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13/11/2001 | SUISSE | N°5C.214/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 novembre 2001, 5C.214/2001


«/2»
5C.214/2001

IIe C O U R C I V I L E
*****************************

13 novembre 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme Nordmann, juges. Greffière: Mme Revey.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

V.________, défendeur et recourant, représenté par Me Henri
Carron, avocat à Monthey,

contre

L'assurance X.________, demanderesse et intimée, représentée
par Me Guérin de Werra, avocat à Sion;

(contrat d'assurance)


Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- V.________ était photographe indépendant à Monthey.
...

«/2»
5C.214/2001

IIe C O U R C I V I L E
*****************************

13 novembre 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme Nordmann, juges. Greffière: Mme Revey.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

V.________, défendeur et recourant, représenté par Me Henri
Carron, avocat à Monthey,

contre

L'assurance X.________, demanderesse et intimée, représentée
par Me Guérin de Werra, avocat à Sion;

(contrat d'assurance)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- V.________ était photographe indépendant à Monthey.
Le 7 septembre 1990, il a signé une proposition, établie par
l'assurance X.________, d'une assurance maladie collective
perte de salaire pour lui-même et son personnel. La proposi-
tion a été acceptée.

Sous la rubrique "personnes et prestations à assurer",
la proposition désignait V.________ au titre d'assuré, selon
un salaire annuel conventionnel de 48'000 fr., l'allocation
journalière en cas d'incapacité de travail étant fixée à 80%
du salaire après un délai d'attente de 14 jours et à 100%
après un délai d'attente de 30 jours.

Les conditions générales du contrat d'assurance (CGA),
rédigées par l'assurance X.________, comportaient à leur
chapitre III (intitulé "prestations de la compagnie; allo-
cation journalière en cas d'incapacité de travail") un arti-
cle 9 dont les alinéas 3 et 4 prévoyaient ce qui suit:

"3Si l'assuré est au bénéfice des prestations de
l'assurance invalidité fédérale (AI) ou de l'assurance
militaire fédérale (AMF), la compagnie verse la part de
salaire non couverte par ces institutions, mais au maxi-
mum l'allocation journalière assurée. Les éventuelles
réductions opérées par l'AI ou l'AMF n'augmentent pas
les obligations de la compagnie.

4Lorsque l'AI ou l'AMF versent leurs prestations
avec effet rétroactif ou que l'assuré avertit tardive-
ment la compagnie qu'il bénéficie de telles
prestations,
l'assuré est tenu de restituer à la compagnie la part
des allocations journalières qui dépasse le salaire
effectivement perdu compte tenu des prestations de l'AI
ou l'AMF."

Par ailleurs, les conditions générales distinguaient
l'allocation journalière variable, qui s'exprimait en pour-
cent du salaire (art. 11 CGA), de l'allocation journalière
fixe (art. 13 CGA). La première était calculée d'après le
salaire auquel l'assuré aurait eu droit dans l'entreprise
déclarée, s'il était capable de travailler (art. 12 al. 1
CGA); quant au preneur, seul le salaire convenu avec la
compagnie était déterminant (art. 12 al. 4 CGA).

B.- Atteint dans sa santé, V.________ a présenté une
incapacité totale de travail, qui a conduit l'assurance
X.________ à lui verser des allocations journalières pour la
période du 1er août 1993 au 23 août 1994.

Le 16 septembre 1993, V.________ a sollicité le
bénéfice
d'une rente entière AI, ce qui lui a été accordé dès le 1er
août 1993 par décision du Tribunal cantonal des assurances
du
Valais. L'assurance X.________ l'a alors requis de restituer
la totalité de ses prestations. Face au refus de
l'intéressé,
elle a ouvert action devant le juge de district de Monthey.
Soutenant que les allocations journalières reçues relevaient
d'une assurance de sommes qui n'exigeait pas leur restitu-
tion, V.________ s'est opposé à l'action.

C.- Par arrêt du 20 juin 2001, le Tribunal cantonal du
Valais, auquel le juge de district avait transmis le
dossier,
a partiellement admis l'action et condamné V.________ à ver-
ser à la demanderesse la somme de 28'747 fr. plus accessoi-
res.

A l'appui de leur jugement, les juges cantonaux ont es-
timé qu'en obligeant l'assuré à restituer à l'assurance "la
part des allocations journalières qui dépasse le salaire
effectivement perdu compte tenu des prestations de l'AI",
l'art. 9 al. 4 CGA entendait limiter le cumul à la perte
effective et visait à éviter l'enrichissement de l'ayant

droit découlant de la double assurance. Lorsqu'il s'agissait
d'un indépendant, comme en l'espèce, la mesure de cet enri-
chissement équivalait à la différence entre le cumul des
prestations des deux assurances et le résultat effectif de
l'exploitation en relation avec celui que l'intéressé aurait
réalisé sans incapacité de travail, soit en l'occurrence
28'747 fr. plus accessoires.

D.- Contre cet arrêt, V.________ interjette un recours
en réforme au Tribunal fédéral. Il conclut à la réforme de
l'arrêt attaqué en ce sens que la demanderesse soit déboutée
de toutes ses conclusions, avec suite des frais et dépens,
et
au renvoi du dossier à l'autorité cantonale pour nouvelle
décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale.

Au terme de sa réponse, l'assurance X.________ conclut
au rejet du recours dans la mesure où il est recevable.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Les droits contestés dans la dernière instance can-
tonale atteignent d'après les conclusions de la
demanderesse,
auxquelles le défendeur s'est opposé, une valeur nettement
supérieure à 8'000 fr., de sorte que le recours est
recevable
sous l'angle de l'art. 46 OJ. Déposé en temps utile contre
une décision finale prise en dernière instance cantonale
dans
une contestation civile, il est également recevable du chef
des art. 54 al. 1 et 48 al. 1 OJ.

2.- a) Le recourant soutient qu'il bénéficie, en tant
que patron, d'une assurance de sommes ne permettant pas d'im-
puter les versements de l'AI des prestations de l'intimée.
En
particulier, il relève à cet égard que l'objet assuré consis-

te en une somme fixe de 48'000 fr., soit un salaire conven-
tionnel totalement étranger à la notion de "salaire effecti-
vement perdu" prévue par l'art. 9 al. 4 CGA. Par ailleurs,
le
recourant reproche au Tribunal cantonal d'avoir estimé que
les CGA autorisent l'imputation des prestations dans le cas
d'un revenu conventionnel assuré, alors qu'elles laissent
planer un doute à ce propos, qui doit lui profiter en vertu
du principe "in dubio contra stipulatorem". Enfin, le recou-
rant affirme que le Tribunal cantonal a commis une inadver-
tance manifeste en ne tenant pas compte de la distinction
opérée par la police entre la prime fixe relative à son
revenu et la prime variable afférente à son personnel.

b) Il est constant que le contrat litigieux conclu par
le recourant et l'assurance intimée est soumis à la loi
fédérale sur le contrat d'assurance du 2 avril 1908 (LCA; RS
221.229.1).

aa) Selon l'art. 96 LCA et la jurisprudence y relative,
s'il s'agit d'une assurance de sommes, les droits que
l'ayant
droit aurait contre des tiers en raison du sinistre ne pas-
sent pas à l'assureur. Il n'y a donc pas matière à subroga-
tion et le lésé peut cumuler ses prétentions (ATF 119 II 361
consid. 4). Cependant, l'art. 96 LCA ne s'applique, à l'ins-
tar de l'art. 72 LCA afférent aux assurances contre les dom-
mages, qu'aux prétentions de l'assurance responsabilité ci-
vile du tiers (Alfred Maurer, Schweizerisches Privatversiche-
rungsrecht, 3e éd., Berne 1995, p. 413, 3d). La loi sur le
contrat d'assurance ne règle donc pas la concurrence entre
d'autres assurances privées ou sociales. Dans ces
hypothèses,
c'est donc en principe le droit au cumul qui prévaut, sauf
disposition contraire figurant dans la loi spéciale ou dans
l'accord contractuel (ibidem, p. 413 et p. 180).

bb) En l'espèce, la loi fédérale du 19 juin 1959 sur
l'assurance-invalidité (LAI; 831.20) ne contenant aucune dis-

position sur le cumul de ses prestations avec celles d'une
assurance privée, il reste à examiner si les parties elles-
mêmes ont entendu exclure un tel cumul.

La cour cantonale n'a pas déterminé la volonté réelle
des parties à ce sujet (art. 18 al. 1 CO), mais procédé à
une
interprétation des CGA selon le principe de la confiance
(sur
cette notion: ATF 126 III 375 consid. 2e/aa). Il s'agit
d'une
question de droit que le Tribunal fédéral examine librement
dans un recours en réforme (ATF 127 III 248 consid. 3a).

L'art. 9 al. 3 et 4 CGA reproduit ci-dessus exclut
d'une
manière dénuée d'ambiguïté le cumul des prestations AI avec
celles de la police, dès lors qu'il énonce que l'assurance
"verse la part de salaire non couverte par ces institutions,
mais au maximum l'allocation journalière assurée." De plus,
l'intitulé de son chapitre ("prestations de la compagnie,
allocation journalière en cas d'incapacité de travail") con-
duit à conclure que cette disposition s'applique indiffé-
remment à toutes les prestations de la police. Peu importe
ainsi que les allocations litigieuses relèvent d'une assu-
rance de sommes (fondée sur un salaire conventionnel) ou
d'une assurance contre les dommages, puisque que les CGA ne
prévoient de toute façon aucune exception à la prohibition
du
cumul.

Par ailleurs, l'accord contractuel ne contenant aucune
clause ambiguë sur la question du cumul, ni le principe "in
dubio contra stipulatorem" ni l'art. 33 LCA ne s'appliquent
ici (cf. ATF 126 V 499 consid. 3b; 118 II 342 consid. 1a).

Quant à l'inadvertance manifeste dans la constatation
des faits dont se plaint le recourant (cf. art. 63 al. 2
OJ),
la motivation du recours ne permet pas de la situer, ni d'en
saisir pleinement la portée. Les éléments soulevés à cet

égard, qui ressortissent à la fois au fait et au droit, sont
du reste sans pertinence pour l'issue du litige, dès lors
qu'ils visent à étayer la qualification d'assurance de som-
mes. Il n'y a donc pas lieu de traiter plus avant ce grief,
qui apparaît ainsi mal fondé en tant que recevable.

3.- Vu ce qui précède, le recours s'avère mal fondé en
tant que recevable et ne peut donc qu'être rejeté dans cette
même mesure, ce qui entraîne la confirmation de l'arrêt atta-
qué. Succombant, le recourant supportera les frais judiciai-
res (art. 156 al. 1 OJ) ainsi que ceux de l'intimée (art.
159
al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l,

1. Rejette le recours dans la mesure où il est receva-
ble et confirme le jugement attaqué.

2. Met à la charge du recourant:
a) un émolument judiciaire de 3'000 fr.
b) une indemnité de 2'000 fr. à payer à l'intimée à
titre de dépens.

3. Communique le présent arrêt en copie aux
mandataires
des parties et à la IIe Cour civile du Tribunal cantonal du
canton du Valais.
__________

Lausanne, le 13 novembre 2001
RED/frs
Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.214/2001
Date de la décision : 13/11/2001
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-11-13;5c.214.2001 ?
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