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08/11/2001 | SUISSE | N°4C.203/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 08 novembre 2001, 4C.203/2001


«/2»

4C.203/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

8 novembre 2001

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Corboz et
Mme Klett, juges. Greffière: Mme de Montmollin.

_________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ S.A., demanderesse et recourante, représentée par
Me Philippe Girod, avocat à Genève,

et

Y.________ S.A., défenderesse et intimée, représentée par Me
Blaise Grosjean, avocat à Genève;

(représentat

ion)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par courrier du 28 avril 1998, la Société
Y.___...

«/2»

4C.203/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

8 novembre 2001

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Corboz et
Mme Klett, juges. Greffière: Mme de Montmollin.

_________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ S.A., demanderesse et recourante, représentée par
Me Philippe Girod, avocat à Genève,

et

Y.________ S.A., défenderesse et intimée, représentée par Me
Blaise Grosjean, avocat à Genève;

(représentation)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par courrier du 28 avril 1998, la Société
Y.________ S.A. (ci-après: Y.________), qui a la régie des
annonces pour le journal Z.________, a envoyé des proposi-
tions concernant la parution d'encarts publicitaires à
l'adresse suivante:

"SOS Serrurier
X.________ S.A.
à l'att. de M. U.________".

Un plan provisoire de parution, qui détaillait des
prestations et qui était joint à la lettre, a été retourné à
Y.________, après avoir été signé par U.________ sous la men-
tion "Bon pour accord variante N° 1, Genève 05.04.1998".

Les publicités ainsi commandées ont paru dans le
journal. Elles ont fait l'objet de quinze factures, du 13
mai
au 21 octobre 1998, toutes adressées à X.________ S.A., SOS
Serrurier.

Les trois premières factures, datées des 13, 20 et
27 mai 1998, se montant à 1597 fr.05 puis à 1139 fr. pour
les
deux suivantes, ont été payées par X.________ S.A. Selon le
relevé de compte de Y.________, le règlement de ces trois
sommes est intervenu par chèques. Y.________ a produit la co-
pie des deux derniers chèques, datés des 7 et 8 juillet
1998,
chacun au montant de 1139 fr. Ils portent l'indication
"X.________ S.A. Rub. SOS Serrurier".

Les douze autres factures sont restées impayées.
Elles s'élèvent au total à 21 560 fr.20.

B.- En vue du recouvrement de cette somme,
Y.________ a fait notifier un commandement de payer à
X.________ S.A., auquel il a été fait opposition. La mainle-
vée provisoire ayant été prononcée, X.________ S.A. a intro-
duit, le 1er avril 1999, une action en libération de dette
devant le Tribunal de première instance du canton de Genève.

X.________ S.A. a contesté être liée par la comman-
de signée par U.________.

Il a été établi que X.________ S.A. était une so-
ciété anonyme; son administrateur unique était A.________ et
elle avait un fondé de procuration en la personne de
B.________. Quant à U.________, il était inscrit en tant
qu'entreprise individuelle, s'occupant de travaux de serru-
rerie et de dépannage. L'administrateur de X.________ S.A. a
déclaré que l'un des actionnaires de la société avait souhai-
té venir en aide à U.________. Il a été démontré que la so-
ciété avait pris elle-même en leasing des camionnettes qui
étaient utilisées par U.________; par ailleurs, la société
s'est occupée des factures de U.________; il en est résulté
une certaine confusion, qui explique que la société ait été
mise en cause dans une procédure de concurrence déloyale qui
ne concernait que U.________.

Par jugement du 10 mai 2000, le Tribunal de premiè-
re instance a admis l'action en libération de dette.

Saisie d'un appel formé par Y.________, la Chambre
civile de la Cour de justice, par arrêt du 27 avril 2001, a
annulé ce jugement et débouté X.________ S.A. de toutes ses
conclusions libératoires.

C.- X.________ S.A. recourt en réforme au Tribunal
fédéral. Invoquant une violation des art. 32 al. 2, 33 al.
3,

38 et 1 CO, elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué
et
à sa libération de toute dette résultant de la poursuite.

L'intimée invite le Tribunal fédéral à rejeter le
recours et à confirmer l'arrêt attaqué.

D.- Par arrêt de ce jour, le Tribunal fédéral a re-
jeté, dans la mesure de sa recevabilité, un recours de droit
public formé parallèlement par X.________ S.A.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fé-
déral doit conduire son raisonnement sur la base des faits
contenus dans la décision attaquée, à moins que des disposi-
tions fédérales en matière de preuve n'aient été violées,
qu'il n'y ait lieu à rectification de constatations reposant
sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il
ne
faille compléter les constatations de l'autorité cantonale
parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents
et
régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 126 III 59 consid.
2a
et les arrêts cités). Dans la mesure où une partie
recourante
présenterait un état de fait qui s'écarte de celui contenu
dans la décision attaquée sans se prévaloir avec précision
de
l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est
pas possible d'en tenir compte. Il ne peut être présenté de
griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de
moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le re-
cours en réforme n'est pas ouvert pour se plaindre de l'ap-
préciation des preuves et des constatations de fait qui en
découlent (ATF 126 III 189 consid. 2a; 125 III 78 consid.
3a;
122 III 26 consid. 4a/aa; 122 III 61 consid. 2c/cc; 122 III
73 consid. 6b/bb).

Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des con-
clusions des parties, lesquelles ne peuvent prendre de con-
clusions nouvelles (art. 55 al. 1 let. b in fine OJ). En re-
vanche, il n'est lié ni par les motifs invoqués par les plai-
deurs (art. 63 al. 1 OJ), ni par l'argumentation juridique
retenue par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 127 III
248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a; 123 III 246 consid.
2). Le Tribunal fédéral peut donc admettre un recours pour
d'autres motifs que ceux invoqués par la partie recourante
(ATF 127 III 248 consid. 2c), mais il peut aussi le rejeter
en opérant une substitution de motif, c'est-à-dire en adop-
tant une autre argumentation juridique que celle retenue par
la cour cantonale (ATF 127 III 248 consid. 2c).

2.- a) Avec la demanderesse, on peut regretter que
la cour cantonale n'ait pas procédé à un examen rigoureux
des
questions juridiques qui se posaient. Il n'en résulte cepen-
dant pas que le recours doit être admis pour ce seul motif.
Comme on vient de le rappeler, il appartient au Tribunal fé-
déral, saisi d'un recours en réforme, de procéder librement
à
l'analyse et à la qualification juridique des faits retenus
par la cour cantonale.

b) La société intimée a désigné de manière ambiguë
le destinataire de son offre du 28 avril 1998. Elle a men-
tionné tout d'abord ce qui semble constituer l'enseigne de
l'entreprise individuelle de U.________. Ensuite, elle a in-
diqué la raison sociale de la demanderesse. En troisième
lieu, elle a précisé que le document était destiné à
U.________. Enfin, elle a reproduit l'adresse de la société
demanderesse.

Cette désignation ambivalente ne permet aucune
conclusion décisive. Au demeurant, il n'appartenait pas à la
société défenderesse de décider si U.________ avait ou non
le
pouvoir d'engager la demanderesse.

On sait que U.________ a signé l'acceptation sur
les formules envoyées, sans apporter aucune mention qui
puisse permettre de lever l'ambiguïté.

Arrivé à ce stade du raisonnement, il demeure que
l'acceptation a été signée par U.________ et que celui-ci ne
pouvait engager la société recourante que s'il avait reçu
d'elle le pouvoir de la représenter.

c) Selon l'art. 32 al. 1 CO, la représentation di-
recte suppose en effet, notamment, que le représentant soit
autorisé. Les effets de la représentation ne naissent que si
le représentant dispose du pouvoir nécessaire, c'est-à-dire
s'il est habilité à faire naître des droits et des obliga-
tions directement en faveur et à la charge du représenté; il
faut donc que ce dernier ait la volonté d'être lié par les
actes du représentant (cf. ATF 126 III 59 consid. 1b; ATF
reproduit in SJ 1996 p. 554 ss consid. 5c).

Déterminer la volonté d'une personne relève des
constatations de fait qui lient le Tribunal fédéral saisi
d'un recours en réforme (ATF 123 III 165 consid. 3a; 121 III
414 consid. 2a; 118 II 58 consid. 3a; 118 II 365 consid. 1).
Il ne ressort en rien des constatations cantonales que la
demanderesse aurait eu la volonté d'être représentée par
U.________. Même la référence au leasing des camionnettes ne
permet aucune conclusion dans ce sens. Que la demanderesse
ait accepté, dans le cas du leasing des camionnettes, de
s'engager elle-même en faveur de U.________ ne permet en
rien
de déduire qu'elle acceptait d'être représentée par
U.________ pour la conclusion du contrat aujourd'hui liti-
gieux.

d) La question se pose ensuite de savoir si la de-
manderesse, bien qu'elle n'ait pas eu la volonté d'être re-
présentée par U.________, se trouve néanmoins liée par la

signature de celui-ci pour le motif qu'elle aurait adopté à
l'égard de l'intimée une attitude permettant à celle-ci, se-
lon le principe de la confiance, de conclure à l'existence
d'un rapport de représentation (cf. art. 33 al. 3 CO; sur
l'apparence d'un pouvoir de représentation: ATF 124 III 418
consid. 1c; 120 II 197 consid. 2a; cf. également: ATF in SJ
2000 I 198 ss consid. 2c).

Il est constant que U.________ n'était pas inscrit
au registre du commerce en tant que personne habilitée à
représenter la demanderesse. Il ne ressort pas des constata-
tions cantonales qu'un organe de cette dernière aurait eu un
quelconque contact avec la défenderesse avant la signature
de
l'acceptation par U.________. Il n'apparaît pas que la recou-
rante ait adressé une communication, écrite ou orale, à la
défenderesse, dont on puisse déduire qu'elle accordait à
U.________ un pouvoir de représentation. Qu'un tiers ait
fait
une confusion entre les deux entreprises dans une affaire de
concurrence déloyale ou que la demanderesse ait fonctionné
comme mandataire de U.________ pour le recouvrement de factu-
res ne permet aucune déduction sur la question pertinente.

Sur la base des faits constatés par la cour canto-
nale - d'une manière qui lie le Tribunal fédéral saisi d'un
recours en réforme (art. 63 al. 2 OJ) -, on ne peut pas
dire,
en appliquant le principe de la confiance, que la demanderes-
se ait créé une apparence dont se déduirait l'existence d'un
pouvoir de représentation (cf. art. 33 al. 3 CO).

e) Il reste à examiner si la recourante a ratifié
le contrat conclu sans pouvoir par U.________, sous une dési-
gnation ambivalente qui l'impliquait également (cf. art. 38
al. 1 CO). Il suffit pour cela qu'elle ait adopté une attitu-
de, active ou passive, dont le cocontractant pouvait déduire
qu'elle approuvait le contrat signé sans pouvoir (cf. ATF pu-

blié in SJ 2001 I 186 ss consid. 4a/cc; ATF 124 III 355 con-
sid. 5a).

La cour cantonale a souverainement constaté en fait
(art. 63 al. 2 OJ) que la défenderesse a envoyé ses factures
successives en indiquant en premier lieu la raison sociale
de
la demanderesse. Elle a ajouté ensuite la mention "SOS Serru-
rier", ce qui apparaît dans ce contexte comme une indication
secondaire se rapportant à l'objet des publicités. Enfin,
elle a reproduit l'adresse de la demanderesse. Envoyés au
siège social en mentionnant en premier lieu la raison socia-
le, ces documents n'étaient pas ambigus quant à la désigna-
tion du destinataire. En formulant ainsi ses factures, la
défenderesse a manifesté la volonté de considérer la deman-
deresse comme son cocontractant.

Dès lors que les factures étaient adressées au siè-
ge social, on doit supposer qu'elles ont été lues, à cette
adresse, par un représentant habilité de la demanderesse.

Il a été ensuite constaté que les trois premières
factures ont été payées par des chèques, dont deux d'entre
eux ont été retrouvés et mentionnaient la raison sociale de
la demanderesse comme tireur, avec la rubrique "SOS Serru-
rier".

La société qui reçoit des factures qui lui sont
adressées sous sa raison sociale à son siège social et les
règle ensuite de façon répétée en son propre nom, sans faire
de réserve ou de rectification, montre par là qu'elle
accepte
d'être considérée comme la débitrice dans le cadre du
rapport
juridique qui fonde lesdites factures. La répétition des
paiements permet raisonnablement d'exclure une simple inad-
vertance. L'attitude adoptée par la demanderesse est donc
concluante en vertu du principe de la confiance et vaut ra-
tification, éventuellement reprise de dette.

En conséquence, l'arrêt cantonal, dans son résul-
tat, ne viole pas le droit fédéral et le recours doit être
rejeté.

3.- Les frais et dépens seront mis à la charge de
la recourante qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué;

2. Met un émolument judiciaire de 2000 fr. à la
charge de la recourante;

3. Dit que la recourante versera à l'intimée une
indemnité de 2500 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre civile de la Cour de jus-
tice genevoise.

___________

Lausanne, le 8 novembre 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le président,

La greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.203/2001
Date de la décision : 08/11/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-11-08;4c.203.2001 ?
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