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15/11/2001 | SUISSE | N°B.34/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 15 novembre 2001, B.34/01


«AZA 7»
B 34/01 Tn

IVe Chambre

MM. et Mme les juges Borella, Président, Leuzinger et
Kernen. Greffier : M. Vallat

Arrêt du 15 novembre 2001

dans la cause

Caisse paritaire de prévoyance du bâtiment et de la
gypserie-peinture, rue Malatrex 14, 1201 Genève, recou-
rante,

contre

N.________, intimé, représenté par Maître Jean-Jacques
Martin, avocat, place du Port 2, 1204 Genève,

et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

A.- N.________, éta

it employé en qualité de manoeuvre
d'une entreprise de construction dans le canton de Genève
lorsque, victime d'un accident de chanti...

«AZA 7»
B 34/01 Tn

IVe Chambre

MM. et Mme les juges Borella, Président, Leuzinger et
Kernen. Greffier : M. Vallat

Arrêt du 15 novembre 2001

dans la cause

Caisse paritaire de prévoyance du bâtiment et de la
gypserie-peinture, rue Malatrex 14, 1201 Genève, recou-
rante,

contre

N.________, intimé, représenté par Maître Jean-Jacques
Martin, avocat, place du Port 2, 1204 Genève,

et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

A.- N.________, était employé en qualité de manoeuvre
d'une entreprise de construction dans le canton de Genève
lorsque, victime d'un accident de chantier le 5 juin 1989,
il a subi une fracture du calcaneum gauche. Les suites de
cet accident ont été prises en charge par la CNA, qui a
versé des indemnités journalières.

Après avoir tenté en vain de reprendre son ancienne
activité à mi-temps en juin 1990, l'assuré a entrepris avec
le soutien de l'AI, qui lui a versé des indemnités journa-
lières durant cette période, un reclassement professionnel
comme horloger décotteur dès le mois de janvier 1992. Par
décision du 1er septembre 1992, l'Office cantonal AI de
Genève (ci-après : l'office AI) a mis l'assuré au bénéfice
d'une rente entière d'invalidité, fondée sur un degré d'in-
validité de 100 %, du 1er juin 1990 au 31 janvier 1992.
Affecté de douleurs aux épaules, l'assuré a été con-
traint, après un premier arrêt de travail du 4 novembre
1994 au 31 mai 1995, de mettre un terme à son stage de
formation au mois de février 1996. Par deux décisions du
17 juin 1997, l'office AI lui a alloué une rente ordinaire
simple d'invalidité, fondée sur un degré d'invalidité de
100 %, du 1er novembre 1994 au 31 août 1995, puis une rente
ordinaire simple d'invalidité fondée sur un degré d'invali-
dité de 80 %, depuis le 1er février 1996. Par ailleurs, des
indemnités journalières lui ont été versées du 4 décembre
1994 au 25 novembre 1998 par la caisse-maladie CMBB et, dès
le 1er mai 1997, il a été mis au bénéfice d'une rente de la
CNA fondée sur une incapacité de gain de 20 % tenant exclu-
sivement compte des séquelles de l'accident du 5 juin 1989.
En mars 1998, N.________ a requis le versement d'une
pension d'invalidité de la Caisse paritaire de prévoyance
du bâtiment et de la gypserie-peinture (ci-après : la cais-
se paritaire), à laquelle il avait été affilié par son
ancien employeur. Celle-ci a rejeté la demande, par lettre
du 29 octobre 1999, au motif qu'il n'existait pas de con-
nexité matérielle entre les deux sinistres.

B.- Le 30 novembre 1999, l'assuré a ouvert action
contre la caisse paritaire devant le Tribunal administratif
du canton de Genève, en concluant à l'octroi d'une pension
complète d'invalidité.
Par jugement du 6 mars 2001, le Tribunal administratif
a admis la demande.

C.- La caisse paritaire interjette recours de droit
administratif contre ce jugement, en concluant à son annu-
lation. N.________ conclut au rejet du recours.
L'Office fédéral des assurances sociales propose l'ad-
mission du recours et le renvoi de la cause à l'autorité
judiciaire de première instance pour complément d'instruc-
tion et nouveau jugement.

Considérant en droit :

1.- a) En vertu de l'art. 23 LPP, ont droit aux pres-
tations d'invalidité les personnes qui sont invalides à
raison de 50 % au moins, au sens de l'assurance-invalidité,
et qui étaient assurées lorsqu'est survenue l'incapacité de
travail dont la cause est à l'origine de l'invalidité.
Selon l'art. 24 al. 1 LPP, l'assuré a droit à une rente
entière d'invalidité s'il est invalide à raison des deux
tiers au moins, au sens de l'assurance-invalidité, et à une
demi-rente s'il est invalide à raison de 50 % au moins.

b) S'agissant de délimiter les responsabilités respec-
tives de deux institutions de prévoyance auxquelles un
assuré a été successivement affilié, la jurisprudence a
déduit de l'art. 23 LPP qu'il ne suffit pas, pour que
l'ancienne institution de prévoyance reste tenue à presta-
tions, que l'incapacité de travail ait débuté à une époque
où l'assuré lui était affilié, mais qu'il devait en outre
exister, entre cette incapacité de travail et l'invalidité,
une relation d'étroite connexité, temporelle et matérielle
(ATF 123 V 264 consid. 1c, 120 V 117 consid. 2c/aa). Ce
faisant, la jurisprudence a également tenu compte des cas
où les assurés ne retrouvent pas immédiatement un emploi
et, pour cette raison, ne sont plus affiliés à aucune
institution de prévoyance. Le double critère trouve ainsi
également à s'appliquer dans cette hypothèse (cf. ATF

123 V 264 et 120 V 117, précités; arrêt non publié B. du
6 juin 2001 [B 64/99], consid. 5a).

c) Il y a connexité matérielle si l'affection à l'ori-
gine de l'invalidité est la même que celle qui s'est déjà
manifestée durant l'affiliation à la précédente institution
de prévoyance (et qui a entraîné une incapacité de tra-
vail). La connexité temporelle implique qu'il ne se soit
pas écoulé une longue interruption de l'incapacité de tra-
vail; elle est rompue si, pendant une certaine période,
l'assuré est à nouveau apte à travailler (ATF 123 V 264
consid. 1c, 120 V 117 consid. 2c/aa).

2.- a) En substance, les premiers juges ont considéré
que l'assuré, à qui une rente entière d'invalidité avait
déjà été allouée du 1er juin 1990 au mois de janvier 1992
n'avait jamais recouvré sa capacité de gain depuis lors.
Ils en ont déduit que son invalidité n'avait pas disparu au
sens de l'art. 26 al. 3 LPP et que, partant, la caisse
paritaire, quand bien même elle n'avait effectivement versé
aucune prestation dans l'intervalle en raison de l'inter-
vention d'autres assureurs, demeurait tenue de lui allouer
une pension entière d'invalidité.

b) La cour de céans ne saurait suivre les premiers
juges dans ce raisonnement. Il n'y a en effet aucune raison
de s'écarter des principes que la jurisprudence a déduits
de l'art. 23 LPP (cf. supra, consid. 1), lorsque, comme en
l'espèce, plusieurs atteintes à la santé concourent à l'in-
validité. Dans une telle hypothèse, il ne suffit dès lors
pas de constater la persistance d'une incapacité de gain et
d'une incapacité de travail qui a débuté durant l'affilia-
tion à l'ancienne institution pour justifier le droit à une
prestation de prévoyance. Il convient au contraire, confor-
mément à l'art. 23 LPP qui se réfère à la cause de l'inca-
pacité de travail, d'examiner séparément, en relation avec

chaque atteinte à la santé, si l'incapacité de travail qui
en résulte est survenue durant l'affiliation à l'institu-
tion de prévoyance et est à l'origine d'une invalidité.
Le fait que les décisions de l'assurance-invalidité
fédérale lient, en principe, les institutions de prévoyance
n'y change rien. Ce principe trouve en effet sa limite non
seulement lorsque la décision de l'assurance-invalidité
n'est pas soutenable (ATF 120 V 108 consid. 3c) mais aussi
lorsque la décision des organes de l'assurance-invalidité
est fondée sur des éléments sans pertinence pour la déter-
mination du droit à une pension de prévoyance. Or, tel est
précisément le cas lorsque le degré d'invalidité fixé par
les organes de l'assurance-invalidité résulte de plusieurs
causes dont seules certaines sont à l'origine d'une inca-
pacité de travail survenue durant l'affiliation à une
institution de prévoyance au sens de l'art. 23 LPP.

c) En revanche, le seul fait que l'assuré a été mis au
bénéfice de mesures de réadaptation professionnelle par
l'assurance-invalidité fédérale n'autorise, contrairement à
l'avis de la recourante, aucune déduction en ce qui con-
cerne son droit à une pension de prévoyance, sous l'angle
d'une éventuelle rupture de la relation d'étroite connexité
entre l'incapacité de travail et l'invalidité.
En outre, lorsque l'assuré était déjà au bénéfice
d'une rente de l'assurance-invalidité au moment de la mise
en oeuvre de mesures de réadaptation professionnelle, son
droit à une pension de prévoyance, en l'absence de révision
du droit à la rente AI, ne peut en effet ni s'éteindre ni
même être suspendu (Markus Moser, Die Zweite Säule und ihre
Tragfähigkeit, thèse, Bâle et Francfort-sur-le-Main 1993,
p. 204; Jean-Maurice Frésard, Questions de coordination en
matière de prévoyance professionnelle, Recueil de juris-
prudence neuchâteloise 2000, ch. 22, p. 26).

d) Le jugement entrepris ne contient aucune constata-
tion de fait permettant d'apprécier l'influence de chacune
des atteintes à la santé dont souffre le recourant sur sa
capacité de travail et sur l'incidence respective de
celles-ci dans l'invalidité qu'il présente. Il n'est dès
lors pas possible de déterminer si cette dernière, ou
quelle part de celle-là, demeure en relation de connexité
matérielle et temporelle avec l'incapacité de travail qui a
débuté en 1989. Le dossier de la cause, qui ne contient
aucune pièce médicale, ne permet par ailleurs pas à la cour
de céans de compléter l'état de fait sur ce point. Il con-
vient en conséquence de renvoyer la cause aux premiers
juges afin qu'ils procèdent aux mesures d'instruction
appropriées, en faisant, en particulier, produire les
dossiers respectifs de la CNA, de l'assurance-invalidité et
de la caisse-maladie et en mettant en oeuvre, au besoin,
une expertise judiciaire.

3.- L'intimé a conclu au rejet du recours; succombant,
il ne peut prétendre une indemnité de dépens (art. 159
al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis en ce sens que le jugement du
Tribunal administratif du canton de Genève, du 6 mars
2001 est annulé, la cause étant renvoyée à l'autorité
judiciaire précédente pour complément d'instruction au
sens des considérants et nouveau jugement.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal administratif du canton de Genève ainsi qu'à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 15 novembre 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IVe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : B.34/01
Date de la décision : 15/11/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-11-15;b.34.01 ?
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