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19/11/2001 | SUISSE | N°5P.195/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 novembre 2001, 5P.195/2001


«/2»
5P.195/2001

IIe C O U R C I V I L E
**************************

19 novembre 2001

Composition de la Cour: MM. les juges Reeb, président,
Bianchi et Raselli. Greffier: M. Abrecht.

_________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________, représenté par Me Olivier Wehrli, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 27 avril 2001 par la Chambre civile de la
Cour de justice du canton de Genève dans la cause qui oppose
le recourant aux E t a t s - U

n i s d' A m é r i q u e,
représentés par Me Pierre-André Béguin, avocat à Genève;

(art. 9 Cst.; revendication selon l...

«/2»
5P.195/2001

IIe C O U R C I V I L E
**************************

19 novembre 2001

Composition de la Cour: MM. les juges Reeb, président,
Bianchi et Raselli. Greffier: M. Abrecht.

_________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________, représenté par Me Olivier Wehrli, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 27 avril 2001 par la Chambre civile de la
Cour de justice du canton de Genève dans la cause qui oppose
le recourant aux E t a t s - U n i s d' A m é r i q u e,
représentés par Me Pierre-André Béguin, avocat à Genève;

(art. 9 Cst.; revendication selon les art. 106 ss LP)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- L'avocat X.________ a assuré depuis 1986 la
défense en Suisse des intérêts de H.________, lequel était
impliqué dans l'affaire dite de l'"Irangate". Prétendant à
des honoraires et frais pour l'activité - de nature exclusi-
vement judiciaire et administrative - déployée dans les an-
nées 1986 à 1994, il a obtenu des séquestres sur divers comp-
tes ouverts auprès de la banque Y.________ et de la société
W.________ SA dont H.________ a été donné comme l'ayant
droit
économique et sur lesquels il avait la signature indivi-
duelle, à savoir:

- séquestre 89 912558 H obtenu le 25 septembre 1989
en mains de la banque Y.________ pour un montant de 207'783
fr. 95 pour les honoraires de 1986 à 1989 (poursuite 89
078918 N);

- séquestre 91 902453 D obtenu le 11 juillet 1991 en
mains de la banque Y.________ et de la société W.________ SA
pour un montant de 168'450 fr. pour les honoraires de 1989 à
1991 (poursuite 91 085702 B);

- séquestre 92 916126 K obtenu le 27 février 1992 en
mains de la banque Y.________ et de la société W.________ SA
pour un montant de 265'250 fr. pour les honoraires de 1991
et
1992 (poursuite 92 027754 G);

- séquestre 94 132041 N obtenu le 17 octobre 1994 en
mains de la banque Y.________ et de la société W.________ SA
pour un montant de 272'104 fr. 65 pour les honoraires de
1992
à 1994 (poursuite 94 0730301 X).

Ces séquestres ont été transformés en saisies défi-
nitives. Les montants séquestrés en mains de la banque

Y.________ sont demeurés en mains de cet établissement, tan-
dis que ceux séquestrés en mains de la société W.________ SA
ont été pris sous la garde de l'Office des poursuites.

B.- Les États-Unis d'Amérique (United States of
America; ci-après: les USA) ayant déclaré revendiquer les
avoirs séquestrés, l'Office des poursuites leur a assigné un
délai de dix jours pour agir en revendication. Les USA ont
alors déposé en temps utile devant le Tribunal de première
instance du canton de Genève quatre actions en
revendication,
qui ont été jointes.

Par jugement du 14 septembre 2000, le Tribunal de
première instance a déclaré fondées les demandes en revendi-
cation concernant les séquestres 89 912558 H, 91 902453 D et
94 132041 N.

Statuant par arrêt du 27 avril 2001 sur appel de
X.________ et appel incident des USA, la Chambre civile de
la
Cour de justice du canton de Genève a confirmé ce jugement
en
le complétant en ce sens que la demande en revendication con-
cernant le séquestre 92 916126 K était aussi fondée.

C.- Contre cet arrêt, X.________ exerce en parallèle
un recours de droit public et un recours en réforme au Tribu-
nal fédéral. Par le premier, il conclut avec suite de frais
et dépens à l'annulation de l'arrêt attaqué.

Les intimés concluent avec suite de frais et dépens
à l'irrecevabilité du recours de droit public, subsidiaire-
ment à son rejet.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) En vertu de l'art. 57 al. 5 OJ, il est sursis
en règle générale à l'arrêt sur le recours en réforme
jusqu'à
droit connu sur le recours de droit public. Cette
disposition
est justifiée par le fait que, si le Tribunal fédéral devait
d'abord examiner le recours en réforme, son arrêt se substi-
tuerait à la décision cantonale, rendant ainsi sans objet le
recours de droit public, faute de décision susceptible
d'être
attaquée par cette voie (ATF 122 I 81 consid. 1; 120 Ia 377
consid. 1 et les arrêts cités). Il n'y a pas lieu d'y
déroger
en l'espèce.

b) Formé en temps utile contre une décision finale
prise en dernière instance cantonale, le recours est receva-
ble au regard des art. 86 al. 1, 87 et 89 al. 1 OJ.

2.- Les faits sur lesquels la cour cantonale a fondé
sa décision peuvent être résumés de la manière suivante (cf.
arrêt attaqué, lettre C p. 4-8):

a) De 1981 à 1984, le gouvernement des USA, agissant
principalement par la "Central Intelligence Agency" (CIA), a
fourni, après la chute d'Anastasio Somoza en juillet 1979 et
la prise de pouvoir par le Front sandiniste de libération
nationale de Daniel Ortega, de l'aide à la rébellion
("Contra") au Nicaragua. En octobre 1984, le Parlement
("Congress") des USA a interdit le soutien d'opérations mili-
taires ou paramilitaires dans ce pays.

De la fin 1984 au mois de novembre 1986, le lieute-
nant-colonel des "Marines" N.________, directeur adjoint du
"National Security Council", entité gouvernementale fondée
en
1947 comme organe consultatif de la présidence des USA, a
été
chargé de conduire des opérations d'assistance en faveur des
mouvements de résistance au Nicaragua. Par ailleurs, à
partir

de novembre 1985, N.________ a été appelé à négocier, en dé-
pit de l'embargo instauré par les USA, la vente d'armes de
guerre à la République islamique d'Iran en vue d'obtenir la
libération d'otages américains kidnappés à Beyrouth par le
"Hezbollah". En relation avec cette action, le Président des
USA Ronald Reagan a signé un "Covert Action Finding" qui au-
torisait la CIA, laquelle a acheté les armes au Département
de la défense, à ne pas informer le Parlement du déroulement
de l'opération.

Pour l'assister dans ses missions, N.________ s'est
entouré des services de différentes personnes, dont en parti-
culier S.________, major général de l'armée de l'air à la re-
traite, et H.________, ressortissant américain d'origine ira-
nienne, qui avait mis à disposition de la CIA depuis le mi-
lieu des années 1970 sa structure commerciale en Iran avant
de quitter ce pays lors de la révolution de 1979. Pour les
aspects financiers de l'opération, S.________ et H.________
ont à leur tour mis en oeuvre la société W.________ SA, avec
siège à Genève, dont le directeur avec signature
individuelle
était Z.________, ancien citoyen des USA et anciennement
avocat auprès de l'administration fiscale de ce pays.

S.________ et H.________ se sont vus remettre de
faux documents d'identité aux noms respectivement de "Maj.
Gen. Richard J. Adams", membre de l'état-major militaire du
"National Security Council", et de "Ibrahim Ibrahimian", mem-
bre de la division des traductions de l'état-major du même
conseil.

b) le 5 octobre 1986, un avion de transport affrété
par la "Contra" et piloté par un ressortissant américain a
été abattu par les troupes sandinistes. Le 3 novembre 1986,
un article paru dans la presse libanaise a révélé que l'Iran
avait reçu des armes des USA pour tenter d'obtenir la libéra-
tion des otages américains à Beyrouth. L'affaire dite de

l'"Irangate" débutait. Le Parlement des USA a désigné deux
commissions d'enquête, qui ont exprimé leur avis à la fin de
1987, et nommé un procureur spécial, qui a rendu un rapport
final au mois d'août 1993. Les investigations entreprises
ont
conduit à l'audition de nombreux témoins, parmi lesquels
N.________, S.________, H.________ et Z.________.

c) Les extraits des procédures américaines produits,
en particulier un "affidavit" de l'adjoint du procureur spé-
cial, mettent en évidence les éléments suivants:

aa) Les actions d'aide à la "Contra" et la fournitu-
re d'équipements militaires à la République islamique
d'Iran,
conçues par N.________, S.________ et H.________, ont été
désignées sous l'appellation "l'Entreprise", dont H.________
s'est occupé essentiellement des aspects financiers et com-
merciaux. En relation avec ces opérations, Z.________, au
nom
de la société W.________ SA et de la filiale de celle-ci aux
Bermudes, a mis à disposition de S.________ et H.________
plusieurs sociétés, dont les sociétés "offshore" A.________
SA, B.________ Inc et C.________ Corp. La société W.________
SA assurait la tenue des comptabilités des sociétés qui cons-
tituaient "l'Entreprise". Z.________ a ouvert des comptes
auprès de banques suisses au nom de H.________ et des
sociétés "offshore". Après que les fonds d'un total de
47'967'653,26 USD reçus par "l'Entreprise" ont été crédités
sur les comptes des sociétés A.________ SA, B.________ Inc
et
C.________ Corp, il a été procédé librement à des virements
d'un compte à l'autre, en particulier vers les autres
comptes
de "l'Entreprise".

Selon l'"affidavit", "l'Entreprise" a reçu, entre
1984 et 1986, 16'412'653,26 USD en faveur de la "Contra" et
31'285'000 USD pour les livraisons d'armes en Iran, soit glo-
balement 47'967'653,26 USD. En contrepartie, les dépenses lé-
gitimes, approuvées par N.________ pour le compte du "Natio-

nal Security Council", se sont élevées à 18'276'005,53 USD
pour l'aide à la "Contra", 14'476'121,73 USD pour les livrai-
sons à l'Iran et 790'611,45 USD pour d'autres dépenses légi-
times, soit au total à 33'542'738,71 USD.

L'opération d'appui à la "Contra", financée par des
contributions privées ou d'autres États à hauteur de
15'212'653,26 USD, a été déficitaire. Sous réserve d'un mon-
tant de 1'200'000 USD, ce sont ainsi les revenus tirés des
ventes d'armes à l'Iran qui ont couvert la différence.

Lorsqu'a éclaté l'affaire de l'"Irangate", les fonds
de "l'Entreprise" retrouvés auprès de la société W.________
SA et auprès des banques suisses ne représentaient que
7'814'899,24 USD, de sorte qu'il manquait au moins 6'340'000
USD. Les investigations ont révélé que S.________ et
H.________ avaient falsifié la comptabilité relative aux ven-
tes d'armes en détournant à leur profit personnel une partie
des sommes encaissées à ce titre.

bb) Durant leurs auditions par les autorités améri-
caines, S.________ et H.________ ont admis que l'ensemble
des
fonds qui avaient transité par "l'Entreprise" appartenait
aux
USA et qu'eux-mêmes n'avaient pas de prétentions à faire va-
loir sur ces actifs. À l'occasion des mêmes investigations,
Z.________ a reconnu avoir su que "l'Entreprise" était une
opération de la Présidence des USA, et avoir reçu pour ins-
tructions de H.________, S.________ et N.________ de tenir
une comptabilité dont un représentant du gouvernement des
USA
viendrait contrôler l'exactitude.

cc) Le 8 novembre 1989, H.________, assisté d'un
avocat américain, et le procureur spécial ont signé un "plea
agreement", dans lequel H.________ reconnaissait sa culpa-
bilité pour complicité de corruption d'un fonctionnaire amé-
ricain en contrepartie de l'abandon des autres charges envi-

sagées à son encontre, ainsi qu'un "civil agreement". Dans
cette dernière convention, H.________ s'obligeait à
"coopérer
entièrement" de manière à permettre aux USA de récupérer les
avoirs de "l'Entreprise" déposés sur sept comptes auprès de
la société W.________ SA, ainsi que sur onze comptes bancai-
res suisses aux noms des sociétés utilisées par "l'Entre-
prise", sous réserve de 1'700'000 USD (art. 1). Il retirait
toutes prétentions sur ces actifs et s'engageait à ne pas en
formuler de nouvelles, ainsi qu'à fournir aux USA l'assis-
tance raisonnablement utile pour récupérer lesdits avoirs
(art. 2). Il assumait en outre la responsabilité de la dé-
fense contre les séquestres requis sur les avoirs de "l'En-
treprise" par X.________, Z.________ et la société
W.________
SA, tout en libérant les USA de ces prétentions (art. 4). La
somme réservée de 1'700'000 USD devait être transférée sur
un
compte qu'il désignerait, les USA renonçant à leurs préten-
tions sur ce montant (art. 2a et 3).

3.- La motivation en droit de l'arrêt attaqué est la
suivante (cf. arrêt attaqué, consid. 2b p. 11-13):

a) H.________ a agi, s'agissant de la vente d'armes
à l'Iran, en qualité d'"agent" des USA. Les rapports juri-
diques entre les USA et H.________, lequel devait fournir la
prestation caractéristique et avait son domicile aux USA,
sont ainsi régis par le droit américain en vertu des règles
de conflits de lois antérieures à la LDIP (cf. ATF 110 II
156
consid. 2b), laquelle n'a pas apporté de changements à cet
égard (cf. art. 117 al. 2 et al. 3 let. c LDIP).

b) Selon le droit américain, la notion d'"agency"
est un concept légal, qui ne nécessite pas la preuve d'un
accord exprès. Il suffit que celui qui allègue l'existence
d'une telle relation apporte la preuve de la réalisation des
éléments de faits requis selon la loi, à savoir la manifesta-
tion du "principal" que l'"agent" doit agir pour lui, l'ac-

ceptation par l'"agent" de la mission à lui confiée ainsi
que
l'accord des parties sur le fait que le "principal" contrôle
l'entreprise dont est chargé l'"agent". L'"agency" entraîne
une relation fiduciaire ("fiduciary relationship") entre le
"principal" et l'"agent", selon laquelle le second doit agir
au bénéfice du premier. Cette relation implique pour
l'"agent" une obligation de ne pas se procurer de profits
aux
dépens du "principal" et de lui rendre compte de l'exécution
de la mission ainsi que de lui restituer tous les biens
qu'il
a pu recevoir dans l'exécution de l'"agency". Si l'"agent"
viole ses obligations et ne restitue pas les actifs
accumulés
dans
le cadre de l'"agency", ces actifs sont l'objet d'un
"constructive trust" ou d'un gage légal, et le "principal" a
un droit de suite sur ses biens, même s'ils sont passés à
des
tiers, cas dans lequel le "principal" est subrogé aux droits
de l'"agent".

c) En l'espèce, les comptes de l'"Entreprise" ont,
dans un premier temps, été alimentés par des fonds privés ou
versés par d'autreS États que les USA en vue du soutien à la
"Contra". Par la suite, les comptes ont enregistré les verse-
ments effectués par l'Iran en paiement des acquisitions d'ar-
mes, opération qui a été formellement agréée par le
Président
des USA. Les dépenses en faveur de la "Contra" (18'276'005
USD) ayant été supérieures aux fonds récoltés à ce titre
(16'412'653 USD), le soutien à ce mouvement a ainsi été en
partie financé par les revenus tirés de la vente d'armes à
l'Iran. Dans la mesure où l'Iran a acquis les armes livrées
pour un montant total (31'285'000 USD) nettement supérieur
au
prix payé à la CIA (14'476'121 USD), la différence en
compte,
après imputation des montants sur les ventes d'armes consa-
crées à la "Contra" (18'276'005 USD moins 16'412'653 USD),
devait revenir aux USA. Les USA doivent ainsi se voir recon-
naître la titularité des droits sur ces avoirs, de sorte que
leurs revendications se révèlent fondées. Au demeurant, par

le "civil agreement", H.________ a reconnu la propriété des
fonds aux USA pour toute somme qui excédait 1'700'000 USD.

4.- a) Le recourant reproche à l'autorité cantonale
de s'être largement fondée, pour établir l'état de fait à la
base de l'arrêt attaqué, sur l'"affidavit" de l'adjoint du
procureur spécial, alors que dans le cadre de ses écritures
devant les autorités cantonales, le recourant avait dénié
toute force probante audit "affidavit" et invoqué une viola-
tion de son droit d'être entendu. Selon le recourant, qui se
réfère à la jurisprudence de la Cour de justice et surtout
au
Commentaire de la loi de procédure civile genevoise de
Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, les déclarations émanant de
personnes étrangères au procès et qui se limitent à attester
des faits pour les besoins de la cause sont sans aucune por-
tée probante, un tel procédé se heurtant aux dispositions im-
pératives de la loi de procédure civile en matière de preuve
testimoniale. Toujours selon le recourant, l'arrêt attaqué
consacrerait également une violation de son droit d'être en-
tendu en tant que les juges cantonaux lui ont refusé de par-
ticiper à la procédure d'administration des preuves, notam-
ment en posant des contre-questions à l'adjoint du procureur
spécial.

b) La loi de procédure civile genevoise ne contient
aucune disposition prohibant expressément la production de
déclarations écrites faites pour tenir lieu de témoignage,
en
vue ou à l'occasion du procès, par des tiers qui peuvent
être
entendus comme témoins (cf. art. 177 CPC/VD). Si Bernard
Bertossa/Louis Gaillard/Jacques Guyet/André Schmidt (Com-
mentaire de la loi de procédure civile genevoise, n. 4 ad
art. 186 LPC/GE) estiment qu'un tel procédé est entaché de
nullité absolue, force est de constater que la jurisprudence
citée par ces auteurs à l'appui de cet avis est loin d'être
aussi affirmative. Ainsi, l'arrêt reproduit à la SJ 1948
p. 493 concerne l'audition de témoins par des huissiers ou

des détectives privés en dehors de toute garantie
judiciaire,
alors que dans l'arrêt reproduit à la SJ 1985 p. 124, la
Cour
de justice a exposé que "permettre à un témoin de faire sa
déposition par écrit, hors la présence des parties, sans que
celles-ci aient l'occasion de demander que le témoin précise
et complète sa déposition (cf. l'article 46 PCF), c'est vio-
ler une règle essentielle en matière d'administration des
preuves".

Si la jurisprudence de la Cour de justice consacre
ainsi le principe du contradictoire pour l'audition de té-
moins, on peut à tout le moins considérer sans tomber dans
l'arbitraire qu'elle ne s'oppose pas à la prise en compte
d'un "affidavit" (sur les caractéristiques de l'"affidavit",
voir Friedrich Zündel, Das Affidavit im angelsächsischen
Recht, in RSJ 40/1944 p. 113 ss) dont l'auteur ne pourrait
être entendu que par voie de commission rogatoire (cf.
art. 246 ss LPC/GE), dans la mesure où la partie à laquelle
l'"affidavit" est opposé ne s'est pas vu refuser le droit de
poser par cette voie des contre-questions à l'auteur de cet
"affidavit".

c) En l'espèce, le recourant ne démontre pas dans
son mémoire de recours qu'il aurait requis, en vue de faire
poser à l'adjoint du procureur spécial des contre-questions
par le juge du lieu, une commission rogatoire que les juges
genevois auraient refusé de délivrer. Le recourant n'établit
ainsi pas avoir été victime d'une violation du principe du
contradictoire tel qu'il est garanti en procédure civile ge-
nevoise en ce qui concerne l'administration des preuves, ni
que son droit d'être entendu tel qu'il est garanti par
l'art. 29 al. 2 Cst n'aurait pas été respecté.

d) Au surplus, comme le soulignent avec pertinence
les intimés, l'autorité cantonale a établi l'ensemble des

faits à la base de sa décision en se fondant non seulement
sur l'"affidavit" de l'adjoint du procureur spécial (Pièce 1
demandeurs), mais aussi - notamment - sur le rapport final
du
procureur spécial (Pièces 77 et 112 demandeurs), sur les
rapports des commissions d'enquête du Parlement des USA
(Pièce 1), et sur les procès-verbaux des auditions aux États-
Unis de S.________, Z.________ et H.________ (Pièces 37, 75
et 145 demandeurs). L'arrêt attaqué ne fait d'ailleurs réfé-
rence expresse à l'"affidavit" qu'une seule fois (p. 6),
pour
reprendre des chiffres déjà établis par d'autres pièces du
dossier.

5.- a) Le recourant fait grief à l'autorité canto-
nale d'avoir procédé à une appréciation arbitraire des preu-
ves pour n'avoir pas retenu, alors que cela avait été
allégué
par le recourant, que les fonds saisis auprès de la société
W.________ SA ne provenaient pas de la vente d'armes, et
d'avoir violé le droit d'être entendu du recourant en ne se
prononçant pas sur ce fait régulièrement offert en preuve.

Ce grief est loin de satisfaire aux exigences de
motivation découlant de l'art. 90 al. 1 let. b OJ. Selon la
jurisprudence, en effet, celui qui forme un recours de droit
public pour arbitraire doit démontrer, par une argumentation
précise, que la décision attaquée repose sur une application
de la loi ou une appréciation des preuves manifestement in-
soutenables (ATF 120 Ia 369 consid. 3a; 117 Ia 412 con-
sid. 1c; 110 Ia 1 consid. 2a); il ne peut donc se borner à
critiquer la décision attaquée comme il le ferait en procé-
dure d'appel (ATF 117 Ia 10 consid. 4b; 110 Ia 1 consid. 2a;
107 Ia 186 et la jurisprudence citée). Or en l'espèce, la
cour cantonale a retenu que les fonds litigieux, après avoir
été crédités sur les comptes des sociétés A.________ SA,
B.________ Inc et C.________ Corp, ont circulé librement
vers
les autres comptes de "l'Entreprise" (cf. consid. 2c/aa

supra), au nombre desquels comptaient les comptes litigieux
auprès de la société W.________ SA, comme cela résulte notam-
ment du "civil agreement" du 8 novembre 1989 (cf. consid.
2c/bb supra). Cette constatation, qui procède ainsi d'une
appréciation globale des preuves, n'apparaît pas arbitraire
du seul fait qu'elle n'épouse pas la thèse du recourant. Au
surplus, le juge n'a pas l'obligation d'exposer et de discu-
ter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par
les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui,
sans arbitraire, apparaissent pertinents (ATF 126 I 97 con-
sid. 2b; 122 IV 8 consid. 2c; 121 I 54 consid. 2c; 117 Ib 64
consid. 4 p. 86; 112 Ia 107 consid. 2b et les arrêts cités).

b) La cour cantonale se serait par ailleurs livrée à
une appréciation arbitraire des preuves, selon le recourant,
en retenant que N.________ avait "été chargé" de soutenir la
"Contra" puis avait "été appelé" à négocier la vente d'armes
à l'Iran (cf. consid. 2a supra). Ce faisant, la cour canto-
nale aurait retenu implicitement que H.________ aurait été
mandaté par le gouvernement des USA agissant au travers de
N.________ et aurait donc agi en tant qu'"agent" des USA. Or
ce point, pertinent pour déterminer s'il existait une re-
lation d'"agency" (cf. consid. 3b supra), ne serait fondé
que
sur l'"affidavit" de l'adjoint du procureur spécial et avait
été contesté par le recourant, qui s'était référé à d'autres
pièces du dossier.

Il ne suffit toutefois pas, en présence de preuves
divergentes voire contradictoires, d'affirmer que l'autorité
cantonale aurait dû donner la préférence aux unes plutôt
qu'aux autres - étant rappelé qu'en l'espèce, l'autorité can-
tonale était légitimée à prendre en compte l'"affidavit" de
l'adjoint du procureur spécial (cf. consid. 4 supra) - pour
fonder le grief d'appréciation arbitraire des preuves. Par
ailleurs, l'autorité cantonale n'a pas à motiver explicite-

ment le rejet de toutes les allégations d'une partie qui
sont
manifestement contraires à l'état de fait retenu (cf. con-
sid. 5a in fine supra).

c) Le recourant reproche enfin à la cour cantonale
d'avoir procédé à une appréciation prétendument arbitraire
des preuves pour avoir retenu que durant leurs auditions par
les autorités américaines, S.________ et H.________ ont
admis
que l'ensemble des fonds qui avaient transité par "l'Entre-
prise" appartenait aux USA et qu'eux-mêmes n'avaient pas de
prétentions à faire valoir sur ces actifs (cf. consid. 2c/bb
in limine supra). Selon le recourant, cette constatation ne
pourrait se fonder, outre sur l'"affidavit" de l'adjoint du
procureur spécial et sur une lettre des USA à leur conseil
suisse (Pièces 1 et 47 demandeurs), que sur les extraits de
l'audition de S.________ devant le Parlement des USA (Pièce
37 demandeurs), qui ne contient aucune déclaration
quelconque
de H.________.

Là encore, le recourant cherche à écarter d'emblée
certaines des pièces sur lesquelles s'est fondée l'autorité
cantonale pour se focaliser sur la seule audition de
S.________ devant le Parlement des USA. Comme on vient de le
voir (cf. consid. 5b supra), cela ne suffit pas à démontrer
qu'il y a eu appréciation arbitraire des preuves. Eu égard
par ailleurs au fait que dans le "civil agreement" du 8 no-
vembre 1989, H.________ a expressément déclaré retirer
toutes
prétentions - sous réserve de 1'700'000 USD - sur les avoirs
de "l'Entreprise" déposés sur sept comptes auprès de la so-
ciété W.________ SA ainsi que sur onze comptes bancaires
suisses aux noms des sociétés utilisées par "l'Entreprise"
(cf. consid. 2c/cc supra), la constatation incriminée n'appa-
raît pas arbitraire.

6.- a) Le recourant reproche à la cour cantonale
d'avoir fait une application arbitraire du droit étranger à

trois égards: Premièrement, pour avoir retenu l'existence
d'une relation d'"agency", sans vérifier que les conditions
en étaient réalisées; en particulier, rien dans l'arrêt en-
trepris ne permettrait de conclure que les parties à la rela-
tion d'"agency" auraient été d'accord sur l'existence d'un
contrôle du "principal" portant sur les activités de
l'"agent". Deuxièmement, pour avoir retenu, sur la base de
l'"affidavit" de l'adjoint du procureur spécial, un
transfert
global en faveur des USA des créances des titulaires des
comptes faisant l'objet des saisies, sans identifier, parmi
les avoirs saisis, ceux qui auraient été reçus de ou pour le
compte des USA. Troisièmement, pour avoir retenu que par le
"civil agreement", H.________ avait reconnu la propriété des
fonds aux USA pour toute somme excédant 1'700'000 USD (cf.
consid. 3c in fine supra); en particulier, il serait arbi-
traire de considérer que ledit "civil agreement" conférait
aux USA autre chose qu'une simple prétention en répétition.

b) Le recours de droit public n'est recevable au re-
gard de l'art. 84 al. 2 OJ que si la prétendue violation de
droits ou de normes énumérés à l'alinéa premier de cette dis-
position ne peut pas être soumise par un autre moyen de
droit
au Tribunal fédéral ou à une autre autorité fédérale (ATF
124
III 134 consid. 2b). Or en dérogation à la règle générale se-
lon laquelle le recours en réforme n'est pas ouvert pour se
plaindre d'une application erronée du droit étranger dans
les
contestations qui portent sur un droit de nature pécuniaire
(art. 43a al. 2 OJ), le Tribunal fédéral est habilité, en
instance de réforme, à revoir des questions de droit
étranger
préjudicielles à l'application du droit suisse (ATF 119 II
69
consid. 3a; 98 II 231 consid. 1a; 91 II 117 consid. II/3;
Jean-François Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'orga-
nisation judiciaire, vol. II, 1990, n. 1.3 ad art. 43a OJ).
Or le bien-fondé de la prétention du tiers qui allègue avoir
sur le bien saisi un droit de propriété, de gage ou un autre

droit préférable qui s'oppose à la saisie ou qui doit être
pris en considération dans la suite de la procédure d'exécu-
tion (cf. art. 106 al. 1 LP) constitue une question préjudi-
cielle de droit matériel, qui est le cas échéant soumise au
droit étranger désigné par les règles de conflit de lois
(Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur
la poursuite pour dettes et la faillite, 2000, n. 16 et 18
ad
art. 106 LP). Il s'ensuit que les griefs que le recourant
soulève à l'encontre de l'application du droit américain par
la cour cantonale devront être examinés dans le cadre du re-
cours en réforme connexe, dans lequel ils ont également été
soulevés.

7.- En définitive, le recours se révèle mal fondé en
tant qu'il est recevable et ne peut ainsi qu'être rejeté
dans
cette même mesure.
Le recourant, qui succombe, supportera
les
frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ) ainsi que ceux des
intimés (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable.

2. Met à la charge du recourant:
a) un émolument judiciaire de 10'000 fr.;
b) une indemnité de 10'000 fr. à verser aux intimés
à titre de dépens.

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre civile de la Cour de jus-
tice du canton de Genève.
__________

Lausanne, le 19 novembre 2001
ABR/dxc

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.195/2001
Date de la décision : 19/11/2001
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-11-19;5p.195.2001 ?
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