute
de la défenderesse paraît excusable. Dans ces circonstances,
la cour cantonale n'a pas excédé le large pouvoir d'apprécia-
tion que lui reconnaît la jurisprudence.

Le recours joint doit donc être rejeté.

6.- Cela étant, les deux recours doivent être reje-
tés. En conséquence, l'arrêt attaqué sera confirmé.

La procédure fédérale est gratuite puisqu'elle a
trait à un différend résultant du contrat de travail dont la
valeur litigieuse déterminante, calculée au moment du dépôt
de la demande (ATF 115 II 30 consid. 5b p. 42), ne dépasse
pas le plafond de 30 000 fr. fixé à l'art. 343 al. 2 CO dans
sa nouvelle teneur entrée en vigueur le 1er juin 2001 (RO
2001 p. 2048) et applicable aux procédures déjà pendantes à
cette date.

Comme aucune des parties n'obtient gain de cause,
les dépens seront compensés (art. 159 al. 3 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours et le recours joint et
confirme l'arrêt attaqué;

2. Dit qu'il n'est pas perçu de frais;

3. Compense les dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux parties
et à la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton
de
Vaud.

___________

Lausanne, le 21 novembre 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.250/2001
Date de la décision : 21/11/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-11-21;4c.250.2001 ?
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