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20/11/2001 | SUISSE | N°U.354/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 20 novembre 2001, U.354/00


«AZA 7»
U 354/00 Mh

IIe Chambre

MM. les juges Lustenberger, Président, et Ferrari, Jaeger,
suppléant. Greffier : M. Beauverd

Arrêt du 20 novembre 2001

dans la cause

A.________, recourant, représenté par Maître Jean-Daniel
Kramer, avocat, avenue Léopold-Robert 88, 2301 La Chaux-
de-Fonds,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

A.- A.________ a travaillé au service de la société
X.________ SA depuis le mois de juillet 1995. A ce titre,
il était assuré obl...

«AZA 7»
U 354/00 Mh

IIe Chambre

MM. les juges Lustenberger, Président, et Ferrari, Jaeger,
suppléant. Greffier : M. Beauverd

Arrêt du 20 novembre 2001

dans la cause

A.________, recourant, représenté par Maître Jean-Daniel
Kramer, avocat, avenue Léopold-Robert 88, 2301 La Chaux-
de-Fonds,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

A.- A.________ a travaillé au service de la société
X.________ SA depuis le mois de juillet 1995. A ce titre,
il était assuré obligatoirement contre le risque d'accident
auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas
d'accidents (CNA).

Le 21 août 1996, alors qu'il était occupé, sur le
chantier Y.________, à scier une cale de tête de coffrage,
il a subi un arrachement intra-articulaire de l'index de la
main droite, ainsi qu'une coupure sévère au troisième doigt
ensuite d'un arrêt accidentel de sa scie circulaire. A
cette occasion, il a été projeté au sol par un retour
imprévisible de ladite cale.
Une arthrodèse de l'articulation interphalangienne
distale de l'index a été effectuée le même jour à l'Hôpital
Z.________. L'apparition d'une surinfection grave nécessita
toutefois l'amputation de la phalange distale de l'index
par les soins du Centre hospitalier de B.________.
Dans un rapport du 11 avril 1997, le docteur
C.________, médecin d'arrondissement de la CNA, a indiqué
une évolution lente avec développement d'une contracture
irréductible à l'articulation interphalangienne droite. Il
proposait l'amputation du reste de la deuxième phalange,
opération qui a eu lieu en 1997 à B.________ par les soins
du docteur D.________.
Après avoir été licencié, A.________ a été examiné par
le docteur E.________, médecin d'arrondissement de la CNA
et spécialiste en chirurgie (rapport du 23 septembre 1997).
Il a ensuite séjourné à la Clinique de réadaptation
F.________, du 22 octobre au 19 novembre 1997. Les examens
ont notamment comporté un consilium psychosomatique confié
au docteur G.________. Les médecins de la clinique ont fait
état d'une capacité de travail de 50 %.
De son côté, A.________ a confié une expertise au
docteur H.________, médecin à I.________, dont il a produit
un rapport du 15 mai 1998. Ce praticien concluait notamment
que les douleurs ressenties au poignet et à l'épaule droits
étaient imputables à une fracture métaphysaire du radius
droit avec pseudarthrose subie lors de l'accident du
21 août 1996, diagnostiquée tardivement au cours du séjour

à F.________ (radiographie du 23 octobre 1997). Selon ce
médecin, une reprise de l'activité antérieure dans une
mesure limitée n'était guère envisageable.
Après avoir requis l'avis du docteur J.________,
médecin de sa division médicale (rapport du 1er octobre
1998), la CNA a rendu une décision, le 21 avril 1999, par
laquelle elle a alloué à l'assuré, pour la période du
1er décembre 1998 au 31 mai 2000, une rente d'invalidité
fondée sur une incapacité de gain de 10 %, ainsi qu'une
indemnité pour atteinte à l'intégrité fondée sur un taux de
5 %. Elle a considéré que la reprise de l'activité profes-
sionnelle habituelle dans le secteur de la construction
était exigible durant toute la journée, après une période
de rendement réduit de 18 mois; par ailleurs, la rente
allouée ne tenait pas compte des douleurs au poignet droit,
à l'épaule et à la colonne vertébrale, lesquelles étaient
dues à la maladie; quant aux troubles psychogènes apparus
progressivement après l'accident, ils n'étaient pas en
relation de causalité adéquate avec ce dernier.
Saisie d'une opposition, la CNA l'a rejetée par déci-
sion du 21 septembre 1999.

B.- A.________ a recouru contre cette décision devant
le Tribunal administratif du canton de Neuchâtel. Après
avoir requis de l'Office AI pour les assurés résidant à
l'étranger la production du dossier concernant l'assuré
prénommé, la juridiction cantonale a rejeté le recours par
jugement du 8 août 2000.

C.- Le prénommé interjette recours de droit adminis-
tratif en concluant, sous suite de dépens, à l'annulation
du jugement cantonal et de la décision sur opposition de la
CNA.
Cette dernière conclut au rejet du recours. L'Office
fédéral des assurances sociales n'a pas présenté de déter-
mination.

Considérant en droit :

1.- a) Dans son recours de droit administratif, l'as-
suré se contente de conclure à l'annulation du jugement
cantonal du 8 août 2000 et de la décision sur opposition de
la CNA du 21 novembre (recte : septembre) 1999. Sur le vu
des motifs du recours, il apparaît que le recourant contes-
te implicitement le taux et le caractère transitoire de la
rente d'invalidité.

b) Selon l'art. 104 let. a OJ, le recours de droit
administratif peut être formé pour violation du droit
fédéral, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appré-
ciation. En vertu de l'art. 104 let. b en liaison avec
l'art. 105 al. 2 OJ, le recourant peut aussi faire valoir
que l'autorité cantonale de recours a constaté les faits
pertinents de manière manifestement inexacte ou incomplète
ou qu'elle les a établis au mépris de règles essentielles
de procédure.
Cependant, dans la procédure de recours portant sur
l'octroi ou le refus de prestations d'assurance (y compris
la restitution de celles-ci), le pouvoir d'examen du Tri-
bunal fédéral des assurances est plus étendu. Le tribunal
peut alors examiner l'opportunité de la décision attaquée;
il n'est en outre pas lié par l'état de fait constaté par
la juridiction inférieure. Par ailleurs, le tribunal peut
s'écarter des conclusions des parties à l'avantage ou au
détriment de celles-ci (art. 132 OJ; ATF 121 V 366 con-
sid. 1c, 120 V 448 consid. 2a/aa et les références).

2.- Le jugement entrepris expose de manière exacte et
complète les dispositions légales et les principes juris-
prudentiels applicables au présent cas. Il suffit donc d'y
renvoyer.

a) Il convient par ailleurs d'ajouter que l'assureur
peut octroyer des rentes temporaires et/ou dégressives (ATF
109 V 24 ss, 106 V 49 ss consid. 1 et 2b; RAMA 1993
no U 173 p. 146 consid. 2 et les arrêts cités; RSAS 1985
p. 207 consid. 2a). Ces rentes sont accordées si, lors de
la fixation de la rente, il était déjà prévisible et vrai-
semblable que les incidences de l'accident sur la capacité
de gain s'atténueraient en tout ou en partie dans un avenir
plus ou moins proche par suite de l'adaptation ou de
l'accoutumance de l'assuré aux séquelles de l'accident
(Jean-Maurice Frésard, L'assurance-accidents obligatoire,
in : Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale
Sicherheit, no 79, p. 38; Peter Omlin, Die Invalidität in
der obligatorischen Unfallversicherung, thèse Fribourg,
1995, p. 97 ss; Ghélew/Ramelet/Ritter, Commentaire de la
loi sur l'assurance-accidents, 1992, p. 105 sv.). La rente
temporaire doit également être prise en compte au cas où
les conséquences économiques futures d'une lésion corpo-
relle stable seraient déterminables par avance de façon
relativement précise (Doudin, La rente d'invalidité dans
l'assurance-accidents, in : RSAS 1990, p. 289).

b) L'assuré auquel l'assureur-accidents a octroyé une
rente dégressive et temporaire par décision ayant acquis
force de chose décidée conserve le droit d'en contester le
caractère temporaire ou dégressif au moment où la suppres-
sion ou la réduction envisagée doit prendre effet. Cet
examen doit s'opérer soit par l'ouverture d'office d'une
procédure en révision, soit par le dépôt d'une demande en
révision par l'assuré. La force décidée de la décision
initiale n'est pas remise en cause, puisque dans la procé-
dure d'octroi de rente, la seule question qui se pose - et
la seule sur laquelle le juge peut se prononcer - est celle
de savoir si, en fonction de l'expérience médicale acquise
dans des cas similaires, on peut émettre le pronostic que

l'état de santé de l'assuré s'améliorera ou que sa capacité
de gain augmentera dans un avenir relativement proche. En
revanche, dans la procédure de révision, il s'agit de véri-
fier, au moment où devrait intervenir la suppression ou la
réduction de la prestation, si le pronostic qui, à l'ori-
gine, a motivé l'octroi de la rente limitée ou dégressive
s'est effectivement réalisé (RAMA 1993 no U 173 p. 146 et
les arrêts cités).

3.- a) En premier lieu, le recourant reproche à la
juridiction cantonale d'avoir nié l'existence, au moment
- déterminant en l'occurrence (ATF 121 V 366 consid. 1b et
les arrêts cités) - où la décision sur opposition liti-
gieuse a été rendue, d'une relation de causalité naturelle
entre différents troubles d'ordre physique - à savoir des
douleurs au poignet et à l'épaule droits, ainsi que des
dorsalgies - et l'accident du 21 août 1996.

aa) En ce qui concerne les douleurs au poignet droit,
les premiers juges ont considéré que les fractures de
l'extrémité inférieure du radius et de la styloïde cubi-
tale - à l'origine de ces douleurs - étaient antérieures à
l'accident assuré. Ils se sont fondés pour cela sur l'avis
des médecins de la Clinique de réadaptation de F.________
(rapport du 5 décembre 1997).
De son côté, le recourant conteste ce point de vue en
invoquant l'avis du docteur H.________ (rapport du 15 mai
1998). Celui-ci se réfère à un rapport du docteur
K.________, médecin français du travail, lequel a attesté
l'absence de pathologie des membres supérieurs ou du rachis
lors des visites obligatoires de médecine du travail durant
la période du mois d'avril 1992 au mois de février 1996.
L'appréciation du docteur H.________ est toutefois
contredite par tous les autres médecins qui ont examiné
l'assuré et selon lesquels il n'existait pas de fracture
récente au niveau du poignet droit. En particulier, les

docteurs C.________ (rapport du 11 avril 1997) et
E.________ (rapport du 23 septembre 1997) ont attesté une
mobilité du poignet normale et symétrique. Comme l'indique
le docteur J.________ (rapport du 1er octobre 1998), ces
constatations permettent d'exclure la survenance de toute
fracture au poignet droit lors de l'accident assuré.
Il convient donc de se rallier au point de vue des
premiers juges, selon lequel l'existence d'une relation de
causalité entre les troubles au poignet droit et l'accident
n'apparaît pas vraisemblable au degré requis par la juris-
prudence (ATF 125 V 195 consid. 2, 121 V 47 consid. 2a,
208 consid. 6b et la référence).

bb) Pour ce qui est des troubles à l'épaule droite, la
juridiction cantonale a nié l'existence de toute pathologie
objectivable - en particulier une éventuelle lésion de la
coiffe des rotateurs. Le recourant ne conteste pas sérieu-
sement ce point, mais se contente d'alléguer l'existence de
douleurs à l'épaule droite, en relation avec l'événement du
21 août 1996. Faute de lésion objectivable, les douleurs
alléguées ne peuvent donc pas être mises sur le compte de
troubles somatiques, mais de troubles psychiques.

cc) Quant aux dorsalgies, aucun des médecins qui se
sont exprimés sur le cas n'a conclu qu'elles sont dues à
l'accident assuré et le recourant ne fait valoir aucun
argument permettant de mettre en cause ces avis médicaux.

b) Par ailleurs, il faut examiner si, en fonction de
l'expérience médicale acquise dans des cas similaires,
l'intimée était fondée à émettre le pronostic que l'assuré
s'accoutumerait à la perte de l'index droit au niveau de
l'interphalangienne - affection pour laquelle il a obtenu
une rente temporaire -, au point que cette lésion n'entraî-
nerait plus de perte de gain après le 31 mai 2000.

Dans son rapport du 23 septembre 1997, le docteur
E.________ a fait état d'un moignon calme, avec une
mobilité complète, tout en indiquant une hypersensibilité
due toutefois au manque d'endurcissement et d'utilisation
du moignon. Cet avis a été confirmé par le docteur
J.________, selon lequel la perte partielle de l'index
droit peut être bien compensée sur le plan fonctionnel, au
plus tard deux ans après la dernière opération (du 21 mai
1997).
Il n'y a pas de raison de mettre en cause ces conclu-
sions qui sont dûment motivées et reposent sur une appré-
ciation claire de la situation médicale.

c) Vu ce qui précède, force est de considérer que le
recourant ne subissait plus, après le 31 mai 2000, une
incapacité de gain due à des troubles somatiques en rela-
tion avec l'accident du 21 août 1996.

4.- Cela étant, il n'en demeure pas moins que le pré-
nommé présente encore des troubles de nature psychique
décrits comme un état de déprime et d'anxiété (rapport du
docteur E.________ du 23 septembre 1997), des troubles
douloureux somatoformes persistants (rapports des médecins
de la Clinique F.________ du 5 décembre 1997 et du docteur
L.________, médecin-chef au service psychosomatique de la
Clinique M.________, du 12 avril 2000), ou encore une
surcharge psychogène (rapport du docteur J.________ du
1er octobre 1998).
Comme l'a justement constaté la juridiction cantonale,
dont le point de vue n'est pas remis en cause par le recou-
rant, l'événement du 21 août 1996 doit être classé dans la
catégorie des accidents de gravité moyenne. Par ailleurs,
l'analyse des critères objectifs posés par la jurisprudence
en matière de troubles psychiques consécutifs à un accident
(cf. ATF 115 V 138 ss consid. 6 et 407 ss consid. 5) ne
permet pas de conclure, en l'espèce, à l'existence d'une

relation de causalité adéquate entre cet événement et les
troubles psychiques constatés. En particulier, les circons-
tances dans lesquelles s'est déroulé l'accident apparais-
sent dénuées du caractère particulièrement dramatique ou
impressionnant requis par la jurisprudence.
Par ailleurs,
force est de nier l'existence de difficultés apparues au
cours de la guérison et d'une longue période d'incapacité
de travail due aux lésions physiques, dès lors que les
troubles psychiques ont eu assez tôt - comme le reconnaît
d'ailleurs le recourant - une influence déterminante sur
les plaintes de l'intéressé.

5.- Vu ce qui précède, le jugement entrepris n'est pas
critiquable et le recours se révèle mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal administratif du canton de Neuchâtel et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 20 novembre 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.354/00
Date de la décision : 20/11/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-11-20;u.354.00 ?
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