La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/11/2001 | SUISSE | N°C.45/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 14 novembre 2001, C.45/01


«AZA 7»
C 45/01 + C 69/01 Tn

IVe Chambre

MM. et Mme les juges Borella, Président, Leuzinger et
Kernen. Greffier : M. Métral

Arrêt du 14 novembre 2001

dans la cause

V.________, recourant,

contre

Caisse cantonale genevoise de chômage, rue de
Montbrillant 40, 1201 Genève, intimée,

et

Caisse cantonale genevoise de chômage, rue de
Montbrillant 40, 1201 Genève, recourante,

contre

V.________, intimé,

et

Commission cantonale de re

cours en matière d'assurance-
chômage, Genève

A.- V.________ s'est inscrit au chômage le 1er octobre
1997 et a obtenu l'ouverture d'un déla...

«AZA 7»
C 45/01 + C 69/01 Tn

IVe Chambre

MM. et Mme les juges Borella, Président, Leuzinger et
Kernen. Greffier : M. Métral

Arrêt du 14 novembre 2001

dans la cause

V.________, recourant,

contre

Caisse cantonale genevoise de chômage, rue de
Montbrillant 40, 1201 Genève, intimée,

et

Caisse cantonale genevoise de chômage, rue de
Montbrillant 40, 1201 Genève, recourante,

contre

V.________, intimé,

et

Commission cantonale de recours en matière d'assurance-
chômage, Genève

A.- V.________ s'est inscrit au chômage le 1er octobre
1997 et a obtenu l'ouverture d'un délai-cadre
d'indemnisation courant du 1er octobre 1997 au 30 septembre
1999. A partir du 22 juin 1998, il a travaillé à plein
temps au service de X.________ et annoncé à la Caisse

cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse) qu'il
réalisait des gains intermédiaires; ceux-ci se sont élevés
à 1909 fr. (montant arrondi) en juin 1998, puis à 6000 fr.
par mois dès le mois de juillet 1998, montant auquel se
sont ajoutés, de mars à juin et d'août à septembre 1999,
une participation mensuelle de 15 fr. aux cotisations
d'assurance-maladie, un montant de 947 fr. 75 à titre
d'«allocation de vie chère» en décembre 1998 et une «allo-
cation complémentaire» de 1800 fr. en décembre 1999.
Pendant le délai-cadre d'indemnisation, la caisse a
régulièrement alloué à V.________, de juin à novembre 1998
et de janvier à septembre 1999, des indemnités compens-
atoires calculées sur la base, d'une part, d'un gain assuré
de 7600 fr. par mois, et d'autre part, des gains
intermédiaires attestés par l'employeur. A l'échéance de
son premier délai-cadre d'indemnisation, l'assuré présenta
une nouvelle demande de prestations, que la caisse rejeta
le 18 novembre 1999.
Par décision du 19 janvier 2000, considérant que les
allocations de vie chère et complémentaire devaient être
ventilées, pro rata temporis, sur les gains intermédiaires
annoncés pendant le délai-cadre, la caisse a repris le cal-
cul des indemnités compensatoires et exigé le remboursement
des indemnités versées pour les périodes de contrôle de
juin 1998 à septembre 1999. Saisi par l'assuré d'un recours
contre cette décision, l'Office cantonal de l'emploi du
canton de Genève (ci-après : l'office) l'a annulée, par
décision du 31 mai 2000.

B.- La caisse déposa un recours contre la décision de
l'office, que la Commission cantonale genevoise de recours
en matière d'assurance-chômage a admis partiellement, par
jugement du 14 septembre 2000. Elle considérait que le
droit d'exiger la restitution des indemnités compensatoires
versées en 1998 était périmé et retournait la cause à la
caisse afin qu'elle procède au calcul des montants soumis à

restitution pour les périodes de contrôle de janvier à sep-
tembre 1999, puis rende une nouvelle décision.

C.- L'assuré et la caisse interjettent chacun un
recours de droit administratif contre ce jugement. En
substance, le premier conclut à l'annulation du jugement
entrepris, alors que la seconde en demande la réformation,
en ce sens que V.________ soit condamné à rembourser les
prestations allouées du 22 juin 1998 au 30 septembre 1999.
Le Secrétariat d'Etat à l'économie, renonçant à se
déterminer sur le recours de la caisse, propose le rejet du
recours déposé par l'assuré.

Considérant en droit :

1.- Les recours de droit administratif concernent des
faits de même nature, portent sur des questions juridiques
communes et sont dirigés contre le même jugement, si bien
qu'il convient de joindre les causes (cf. ATF 123 V 215
consid. 1 et les références).

2.- Les dispositions légales et les principes juris-
prudentiels relatifs à la reconsidération et à la révision
procédurale de décisions entrées en force, à l'obligation
de restituer à l'assurance-chômage les prestations indûment
perçues ainsi qu'au délai de péremption du droit d'exiger
une telle restitution, sont exposés correctement dans le
jugement entrepris (consid. 1a et 3a), auquel il convient
de renvoyer.

3.- a) Selon l'art. 24 al. 2 LACI, l'assuré a droit,
dans les limites du délai-cadre applicable à la période
d'indemnisation, à une compensation de la perte de gain
pour les jours où il réalise un gain intermédiaire. Est
réputé gain intermédiaire tout gain que le chômeur retire

d'une activité salariée ou indépendante durant une période
de contrôle (art. 24 al. 1 LACI).

b) D'après les renseignements fournis aux instances
précédentes, X.________ verse chaque année à ses employés
temporaires une allocation complémentaire correspondant à
2,5 % du salaire réalisé pendant l'année. Cette allocation
n'est prévue, formellement, ni dans le contrat de travail,
ni dans les conditions générales d'engagement, et n'est
allouée qu'en décembre, aux employés dont le contrat de
travail n'a pas pris fin en cours d'année.
Les premiers juges ont considéré, avec la caisse, que
les allocations perçues à ce titre par V.________ en
décembre 1998 et décembre 1999 devaient être réparties sur
tous les mois pendant lesquels l'assuré avait travaillé,
respectivement en 1998 et 1999. Ils se sont à cet égard
référés à une directive de l'Office fédéral du développe-
ment économique et de l'emploi (OFDE; actuellement Secré-
tariat d'état à l'économie) intitulée «gain assuré-gratifi-
cations» (Bulletin AC 97/1, fiche 12). Pour sa part,
V.________ conteste la répartition opérée par la caisse et
les premiers juges, faisant valoir qu'il n'avait acquis
aucun droit aux allocations litigieuses avant leur
paiement.

4.- Les notions de gain assuré (art. 23 LACI) et de
gain intermédiaire (art. 24 LACI) sont distinctes l'une de
l'autre, mais étroitement liées. En effet, le gain réalisé
par le chômeur durant une période de contrôle (art. 24
al. 1 LACI) réduit le manque à gagner résultant du chômage
(art. 11 al. 1 LACI), de sorte que l'assurance-chômage
n'indemnise que la différence entre le gain assuré et le
gain intermédiaire (art. 24 al. 2 et 3 LACI); effectuer une
telle comparaison nécessite d'en définir les termes selon
des critères analogues (dans ce sens, ATF 121 V 360 con-
sid. 6a et l'arrêt non publié cité). Il convient par
ailleurs d'éviter, autant que possible, qu'un assuré se

voie imputer un gain intermédiaire réalisé pendant un
délai-cadre d'indemnisation et que ce revenu ne soit pas
ensuite pris en considération pour déterminer son gain
assuré (et inversément), lors de l'ouverture d'un deuxième
délai-cadre d'indemnisation.
Aussi, en règle générale, le Tribunal fédéral des
assurances détermine le gain intermédiaire selon les mêmes
règles qu'il applique au calcul du gain assuré. Ainsi en
va-t-il, par exemple, du principe d'après lequel un revenu
est réputé avoir été réalisé au moment où l'assuré a fourni
la prestation de travail rémunératoire (cf. ATF 122 V 371
consid. 5b), ou du régime applicable aux indemnités de
vacances versées avec le salaire, sous forme de pourcentage
(cf. DTA 2000 no 7 p. 33 consid. 2). La jurisprudence n'ex-
clut toutefois pas d'examiner, dans certains cas, le droit
d'un assuré à des indemnités compensatoires selon des cri-
tères propres, en raison des particularités inhérentes au
système régi par l'art. 24 LACI (cf. SVR 2000 AlV no 22
p. 63 consid. 3); la loi le prévoit parfois expressément,
notamment à l'art. 24 al. 3 LACI, qui prescrit de prendre
en considération un gain intermédiaire conforme aux usages
professionnels et locaux.

5.- a) Les allocations de renchérissement, les
gratifications, ainsi que les primes de fidélité et au
rendement sont incluses dans le gain assuré, même si
l'employeur les verse à bien plaire et que l'employé ne
peut en déduire aucun droit en justice (art. 23 LACI, en
relation avec les art. 5 al. 2 LAVS et 7 let. b et c RAVS;
ATF 122 V 363 consid. 3 et les références). Lorsque la
période de référence est le dernier mois de cotisation
avant le début du délai-cadre d'indemnisation (art. 37
al. 1 OACI), elles doivent être imputées proportionnelle-
ment sur les autres mois de l'année pendant lesquels
l'assuré a travaillé, de la même manière qu'un treizième
salaire (consid. 3d de l'arrêt cité, cf. également DTA 1988
15 p. 120 consid. 4). Ces règles sont exposées dans la

directive de l'OFDE citée par la caisse et les premiers
juges (consid. 3b ci-dessus), qui ne porte que sur le
calcul du gain assuré.

b) Dans la mesure où les gratifications versées en fin
d'année par un employeur constituent une rémunération pour
une prestation de travail effectuée tout au long de
l'année - tel est manifestement le cas de gratifications
calculées pro rata temporis, comme en l'espèce - il con-
vient de les appréhender, dans le cadre de l'art. 24 LACI,
conformément aux principes énoncés ci-dessus, même si
l'assuré n'avait pas acquis, préalablement, de créance à
l'encontre de son employeur. D'une part, traiter diffé-
remment de telles gratifications selon qu'elles peuvent ou
non faire l'objet d'une action en justice, comme le demande
V.________, contraindrait les caisses de chômage à
déterminer dans un premier temps le caractère obligatoire
ou facultatif de la prestation de l'employeur, ce qui
entraînerait souvent d'importantes difficultés (cf. ATF
122 V 366 consid. 4c) et un risque accru d'abus. D'autre
part, les montants versés en fin d'année par les employeurs
(en particulier le treizième salaire) représentent fréquem-
ment une fraction importante du revenu annuel; les imputer
sur une seule période de contrôle reviendrait à introduire
une grande différence entre les revenus pris en considéra-
tion à titre de gain intermédiaire et de gain assuré, ce
qu'il convient d'éviter.

c) Lorsqu'elles statuent, en cours d'année, sur le
droit d'un assuré à des indemnités compensatoires, les
caisses de chômage ignorent si une gratification sera ver-
sée, à bien plaire, par l'employeur. Il leur appartient
donc, si elles apprennent le versement d'une telle grati-
fication, de procéder à une révision des décisions d'allo-
cation d'indemnités compensatoires déjà entrées en force,
au motif que la prestation de travail de l'assuré s'est
finalement avérée plus rémunératrice qu'initialement

annoncé. Une telle révision, assortie d'une décision de
restitution des prestations, peut avoir dans certains cas
des conséquences particulièrement rigoureuses pour l'assu-
ré. Ce dernier pourra toutefois, s'il est de bonne foi,
obtenir la remise de l'obligation de restituer, conformé-
ment à l'art. 95 al. 2 LACI.

6.- a) Répartie sur les douze mois pendant lesquels
V.________ a travaillé pour X.________ en 1999,
l'allocation complémentaire de 1800 fr. perçue en décembre
de la même année, calculée pro rata temporis, représente un
supplément de 150 fr. à son salaire mensuel. L'assuré réa-
lisait ainsi un revenu supérieur à son indemnité de chômage
pendant les périodes de contrôle de janvier à septembre
1999, comme l'ont retenu à juste titre la caisse et les
premiers juges. Il ne pouvait donc prétendre des indemnités
compensatoires (cf. art. 41a OACI) et la caisse devait pro-
céder à la révision des décisions par lesquelles elle lui
avait alloué de telles indemnités. Le recours interjeté par
V.________ sera donc rejeté, mais ce dernier peut présenter
à la caisse, qui soumettra le cas à l'autorité cantonale,
une demande de remise de l'obligation de restituer au sens
de l'art. 95 al. 2 LACI.

b) La caisse a également exigé la restitution des
indemnités compensatoires allouées pour les périodes de
contrôle du 22 juin au 31 décembre 1998. Toutefois, elle a
appris le versement d'une allocation complémentaire de
947 fr. 75, en décembre 1998, au plus tard à réception de
l'attestation de gain intermédiaire relative à cette pério-
de de contrôle, soit le 7 janvier 1999. L'attestation indi-
quait que l'allocation correspondait à 2,5 % du salaire, de
sorte que la caisse était en mesure de déterminer, sur la
base de ce document, que le montant versé était lié à la
prestation de travail fournie par l'assuré pendant l'année,
et non seulement en décembre 1998; à tout le moins devait-
elle s'en douter et élucider la question. A défaut de

l'avoir fait, elle ne pouvait plus se prévaloir, au moment
de la décision litigieuse du 18 janvier 2000, d'un motif de
révision et exiger la restitution des prestations indûment
versées en 1998, vu le délai de péremption d'une année
prévu à l'art. 95 al. 4 LACI. Le recours de la caisse
s'avère donc mal fondé et doit lui aussi être rejeté.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances,

p r o n o n c e :

I. Les causes C 45/01 et C 69/01 sont jointes.

II. Les recours sont rejetés.

III. Il n'est pas perçu de frais de justice.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Groupe réclamations de l'Office cantonal genevois de
l'emploi, à la Commission cantonale de recours en
matière d'assurance-chômage du canton de Genève et au
Secrétariat d'Etat à l'économie.

Lucerne, le 14 novembre 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IVe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.45/01
Date de la décision : 14/11/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-11-14;c.45.01 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award