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15/11/2001 | SUISSE | N°2P.266/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 15 novembre 2001, 2P.266/2001


«/2»
2P.266/2001

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
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15 novembre 2001

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger, Pré-
sident, Yersin et Merkli. Greffier: M. Albertini.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

G.________, représenté par Me Dan Bally, avocat à Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 12 septembre 2001 par le Tribunal adminis-
tratif du canton de Vaud, dans la cause qui oppose le recou-
rant à

la commune de Crans-près-Céligny;

(art. 9 et 29 Cst.; résiliation de places d'amarrage;
indication de la voi...

«/2»
2P.266/2001

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

15 novembre 2001

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger, Pré-
sident, Yersin et Merkli. Greffier: M. Albertini.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

G.________, représenté par Me Dan Bally, avocat à Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 12 septembre 2001 par le Tribunal adminis-
tratif du canton de Vaud, dans la cause qui oppose le recou-
rant à la commune de Crans-près-Céligny;

(art. 9 et 29 Cst.; résiliation de places d'amarrage;
indication de la voie et du délai de recours)

Considérant en fait et en droit:

1.- a) Propriétaire d'un bateau, G.________ dispose
depuis 1993 de deux places d'amarrage dans le port communal
de Crans-près-Céligny. Le 3 avril 2000, la Municipalité de
ladite commune (ci après: la Municipalité) a écrit à
G.________ pour l'informer que ses places d'amarrage ne lui
seraient plus accordées à l'avenir et qu'il devait procéder
à
l'enlèvement de son bateau dans un délai échéant le 31 mars
2001. La Municipalité faisait valoir que l'intéressé
habitait
en France depuis plusieurs années et qu'il naviguait peu ou
pas du tout alors que plusieurs personnes domiciliées dans
le
village, prioritaires pour les emplacements de bateau,
étaient dans l'attente d'une place d'amarrage. Ce courrier
ne
mentionnait pas de voie ni de délai de recours. Le 11 décem-
bre 2000, la Municipalité a réitéré à G.________ les termes
de sa lettre du 3 avril 2000, toujours sans indiquer ni voie
ni délai de recours.

Par l'intermédiaire de son conseil, G.________ a de-
mandé, le 19 février 2001, à la Municipalité de lui indiquer
la base réglementaire de la décision prise à son encontre.
Le
26 février 2001, la Municipalité lui a adressé le règlement
du port en précisant que la mise à disposition
d'emplacements
se faisait pour une année civile avec une possibilité de dé-
nonciation pour les deux parties. Elle retenait avoir toute
autorité pour disposer des places d'amarrage lorsque les pro-
priétaires n'habitaient plus dans le canton de Vaud et, à
plus forte raison, lorsqu'ils résidaient à l'étranger. Elle
rappelait également que les personnes domiciliées dans la
commune étaient prioritaires et qu'il existait une liste
d'attente de 15 à 20 personnes. Enfin, la Municipalité con-
seillait à G.________ de louer une place d'amarrage dans un
port privé jouxtant celui de Crans-près-Céligny, ajoutant
qu'en cas de non évacuation du bateau le

31 mars 2001 elle se verrait obligée de procéder à son en-
lèvement et à sa mise en fourrière et que, une année après,
elle pourrait le mettre en vente aux enchères.

b) Par arrêt du 12 septembre 2001, le Tribunal admi-
nistratif du canton de Vaud a déclaré irrecevable le recours
déposé le 14 mars 2001 par G.________ contre la "décision"
de
la Municipalité de Crans-près-Céligny du 26 février 2001.

c) Agissant par la voie du recours de droit public
pour violation des art. 9 et 29 Cst., G.________ demande au
Tribunal fédéral, avec suite de dépens, d'annuler l'arrêt du
Tribunal administratif.

d) Le Tribunal fédéral s'est uniquement fait pro-
duire le dossier du Tribunal administratif.

2.- a) Le présent litige porte sur la question de
savoir si le Tribunal administratif du canton de Vaud a
violé
les art. 9 et 29 Cst. en considérant comme irrecevable, pour
cause de tardiveté, le recours formé par G.________. Selon
la
juridiction cantonale, le délai de recours de 20 jours fixé
par l'art. 31 de la loi vaudoise du 18 décembre 1989 sur la
juridiction et la procédure administratives (ci-après: LJPA)
partait de la communication du courrier du 3 avril 2000, qui
était une décision administrative au sens de l'art. 29 LJPA.
Or, le recourant n'avait agi ni à réception de cette déci-
sion, ni à celle de la confirmation du 11 décembre 2000. En
ayant attendu la fin du mois de février 2001, soit près
d'une
année à partir de la décision initiale, pour s'informer des
moyens d'attaquer les décisions qui lui avaient été noti-
fiées, le recourant n'avait pas agi en temps utile au regard
du principe de la bonne foi, de sorte qu'il ne pouvait pas
se
prévaloir de l'absence d'indication de la voie et du délai
de
recours dans la décision initiale. Par ailleurs, le courrier
du 26 février 2001 ne constituait pas une décision sujette à

recours, ni une décision qui faisait courir un nouveau délai
de recours contre les décisions antérieures, qu'elle ne fai-
sait que confirmer.

b) Le recourant fait valoir que l'obligation géné-
rale d'indiquer les voies de recours, non explicitement pré-
vue dans le droit cantonal applicable mais découlant du
droit
fédéral, n'a pas été respectée; dès lors il ne lui apparte-
nait pas de supporter les conséquences de cette omission. Au-
cune indication à ce sujet ne figurant dans le courrier du
3 avril 2000, il l'aurait considéré, de bonne foi, non pas
comme une décision mais comme un avertissement ou un
conseil,
compte tenu notamment du long délai qui lui était donné pour
enlever son bateau; il avait estimé qu'il n'était pas tenu
par des échéances et qu'il pouvait en conséquence reporter à
plus tard les négociations envisagées avec la Municipalité
intimée. En effet, celle-ci ne lui aurait jamais écrit de ma-
nière formelle et explicite qu'elle résiliait ses places
d'amarrage. En définitive on ne saurait exiger d'un citoyen
ordinaire qu'il connaisse les règles de procédure et lui re-
procher d'avoir consulté un conseil professionnel seulement
au début de l'année 2001 dès lors qu'il lui restait encore
plus de trois mois avant le délai imparti.

c) Il paraît d'emblée douteux que l'argumentation du
recours de droit public, pour l'essentiel de caractère appel-
latoire, remplisse les conditions de recevabilité posées par
l'art. 90 al. 1 let. b OJ, aux termes duquel l'acte de re-
cours doit contenir un exposé succinct des droits constitu-
tionnels ou des principes juridiques violés, précisant en
quoi consiste la violation (ATF 117 Ia 393 consid. 1c; 110
Ia
1 consid. 2a; 107 Ia 186 consid. b). Quoi qu'il en soit, ces
moyens sont manifestement mal fondés.

d) aa) La lettre du 3 avril 2000 a été qualifiée
sans arbitraire par le Tribunal administratif de décision au

sens de l'art. 29 LJPA, bien qu'elle n'ait pas été désignée
comme telle par la Municipalité et n'ait indiqué ni voie ni
délai de recours. Sa teneur est claire, dans la mesure où
l'autorité communale obligeait le recourant à procéder à
l'enlèvement de son bateau dans un délai précis (le 31 mars
2001 au plus tard), en lui indiquant les raisons pour les-
quelles la commune ne pouvait plus lui accorder de place
d'amarrage. Une telle lettre de résiliation devait donc être
comprise de bonne foi par son destinataire non pas comme un
avertissement ou un conseil mais comme un acte étatique indi-
viduel, sujet à recours, ayant pour objet de régler de ma-
nière obligatoire et contraignante un rapport juridique con-
cret soumis au droit administratif (sur la notion de déci-
sion, voir ATF 121 II 473 consid. 2a et les références ci-
tées).

bb) Reste à examiner les conséquences de l'absence
d'indication des voies de recours. Certes, l'arrêt attaqué
est ambigu dans la mesure où il affirme que le droit
vaudois,
en particulier la loi sur la juridiction et la procédure ad-
ministratives, ne contient pas d'obligation générale d'indi-
cation des voies de droit, mais qu'il est d'usage de le
faire, cet usage revêtant pratiquement un caractère obliga-
toire. Cependant il n'est pas nécessaire d'examiner jusqu'à
quel point une telle indication (cela vaut aussi pour les dé-
lais de recours) est obligatoire selon le droit cantonal ap-
plicable, lorsqu'il est d'usage d'en faire mention et s'il
en
découle pour l'autorité le devoir de se tenir à une pratique
uniforme. Dans la mesure où le Tribunal administratif semble
avoir reconnu une telle obligation, il n'y a pas de raison
pour le Tribunal fédéral de s'écarter de cette opinion; il
n'est pas non plus nécessaire d'examiner si une telle obliga-
tion découle du droit constitutionnel fédéral en ce qui con-
cerne les décisions prises en première instance cantonale.
Quoi qu'il en soit, le recourant ne pouvait se prévaloir
d'une notification irrégulière pour demander que le Tribunal

administratif entre en matière sur le recours du 14 mars
2001
nonobstant sa tardiveté. En effet, eu égard aux
circonstances
concrètes, il n'a pas agi dans un délai raisonnable. Il est
établi que le recourant n'a pas réagi lorsqu'il a reçu la dé-
cision du 3 avril 2000 ni lors du rappel du 11 décembre
2000,
mais qu'il a attendu mi-février pour consulter un avocat et
s'informer des possibilités de recours. De toute manière, il
ne fait sérieusement valoir aucune circonstance l'ayant empê-
ché d'agir plus tôt. Or, d'après les règles de la bonne foi,
on peut attendre du destinataire d'une décision, reconnais-
sable comme telle, mais sans indication de voie ni de délai
de recours, qu'il entreprenne dans un délai raisonnable les
démarches voulues pour sauvegarder ses droits, notamment
qu'il se renseigne auprès d'un avocat ou de l'autorité qui a
statué (ATF 119 IV 330 consid. 1c; 112 Ib 417 consid. 2d;
111
Ia 280 consid. 2b; 102 Ib 91 consid. 3; Jean-François Egli,
La protection de la bonne foi dans le procès, in Juridiction
constitutionnelle et juridiction administrative, Zurich 1992,
p. 232).

En application de ces principes, le recourant, qui a
déposé son recours le 14 mars 2001 contre une décision qui
lui avait été communiquée le 3 avril 2000 et rappelée le
11 décembre 2000, n'a pas agi en temps utile. Le courrier du
26 février 2001, qui confirmait la résiliation pour le
31 mars 2001, ne faisait pas courir un nouveau délai de re-
cours, du moment qu'il n'est pas établi - et le recourant ne
le soutient du reste pas - que l'autorité communale ait en
réalité voulu annuler la décision du 3 avril 2000 et la rem-
placer par une décision équivalente, qui ferait partir un
nouveau délai de recours (cf. ATF 114 Ia 105 consid. 2d/bb).
La juridiction cantonale pouvait dès lors constater l'irrece-
vabilité du recours pour cause de tardiveté sans commettre
un
déni de justice formel.

e) Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté,
dans la mesure où il est recevable, selon la procédure sim-
plifiée de l'art. 36a OJ, sans qu'il soit nécessaire d'ordon-
ner un échange d'écritures.

3.- Succombant, le recourant doit supporter les
frais judiciaires (art. 153, 153a et 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

vu l'art. 36a OJ:

1. Rejette le recours, dans la mesure où il est re-
cevable.

2. Met un émolument judiciaire de 2'000 fr. à la
charge du recourant.

3. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire du recourant, à la Municipalité de Crans-près-Céligny
et au Tribunal administratif du canton de Vaud.

Lausanne, le 15 novembre 2001
AMI/dxc

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.266/2001
Date de la décision : 15/11/2001
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-11-15;2p.266.2001 ?
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