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19/11/2001 | SUISSE | N°5C.169/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 novembre 2001, 5C.169/2001


«/2»
5C.169/2001

IIe C O U R C I V I L E
**************************

19 novembre 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi,
M. Raselli, Mme Nordmann et M. Meyer, juges.
Greffier: M. Abrecht.

_________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________, avocat à Genève, défendeur et recourant,
représenté par Me Olivier Wehrli, avocat à Genève,

et

les E t a t s - U n i s d' A m é r i q u e, demandeurs et
intimés, représentés par Me Pierre-Andr

é Béguin, avocat à
Genève;

(revendication selon les art. 106 ss LP)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f ...

«/2»
5C.169/2001

IIe C O U R C I V I L E
**************************

19 novembre 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi,
M. Raselli, Mme Nordmann et M. Meyer, juges.
Greffier: M. Abrecht.

_________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________, avocat à Genève, défendeur et recourant,
représenté par Me Olivier Wehrli, avocat à Genève,

et

les E t a t s - U n i s d' A m é r i q u e, demandeurs et
intimés, représentés par Me Pierre-André Béguin, avocat à
Genève;

(revendication selon les art. 106 ss LP)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- L'avocat X.________ a assuré depuis 1986 la
défense en Suisse des intérêts de H.________, lequel était
impliqué dans l'affaire dite de l'"Irangate". Prétendant à
des honoraires et frais pour l'activité - de nature exclusi-
vement judiciaire et administrative - déployée dans les an-
nées 1986 à 1994, il a obtenu des séquestres sur divers comp-
tes ouverts auprès de la banque Y.________ et de la société
W.________ SA dont H.________ a été donné comme l'ayant
droit
économique et sur lesquels il avait la signature indivi-
duelle, à savoir:

- séquestre 89 912558 H obtenu le 25 septembre 1989
en mains de la banque Y.________ pour un montant de 207'783
fr. 95 pour les honoraires de 1986 à 1989 (poursuite 89
078918 N);

- séquestre 91 902453 D obtenu le 11 juillet 1991 en
mains de la banque Y.________ et de la société W.________ SA
pour un montant de 168'450 fr. pour les honoraires de 1989 à
1991 (poursuite 91 085702 B);

- séquestre 92 916126 K obtenu le 27 février 1992 en
mains de la banque Y.________ et de la société W.________ SA
pour un montant de 265'250 fr. pour les honoraires de 1991
et
1992 (poursuite 92 027754 G);

- séquestre 94 132041 N obtenu le 17 octobre 1994 en
mains de la banque Y.________ et de la société W.________ SA
pour un montant de 272'104 fr. 65 pour les honoraires de
1992
à 1994 (poursuite 94 0730301 X).

Ces séquestres ont été transformés en saisies défi-
nitives. Les montants séquestrés en mains de la banque

Y.________ sont demeurés en mains de cet établissement, tan-
dis que ceux séquestrés en mains de la société W.________ SA
ont été pris sous la garde de l'Office des poursuites.

B.- Les États-Unis d'Amérique (United States of
America; ci-après: les USA) ayant déclaré revendiquer les
avoirs séquestrés, l'Office des poursuites leur a assigné un
délai de dix jours pour agir en revendication. Les USA ont
alors déposé en temps utile devant le Tribunal de première
instance du canton de Genève quatre actions en
revendication,
qui ont été jointes.

Par jugement du 14 septembre 2000, le Tribunal de
première instance a déclaré fondées les demandes en revendi-
cation concernant les séquestres 89 912558 H, 91 902453 D et
94 132041 N.

Statuant par arrêt du 27 avril 2001 sur appel de
X.________ et appel incident des USA, la Chambre civile de
la
Cour de justice du canton de Genève a confirmé ce jugement
en
le complétant en ce sens que la demande en revendication con-
cernant le séquestre 92 916126 K était aussi fondée.

C.- Contre cet arrêt, X.________ exerce en parallèle
un recours de droit public et un recours en réforme au Tribu-
nal fédéral. Par arrêt de ce jour, la Cour de céans a rejeté
le recours de droit public dans la mesure où il était receva-
ble. Par le recours en réforme, le défendeur conclut, avec
suite de frais et dépens, principalement à la réforme de
l'arrêt attaqué en ce sens que les demandeurs soient
déboutés
de toutes leurs conclusions, et subsidiairement à l'annula-
tion de cet arrêt.

Les demandeurs concluent avec suite de frais et dé-
pens à l'irrecevabilité du recours en réforme, subsidiaire-
ment à son rejet.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- La procédure de revendication selon les art. 106
ss LP constitue une contestation civile qui peut être portée
devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en réforme
lorsque la valeur litigieuse exigée par l'art. 46 OJ est at-
teinte (ATF 86 III 134 consid. 1; 93 II 436 consid. 1; cf.
ATF 114 II 45), ce qui est le cas en l'espèce. Le recours
est
donc recevable sous cet angle. Déposé en temps utile contre
une décision finale prise en dernière instance cantonale, il
est aussi recevable du chef des art. 54 al. 1 et 48 al. 1 OJ.

2.- Les faits sur lesquels la cour cantonale a fondé
sa décision peuvent être résumés de la manière suivante (cf.
arrêt attaqué, lettre C p. 4-8):

a) De 1981 à 1984, le gouvernement des USA, agissant
principalement par la "Central Intelligence Agency" (CIA), a
fourni, après la chute d'Anastasio Somoza en juillet 1979 et
la prise de pouvoir par le Front sandiniste de libération na-
tionale de Daniel Ortega, de l'aide à la rébellion
("Contra")
au Nicaragua. En octobre 1984, le Parlement ("Congress") des
USA a interdit le soutien d'opérations militaires ou parami-
litaires dans ce pays.

De la fin 1984 au mois de novembre 1986, le lieute-
nant-colonel des "Marines" N.________, directeur adjoint du
"National Security Council", entité gouvernementale fondée
en
1947 comme organe consultatif de la présidence des USA, a
été
chargé de conduire des opérations d'assistance en faveur des
mouvements de résistance au Nicaragua. Par ailleurs, à
partir
de novembre 1985, N.________ a été appelé à négocier, en dé-
pit de l'embargo instauré par les USA, la vente d'armes de
guerre à la République islamique d'Iran en vue d'obtenir la
libération d'otages américains kidnappés à Beyrouth par le
"Hezbollah". En relation avec cette action, le Président des

USA Ronald Reagan a signé un "Covert Action Finding" qui au-
torisait la CIA, laquelle a acheté les armes au Département
de la défense, à ne pas informer le Parlement du déroulement
de l'opération.

Pour l'assister dans ses missions, N.________ s'est
entouré des services de différentes personnes, dont en parti-
culier S.________, major général de l'armée de l'air à la re-
traite, et H.________, ressortissant américain d'origine ira-
nienne, qui avait mis à disposition de la CIA depuis le mi-
lieu des années 1970 sa structure commerciale en Iran avant
de quitter ce pays lors de la révolution de 1979. Pour les
aspects financiers de l'opération, S.________ et H.________
ont à leur tour mis en oeuvre la société W.________ SA, avec
siège à Genève, dont le directeur avec signature
individuelle
était Z.________, ancien citoyen des USA et anciennement avo-
cat auprès de l'administration fiscale de ce pays.

S.________ et H.________ se sont vus remettre de
faux documents d'identité aux noms respectivement de "Maj.
Gen. Richard J. Adams", membre de l'état-major militaire du
"National Security Council", et de "Ibrahim Ibrahimian", mem-
bre de la division des traductions de l'état-major du même
conseil.

b) le 5 octobre 1986, un avion de transport affrété
par la "Contra" et piloté par un ressortissant américain a
été abattu par les troupes sandinistes. Le 3 novembre 1986,
un article paru dans la presse libanaise a révélé que l'Iran
avait reçu des armes des USA pour tenter d'obtenir la libéra-
tion des otages américains à Beyrouth. L'affaire dite de
l'"Irangate" débutait. Le Parlement des USA a désigné deux
commissions d'enquête, qui ont exprimé leur avis à la fin de
1987, et nommé un procureur spécial, qui a rendu un rapport
final au mois d'août 1993. Les investigations entreprises
ont

conduit à l'audition de nombreux témoins, parmi lesquels
N.________, S.________, H.________ et Z.________.

c) Les extraits des procédures américaines produits,
en particulier un "affidavit" de l'adjoint du procureur spé-
cial, mettent en évidence les éléments suivants:

aa) Les actions d'aide à la "Contra" et la fournitu-
re d'équipements militaires à la République islamique
d'Iran,
conçues par N.________, S.________ et H.________, ont été dé-
signées sous l'appellation "l'Entreprise", dont H.________
s'est occupé essentiellement des aspects financiers et com-
merciaux. En relation avec ces opérations, Z.________, au
nom
de la société W.________ SA et de la filiale de celle-ci aux
Bermudes, a mis à disposition de S.________ et H.________
plusieurs sociétés, dont les sociétés "offshore" A.________
SA, B.________ Inc et C.________ Corp. La société W.________
SA assurait la tenue des comptabilités des sociétés qui cons-
tituaient "l'Entreprise". Z.________ a ouvert des comptes au-
près de banques suisses au nom de H.________ et des sociétés
"offshore". Après que les fonds d'un total de 47'967'653,26
USD reçus par "l'Entreprise" ont été crédités sur les
comptes
des sociétés A.________ SA, B.________ Inc et C.________
Corp, il a été procédé librement à des virements d'un compte
à l'autre, en particulier vers les autres comptes de "l'En-
treprise".

Selon l'"affidavit", "l'Entreprise" a reçu, entre
1984 et 1986, 16'412'653,26 USD en faveur de la "Contra" et
31'285'000 USD pour les livraisons d'armes en Iran, soit glo-
balement 47'967'653,26 USD. En contrepartie, les dépenses lé-
gitimes, approuvées par N.________ pour le compte du "Natio-
nal Security Council", se sont élevées à 18'276'005,53 USD
pour l'aide à la "Contra", 14'476'121,73 USD pour les livrai-
sons à l'Iran et 790'611,45 USD pour d'autres dépenses légi-
times, soit au total à 33'542'738,71 USD.

L'opération d'appui à la "Contra", financée par des
contributions privées ou d'autres États à hauteur de
15'212'653,26 USD, a été déficitaire. Sous réserve d'un mon-
tant de 1'200'000 USD, ce sont ainsi les revenus tirés des
ventes d'armes à l'Iran qui ont couvert la différence.

Lorsqu'a éclaté l'affaire de l'"Irangate", les fonds
de "l'Entreprise" retrouvés auprès de la la société
W.________ SA et auprès des banques suisses ne
représentaient
que 7'814'899,24 USD, de sorte qu'il manquait au moins
6'340'000 USD. Les investigations ont révélé que S.________
et H.________ avaient falsifié la comptabilité relative aux
ventes d'armes en détournant à leur profit personnel une par-
tie des sommes encaissées à ce titre.

bb) Durant leurs auditions par les autorités améri-
caines, S.________ et H.________ ont admis que l'ensemble
des
fonds qui avaient transité par "l'Entreprise" appartenait
aux
USA et qu'eux-mêmes n'avaient pas de prétentions à faire va-
loir sur ces actifs. À l'occasion des mêmes investigations,
Z.________ a reconnu avoir su que "l'Entreprise" était une
opération de la Présidence des USA, et avoir reçu pour ins-
tructions de H.________, S.________ et N.________ de tenir
une comptabilité dont un représentant du gouvernement des
USA
viendrait contrôler l'exactitude.

cc) Le 8 novembre 1989, H.________, assisté d'un
avocat américain, et le procureur spécial ont signé un "plea
agreement", dans lequel H.________ reconnaissait sa culpa-
bilité pour complicité de corruption d'un fonctionnaire amé-
ricain en contrepartie de l'abandon des autres charges envi-
sagées à son encontre, ainsi qu'un "civil agreement". Dans
cette dernière convention, H.________ s'obligeait à
"coopérer
entièrement" de manière à permettre aux USA de récupérer les
avoirs de "l'Entreprise" déposés sur sept comptes auprès de

la société W.________ SA, ainsi que sur onze comptes bancai-
res suisses aux noms des sociétés utilisées par "l'Entre-
prise", sous réserve de 1'700'000 USD (art. 1). Il retirait
toutes prétentions sur ces actifs et s'engageait à ne pas en
formuler de nouvelles, ainsi qu'à fournir aux USA l'assis-
tance raisonnablement utile pour récupérer lesdits avoirs
(art. 2). Il assumait en outre la responsabilité de la dé-
fense contre les séquestres requis sur les avoirs de "l'En-
treprise" par X.________, Z.________ et la société
W.________
SA, tout en libérant les USA de ces prétentions (art. 4). La
somme réservée de 1'700'000 USD devait être transférée sur
un
compte qu'il désignerait, les USA renonçant à leurs préten-
tions sur ce montant (art. 2a et 3).

3.- La motivation en droit de l'arrêt attaqué est la
suivante (cf. arrêt attaqué, consid. 2b p. 11-13):

a) H.________ a agi, s'agissant de la vente d'armes
à l'Iran, en qualité d'"agent" des USA. Les rapports juri-
diques entre les USA et H.________, lequel devait fournir la
prestation caractéristique et avait son domicile aux USA,
sont ainsi régis par le droit américain en vertu des règles
de conflits de lois antérieures à la LDIP (cf. ATF 110 II
156
consid. 2b), laquelle n'a pas apporté de changements à cet
égard (cf. art. 117 al. 2 et al. 3 let. c LDIP).

b) Selon le droit américain, la notion d'"agency"
est un concept légal, qui ne nécessite pas la preuve d'un
accord exprès. Il suffit que celui qui allègue l'existence
d'une telle relation apporte la preuve de la réalisation des
éléments de faits requis selon la loi, à savoir la manifesta-
tion du "principal" que l'"agent" doit agir pour lui, l'ac-
ceptation par l'"agent" de la mission à lui confiée ainsi
que
l'accord des parties sur le fait que le "principal" contrôle
l'entreprise dont est chargé l'"agent". L'"agency" entraîne
une relation fiduciaire ("fiduciary relationship") entre le

"principal" et l'"agent", selon laquelle le second doit agir
au bénéfice du premier. Cette relation implique pour
l'"agent" une obligation de ne pas se procurer de profits
aux
dépens du "principal" et de lui rendre compte de l'exécution
de la mission ainsi que de lui restituer tous les biens
qu'il
a pu recevoir dans l'exécution de l'"agency". Si l'"agent"
viole ses obligations et ne restitue pas les actifs

accumulés
dans le cadre de l'"agency", ces actifs sont l'objet d'un
"constructive trust" ou d'un gage légal, et le "principal" a
un droit de suite sur ses biens, même s'ils sont passés à
des
tiers, cas dans lequel le "principal" est subrogé aux droits
de l'"agent".

c) En l'espèce, les comptes de l'"Entreprise" ont,
dans un premier temps, été alimentés par des fonds privés ou
versés par d'autres États que les USA en vue du soutien à la
"Contra". Par la suite, les comptes ont enregistré les verse-
ments effectués par l'Iran en paiement des acquisitions d'ar-
mes, opération qui a été formellement agréée par le
Président
des USA. Les dépenses en faveur de la "Contra" (18'276'005
USD) ayant été supérieures aux fonds récoltés à ce titre
(16'412'653 USD), le soutien à ce mouvement a ainsi été en
partie financé par les revenus tirés de la vente d'armes à
l'Iran. Dans la mesure où l'Iran a acquis les armes livrées
pour un montant total (31'285'000 USD) nettement supérieur
au
prix payé à la CIA (14'476'121 USD), la différence en
compte,
après imputation des montants sur les ventes d'armes consa-
crées à la "Contra" (18'276'005 USD moins 16'412'653 USD),
devait revenir aux USA. Les USA doivent ainsi se voir recon-
naître la titularité des droits sur ces avoirs, de sorte que
leurs revendications se révèlent fondées. Au demeurant, par
le "civil agreement", H.________ a reconnu la propriété des
fonds aux USA pour toute somme qui excédait 1'700'000 USD.

4.- a) Le recourant reproche d'abord à la cour can-
tonale d'avoir violé les règles sur le droit à la preuve dé-

coulant de l'art. 8 CC en se fondant, pour établir l'état de
fait à la base de l'arrêt entrepris, sur l'"affidavit" de
l'adjoint du procureur spécial, lors même qu'il s'agissait
d'une pièce contestée et non confirmée en procédure contra-
dictoire. Or le recourant a constamment nié toute force pro-
bante à ce document car il s'agit de la déclaration d'un em-
ployé des intimés, auquel le recourant n'a jamais été con-
fronté et auquel il n'a jamais pu poser de contre-questions,
la cour cantonale n'ayant ordonné ni comparution
personnelle,
ni enquête.

En l'espèce, l'état de fait sur lequel est fondé
l'arrêt entrepris a été établi sur la base de l'ensemble du
dossier, l'"affidavit" de l'adjoint du procureur spécial
n'étant qu'un élément parmi d'autres ayant emporté la convic-
tion des juges cantonaux, ainsi que la Cour de céans a eu
l'occasion de le dire dans l'arrêt rendu ce jour sur le re-
cours de droit public connexe (consid. 4d). Or
l'appréciation
de la force probante des preuves administrées, le choix
entre
des preuves contradictoires ou entre des indices contraires
relèvent exclusivement du droit cantonal et échappent en con-
séquence au contrôle de la juridiction de réforme; en parti-
culier, l'art. 8 CC ne comporte aucune règle au sujet de
l'appréciation des preuves et ne prescrit pas comment le
juge
cantonal doit former sa conviction, de sorte que tous les
griefs à ce sujet sont irrecevables dans un recours en ré-
forme (Jean-François Poudret, Commentaire de la loi fédérale
d'organisation judiciaire, vol. II, 1990, n. 4.7.1 ad art.
43
OJ et les arrêts cités; ATF 115 II 484 consid. 2b; 114 II
289
consid. 2a et les arrêts cités). Si l'art. 8 CC est
notamment
violé lorsque le juge cantonal tient pour exacte
l'allégation
formulée par une partie mais contestée par l'autre et qui
n'a
pas reçu un commencement de preuve, car cela revient à libé-
rer le plaideur de la preuve qui lui incombe (ATF 75 II 102
consid. 1 et les arrêts cités; 98 II 294 consid. 7; 105 II
143 consid. 6a/aa; 114 II 289 consid. 2a), l'on ne se trouve

pas dans une telle constellation en l'espèce. Pour le sur-
plus, comme on vient de le voir, les griefs soulevés par le
recourant ne relèvent pas de la juridiction de réforme, mais
du recours de droit public, dans le cadre duquel ils ont
d'ailleurs déjà été examinés (cf. consid. 4 de l'arrêt rendu
ce jour sur le recours de droit public connexe).

b) Selon le recourant, la cour cantonale aurait com-
mis une inadvertance manifeste en retenant que durant leurs
auditions par les autorités américaines, S.________ et
H.________ avaient admis que l'ensemble des fonds qui
avaient
transité par "l'Entreprise" appartenait aux USA (cf. con-
sid. 2c/bb in limine supra).

Selon la jurisprudence, il n'y a inadvertance mani-
feste au sens de l'art. 63 al. 2 OJ que lorsque l'autorité
cantonale a omis de prendre en considération une pièce déter-
minée, versée au dossier, ou l'a mal lue, s'écartant par mé-
garde de sa teneur exacte, en particulier de son véritable
sens littéral, et qu'il en résulte une erreur évidente dans
la constatation des faits pertinents (ATF 115 II 399 con-
sid. 2a; 109 II 159 consid. 2b et les arrêts cités). En re-
vanche, dès l'instant où une constatation de fait repose sur
l'appréciation, même insoutenable, d'une preuve, d'un ensem-
ble de preuves ou d'indices, une inadvertance est exclue (ar-
rêt non publié S. c. G. du 5 décembre 1995, reproduit in SJ
1996 p. 353, consid. 3a; arrêt non publié E. c. B. SA et
M. SA du 15 novembre 1994, reproduit in SJ 1995 p. 262, con-
sid. 2a et les références).

En l'occurrence, le recourant indique lui-même que
la constatation de fait incriminée repose sur l'appréciation
de plusieurs pièces, et non seulement sur les extraits de
l'audition de S.________ devant le Parlement des USA (Pièce
37 demandeurs), qu'il reproche à la cour cantonale de
n'avoir
pas lu ou d'avoir mal lu. Dès lors, en considérant pour di-

verses raisons les autres pièces comme non pertinentes, le
recourant s'en prend en réalité à l'appréciation des preuves
à laquelle s'est livrée la cour cantonale, ce qui est inad-
missible en instance de réforme (art. 55 al. 1 let. c OJ;
ATF 120 II 97 consid. 2b; 119 II 380 consid. 3b; 115 II 484
consid. 2a).

5.- a) Le recourant reproche à la cour cantonale
d'avoir violé les règles suisses de conflit de lois en admet-
tant que le droit américain était applicable à la prétendue
relation de mandat entre H.________ et les USA, sans expli-
quer pourquoi ce droit régirait également la titularité de
la
créance des titulaires de comptes vis-à-vis de la banque
Y.________ et de la société W.________ SA.

aa) Le recourant fait d'abord valoir que, s'agissant
des contrats conclus entre la banque Y.________ et les socié-
tés titulaires des comptes, les parties à ces contrats ont
convenu par écrit d'une élection de droit, contenue dans les
conditions générales de la banque, et qu'il est hautement
vraisemblable que les documents d'ouverture des comptes au-
près de la société W.________ SA comprenaient également une
élection de droit en faveur du droit suisse. L'arrêt attaqué
ne contient toutefois aucune constatation sur une éventuelle
élection de droit, de sorte que celle-ci ne saurait être re-
tenue (art. 55 al. 1 let. c et art. 63 al. 2 OJ).

bb) Partant de l'hypothèse que les créances des ti-
tulaires des comptes vis-à-vis tant de la banque Y.________
que de la société W.________ SA étaient régies par le droit
suisse (cf. consid. aa supra), le recourant soutient que
c'est le droit suisse, et non le droit américain, qui s'ap-
pliquerait à une éventuelle cession des créances
séquestrées.
Or aucune cession contractuelle entre les titulaires des
comptes et les USA n'aurait été alléguée. Quant à une éven-

tuelle cession légale de créances, seule pourrait entrer en
ligne de compte celle de l'art. 401 al. 2 CO, dont les con-
ditions d'application ne seraient pas réunies en l'espèce:
En
effet, aucune relation de mandat n'aurait été alléguée entre
les titulaires des comptes et les USA; au surplus, l'objet
du
mandat était illicite au regard de la législation américaine
de l'époque (cf. consid. 2a supra); enfin, les créances ac-
quises n'auraient pas été créditées sur un compte spécial
libellé au nom du mandant et séparé du patrimoine du manda-
taire.

Ces griefs tombent à faux. En effet, si la cession
contractuelle de créances est régie, en l'absence d'élection
de droit, par le droit applicable à la créance cédée (cf.
art. 145 al. 1 LDIP et, pour le droit antérieur à la LDIP,
ATF 107 II 484 consid. 4 et les références citées), la ces-
sion légale de créances est régie par le droit qui règle le
rapport originaire entre l'ancien et le nouveau créancier
(cf. art. 146 al. 1 LDIP et, pour le droit antérieur à la
LDIP, ATF 88 II 430 consid. 3 et les références citées). Or,
comme l'ont retenu à juste titre les juges cantonaux sans
être contredits sur ce point particulier par le recourant,
le
rapport originaire entre les USA et H.________ est régi par
le droit américain (cf. art. 117 al. 2 et 3 let. c LDIP et,
pour le droit antérieur à la LDIP, ATF 110 II 156 con-
sid. 2b), de sorte que la cour cantonale n'a pas violé les
règles suisses de conflit de lois en appliquant les règles
du
droit américain sur l'"agency", dont il découlerait en l'es-
pèce un "constructive trust" sur les fonds litigieux, permet-
tant aux USA de revendiquer la distraction de ceux-ci dans
la
procédure d'exécution forcée dirigée contre H.________ (cf.
sur ce dernier point consid. 6 infra).

b) Le recourant critique par ailleurs l'application
qu'a faite l'autorité cantonale du droit américain.

aa) Selon le recourant, l'application du droit amé-
ricain aux rapports entre H.________ et les USA, ainsi qu'à
la cession légale de créance qui découlerait de ces
rapports,
porterait sur une question préjudicielle à l'application de
l'art. 106 LP, de sorte que le Tribunal pourrait la revoir
en
instance de réforme, comme il a été jugé à l'ATF 119 II 69.

Le recours en réforme constitue la voie appropriée
pour faire valoir que la décision attaquée n'a pas appliqué
le droit étranger désigné par le droit international privé
suisse (art. 43a al. 1 let. a OJ) ou qu'elle a constaté à
tort que le contenu du droit étranger ne pouvait pas être
établi (art. 43a al. 1 let. b OJ). Il n'est en revanche pas
ouvert pour se plaindre d'une application erronée du droit
étranger dans les contestations qui, comme en l'espèce, por-
tent sur un droit de nature pécuniaire (art. 43a al. 2 OJ).
Toutefois, le Tribunal fédéral est habilité, en instance de
réforme, à revoir des questions de droit étranger préjudi-
cielles à l'application du droit suisse (ATF 119 II 69 con-
sid. 3a; 98 II 231 consid. 1a; 91 II 117 consid. II/3;
Poudret, op.cit., n. 1.3 ad art. 43a OJ). Or le bien-fondé
de
la prétention du tiers qui allègue avoir sur le bien saisi
un
droit de propriété, de gage ou un autre droit préférable qui
s'oppose à la saisie ou qui doit être pris en considération
dans la suite de la procédure d'exécution (cf. art. 106 al.
1
LP) constitue une question préjudicielle de droit matériel,
qui peut le cas échéant être soumise au droit étranger
(Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur
la poursuite pour dettes et la faillite, 2000, n. 16 et 18
ad
art. 106 LP). Il y a donc lieu d'examiner les griefs que le
recourant soulève à l'encontre de l'application du droit
étranger par la cour cantonale.

bb) Le recourant soutient que l'on cherche en vain
dans l'arrêt entrepris les considérants de fait qui auraient
permis à la cour cantonale d'arriver à la conclusion qu'il

existait une relation d'"agency" entre H.________ et les
USA.
En particulier, on ignorerait qui aurait confié à N.________
la mission de soutenir la "Contra" puis de négocier la vente
d'armes à l'Iran, et rien dans l'arrêt entrepris ne permet-
trait de conclure que les parties à la relation d'"agency"
auraient été d'accord sur l'existence d'un contrôle du "prin-
cipal" sur les activités de l'"agent".

Ces griefs se révèlent dénués de consistance. En
effet, dans la partie "en fait" de son arrêt, la cour can-
tonale a décrit comment le lieutenant-colonel N.________,
directeur adjoint du "National Security Council", avait été
chargé de soutenir la "Contra" puis appelé à négocier la
vente d'armes à l'Iran, opération en relation avec laquelle
le Président des USA Ronald Reagan a signé un "Covert Action
Finding". Elle a ensuite décrit comment N.________, pour
l'assister dans ses missions, s'était entouré des services
de
différentes personnes, dont S.________ et H.________, lequel
avait déjà par le passé mis à disposition de la CIA sa struc-
ture commerciale; pour les aspects financiers de
l'opération,
S.________ et H.________ - qui se sont vus remettre de faux
documents d'identité les faisant apparaître comme
travaillant
pour l'état-major du "National Security Council" - ont à
leur
tour mis en oeuvre la société W.________ SA et son directeur
Z.________ (cf. consid. 2a supra). La cour cantonale a en
outre exposé qu'à l'occasion des investigations menées par
les autorités américaines, Z.________ avait reconnu avoir su
que "l'Entreprise" était une opération de la Présidence des
USA, et avoir reçu pour instructions de H.________,
S.________ et N.________ de tenir une comptabilité dont un
représentant du gouvernement des USA viendrait contrôler
l'exactitude (cf. consid. 2c/bb supra).

Dans ces circonstances, on ne discerne pas en quoi
l'autorité cantonale aurait fait une application erronée du
droit américain en considérant que les éléments constitutifs

d'une relation d'"agency", tels qu'elle les a énoncés (cf.
consid. 3b supra), étaient réalisés en l'espèce.

cc) Le recourant reproche ensuite aux juges canto-
naux d'avoir considéré à tort que l'obligation de
restitution
de H.________, en tant qu'"agent" des USA, portait sur l'in-
tégralité des sommes se trouvant sur les comptes litigieux
en
tant
que ces sommes étaient inférieures aux profits de l'"En-
treprise" estimés à 14'159'915 USD. Or en droit américain
comme en droit suisse, un droit préférable fondé sur une re-
lation d'"agency" ou de mandat ne pourrait concerner que les
fonds reçus du mandant ou pour son compte et non pas l'inté-
gralité du patrimoine du mandataire.

Cette critique n'apparaît pas mieux fondée que la
précédente. En effet, la cour cantonale a constaté que les
comptes de l'"Entreprise", au nombre desquels comptaient les
comptes litigieux, ont d'abord été alimentés par des fonds
privés ou versés par d'autre États que les USA en vue du sou-
tien à la "Contra", puis ont enregistré les versements effec-
tués par l'Iran en paiement des acquisitions d'armes, opéra-
tion qui a été formellement agréée par le Président des USA
(cf. consid. 3c supra). Il s'agit là de fonds dont
l'autorité
cantonale pouvait considérer à bon droit qu'ils ont été
reçus
pour le compte des USA (cf. consid. bb supra). Comme il ne
ressort pas de l'arrêt entrepris que les comptes litigieux
aient accueilli d'autres fonds que ceux-là - ce que le recou-
rant lui-même ne semble d'ailleurs pas avoir cherché à démon-
trer devant les autorités cantonales -, il n'apparaît pas
que
la cour cantonale ait violé le droit américain en retenant
que tous les avoirs restant sur ces comptes devaient être
restitués aux USA en tant que "principal" (cf. consid. 3b
supra).

6.- Le recourant fait valoir que le "constructive
trust", comme le "trust", reposerait sur la distinction
entre

l'"equitable ownership" et la "legal ownership", distinction
qui serait contraire au principe du "numerus clausus" des
droits réels en droit suisse. En outre, selon le recourant,
le "constructive trust" ne serait pas un "trust" au sens ju-
ridique du terme, les auteurs suisses qui ont traité récem-
ment la reconnaissance en Suisse des "trusts" renvoyant en
ce
qui concerne le "constructive trust" à la notion d'enrichis-
sement illégitime. Dans la mesure où le "constructive trust"
constituerait ainsi une source d'obligations comparable à
l'enrichissement illégitime, il ne constituerait pas un
droit
préférable au sens de l'art. 106 LP. De plus, il serait cho-
quant qu'en recourant à l'application du droit étranger, on
mette certains créanciers au bénéfice d'un droit préférable,
alors que leur situation juridique est très similaire à
celle
du fiduciant à qui tout droit de distraction sur le patri-
moine confié au fiduciaire est refusé par la jurisprudence.

a) aa) En droit suisse, le débiteur ne répond en
principe de ses dettes que sur son propre patrimoine, c'est-
à-dire avec les meubles et immeubles dont il est
propriétaire
et avec les créances et autres droits patrimoniaux dont il
est titulaire. Corollairement, des droits patrimoniaux dont
le débiteur n'est pas le titulaire ne peuvent en principe
pas
être réalisés au profit des créanciers. De même, les droit
réels restreints de tiers et certaines obligations réelles
rattachées à des droits patrimoniaux saisis dans la
poursuite
dirigée contre le débiteur doivent être pris en
considération
lors de la réalisation de ces biens. Tel est le but de la
procédure de revendication dans la saisie des art. 106 ss
LP,
qui doit permettre au tiers qui a sur le droit patrimonial
saisi un droit préférable - parce qu'il est titulaire du
droit patrimonial saisi ou qu'il a sur celui-ci un droit de
gage ou un autre droit qui s'oppose à la saisie ou qui doit
être pris en considération dans la suite de la procédure
d'exécution (cf. art. 106 al. 1 LP) - d'obtenir que ce droit
patrimonial soit soustrait à l'exécution forcée dans la ou

les poursuites en cours ou qu'il en soit tenu compte dans la
suite de la procédure d'exécution en cours (Adrian
Staehelin,
Kommentar zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung und
Konkurs,
vol. II, 1998, n. 3 ad art. 106 LP; Gilliéron, op.cit.,
n. 13 s. ad art. 106 LP; Louis Dallèves, FJS n° 985, Reven-
dication (art. 106-109 LP), p. 1; cf. arrêt non publié du
14 avril 1987, reproduit in SJ 1987 p. 425, consid. 2a et
les
arrêts cités).

La titularité d'une créance, ou d'un autre droit in-
corporel, ayant été assimilée dès 1903 par la jurisprudence
à
la propriété d'une chose mobilière ou immobilière, un tiers
peut revendiquer la titularité d'une créance saisie ou reven-
diquer par exemple un droit de gage sur une créance saisie
(Gilliéron, op.cit., n. 93 ad art. 106 LP et les arrêts ci-
tés; Staehelin, op.cit., n. 6 ad art. 106 LP).

bb) La cause de la revendication ne saurait être un
droit personnel permettant à son titulaire de réclamer au
poursuivi le transfert d'un droit patrimonial, saisi ou sé-
questré, dont il reconnaît que le poursuivi est titulaire:
ainsi, la revendication d'un droit de distraction ne saurait
être fondée, par exemple, sur la prétention du mandant au
transfert de la créance que le mandataire a acquis en son
propre nom, mais pour le compte du mandant, avant que la sub-
rogation légale de l'art. 401 al. 1 CO ait été invoquée
(Gilliéron, op.cit., n. 87 ad art. 106 LP et les références
citées; Staehelin, op.cit., n. 17 ad art. 106 LP et les ré-
férences citées; Dallèves, op.cit., p. 11).

cc) Le droit (allégué) du tiers est la cause de la
distraction du droit patrimonial mis sous main de justice ou
de la prise en considération du droit du tiers dans la suite
de la procédure d'exécution forcée en cours; le bien-fondé
de
cette cause est une question préjudicielle de droit
matériel,
lequel est déterminé le cas échéant selon les règles habi-

tuelles de conflit de lois (Gilliéron, op.cit., n. 16 et 18
ad art. 106 LP; Heinrich Honsell, Treuhand und Trust in
Schuldbetreibung und Konkurs, in Recht 1993 p. 73 ss, 76;
arrêt non publié du 14 avril 1987, reproduit in SJ 1987
p. 425, consid. 2; cf. consid. 5b/aa supra). En revanche,
les
effets propres au droit de la poursuite en Suisse - soit la
question de savoir si le droit revendiqué par le tiers
exclut
la saisie ou doit être pris en considération dans la suite
de
la procédure d'exécution forcée en cours - ressortissent au
droit interne (arrêt non publié du 14 avril 1987, reproduit
in SJ 1987 p. 425, consid. 2a-b; Dallèves, op.cit., p. 2).

b) aa) Selon l'avis de droit sur lequel s'est fondée
la cour cantonale (Pièce 47 demandeurs), une relation
d'"agency", telle qu'elle existe en l'espèce entre
H.________
("agent") et les USA ("principal"), implique l'obligation
pour l'"agent" de rendre compte de tous les fonds qu'il a
reçus dans l'exécution de l'"agency" et de restituer ces
fonds au "principal" au terme de la relation. Si l'"agent" a
enfreint ces devoirs, les actifs de l'"agent" peuvent faire
l'objet d'un "constructive trust". Un "constructive trust"
est défini en droit américain comme une relation se rappor-
tant à un bien et soumettant la personne détenant le titre
de
propriété sur ce bien à une obligation en équité de le céder
à une autre, pour le motif que l'acquisition ou la rétention
de ce bien est délictueuse et que la personne se serait en-
richie sans cause si elle était autorisée à garder ledit
bien. Ce "constructive trust" est de nature réparatrice et
peut être imposé par le tribunal non pour mettre en oeuvre
une intention, mais pour corriger un enrichissement illégi-
time. En l'occurrence, toujours selon l'avis de droit (Pièce
47 demandeurs), si H.________ a la propriété de tous les
fonds qu'il a reçus dans l'exécution de l'"agency", les USA
sont le "equitable owner" de ces fonds et peuvent engager
une
action fondée sur le "constructive trust" contre H.________
et contre les établissements financiers qui détiennent les

fonds issus de l'"agency" en tant que "sub-agents" de
H.________.

Dans le cadre d'une telle action, le tribunal peut déclarer
que les USA sont le "equitable owner" de ces fonds et ordon-
ner leur restitution aux USA.

bb) Selon la doctrine suisse, le "constructive
trust" n'est pas un "trust" au sens juridique du terme, car
il ne se fonde pas sur l'intention de créer un "trust" (sur
la notion de "trust" et ses éléments constitutifs, voir
Florence Guillaume, Incompatibilité du trust avec le droit
suisse? Un mythe s'effrite, in RSDIE 2000 p. 1 ss, 3-5;
Pietro Supino, Rechtsgestaltung mit Trust aus Schweizer
Sicht, thèse St-Gall 1994, p. 27 ss; Dominique Dreyer, Le
trust en droit suisse, thèse Fribourg 1980, p. 13 ss; Kurt
Moosmann, Der angelsächsische Trust und die liechtenstei-
nische Treuhänderschaft unter besonderer Berücksichtigung
des
wirtschaftlich Begünstigten, thèse Zurich 1999, p. 30 s.);
il
s'agit au contraire d'une mesure réparatrice qui peut être
ordonnée par le tribunal lorsque la propriété sur un bien
échoit à une personne à qui elle n'aurait pas dû échoir
selon
les règles de la bonne foi (Beat Barthold, Aussonderung von
Treugut im schweizerischen Partikularkonkurs, thèse Bâle
1997, p. 137; Supino, op.cit., p. 38 s.; Moosmann, op.cit.,
p. 53 ss). En d'autres termes, il s'agit d'un trust involon-
taire, établi par une décision judiciaire, lorsqu'une per-
sonne a acquis un droit de propriété sur un bien, mais qu'il
serait injuste qu'elle ait le droit d'en profiter (Michel
Pelichet, Le trust et les institutions analogues - La Con-
vention de La Haye du premier juillet 1985, in Droit et pra-
tique des opérations fiduciaires en Suisse, Lausanne 1994,
p. 133 ss, 142 s.).

Dreyer (op. cit., p. 26 s.) relève qu'aux États-
Unis, le "constructive trust" a été élevé au rang d'un prin-

cipe général comparable à celui de l'enrichissement illégi-
time. Le "Restatement of the law" adopté par l'"American Law
Institute" - qui fait autorité et sur lequel est fondé
l'avis
de droit produit par les USA (Pièce 47 demandeurs) - traite
d'ailleurs du "constructive trust" non dans la partie consa-
crée aux "trusts", mais dans celle qui traite des quasi-con-
trats et de l'enrichissement illégitime. Le "Restatement" en
donne la définition suivante (dans la traduction de Dreyer):
"Lorsqu'une personne détient un titre de propriété qu'elle
est dans l'obligation, en vertu de l'equity, de transférer à
une autre personne en raison du fait qu'elle serait enrichie
injustement si elle était autorisée à le garder, un construc-
tive trust se crée" (Dreyer, op.cit., p. 26).

cc) Le fait que le "constructive trust" s'applique
ainsi généralement dans des cas qui relèveraient en droit
continental des règles sur l'enrichissement illégitime
(Barthold, op.cit., p. 137; Supino, op.cit., p. 39;
Moosmann, op.cit., p. 55 s.) ne signifie toutefois pas qu'il
ne confère que des droits de nature personnelle à celui en
faveur de qui il est établi. Il confère au contraire à ce
dernier un privilège par rapport aux créanciers communs du
débiteur: quand le débiteur est déclaré "constructive
trustee" de tels ou tels biens, ceux-ci cessent de faire par-
tie de son patrimoine et, par suite, ne sont plus le gage de
ses créanciers; s'agissant des éléments d'actifs qui sont
constitués en un patrimoine distinct faisant l'objet du
"constructive trust", tout se passera comme dans n'importe
quel "trust" (Pierre Lepaulle, Traité théorique et pratique
des trusts, Paris 1932, p. 122, 126 et 130; sur la nature
réelle des droits de celui en faveur de qui un "constructive
trust" est établi, voir aussi Moosmann, op.cit., p. 54 s.;
Harald Bösch, Die liechtensteinische Treuhänderschaft zwi-
schen trust und Treuhand, 1995, p. 173 s.).

dd) Or il est admis dans la doctrine suisse récente
que le bénéficiaire du "trust", qui a la "equitable owner-
ship" sur les biens faisant l'objet du "trust", a sur
ceux-ci
un "right in rem" qui doit être qualifié, selon les concep-
tions du droit suisse, comme un droit ayant une composante
réelle lui permettant d'obtenir la distraction des biens fai-
sant l'objet du "trust" dans la procédure d'exécution forcée
dirigée contre le "trustee" (Barthold, op.cit., p. 162-164;
Supino, op.cit., p. 243; voir aussi Heinrich Honsell, Treu-
hand und Trust in Schuldbetreibung und Konkurs, in Recht
1993
p. 73 ss; cf. art. 11 de La Convention de La Haye du 1er
juillet 1985 relative à la loi applicable au trust et à sa
reconnaissance, reproduite par Supino, op.cit., p. 275 ss,
et
par Pelichet, op.cit., p. 176 ss; art. 1 al. 3 des Principes
de droit européen du trust, cité par Guillaume, op.cit., p.
21). Il est également admis que la reconnaissance d'un tel
droit de distraction n'est pas incompatible avec l'ordre
public au sens de l'art. 17 LDIP (Zobl, Treuhand und Trust
im
schweizerischen Recht - Aktuelle Probleme, in Aktuelle
Rechtsprobleme des Finanz- und Börsenplatzes Schweiz 3/1994,
p. 120 ss, 129; Barthold, op.cit., p. 176). En particulier,
contrairement à l'avis du recourant, le fait que le
"equitable owner" de droits patrimoniaux objet d'un "trust"
est mieux protégé - au détriment des créanciers ordinaires
du
"trustee" - que ne l'est le fiduciant en droit suisse n'est
pas contraire à l'ordre public (Zobl, op.cit., p. 128 s.; le
même, Die Aussonderung von liechtensteinischem Treuhandgut
in
der schweizerischen Zwangsvollstreckung, Zurich 1994, p. 91-
93).

c) Il résulte de ce qui précède que la cour canto-
nale n'a violé ni le droit américain, ni le droit fédéral
suisse, en reconnaissant aux demandeurs un droit de distrac-
tion sur les créances saisies dans la procédure d'exécution
forcée engagée par le défendeur (cf. pour la "Treuhänder-
schaft" - forme de "trust" du droit liechtensteinois - Zobl,

Die Aussonderung von liechtensteinischem Treuhandgut in der
schweizerischen Zwangsvollstreckung, p. 95). Cela étant, il
n'est pas nécessaire d'examiner les arguments soulevés par
le
défendeur à l'encontre
de la motivation subsidiaire de l'ar-
rêt attaqué, consistant à dire que par le "civil agreement",
H.________ a reconnu la propriété des fonds litigieux aux
demandeurs pour toute somme qui excédait 1'700'000 USD (cf.
consid. 3c in fine supra). Il suffit en effet que la motiva-
tion principale de l'arrêt entrepris résiste à la critique
(cf. ATF 115 II 300 consid. 2a; 111 II 397).

7.- En définitive, le recours se révèle mal fondé en
tant qu'il est recevable et ne peut ainsi qu'être rejeté
dans
cette même mesure, ce qui entraîne la confirmation de
l'arrêt
attaqué. Le recourant, qui succombe, supportera les frais ju-
diciaires (art. 156 al. 1 OJ), ainsi que ceux des intimés
(art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est
recevable et confirme l'arrêt attaqué.

2. Met à la charge du recourant:
a) un émolument judiciaire de 10'000 fr.;
b) une indemnité de 10'000 fr. à verser aux intimés
à titre de dépens.

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre civile de la Cour de jus-
tice du canton de Genève.

__________

Lausanne, le 19 novembre 2001
ABR/dxc

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.169/2001
Date de la décision : 19/11/2001
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-11-19;5c.169.2001 ?
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