La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/11/2001 | SUISSE | N°5P.109/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 15 novembre 2001, 5P.109/2001


«/2»
5P.109/2001

IIe C O U R C I V I L E
******************************

15 novembre 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme
Nordmann, juges. Greffière: Mme Mairot.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

les hoirs de feu X.________, représentés par G.________,
exécuteur testamentaire, au nom de qui agit Me Pierre del
Boca, avocat à Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 23 février 2001 par la Chambre des
révi

sions
civiles et pénales du Tribunal cantonal du canton de Vaud
dans
la cause qui oppose les recourants à Y.________;

(a...

«/2»
5P.109/2001

IIe C O U R C I V I L E
******************************

15 novembre 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme
Nordmann, juges. Greffière: Mme Mairot.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

les hoirs de feu X.________, représentés par G.________,
exécuteur testamentaire, au nom de qui agit Me Pierre del
Boca, avocat à Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 23 février 2001 par la Chambre des
révisions
civiles et pénales du Tribunal cantonal du canton de Vaud
dans
la cause qui oppose les recourants à Y.________;

(art. 9 Cst.; annulation de cédules hypothécaires
au porteur, révision)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par déclaration du 28 décembre 1994, X.________ a
remis à son fils, Y.________, deux cédules hypothécaires au
porteur de 150'000 fr., respectivement 120'000 fr., grevant
la
parcelle n° XXXX à Z.________. Il l'autorisait en outre à
les
engager, en cas de besoin, auprès de l'établissement
bancaire
de son choix. Y.________ a par la suite quitté la Suisse.

Le 4 mars 1996, X.________ a requis du Président du
Tribunal civil du district de Payerne l'annulation des
cédules
hypothécaires susmentionnées. Après avoir constaté que les
sommations légales étaient demeurées infructueuses, le juge
a
admis la requête le 11 juin 1997; cette décision a été commu-
niquée à X.________ et son dispositif publié officiellement.

Par lettre du 27 janvier 1999, adressée à ce magis-
trat, Y.________ a déclaré qu'il avait pris connaissance le
jour même, par une visite au registre foncier, de
l'annulation
des titres en cause et qu'il contestait que ceux-ci aient
été
perdus ou volés. Le 25 mars 1999, il a déposé plainte pénale
contre son père pour avoir frauduleusement requis leur
annula-
tion.

B.- Le 26 avril 1999, Y.________ a demandé la révi-
sion du prononcé du 11 juin 1997. Il a conclu à son annula-
tion, le Président du Tribunal civil du district de Payerne
étant invité à statuer à nouveau en tenant compte de la
décla-
ration de X.________ du 28 décembre 1994.

Par ordonnance de mesures provisionnelles du 16 juil-
let 1999, le président du tribunal a rejeté la requête de
Y.________ tendant à l'annotation au Registre foncier de

Payerne d'une restriction du droit d'aliéner la parcelle gre-
vée par les cédules hypothécaires litigieuses. Le 7 décembre
1999, il a suspendu la cause jusqu'à droit connu sur
l'enquête
pénale instruite contre X.________.

Le 8 décembre 1999, le conseil de celui-ci a informé
la Chambre des révisions civiles et pénales du Tribunal
canto-
nal du canton de Vaud (ci-après: la Chambre des révisions)
du
décès de son client, survenu le 22 novembre 1999. La succes-
sion ayant été acceptée, la cause a été reprise le 20
juillet
2000.

Par arrêt du 23 février 2001, la Chambre des révi-
sions a admis la demande présentée par Y.________, annulé le
prononcé du 11 juin 1997 et renvoyé la cause au Président du
Tribunal civil de l'arrondissement de la Broye et du Nord
Vaudois pour nouvelle instruction et nouvelle décision dans
le
sens de considérants.

C.- Agissant par la voie du recours de droit public
au Tribunal fédéral, les hoirs de feu X.________,
représentés
par G.________, exécuteur testamentaire, concluent à
l'annula-
tion de l'arrêt du 23 février 2001.

Des observations n'ont pas été requises.

D.- Par ordonnance du 2 avril 2001, le président de
la cour de céans a rejeté la demande d'effet suspensif
présen-
tée par les recourants.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une
pleine cognition la recevabilité des recours qui lui sont
sou-
mis (ATF 127 III 41 consid. 2a p. 42; 126 I 81 consid. 1 p.
83; 207 consid. 1 p. 209 et les arrêts cités).

a) Selon l'art. 87 al. 2 OJ, le recours de droit pu-
blic est recevable contre les décisions préjudicielles et in-
cidentes - autres que celles sur la compétence et sur les de-
mandes de récusation - prises séparément s'il peut en
résulter
un préjudice irréparable, par quoi il faut entendre
exclusive-
ment un inconvénient de nature juridique, qu'une décision fi-
nale même favorable à l'intéressé ne ferait pas disparaître
complètement; un dommage de pur fait, tel que la
prolongation
de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci,
n'est à cet égard pas suffisant (ATF 127 I 92 consid. 1c p.
94; 126 I 207 consid. 2 p. 210; 123 I 325 consid. 3c p. 328
s;
122 I 39 consid. 1a/bb p. 42 et les arrêts cités). Constitue
une décision incidente celle qui ne met pas un terme à la
pro-
cédure, mais qui ne représente qu'une étape sur la voie de
la
décision finale (ATF 124 I 255 consid. 1b p. 259; 123 I 325
consid. 3b p. 327 et les références).

aa) En procédure civile vaudoise, l'autorité saisie
de la demande de révision n'est pas celle dont émane la déci-
sion remise en cause et n'a ainsi aucune compétence pour sta-
tuer au fond; la phase du rescindant, qui annule la décision
dont est révision, se distingue ainsi complètement de celle
du
rescisoire, qui porte sur l'examen du fond du litige à la
sui-
te de la rétractation totale ou partielle du jugement
attaqué
(cf. Poudret/Wurzburger/Haldy, Procédure civile vaudoise, ad
art. 480 CPC/VD). La décision d'admettre, comme en l'espèce,
la demande en révision relève du rescindant. Elle ne met pas
fin à la procédure mais précède au contraire le procès en ré-
vision proprement dit, dans lequel l'autorité de première
ins-
tance aura à rendre une nouvelle décision au sujet de l'annu-
lation des cédules hypothécaires litigieuses. Il s'agit là
d'une décision incidente, qui n'engendre en principe aucun
dommage irréparable pour l'intéressé car elle n'entraîne
qu'une prolongation de l'incertitude liée aux débats; elle
peut cependant faire l'objet d'un recours de droit public en

même temps que la décision finale de l'autorité cantonale
(ATF
87 I 371 consid. 2 p. 372/373 et les références; Philippe
Schweizer, Le recours en revision spécialement en procédure
civile neuchâteloise, thèse Neuchâtel 1985, p. 288/289;
arrêts
non publiés 5P.259/1991 du 2 décembre 1991 dans la cause G.
c/
G., consid. 3 et 5P.27/1992 du 27 mai 1993 dans la cause M.
c/
M., consid. 1).

Le Tribunal fédéral a toutefois envisagé la possibi-
lité d'un préjudice juridique né du décalage temporel
séparant
le rescisoire du rescindant. Un tel dommage pourrait
résulter
par exemple de l'impossibilité de disposer du droit
litigieux.
Dans cette mesure, le jugement rescindant serait
immédiatement
susceptible d'un recours de droit public (ATF 87 I 371
consid.
2 p. 374; Schweizer, op. cit., p. 288/289). Le Tribunal fédé-
ral a également déclaré recevables des recours par lesquels,
à
propos d'une décision incidente sur un recours
extraordinaire,
on contestait la recevabilité de ce recours. Il est ainsi en-
tré en matière sur un recours de droit public dirigé contre
une décision d'une autorité de recours en matière d'impôt ad-
mettant une demande de reconsidération du fisc et renvoyant
l'affaire à une autorité inférieure, dans la mesure où le re-
courant contestait que cette voie eût été ouverte (ATF 87 I
171 consid. 2 p. 177/178). Ont aussi été déclarés recevables
un recours formé contre l'annulation, ensuite de relief,
d'un
jugement civil par contumace et invoquant la tardiveté de la
demande de relief, de même qu'un recours formé contre une dé-
cision de renvoi de la Cour de cassation du canton de Zurich
et contestant la recevabilité du pourvoi en cassation, au mo-
tif que le litige portait sur une question qui ne pouvait
plus
être remise en discussion par la suite (arrêts non publiés
mentionnés dans l'ATF 87 I 171 précité).

bb) En l'occurrence, les recourants reprochent à
l'autorité cantonale d'avoir considéré que la voie de la
révi-
sion était ouverte contre le prononcé attaqué; ils
prétendent

en outre que l'intimé n'avait pas qualité pour agir et qu'il
aurait présenté sa demande tardivement. Dans un autre grief,
ils soutiennent que la requête de révision ne pouvait être
ad-
mise, faute de motif légal. Si ce dernier moyen apparaît pré-
maturé au vu de la jurisprudence susmentionnée (ATF 87 I 371
précité), il n'en va pas forcément de même des autres griefs
soulevés. La question peut cependant rester indécise car le
recours ne saurait de toute façon être admis, comme il sera
exposé ci-après.

2.- Les recourants reprochent à l'autorité cantonale
d'avoir considéré que le prononcé rendu en première instance
pouvait faire l'objet d'une demande de révision. Ils préten-
dent qu'elle a arbitrairement retenu que la procédure en
annu-
lation des titres litigieux était de nature contentieuse, de
sorte que la décision attaquée constituait un "jugement défi-
nitif" au sens de l'art. 476 du code de procédure civile vau-
dois (CPC/VD); ils soutiennent en outre que l'intimé n'avait
pas qualité pour agir.

a) Selon cette disposition, celui qui a été condamné
par un jugement définitif ou son ayant cause obtient la révi-
sion si le requérant recouvre un titre qui aurait été impor-
tant dans les débats, mais qu'il ignorait ou ne pouvait
faire
produire au dossier (al. 1 ch. 2). L'autorité cantonale a es-
timé que par jugements définitifs, il fallait entendre ceux
qui étaient revêtus de la chose jugée. S'agissant de
décisions
non contentieuses, elle avait dans un cas implicitement
admis
que la demande était recevable, ce qu'elle avait cependant
nié
dans une autre affaire, faute d'autorité de la chose jugée.
En
l'espèce, il y avait lieu de relever que dans une procédure
ordinaire en annulation de titre - procédure de nature non
contentieuse -, le requérant à l'annulation qui obtient gain
de cause doit ensuite agir au fond, dans le cadre d'une
procé-
dure contentieuse, en reconnaissance d'une créance, le cas
échéant contre le détenteur des titres dont l'annulation a
été

prononcée, ce qui permet à celui-ci de participer à la procé-
dure et de faire valoir ses droits. Dans le cas particulier
toutefois, il résultait du dossier, en particulier de la dé-
claration de feu X.________ du 28 décembre 1994, que le re-
quérant à la révision était propriétaire et possesseur légi-
time des cédules en cause et, par conséquent, titulaire de
la
créance qui y était incorporée. La procédure d'annulation
l'avait ainsi privé non seulement de la créance mais
surtout,
définitivement, du droit de gage qui y était incorporé. En
ad-
mettant que les cédules litigieuses pouvaient être
considérées
comme perdues parce que le nouveau titulaire refusait de les
rendre à leur "propriétaire" et en les annulant pour ce
motif,
le juge de première instance avait en réalité également
statué
sur le fond du litige, question qui relevait de la procédure
contentieuse. Au vu de ces éléments, il convenait d'admettre
que la voie de la révision était ouverte. Le requérant avait
en outre été atteint dans ses droits par la décision contes-
tée; il avait en conséquence qualité pour en demander la
révi-
sion.

b) Les recourants se contentent d'affirmer que la
Chambre des révisions a admis sans preuve que l'intimé était
le légitime propriétaire des titres litigieux et qu'elle a
par
conséquent arbitrairement qualifié la procédure en
annulation
de contentieuse, pour le motif que celle-ci aurait vidé le
problème au fond. En ce qui concerne la qualité pour agir de
l'intimé, ils se bornent également à alléguer que celui-ci
n'a
pas été "condamné" par le prononcé de première instance,
qu'il
n'a pas acquis de droit postérieurement à cette décision et
qu'il n'était donc pas partie à la procédure. Autant qu'on
les
comprenne, ces critiques sont de nature purement
appellatoire
et, partant, irrecevables (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 127
I
38 consid. 3c p. 43; 126 III 534 consid. 1b p. 536; 125 I
492
consid. 1b p. 495). Le recours de droit public pour
arbitraire
n'est en effet pas un appel qui permettrait au Tribunal fédé-
ral de procéder lui-même à l'appréciation des preuves et

d'établir les faits. Il ne lui appartient donc pas de recher-
cher dans le dossier cantonal les éléments de fait pouvant
éventuellement fonder les allégations des recourants. Leurs
critiques ne peuvent dès lors qu'être écartées.

3.- a) Les recourants reprochent en outre à l'autori-
té cantonale d'avoir violé l'art. 476 CPC/VD, en affirmant
de
manière totalement arbitraire que l'existence de la
procédure
d'annulation, à laquelle le requérant n'avait pas participé,
devait être assimilée à une "pièce" ou qu'elle pouvait en te-
nir lieu. La condition selon laquelle le requérant ne peut
demander la révision que s'il recouvre un titre qui aurait
été
important dans les débats ne serait dès lors pas réalisée.

b) Sur ce point, l'autorité cantonale a considéré que
la déclaration du 28 décembre 1994 était importante pour la
cause et qu'elle justifiait l'admission de la demande de
révi-
sion, le requérant ayant été empêché de la produire, de même
que les cédules litigieuses, dans la procédure intentée par
son père, sans qu'on puisse lui reprocher d'avoir été un
plai-
deur négligent puisqu'il n'avait pas été assigné. Or les re-
courants ne critiquent pas cette motivation. Ils ne s'en
pren-
nent pas non plus à l'opinion de la Chambre des révisions se-
lon laquelle, en admettant que la procédure en cause fût de
nature non contentieuse,
les motifs invoqués par le
requérant
dans sa lettre du 27 janvier 1999 au premier juge auraient
au
demeurant justifié la reconsidération du prononcé du 11 juin
1997, mesure admise par la doctrine en procédure non conten-
tieuse. Insuffisamment motivé (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF
127 I 38 consid. 3c p. 43), le moyen apparaît ainsi
également
irrecevable.

4.- Dans un dernier grief, les recourants se plai-
gnent d'une violation de l'art. 477 al. 1 CPC/VD, qui
prévoit
que la demande de révision doit être présentée, à peine de
pé-

remption, dans les trois mois dès la découverte du motif de
révision.

a) L'autorité cantonale a retenu que la procédure en
annulation des cédules hypothécaires avait été introduite
alors que le requérant séjournait à l'étranger, dans le but
qu'il n'en ait pas connaissance et ne puisse ainsi produire
les titres en cause. Au vu de cet élément et de la nature
par-
ticulière de l'affaire, il y avait lieu d'admettre comme
point
de départ du délai de l'art. 477 al. 1 CPC/VD la date de la
prise de connaissance de l'annulation judiciaire des cédules
litigieuses, soit le 27 janvier 1999. La requête de
révision,
déposée le 26 avril suivant, l'avait donc été en temps
utile.

b) Ce raisonnement n'apparaît insoutenable; du moins,
les recourants ne le démontrent pas. Ils prétendent
seulement
qu'il est parfaitement arbitraire, car contraire aux faits,
de
considérer que le père du requérant a attendu que celui-ci
soit à l'étranger pour intenter une procédure en annulation
de
titre. A l'appui de cette allégation, ils se contentent de
di-
re que, dans sa demande de révision du 26 avril 1996 [recte
1999], le requérant a indiqué en lieu et place de son
adresse
"voyageur permanent sans domicile en Suisse", qu'il a
lui-même
précisé qu'il était globe-trotter depuis le 1er janvier 1994
et que tous les éléments du litige, notamment la déclaration
du 28 décembre 1994, sont postérieurs à son départ de
Suisse.
Pour autant qu'elle soit pertinente, cette argumentation ne
répond manifestement pas aux exigences de motivation
déduites
de l'art. 90 al. 1 let. b OJ. Il n'y a donc pas lieu
d'entrer
en matière sur ce point.

5.- En conclusion, le recours formé par l'exécuteur
testamentaire apparaît à l'évidence entièrement irrecevable.
Les frais judiciaires seront dès lors supportés par les
recou-
rants. Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens, des observa-
tions n'ayant pas été requises.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

vu l'art. 36a OJ:

1. Déclare le recours irrecevable.

2. Met à la charge des recourants un émolument judi-
ciaire de 5'000 fr.

3. Communique le présent arrêt en copie aux parties
et à la Chambre des révisions civiles et pénales du Tribunal
cantonal du canton de Vaud.

__________

Lausanne, le 15 novembre 2001
MDO/frs

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.109/2001
Date de la décision : 15/11/2001
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-11-15;5p.109.2001 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award