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13/11/2001 | SUISSE | N°6S.497/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 novembre 2001, 6S.497/2001


«/2»
6S.497/2001/DXC

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

13 novembre 2001

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
M. Schneider et M. Kolly, Juges. Greffière: Mme Angéloz.

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

A.________, représenté par Me Olivier Subilia, avocat à
Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 26 février 2001 par la Cour de cassation
pénale du Tribunal cantonal vaudois dans la cause qui op-

pose le recourant à X.________, représentée par
Me Bernard Katz, avocat à Lausanne, et au Ministère pu-
blic du canton...

«/2»
6S.497/2001/DXC

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

13 novembre 2001

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
M. Schneider et M. Kolly, Juges. Greffière: Mme Angéloz.

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

A.________, représenté par Me Olivier Subilia, avocat à
Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 26 février 2001 par la Cour de cassation
pénale du Tribunal cantonal vaudois dans la cause qui op-
pose le recourant à X.________, représentée par
Me Bernard Katz, avocat à Lausanne, et au Ministère pu-
blic du canton de V a u d;

(art. 125 CP; lésions corporelles par négligence)

Vu les pièces du dossier, d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par jugement du 15 novembre 2000, le Tribunal
correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a condamné
Y.________, Z.________ et A.________, pour lésions corpo-
relles graves par négligence (art. 125 CP), les deux pre-
miers à une amende de 3000 francs chacun et le troisième
à une amende de 800 francs. Il a par ailleurs acquitté un
autre accusé, C.________, et donné acte à X.________ de
ses réserves civiles à l'encontre des trois condamnés.

B.- Ce jugement retient, en substance, ce qui
suit:

a) Y.________ était responsable, jusqu'en janvier
1999, du service administratif de la société B.________,
laquelle est propriétaire d'un immeuble situé dans le
quartier du Flon à Lausanne. Z.________ est gérant tech-
nique auprès de la société B.________ et, à ce titre,
responsable du parc immobilier de cette société, notam-
ment de l'immeuble susmentionné. A.________ effectue,
parallèlement à des études universitaires, des remplace-
ments temporaires dans l'enseignement; il assume aussi la
gestion administrative de diverses associations à voca-
tion artistique en ville de Lausanne; à ce titre, il a
signé en novembre 1996 un bail avec la société B.________
portant sur l'immeuble susmentionné et y a sous-loué des
ateliers à une douzaine d'artistes.

b) Le bâtiment précité a été édifié en 1964 par la
société B.________. Il s'agissait d'un entrepôt équipé de
manière sommaire, comportant un rez-de-chaussée et un
étage reliés par un escalier. Par la suite, il a égale-
ment été utilisé comme atelier; dès 1990, il a été peu à
peu sous-loué à des associations d'artistes dont s'occu-
pait A.________, avant que ce dernier ne devienne le lo-
cataire principal de l'ensemble en novembre 1996.

Dès l'origine, la première entreprise locataire du
bâtiment a installé un appareil de levage, pourvu d'un
moteur électrique faisant fonctionner un câble avec pou-
lie. Le câble se terminait par un gros crochet permettant
de faire monter entre le rez-de-chaussée et l'étage une
charge maximale de 1300 kg. Par la suite, cette installa-
tion a été modifiée par l'adjonction d'une petite cage
grillagée, surmontée d'une boucle dans laquelle le cro-
chet du palan d'origine venait s'arrimer; deux rails la-
téraux ont été mis en place, ce qui a rendu l'ensemble
plus stable.

Dès 1995, il est cependant régulièrement arrivé
que, lorsque le palan était actionné pour faire redes-
cendre la nacelle vide, cette dernière reste bloquée à
l'étage et que le crochet situé au bout du câble se dé-
solidarise de la boucle surmontant la nacelle. Les usa-
gers devaient alors se livrer à diverses manoeuvres pour
raccrocher le dispositif. Cette défectuosité était connue
des occupants des lieux, en particulier de A.________,
auquel les sous-locataires s'en étaient plaints.
A.________ s'est toutefois borné à faire passer auprès de
chacun le message que l'installation était délicate et

qu'il ne fallait surtout pas l'utiliser pour le transport
de personnes. Il n'a en revanche pris aucune mesure pour
faire venir un professionnel et identifier l'origine du
problème, car les finances des associations qui sous-
louaient des locaux n'auraient pas permis d'engager de
tels frais. Il a renoncé à avertir la propriétaire du bâ-
timent, pensant que la société B.________ n'entrerait pas
en matière pour réparer l'appareil, à moins d'augmenter
les loyers.

Y.________ et Z.________ connaissaient l'existence
de l'engin de levage, modifié ensuite par l'adjonction
d'une nacelle et de rails de guidage. Il n'a en revanche
pas été établi qu'ils auraient formellement été prévenus
par le locataire principal ou les sous-locataires de la
défectuosité susmentionnée.

c) En mai 1997, X.________ a voulu profiter de la
libération d'ateliers dans le bâtiment en question pour y
déployer sa propre activité artistique. Le 3 mai 1997,
accompagnée de C.________, elle est venue aider le dé-
nommé D.________, grâce auquel elle était sur le point de
signer un bail de sous-location et qui avait lui-même dé-
jà conclu un contrat pour s'installer dans un des espaces
disponibles, à emménager. A cette occasion, il a été fait
usage de l'installation de levage. Lors de l'un des
transports, la nacelle est restée coincée au premier
étage et D.________ a dû se servir d'un morceau de bois
pour guider vers la boucle surmontant la nacelle le cro-
chet qui s'en était séparé. D.________ connaissait cette
défectuosité et a agi comme il l'estimait le plus adé-
quat. Il n'a pas été établi que X.________ et C.________

étaient présents lors de cette manoeuvre; ceux-ci étaient
cependant conscients du danger que présentait l'installa-
tion, car ils avaient été mis en garde par D.________ et,
à une autre occasion, par A.________.

d) Le 5 mai dans l'après-midi, X.________ et
C.________ se sont retrouvés sur les lieux pour achever
le déménagement de D.________, qui n'était pas présent.
Ils ont utilisé à plusieurs reprises l'installation de
levage, jusqu'au moment où la nacelle est restée bloquée
au premier étage. Ils ont tous deux constaté que le câble
était détendu et que le crochet situé à son extrémité
s'était détaché de l'anneau surmontant la nacelle. Con-
scients du fait que la cage n'était plus arrimée au câ-
ble, ils ont décidé de tenter de la raccrocher.
C.________ est ainsi resté à côté de l'interrupteur per-
mettant d'actionner le câble et a monté et descendu le
crochet, pensant que ces manoeuvres successives permet-
traient de replacer ce dernier dans la boucle de la na-
celle. X.________, elle, se trouvait au premier étage, à
proximité de l'installation, les yeux levés au-dessus de
la cage pour guider le mouvement du crochet. Elle était
consciente du fait qu'il ne fallait en aucun cas entrer
dans la nacelle, qui se trouvait en suspension instable.
Pour des raisons que l'instruction n'a pas permis d'éta-
blir, elle a cependant mis le pied à l'intérieur de la
cage de levage. Cette charge subite a immédiatement dé-
croché la cage, qui a chuté à l'étage inférieur où elle
s'est écrasée avec la jeune femme.

e) X.________ a été grièvement blessée. Elle a en
particulier subi une fracture par éclatement du corps

vertébral L1, une fracture complexe segmentaire du tibia
droit et une fracture du calcaneum gauche. Traitée chi-
rurgicalement, elle a été longtemps hospitalisée; au jour
du jugement, elle souffrait encore des suites de ses
lésions, notamment au niveau psychologique.

C.- Le tribunal a estimé que Y.________ et
Z.________, en tant que représentants de la propriétaire
de l'immeuble, devaient s'assurer que l'installation en
cause ne devenait pas dangereuse et qu'elle était en tout
temps en état de fonctionner. Professionnels de l'immobi-
lier et connaissant l'installation de levage ainsi que
les modifications qui lui avaient été apportées, ils au-
raient à tout le moins dû attirer l'attention des utili-
sateurs sur le danger qu'elle représentait, d'autant plus
qu'il s'agissait d'un bâtiment loué à de jeunes artistes
impécunieux, peu habitués à manipuler de tels engins.
Leur négligence manifeste avait favorisé la survenance de
l'accident.

Selon le tribunal, A.________ avait lui aussi co-
mmis une négligence manifeste. Bien qu'il connaissait de-
puis deux ans la défectuosité de l'appareil de levage et
le danger qui en résultait, il avait renoncé à en infor-
mer la propriétaire de l'immeuble, à faire procéder à des
travaux d'entretien ou de réparation ou encore à conda-
mner définitivement le tout.

S'agissant du comportement de la victime, qui avait
posé un pied sur la nacelle alors qu'elle savait ne pas
devoir le faire, le tribunal a considéré qu'il n'était
pas extraordinaire au point de rompre le lien de causali-

té entre les fautes retenues à l'encontre des accusés et
le dommage subi par la victime.

Le degré de culpabilité des accusés a été jugé com-
parable. Une amende de 800 francs a toutefois été infli-
gée à A.________, alors que ses coaccusés ont été sanc-
tionnés chacun par une amende de 3000 francs, eu égard à
sa situation financière moins aisée.

D.- Les trois condamnés ont recouru contre ce ju-
gement. Sur le plan pénal, Y.________ et Z.________ ont
conclu principalement à leur acquittement, subsidiaire-
ment à la nullité du jugement attaqué. A.________ a con-
clu principalement à la nullité du jugement et au complè-
tement de l'instruction, subsidiairement à sa libération
de l'infraction retenue et à une réduction de la part des
frais mis à sa charge. X.________ a conclu au rejet des
recours.

Par arrêt du 26 février 2001, la Cour de cassation
pénale du Tribunal cantonal vaudois a admis le recours de
Y.________ et Z.________, considérant qu'ils devaient
être libérés de l'infraction retenue à leur encontre, ce
qui rendait superflu l'examen de leurs moyens de nullité;
elle a en revanche écarté le recours de A.________, tant
en ce qui concerne les moyens de nullité que de réforme.

E.- A.________ se pourvoit en nullité au Tribunal
fédéral. Contestant sa condamnation pour lésions corpo-
relles par négligence, il conclut à l'annulation de l'ar-

rêt attaqué. Il sollicite par ailleurs l'assistance ju-
diciaire.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Saisie d'un pourvoi en nullité, qui ne peut
être formé que pour violation du droit fédéral (art. 269
PPF), la Cour de cassation contrôle l'application de ce
droit sur la base d'un état de fait définitivement arrêté
par l'autorité cantonale (cf. art. 277bis et 273 al. 1
let. b PPF). Elle ne peut donc pas revoir les faits rete-
nus dans la décision attaquée ni la manière dont ils ont
été établis, de sorte que ces points, sous peine d'irre-
cevabilité, ne peuvent être remis en cause dans le pour-
voi (ATF 124 IV 53 consid. 1 p. 55, 81 consid. 2a p. 83
et les arrêts cités).

2.- Le recourant soutient qu'il ne pouvait être
condamné pour lésions corporelles par négligence, faute
d'avoir eu une position de garant; subsidiairement, il
fait valoir que le lien de causalité entre l'omission qui
lui a été imputée et le dommage subi par la victime a de
toute manière été interrompu, alléguant que cette der-
nière a consenti à la réalisation du risque.

a) L'art. 125 CP réprime le comportement de celui
qui, par négligence, aura fait subir à une personne une
atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé. La loi
définit la négligence comme le comportement de celui qui,

par une imprévoyance coupable, c'est-à-dire en n'usant
pas des précautions commandées par les circonstances et
par sa situation personnelle, agit sans se rendre compte
ou sans tenir compte des conséquences de son acte
(art. 18 al. 3 CP). Pour qu'il y ait lésions corporelles
par négligence, il faut donc que l'auteur ait violé un
devoir de prudence, que cette violation ait été fautive
et qu'elle ait en outre été causale des lésions subies
par la victime.

Un comportement viole le devoir de prudence lorsque
l'auteur, au moment des faits, aurait pu, compte tenu de
ses connaissances et de ses capacités, se rendre compte
de la mise en danger d'autrui et qu'il a simultanément
dépassé les limites du risque admissible (ATF 127 IV 62
consid. 2d p. 64/65; 126 IV 13 consid. 7a/bb p. 16; 122
IV 17 consid. 2b p. 19/20). Pour déterminer plus précisé-
ment quels étaient les devoirs imposés par la prudence,
on peut se référer à des normes édictées par l'ordre ju-
ridique pour assurer la sécurité et éviter des accidents;
à défaut de dispositions légales ou réglementaires, on
peut se référer à des règles analogues qui émanent d'as-
sociations privées ou semi-publiques lorsqu'elles sont
généralement reconnues; la violation des devoirs de la
prudence peut aussi être déduite des principes généraux,
si aucune règle spéciale de sécurité n'a été violée
(ATF 127 IV 62 consid. 2d p. 65; 126 IV 13 consid. 7a/bb
p. 17; 122 IV 17 consid. 2b/aa p. 20).

Il y a violation fautive d'un devoir de prudence
lorsque l'on peut reprocher à l'auteur, compte tenu de
ses circonstances personnelles, de n'avoir pas déployé
l'attention et les efforts qu'on pouvait attendre de lui

pour se conformer à son devoir de prudence, autrement dit
d'avoir fait preuve d'un manque d'effort blâmable
(ATF 122 IV 17 consid. 2b p. 19; 121 IV 207 consid. 2a
p. 211).

La violation fautive d'un devoir de prudence doit
avoir été la cause naturelle et adéquate des lésions su-
bies par la victime. Un comportement est la cause natu-
relle d'un résultat s'il en constitue l'une des condi-
tions sine qua non; la constatation du rapport de causa-
lité naturelle relève du fait, ce qui la soustrait au
contrôle de la Cour de cassation; il y a toutefois vio-
lation de la loi si l'autorité cantonale méconnaît le
concept même de la causalité naturelle (ATF 125 IV 195
consid. 2b p. 197; 122 IV 17 consid. 2c/aa p. 23; 121 IV
207 consid. 2a p. 212). Il faut en outre que le rapport
de causalité
puisse être qualifié d'adéquat, c'est-à-dire
que, d'après le cours ordinaire des choses et l'expé-
rience de la vie, le comportement de l'auteur ait été
propre à entraîner un résultat du genre de celui qui
s'est produit; il s'agit-là d'une question de droit que
la Cour de cassation revoit librement (ATF 127 IV 62 con-
sid. 2d p. 65; 126 IV 13 consid. 7a/bb p. 17 et les ar-
rêts cités). La causalité adéquate peut cependant être
exclue si une autre cause concomitante - par exemple une
force naturelle, le comportement de la victime ou d'un
tiers - constitue une circonstance tout à fait exception-
nelle ou apparaît si extraordinaire que l'on ne pouvait
s'y attendre; l'imprévisibilité d'un acte concurrent ne
suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité
adéquate; il faut encore que cet acte ait une importance
telle qu'il s'impose comme la cause la plus probable et
la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à

l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué
à l'amener et notamment le comportement de l'auteur
(ATF 127 IV 62 consid. 2d p. 65; 126 IV 13 consid. 7a/bb
p. 17; 122 IV 17 consid. 2c/bb p. 23; 121 IV 207 con-
sid. 2a p. 213).

Les lésions corporelles par négligence constituent
une infraction de résultat, qui suppose en général une
action, mais qui peut aussi être réalisée par omission
dans la mesure où l'auteur avait un devoir juridique
d'agir découlant d'une position de garant (cf. ATF 117 IV
130 consid. 2a p. 132; cf. également ATF 122 IV 17 con-
sid. 2b/aa p. 20, 61 consid. 2a/aa p. 63, 145 consid. 2
p. 146 et les arrêts cités). Si c'est une omission qui
est reprochée à l'auteur, il faut donc se demander si ce
dernier se trouvait dans une situation de garant et, le
cas échéant, quelle était l'étendue du devoir de dili-
gence découlant de cette position et quels actes concrets
il était tenu d'accomplir; lorsque l'auteur a omis de
faire un acte qu'il était juridiquement tenu d'accomplir,
il faut encore se demander si cette omission peut lui
être imputée à faute et si elle a été causale du résultat
qui s'est produit (ATF 117 IV 130 consid. 2a p. 132 ss).
En cas d'omission, la question de la causalité ne se pré-
sente pas de la même manière qu'en cas de commission
(ATF 117 IV 130 consid. 2a p. 133 et les arrêts cités);
l'omission d'un acte est en relation de causalité natu-
relle avec le résultat de l'infraction présumée si l'ac-
complissement de l'acte eût empêché la survenance de ce
résultat avec une vraisemblance confinant à la certitude
ou, du moins, avec une haute vraisemblance (ATF 116 IV
306 consid. 2a p. 310; cf. également ATF 121 IV 286 con-
sid. 4c p. 292, 118 IV 130 consid. 6a p. 141); elle est

en relation de causalité adéquate avec le résultat si
l'accomplissement de l'acte omis aurait, selon le cours
ordinaire des choses et l'expérience de la vie, évité la
survenance de ce résultat (ATF 117 IV 130 consid. 2a
p. 133).

b) L'arrêt attaqué fait grief au recourant de
n'avoir pas informé la propriétaire de l'immeuble de la
défectuosité, qu'il connaissait depuis deux ans, de l'ap-
pareil de levage et de n'avoir pas fait réparer ou, si-
non, condamner ce dernier. C'est ainsi clairement une
omission, non pas une action, qui est reprochée au recou-
rant. Le cas doit donc être examiné au regard des règles
applicables en cas d'omission.

c) Il résulte de l'arrêt attaqué qu'en novembre
1996, le recourant a conclu avec la société B.________ un
bail portant sur l'immeuble muni de l'installation liti-
gieuse et qu'il est ainsi devenu le locataire de l'ensem-
ble des locaux, dont divers ateliers étaient sous-loués à
une douzaine d'artistes. Il n'a pas été constaté qu'en
vertu du bail ainsi conclu, le recourant aurait été tenu
d'assumer l'entretien usuel de l'installation, notamment
de la contrôler et de la faire réparer en cas de défec-
tuosité. En tant que locataire, il lui incombait en re-
vanche de signaler au bailleur les défauts auxquels il
n'était pas tenu de remédier lui-même, conformément à
l'art. 257g al. 1 CO, dont l'alinéa 2 précise que le lo-
cataire répond du dommage résultant de l'omission d'avi-
ser le bailleur. Dans cette mesure, il avait donc une po-
sition de garant.

L'avis des défauts prévu à l'art. 257g CO incombe à
tout locataire, non seulement au locataire principal le

cas échéant, et le locataire répond du dommage qui ré-
sulte de l'omission de cet avis envers toute personne qui
subit un tel dommage. C'est donc en vain que le recourant
objecte qu'il n'était pas encore le locataire de l'ensem-
ble des locaux lorsque la défectuosité est apparue, en
1995, ou encore que la victime, au moment des faits,
n'avait pas encore signé un contrat de sous-location.

d) Il est établi en fait que le recourant, auquel
les sous-locataires s'en étaient plaints, savait que
l'installation litigieuse était défectueuse et cela de-
puis près de deux ans au moment des faits, donc pratique-
ment depuis que la défectuosité est apparue. Il est de
même établi que le recourant, qui ne le conteste du reste
pas, n'a jamais avisé la bailleresse ou ses représentants
de cette défectuosité ni n'a pris aucune autre mesure, se
bornant à faire passer le message qu'il ne fallait pas
utiliser l'installation pour le transport de personnes.
Le recourant a ainsi omis l'accomplissement d'un acte
qu'il était juridiquement tenu d'accomplir. Il a donc
violé, par omission, le devoir de prudence qui lui incom-
bait.

e) L'arrêt attaqué constate que le recourant savait
que la défectuosité de l'installation était de nature à
causer un accident et qu'il a renoncé délibérément à en
aviser la bailleresse ou à prendre d'autres mesures pour
prévenir la réalisation du risque, ceci afin d'éviter une
augmentation des loyers, alors même que les sous-locatai-
res lui avaient demandé de faire quelque chose. L'omis-
sion du recourant lui est par conséquent imputable à
faute.

f) Si le recourant avait avisé la bailleresse de la
défectuosité de l'installation, il est hautement vraisem-
blable que cette défectuosité aurait pu être réparée ou,
à ce défaut, que l'installation aurait pu être remplacée
ou supprimée, de sorte que l'accident ne se serait pas
produit. Par ailleurs, selon le cours ordinaire des cho-
ses et l'expérience de la vie, le fait que le bailleur
soit avisé d'une défectuosité qui peut provoquer un acci-
dent est propre à éviter que ce dernier ne survienne. Il
existe donc un rapport de causalité naturelle et adéquate
entre l'acte omis et le résultat qui s'est produit.

g) Le recourant soutient que le lien de causalité
adéquate entre l'omission qui lui est imputée et le dom-
mage subi par la victime a été rompu par le consentement
de cette dernière à la réalisation du risque d'accident;
à l'appui, il se réfère à l'ATF 125 IV 189, également pu-
blié dans la SJ 2000 I 193 qu'il cite.

Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a admis qu'une
personne ne pouvait être condamnée pour lésions corporel-
les par négligence dans la mesure où elle n'avait que lé-
gèrement contribué à la réalisation du danger, qui avait
essentiellement été créé par la victime, qui s'était
elle-même mise en situation périlleuse, en connaissance
de cause, par un comportement illicite à maints égards
(ATF 125 IV 189 consid. 3b p. 194). Tel n'est manifeste-
ment pas le cas en l'espèce. La cause principale de l'ac-
cident qui s'est produit réside dans la défectuosité de
l'installation, à laquelle il n'a pas été remédié, le re-
courant ayant omis fautivement de la signaler. Le danger
qui en résultait n'est à l'évidence aucunement imputable
à la victime. Certes, cette dernière, qui en avait été

avisée, savait que la nacelle pouvait se décrocher et, en
particulier, qu'il ne fallait alors en aucun cas poser le
pied sur la nacelle. Des faits retenus - qui lient la
Cour de céans (art. 277bis PPF) -, il résulte toutefois
que ce n'est pas pour avoir accepté délibérément le ris-
que d'une chute de la nacelle que la victime a adopté le
comportement qui lui a été fatal, mais par maladresse,
alors qu'elle avait les yeux levés vers le haut pour gui-
der le mouvement du crochet que C.________ tentait de re-
placer dans la boucle de la nacelle. Autant que le recou-
rant, en rediscutant des déclarations faites en procé-
dure, tente de faire admettre le contraire, sa critique
est irrecevable dans un pourvoi en nullité (cf. supra,
consid. 1).

Le fait que la victime, dans les circonstances du
cas d'espèce, a posé le pied sur la nacelle ne constitue
pas un comportement si imprévisible ou extraordinaire que
l'on ne pouvait s'y attendre; il n'est nullement rare
que, se trouvant placée dans une situation périlleuse,
une personne en vienne à adopter maladroitement un com-
portement qu'elle devrait précisément éviter. Au demeu-
rant, la faute ainsi commise n'est pas d'une importance
telle qu'elle reléguerait à l'arrière-plan tous les au-
tres facteurs qui ont contribué à la survenance de l'ac-
cident et en particulier l'omission du recourant de si-
gnaler à la bailleresse la défectuosité de l'installa-
tion. Une rupture du lien de causalité à raison du com-
portement de la victime a donc été niée à juste titre.

h) Les conditions de l'art. 125 CP étant réalisées,
la condamnation du recourant pour lésions corporelles par
négligence ne viole pas le droit fédéral.

3.- Le pourvoi doit ainsi être rejeté dans la me-
sure où il est recevable. Comme il était d'emblée dépour-
vu de chances de succès, l'assistance judiciaire ne peut
être accordée (cf. art. 152 al. 1 OJ) et le recourant,
qui succombe, supportera les frais (art. 278 al. 1 PPF).

Il n'y a pas lieu d'allouer une indemnité à l'inti-
mée qui n'a pas été amenée à intervenir devant le Tribu-
nal fédéral dans la présente procédure (art. 278 al. 3
PPF).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

1. Rejette le pourvoi dans la mesure où il est re-
cevable.

2. Rejette la requête d'assistance judiciaire.

3. Met à la charge du recourant un émolument judi-
ciaire de 800 francs.

4. Dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité.

5. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties, au Ministère public du canton de Vaud
et à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal
vaudois.

Lausanne, le 13 novembre 2001

Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.497/2001
Date de la décision : 13/11/2001
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-11-13;6s.497.2001 ?
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