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09/11/2001 | SUISSE | N°I.27/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 09 novembre 2001, I.27/01


«AZA 7»
I 27/01 Mh

IIIe Chambre

MM. les juges Schön, Président, Spira et Ursprung.
Greffier : M. Wagner

Arrêt du 9 novembre 2001

dans la cause

A.________, recourant, représenté par la Fédération suisse
pour l'intégration des handicapés (FSIH), place Grand-
Saint-Jean 1, 1003 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
avenue Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- a) A.________, ressortissant de la République
fédérale de Yougoslavie, a oeuvré en qualité de manoeuvre
au service de l'entrepris...

«AZA 7»
I 27/01 Mh

IIIe Chambre

MM. les juges Schön, Président, Spira et Ursprung.
Greffier : M. Wagner

Arrêt du 9 novembre 2001

dans la cause

A.________, recourant, représenté par la Fédération suisse
pour l'intégration des handicapés (FSIH), place Grand-
Saint-Jean 1, 1003 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
avenue Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- a) A.________, ressortissant de la République
fédérale de Yougoslavie, a oeuvré en qualité de manoeuvre
au service de l'entreprise X.________. Le 31 août 1987, il
a été victime d'un accident, pris en charge par la Caisse
nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), à la
suite duquel il n'a pas repris son travail.

Le 16 août 1988, A.________ a présenté une demande de
prestations de l'assurance-invalidité. Dans un prononcé
présidentiel du 15 novembre 1989, la Commission de l'assu-
rance-invalidité du canton de Vaud a conclu à une invali-
dité de 100 % à partir du 1er août 1988. Par décision du
12 février 1990, la Caisse cantonale vaudoise de compensa-
tion lui a alloué du 1er août 1988 au 30 septembre 1989 une
rente entière d'invalidité, assortie d'une rente complémen-
taire pour son épouse et de trois rentes pour enfants.
Dans un prononcé présidentiel du 2 mai 1990, la com-
mission de l'assurance-invalidité a constaté que l'assuré
continuait d'être invalide à 100 %. Par décision du
31 juillet 1990, la caisse lui a alloué une rente entière
d'invalidité dès le 1er octobre 1989, assortie d'une rente
complémentaire pour son épouse et de quatre rentes pour
enfants.

b) Après révision, la commission de l'assurance-inva-
lidité, dans un prononcé présidentiel du 24 juin 1993, a
réduit le taux d'invalidité de A.________ à 40 %. Elle se
fondait sur le fait que la CNA, par décision du 13 juillet
1992, avait fixé l'incapacité de gain subie par ce dernier
à 40 %.
Par décision du 9 juillet 1993, la caisse a alloué à
l'assuré un quart de rente à partir du 1er septembre 1993.
Celui-ci a recouru contre cette décision devant le Tribunal
des assurances du canton de Vaud. Par jugement du 12 jan-
vier 1995, le président de la juridiction cantonale a
rejeté le recours, la décision attaquée étant cependant
modifiée d'office dans le sens de la proposition en
procédure de la caisse visant à remplacer le quart de rente
par une demi-rente, les conditions du cas pénible étant
réalisées.

Après révision, l'Office de l'assurance-invalidité
pour le canton de Vaud, dans un prononcé du 8 mars 1996, a
constaté que A.________ continuait d'être invalide à 40 %
et que son droit à une demi-rente d'invalidité pour cas
pénible demeurait inchangé.

c) Le 28 avril 1998, A.________ a présenté une demande
de révision de son droit à une rente d'invalidité, datée du
17 avril 1998. Il faisait état d'une aggravation de son
état de santé depuis plusieurs mois.
Dans un rapport intermédiaire du 13 janvier 1999, les
docteurs B.________ et C.________, médecin-adjoint et
médecin-assistante du Centre psycho-social Z.________, ont
posé le diagnostic de trouble de l'adaptation avec per-
turbation mixte des émotions et des conduites (F43.25)
évoluant vers la chronicité et de personnalité de type
paranoïaque (F60.0). Ils indiquaient que la problématique
psychiatrique prédominait actuellement et qu'elle justi-
fiait une incapacité de travail de 75 % au moins. Sous la
rubrique relative à l'état de santé, ils ont répondu qu'il
s'était aggravé.
Le 20 janvier 2000, l'office AI a communiqué à l'as-
suré son intention de rejeter la demande de révision, au
motif que médicalement son état de santé ne s'était pas
aggravé de façon à influencer sa capacité de gain, qui
était la même que précédemment.
Dans une lettre du 1er février 2000, A.________ a
contesté la position de l'office AI. Il l'invitait à
prendre contact avec les médecins du Centre psycho-social,
qui suivent son état de santé depuis 1997.
Par décision du 24 février 2000, l'office AI a rejeté
la demande de révision.

B.- Par jugement du 31 juillet 2000, le président du
Tribunal des assurances du canton de Vaud a rejeté comme
manifestement mal fondé le recours formé par l'assuré
contre cette décision.

C.- A.________ interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement, en concluant, sous suite de
frais et dépens, à l'annulation de celui-ci, la cause étant
renvoyée à l'office AI pour qu'il fixe le degré d'invalidi-
té à reconnaître suite à l'apparition de troubles de la
santé psychique en novembre 1997. A titre subsidiaire, il
demande que l'affaire soit renvoyée au Tribunal des assu-
rances du canton de Vaud pour qu'elle soit jugée par une
cour composée de trois juges, son recours cantonal n'étant
pas manifestement mal fondé.
L'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de
Vaud conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des
assurances sociales (OFAS) a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit :

1.- La contestation concerne la révision du droit du
recourant à une demi-rente d'invalidité pour cas pénible.
Le litige porte sur le point de savoir s'il présente des
troubles d'ordre psychique invalidants, ayant pu modifier
de manière sensible son état de santé et diminuer sa
capacité résiduelle de gain, qui était jusque-là de 60 %.

a) En vertu de l'art. 41 LAI, si l'invalidité d'un
bénéficiaire de rente se modifie de manière à influencer le
droit à la rente, celle-ci est, pour l'avenir, augmentée,
réduite ou supprimée. Selon la jurisprudence, la rente peut
être révisée non seulement en cas de modification sensible
de l'état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté
en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité
de gain ont subi un changement important (ATF 113 V 275
consid. 1a et les arrêts cités; voir également ATF
120 V 131 consid. 3b, 119 V 478 consid. 1b/aa).

b) L'invalidité au sens de la présente loi est la
diminution de la capacité de gain, présumée permanente ou

de longue durée, qui résulte d'une atteinte à la santé
physique, ou mentale provenant d'une infirmité congénitale,
d'une maladie ou d'un accident (art. 4 al. 1 LAI).
Parmi les atteintes à la santé psychique, qui peuvent,
comme les atteintes physiques, provoquer une invalidité au
sens de l'art. 4 al. 1 LAI, on doit mentionner - à part les
maladies mentales proprement dites - les anomalies psychi-
ques qui équivalent à des maladies. On ne considère pas
comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc
pas comme des affections à prendre en charge par l'assu-
rance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain
que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne
volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déter-
minée aussi objectivement que possible. Il faut donc éta-
blir si et dans quelle mesure un assuré peut, malgré son
infirmité mentale, exercer une activité que le marché du
travail lui offre, compte tenu de ses aptitudes. Le point
déterminant est ici de savoir quelle activité peut raison-
nablement être exigée dans son cas. Pour admettre l'exis-
tence d'une incapacité de gain causée par une atteinte à la
santé mentale, il n'est donc pas décisif que l'assuré
exerce une activité lucrative insuffisante; il faut bien
plutôt se demander s'il y a lieu d'admettre que la mise à
profit de sa capacité de travail ne peut, pratiquement,
plus être raisonnablement exigée de lui, ou qu'elle serait
même insupportable pour la société (ATF 102 V 165; VSI 2001
p. 224 consid. 2b et les références).

2.- a) Le jugement attaqué se fonde sur le ch. m. 1015
de la circulaire de l'OFAS concernant l'invalidité et
l'impotence dans l'assurance-invalidité (CIIAI), selon
lequel les troubles psychiques qui sont provoqués princi-
palement par des circonstances extérieures telles que les
particularités comportementales de nature socio-culturelle,
ethnique ou familiale ainsi que les difficultés psychiques
causées en premier lieu par l'émigration (déracinement et
acclimatation), n'ont, en eux-mêmes, pas valeur d'invalidi-

té. Celles-ci peuvent toutefois constituer des facteurs
aggravants d'importance variable selon les individus et
favoriser l'apparition de troubles psychogènes.
Dans le cas particulier, le premier juge a considéré
que les troubles d'ordre psychique du recourant, dans la
mesure où ils apparaissent essentiellement liés à des pro-
blèmes d'adaptation, ne constituent pas une atteinte inva-
lidante au sens de l'art. 4 LAI.

b) En ce qui concerne les facteurs psychosociaux ou
socioculturels et leur rôle en matière d'invalidité, le
Tribunal fédéral des assurances, dans un arrêt B. du 5 oc-
tobre 2001 (I 724/99, destiné à la publication), a précisé
sa jurisprudence relative aux atteintes à la santé psychi-
que. Dans chaque cas d'invalidité, il doit y avoir un diag-
nostic médical pertinent d'après lequel, à dire de spécia-
liste, la capacité de travail (et de gain) est diminuée de
manière importante. Plus les facteurs psychosociaux et
socioculturels sont au premier plan dans l'anamnèse, plus
il est essentiel que le diagnostic médical précise s'il y a
atteinte à la santé psychique qui équivaut à une maladie.
En effet, il ne suffit pas que le tableau clinique indique
qu'il y a diminution de la capacité de travail et que
celle-ci a sa source dans des facteurs socioculturels, mais
encore faut-il qu'il prenne en compte le diagnostic médical
sur le plan psychiatrique, par exemple qu'il fasse claire-
ment la différence entre l'humeur dépressive dont se plaint
l'assuré et l'état dépressif au sens médical ou qui lui est
assimilable. Si le diagnostic médical retient une atteinte
à la santé psychique entraînant une diminution de la capa-
cité de travail (et de gain), les facteurs socioculturels
sont relégués à l'arrière-plan. Tel n'est pas le cas, en
revanche, quand l'expert admet que le diagnostic médical ne
suffit pas pour expliquer l'incapacité de travail, imputa-
ble essentiellement aux difficultés psychosociales ou
socioculturelles de l'assuré (VSI 2000 p. 155 consid. 3).

D'un autre côté, à partir du moment où il est établi
qu'il y a atteinte à la santé psychique ayant valeur de
maladie, il est décisif de savoir si et dans quelle mesure,
en cas de traitement médical adéquat, l'assuré peut, malgré
son infirmité mentale, mettre à profit sa capacité de tra-
vail et de gain en exerçant, éventuellement dans un cadre
de travail protégé (Pra 1997 n° 49 p. 255 consid. 4b),
l'activité qui peut raisonnablement être exigée dans son
cas (Hans-Jakob Mosimann, Somatoforme Störungen : Gerichte
und [psychiatrische] Gutachten, in : SZS 1999 p. 1 ss et
105 ss, en particulier p. 15 ss et les références; Jacques
Meine, L'expertise médicale en Suisse : satisfait-elle aux
exigences de qualité actuelles?, in : Schweizerische Versi-
cherungszeitschrift [SVZ] 67/1999 p. 37 ss).

c) En l'occurrence, les médecins du centre psycho-
social font état dans le rapport du 13 janvier 1999, sous
la rubrique consacrée au diagnostic, des circonstances
personnelles et familiales qui expliquent, selon eux,
l'exacerbation des symptômes psychiatriques. Ils ont posé
le diagnostic de trouble de l'adaptation et de personnalité
de type paranoïaque.
Il apparaît ainsi que les difficultés psychosociales
de l'assuré sont au premier plan. Conformément à la juris-
prudence exposée ci-dessus sous let. b, il est dès lors
nécessaire de savoir si le diagnostic médical permet à lui
seul d'expliquer l'incapacité de travail de 75 % attestée
par ces médecins, ou si celle-ci est imputable essentielle-
ment aux facteurs psychosociaux.
En conséquence, il y a lieu d'annuler le jugement
attaqué et de renvoyer la cause à la juridiction cantonale
pour qu'elle procède à une instruction complémentaire sur
ce point, comportant une expertise. Il convient d'établir
si et dans quelle mesure la capacité résiduelle de travail
(et de gain) du recourant, qui était jusque-là de 60 %, a
subi une diminution en raison de la survenance de troubles

d'ordre psychique ayant valeur de maladie, ou si la diminu-
tion est imputable essentiellement à ses difficultés psy-
chosociales.

3.- Obtenant gain de cause, le recourant a droit à une
indemnité de dépens pour l'instance fédérale (art. 159
al. 1 en corrélation avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis en ce sens que le jugement du
Président du Tribunal des assurances du canton de
Vaud, du 31 juillet 2000, est annulé, la cause étant
renvoyée audit tribunal pour complément d'instruction
au sens des considérants et nouveau jugement.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. L'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de
Vaud versera au recourant la somme de 2500 fr. (y
compris la taxe sur la valeur ajoutée) à titre de
dépens pour l'instance fédérale.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal des assurances du canton de Vaud et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 9 novembre 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.27/01
Date de la décision : 09/11/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-11-09;i.27.01 ?
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