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06/11/2001 | SUISSE | N°2P.90/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 06 novembre 2001, 2P.90/2001


«/4»
2P.90/2001
2A.161/2001

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

6 novembre 2001

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger, pré-
sident, Hungerbühler, Müller, Yersin et Merkli.
Greffier: M. Addy.

__________

Statuant sur les recours de droit administratif
et de droit public
formés par

Association X.________, représentée par Me Damien Bonvallat,
avocat à Genève,

contre

la décision prise le 2

1 février 2001 par le Conseil d'Etat
du
canton de Genève;

(art. 23 al. 1 LHID: exonération d'impôt)

Vu les pièces du...

«/4»
2P.90/2001
2A.161/2001

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

6 novembre 2001

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger, pré-
sident, Hungerbühler, Müller, Yersin et Merkli.
Greffier: M. Addy.

__________

Statuant sur les recours de droit administratif
et de droit public
formés par

Association X.________, représentée par Me Damien Bonvallat,
avocat à Genève,

contre

la décision prise le 21 février 2001 par le Conseil d'Etat
du
canton de Genève;

(art. 23 al. 1 LHID: exonération d'impôt)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

Par décision du 16 octobre 1991, le Conseil d'Etat
du canton de Genève a exonéré l'association X.________ (ci-
après: l'Association), pour une période de cinq ans, des
impôts cantonaux sur le revenu et sur la fortune, au motif
que son activité pouvait être qualifiée d'utilité publique.
L'exonération, justifiée alors par les buts cultuels pour-
suivis par l'Association, a été reconduite pour une durée de
cinq ans par décision du 11 mai 1995.

Le Conseil d'Etat a refusé de prolonger l'exonéra-
tion de l'Association par décision du 10 janvier 2001. Il a
notamment considéré que son activité n'était ni d'utilité
publique ni de service public. L'Association a contesté le
bien-fondé de cette décision, en ajoutant qu'elle était de
toute façon encore au bénéfice de la précédente décision
d'exonération qui déployait ses effets jusqu'au 16 octobre
2001.

Le 21 février 2001, le Conseil d'Etat a annulé sa
décision du 10 janvier 2001 et rendu une nouvelle décision
révoquant l'exonération fiscale de l'Association avec effet
immédiat pour le motif que la poursuite d'un but cultuel de-
vait exclure toute dérive sectaire; or, selon certaines in-
formations, l'organisation-mère de l'Association était con-
sidérée par divers milieux comme une puissante secte.

Agissant à la fois par la voie du recours de droit
administratif (cause 2A.161/2001) et du recours de droit
public (cause 2P.90/2001), l'Association demande au Tribunal
fédéral, avec suite de frais et dépens, d'annuler la
décision
du Conseil d'Etat du 21 février 2001 révoquant son exonéra-
tion fiscale. Dans son premier recours, elle soutient que la
désignation par le droit cantonal du Conseil d'Etat comme
instance de décision viole la loi fédérale du 14 décembre
1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et
des communes (ci-après: LHID ou loi fédérale
d'harmonisation;
RS 642.14); elle invoque en outre des violations du droit
d'être entendu car le Conseil d'Etat ne l'aurait pas invitée
à s'exprimer préalablement à sa décision et n'aurait pas
établi les faits ni motivé suffisamment sa décision. Dans
son
recours de droit public, elle se plaint également, en se
fondant sur l'art. 84 al. 1 lettres a et d OJ, d'une
violation des art. 8, 9 et 29 Cst. ainsi que de diverses
dispositions de la législation cantonale sur la procédure ad-
ministrative.

Après avoir joint les causes, le Tribunal fédéral a
admis le recours de droit administratif et déclaré irreceva-
ble le recours de droit public.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et libre-
ment la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF
127
III 41 consid. 1a p. 42; 126 I 81 consid. 1 p. 83 et les ar-
rêts cités).

a) aa) Selon l'art. 97 al. 1 OJ, le recours de droit
administratif est recevable contre des décisions au sens de
l'art. 5 PA (RS 172.021) qui ont été rendues par l'une des
autorités énumérées à l'art. 98 OJ, pour autant qu'aucun des
motifs d'exclusion mentionnés aux art. 99 à 102 OJ ou dans
une législation spéciale ne soit réalisé. Constitue une déci-
sion au sens de l'art. 5 PA celle qui est fondée sur le
droit
fédéral ou qui aurait dû l'être. Il en va de même de celle
qui se fonde sur des dispositions cantonales d'exécution du
droit fédéral, dénuées toutefois de toute portée indépendan-
te, ou lorsque l'application de la norme de droit cantonal
autonome (ou indépendant) se trouve dans un rapport suffisam-
ment étroit avec une question de droit administratif fédéral
(ATF 126 II 171 consid. 1a p. 173 et jurisprudence citée).

La voie du recours de droit public est ouverte con-
tre des décisions fondées uniquement sur le droit cantonal
et
ne présentant aucun rapport de connexité avec le droit fédé-
ral. Elle l'est aussi contre une décision fondée sur du
droit
cantonal qui réalise une législation-cadre (ou de principe)
fédérale pour violation du principe de la force dérogatoire
(ou de la primauté) du droit fédéral (cf. ATF 127 II 1 con-
sid. 2b p. 4; 123 I 313 consid. 1 et 2 p. 315 ss; 116 Ia 264
consid. 2b p. 266 s.).

bb) Selon l'art. 73 al. 1 LHID, les décisions canto-
nales de dernière instance peuvent faire l'objet d'un
recours
de droit administratif devant le Tribunal fédéral, lorsqu'el-
les portent sur une matière réglée dans les titres deuxième
à
cinquième et sixième chapitre premier de cette loi. Le légis-
lateur fédéral a ainsi considéré qu'il se justifiait
d'ouvrir
sans ambiguïté la voie du recours de droit administratif con-
tre des décisions fondées sur le droit fiscal cantonal dans
les matières en cause en raison de son étroite connexité
avec
le droit fédéral, malgré le caractère de législation de prin-
cipe que celui-ci pouvait revêtir à divers égards. En effet,
il importait non seulement que les cantons légifèrent de ma-
nière conforme au droit fédéral mais aussi qu'ils appliquent
leurs lois cantonales harmonisées conformément au droit fédé-
ral, ce qui peut être revu librement par le Tribunal fédéral
(cf. BO 1986 CE 600 ss; BO 1989 CN 1989 89; BO 1989 CE 589;
BO 1990 CN 452; Message du Conseil fédéral du 25 mai 1983
sur
l'harmonisation fiscale, in FF 1983 III 1, p. 154 ss ad
art. 70; Message du Conseil fédéral du 24 mars 1976 concer-
nant le nouveau régime constitutionnel des finances et des
impôts de la Confédération, in FF 1976 I 1392, p. 1497).

cc) La recourante se plaint de la non-conformité de
l'art. 9 al. 3 de la loi genevoise du 23 septembre 1994 sur
l'imposition des personnes morales (ci-après: LIPM ou loi
cantonale) à l'art. 23 LHID: seule serait compétente pour ac-
corder, refuser ou révoquer une exonération, non pas le Con-
seil d'Etat, mais l'autorité de taxation dont la décision
pourrait être portée devant une autorité judiciaire. Il ne
fait pas de doute en l'espèce que la décision cantonale atta-
quée porte sur l'une des matières mentionnées à l'art. 73
al. 1 LHID. La voie du recours de droit administratif est
dès
lors ouverte (cf. Adrian Kneubühler, Durchsetzung der Steuer-
harmonisierung, in Archives 69 p. 209 ss, p. 226 ss; Thomas
Meister, Rechtsmittelsystem der Steuerharmonisierung, thèse
St-Gall 1994, p. 300; Ulrich Cavelti, Die Durchsetzung der
Steuerharmonisierungsgrundsätze, insbesondere die Rechtsmit-
tel an das Bundesgericht nach Art. 73 StHG, in Archives 62
p. 355 ss, p. 359 ss). La question de savoir si la loi fédé-
rale d'harmonisation règle, ou non, de manière exhaustive et
contraignante la matière et si la décision attaquée est,
dans
l'affirmative, conforme aux dispositions de la loi fédérale
d'harmonisation, relève du fond.

b) Le présent recours de droit administratif (cause
2A.161/2001), qui ne tombe sous aucun des motifs d'exclusion
des art. 99 à 102 OJ et remplit également les conditions des
art. 103 ss OJ, a été déposé contre une décision rendue le
21
février 2001, soit après l'échéance du délai de huit ans
accordé aux cantons, à compter de l'entrée en vigueur de la
loi fédérale d'harmonisation le 1er janvier 1993, pour adapt-
er leur législation aux dispositions des titres deuxième à
sixième de cette loi. Il concerne l'imposition - respectivem-
ent l'exonération - de la recourante dès 2001. Il est donc
recevable (ATF 123 II 588 consid. 2 p. 591 ss; 124 I 145
consid. 1a p. 148 a contrario).

c) Conformément à l'art. 84 al. 2 OJ, le recours de
droit public n'est recevable que si la prétendue violation
ne
peut être soumise par une action ou par un autre moyen de
droit quelconque au Tribunal fédéral ou à une autre autorité
fédérale. Dès lors que la voie du recours de droit adminis-
tratif est ouverte à l'encontre des décisions cantonales de
dernière instance selon l'art. 73 LHID, le recours de droit
public déposé par la recourante (cause 2P.90/2001) est irre-
cevable.

2.- a) Selon l'art. 104 OJ, le recours de droit ad-
ministratif peut être formé pour violation du droit fédéral,
y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let-
tre a), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète
des faits pertinents, sous réserve de l'art. 105 al. 2 OJ
(lettre b). Il peut l'être également pour inopportunité, en
particulier de décisions de première instance relatives à la
fixation de contributions publiques (lettre c chiffre 1). Il
est douteux toutefois que ce dernier motif puisse être invo-
qué car, bien que la décision attaquée, de première
instance,
soit relative à la fixation de contributions publiques, le
législateur fédéral n'a manifestement pas voulu, en adoptant
l'art. 73 LHID, instituer un recours plus large en matière
d'impôts cantonaux que d'impôt fédéral direct pour lequel le
droit fédéral ne prévoit pas le grief d'inopportunité
(art. 104 lettre c ch. 3 OJ) (sur la volonté du législateur,
cf. Ulrich Cavelti, in Martin Zweifel/Peter Athanas, Bundes-
gesetz über die Harmonisierung der direkten Steuern der Kan-
tone und Gemeinden (StHG), Kommentar zum schweizerischen
Steuerrecht, Bâle 1997 [ci-après abrégé: Kommentar StHG],
n. 5 ad art. 73). La question n'a toutefois pas à être défi-
nitivement tranchée au cas particulier, vu l'issue du re-
cours.

b) Lorsque, comme en l'espèce, le recours n'est pas
dirigé contre la décision d'une autorité judiciaire, le Tri-
bunal fédéral revoit d'office les constatations de fait
(art. 105 al. 1 OJ).

Sur le plan juridique, il revoit également d'office
l'application du droit fédéral qui englobe les droits consti-
tutionnels. Il n'est pas lié par les motifs invoqués par les
parties ni, en matière de contributions publiques, par leurs
conclusions (art. 114 al. 1 OJ). Le Tribunal fédéral peut
ainsi vérifier avec un libre pouvoir d'examen la conformité
du droit cantonal - et de son application - à la loi
fédérale
d'harmonisation (Cavelti, Kommentar StHG, n. 11 ad art. 73).
Cela n'exclut toutefois pas que, dans la mesure où le droit
cantonal applicable n'aurait pas de rapport suffisamment
étroit avec le droit fédéral, c'est-à-dire s'il ne portait
pas sur des matières réglées impérativement dans les titres
deuxième à cinquième et sixième chapitre 1er LHID, les
griefs
dirigés le cas échéant à son encontre soient examinés sous
l'angle de l'arbitraire, comme dans le cadre d'un recours de
droit public (cf. ATF 126 II 171 consid. 1c p. 174).

3.- a) L'art. 23 al. 1 LHID définit en particulier
les personnes morales exonérées de l'impôt (collectivités pu-
bliques suisses et leurs établissements [lettres a, b, c],
institutions et caisses d'assurances [lettres d et e], per-
sonnes morales poursuivant des buts de service public, de
pure utilité publique ou cultuel [lettres f et g], États
étrangers [lettre h]) et l'étendue de l'exonération. La dis-
position précitée ne comprend en revanche aucune norme con-
cernant la procédure à suivre ou désignant l'autorité compé-
tente en matière d'exonération. Par ailleurs, le titre cin-
quième de la loi fédérale d'harmonisation détermine dans ses
grandes lignes la procédure, notamment les procédures de ta-
xation (art. 46 LHID) et de réclamation (art. 48 LHID) qui
sont dans la compétence de l'autorité de taxation, ainsi que
la procédure de recours (art. 50 LHID) devant une commission
de recours indépendante des autorités fiscales, le cas
échéant devant une seconde instance cantonale supérieure in-
dépendante de l'administration, à condition que le droit can-
tonal le prévoie.

Pour sa part, la loi cantonale règle les cas d'exo-
nération de l'impôt à son art. 9 al. 1 et 2 selon la même
systématique que l'art. 23 al. 1 LHID. L'al. 3 de la disposi-
tion cantonale précitée prévoit que "le Conseil d'Etat
statue
sur l'exonération des personnes morales visées à l'alinéa 1,
lettres d à h. Sa décision est définitive".

b) La recourante soutient que, dans le silence de
l'art. 23 LHID, les dispositions du titre cinquième sur la
procédure doivent s'appliquer: la décision d'exonération de-
vrait être prise, non par le Conseil d'Etat à titre défini-
tif, mais par une autorité de taxation, ce qui ouvrirait la
voie d'un recours judiciaire. Selon l'autorité intimée, en
l'absence de réglementation expresse dans la loi fédérale
d'harmonisation, le canton conserve son autonomie fiscale et
peut régler librement la procédure d'exonération; cela
serait
aussi conforme au principe de subsidiarité qui gouverne
cette
loi.

Il s'agit dès lors de déterminer si la procédure
d'exonération de l'impôt cantonal est soumise à la loi fédé-
rale d'harmonisation ou si au contraire le législateur can-
tonal a conservé en cette matière une certaine liberté.
L'étendue de l'autonomie dont le législateur cantonal
dispose
dans le cadre de la loi fédérale d'harmonisation, singulière-
ment pour réglementer un domaine fiscal particulier, se dé-
termine sur la base des méthodes et critères
d'interprétation
généralement applicables (cf. Rapport du groupe d'experts
Cagianut sur l'harmonisation fiscale, in Publications de la
Chambre fiduciaire, 1994, vol. 128 [ci-après abrégé: Rapport

Cagianut], p. 73 s.; Markus Reich, Kommentar StHG, n. 26 ad
art. 1; Jean-Marc Rivier, La relation entre le droit fédéral
et le droit cantonal en matière d'impôts directs: harmonisa-
tion et uniformisation, in Problèmes actuels de droit
fiscal,
Mélanges en l'honneur du Professeur Raoul Oberson, Bâle
1995,
p. 157 ss, p. 158).

4.- Selon la jurisprudence, la loi s'interprète en
premier lieu d'après sa lettre (interprétation littérale).
Si
le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interpréta-
tions de celui-ci sont possibles, il convient de rechercher
quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant
de tous les éléments à considérer, soit de sa relation avec
d'autres dispositions légales, de son contexte (interpréta-
tion systématique), du but poursuivi, de l'esprit de la rè-
gle, des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement
de l'intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi
que
de la volonté du législateur telle qu'elle ressort notamment
des travaux préparatoires (interprétation historique) (cf.
ATF 125 II 192 consid. 3a p. 196, 183 consid. 4 p. 185, 177
consid. 3 p. 179; RDAF 1998 II p. 148 consid. 2c p. 151).

En l'espèce, ni la lettre de la loi ni les travaux
préparatoires ne donnent d'indications sur la procédure à
observer pour l'application de l'art. 23 al. 1 LHID. A cet
égard, le silence de la loi fédérale d'harmonisation ne sau-
rait, à lui seul, être compris comme conférant une marge
d'autonomie aux cantons (contra: Marco Greter, Kommentar
StHG, n. 2 ad art. 23), en particulier lorsqu'il concerne un
point relevant d'un domaine dont l'harmonisation est expres-
sément prévue par la Constitution, tel que la procédure (cf.
art. 129 al. 2 Cst., art. 42quinquies al. 2 aCst.). Il faut
dans ce cas aussi rechercher le sens véritable de la disposi-
tion en cause.

5.- a) L'art. 23 LHID figure au titre troisième (Im-
position des personnes morales) de la loi fédérale d'harmoni-
sation, à son chapitre premier intitulé "Assujettissement à
l'impôt". Après avoir fixé les conditions positives de l'as-
sujettissement (art. 20 à 22 LHID), ce chapitre indique à
l'art. 23 les exceptions à l'assujettissement subjectif. Son
alinéa 1 définit de manière exhaustive et impérative les mo-
tifs et l'étendue des exonérations prévues. Il ne réserve la
compétence du législateur cantonal qu'aux fins de définir
les
établissements cantonaux (lettre b) ainsi que les collectivi-
tés territoriales du canton (autres que les communes et les
paroisses) et leurs établissements au bénéfice d'une exonéra-
tion (Rapport Cagianut, p. 92; Marco Greter, Kommentar StHG,
n. 1 ad art. 23; Message précité sur l'harmonisation
fiscale,
p. 115 ss ad art. 26).

A cet égard, les exonérations de l'art. 23 al. 1
LHID diffèrent de celles prévues aux alinéas 2 et 3 de cette
disposition qui n'ont pas de caractère impératif. En effet,
les cantons peuvent exonérer en tout ou en partie les entre-
prises de transport concessionnaires (al. 2) ou accorder,
par
voie législative, des allégements fiscaux à des entreprises
nouvellement créées (al. 3). Le législateur fédéral a tenu
compte ici de la variété des situations qui peuvent se pré-
senter ainsi que des intérêts de politique économique des
cantons (Message précité sur l'harmonisation fiscale, ad
art. 26 p. 116; Marco Greter, Kommentar StHG, n. 42 à 44 ad
art. 23).

b) Les cas d'exonération de l'art. 23 al. 1 LHID
correspondent à ceux précédemment prévus dans les lois can-
tonales et dans l'Arrêté du Conseil fédéral du 9 décembre
1940 concernant la perception d'un impôt fédéral direct
(AIFD), abrogé le 1er janvier 1995 (art. 201 de la loi fédé-
rale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct [LIFD];
RS 642.11), ainsi qu'aux cas d'exonération figurant à l'art.
56 LIFD (cf. Jacques-André Reymond, L'assujettissement des
personnes morales, in Archives 61 p. 345 ss, p. 352). Les
personnes morales qui remplissent les conditions pour être
exonérées le sont ex lege; elles ont un droit à
l'exonération
sans qu'un acte administratif constitutif ne soit
nécessaire.
Si l'exonération n'est que partielle - par exemple parce que
l'entier du bénéfice et du capital d'une personne morale
n'est pas affecté exclusivement et irrévocablement au but
justifiant l'exonération (art. 21 lettres f et g LHID) -,
son
étendue sera déterminée dans le cadre de la taxation. L'auto-
rité compétente doit s'assurer à chaque période fiscale que
l'intéressé remplit encore les conditions d'exonération
(Marco Greter, in: Martin Zweifel/Peter Athanas,
Bundesgesetz
über die direkte Bundessteuer (DBG), vol. I/2a, Kommentar
zum
schweizerischen Steuerrecht, Bâle 2000 [ci-après abrégé: Kom-
mentar DBG], n. 1 et 2 ad art. 56; du même auteur, Kommentar
StHG, n. 2 ad art. 23).

c) Les exonérations de l'art. 23 al. 1 LHID, telles
qu'elles y sont définies, s'imposent aux cantons. Leur
nature
n'est pas sans influencer l'aménagement de la procédure. Les
cantons ne sauraient instaurer une procédure en
contradiction
avec leurs caractéristiques. En particulier, le fait que la
personne morale intéressée ait un droit à l'exonération, si
elle en remplit les conditions, confère à la décision qui
lui
reconnaît ou lui dénie ce droit un caractère essentiellement
juridique - et non politique - même si l'autorité d'applica-
tion de la loi jouit d'un pouvoir d'appréciation
relativement
étendu en raison du caractère indéterminé de certains des mo-
tifs d'exonération (par exemple: but de service public ou de
pure utilité publique, but cultuel).

Qu'il s'agisse d'une décision préjudicielle prise
avant le début de la procédure de taxation ou que l'exonéra-
tion (en particulier partielle) soit décidée dans le cadre
de
la procédure et de la décision de taxation (cf. Marco
Greter,
Kommentar StHG, n. 2 ad art. 23; du même auteur, Kommentar
DBG, n. 2 ad art. 56; Thomas Meister, op. cit., p. 129),
elle
ne saurait être soustraite aux garanties procédurales
prévues
au titre cinquième de la loi fédérale d'harmonisation.
Ainsi,
la décision d'exonération, comme celle de taxation, doit pou-
voir faire l'objet d'une réclamation auprès de l'autorité
qui
l'a rendue (art. 48 LHID), puis d'un recours auprès d'une au-
torité judiciaire cantonale, soit une commission de recours
indépendante et/ou un tribunal administratif (art. 50 al. 1
et 3 LHID).

d) Le titre cinquième de la loi fédérale d'harmoni-
sation concernant la procédure ne contient aucune prescrip-
tion sur l'organisation des autorités fiscales cantonales.
En
particulier, il ne définit pas comment doit être composée et
organisée l'autorité de taxation. Dès lors, rien n'exclut
que
l'autorité compétente pour les exonérations soit distincte
de
l'autorité chargée des travaux et décisions de taxation
stricto sensu (il pourra par exemple s'agir d'une autorité
centralisée ou spécialisée, ou même d'un département ou d'un
exécutif cantonal), pour autant que ses décisions puissent
faire l'objet des contrôles administratif et judiciaire pré-
vus aux art. 48 et 50 LHID, et que les procédures d'exonéra-
tion et de taxation soient correctement coordonnées.

e) En conséquence, une interprétation systématique
de l'art. 23 al. 1 et du titre cinquième de la loi fédérale
d'harmonisation conduit à exclure qu'une décision d'exonéra-
tion ne puisse être prise par le Conseil d'Etat à titre défi-
nitif. Cette conclusion apparaît d'autant plus justifiée que
l'art. 98a OJ impose aux cantons d'instituer des autorités
judiciaires statuant en dernière instance dans la mesure où
leurs décisions peuvent directement faire l'objet d'un re-
cours de droit administratif devant le Tribunal fédéral, ce
qui est le cas en l'espèce en vertu de l'art. 73 LHID.

6.- a) L'harmonisation fiscale vise un ajustement
réciproque des impôts directs de la Confédération et des can-
tons, une plus grande transparence du système fiscal suisse
et une simplification de la taxation, tout en ménageant le
plus possible l'autonomie - en particulier financière - des
cantons (Rapport Cagianut, p. 73; Markus Reich, Kommentar
StHG, n. 29 ad Vorbemerkungen zu Art. 1/2). Elle ne doit pas
conduire à une uniformisation des systèmes fiscaux, mais à
leur coordination sur la base du principe de subsidiarité
(art. 46 al. 2 Cst.). Toutefois, dans les domaines où il
n'existe pas ou plus de besoin de régime cantonal différent,
il se justifie d'admettre une harmonisation plus poussée sur
la base du droit fédéral, même si cela ne ressort pas clai-
rement de la lettre de la loi. En effet, le champ
d'autonomie
cantonale doit avoir une fonction claire et déterminée et
n'est pas un but en soi (Markus Reich, Kommentar StHG, n. 34
et 39 ad art. 1; Jean-Marc Rivier, op. cit., p. 166 ss).

b) L'autorité intimée n'indique aucun motif justi-
fiant le maintien de la compétence exclusive du Conseil
d'Etat en matière d'exonération selon l'art. 9 LIPM, si ce
n'est la marge de manoeuvre que lui laisserait la loi fédé-
rale d'harmonisation. En particulier elle n'invoque pas, à
bon droit, de raison pratique justifiant cette procédure can-
tonale. De surcroît, il existe déjà une procédure différente
concernant les exonérations de l'impôt fédéral direct, où la
décision est prise par l'autorité administrative. Ainsi,
l'interprétation que l'autorité intimée fait de l'art. 23
al.
3 LHID aboutit uniquement à désharmoniser les procédures
d'exonération en matière d'impôts cantonal et fédéral et à
diminuer, si ce n'est supprimer, la protection judiciaire de
la recourante au niveau cantonal. Il est vrai que le
Tribunal
fédéral avait admis la constitutionnalité de cette solution
dans l'arrêt 2P.393/1997 du 14 janvier 1999. Il avait
toutefois mis en doute la validité d'une telle solution
après
l'expiration du délai d'adaptation des législations
cantonales fixé à l'art. 72 LHID. Au surplus, les instances
judiciaires cantonales - en particulier la double instance -
ont aussi pour but d'alléger les charges supplémentaires du
Tribunal fédéral résultant de l'introduction d'un recours de
droit administratif élargi en lieu et place du recours de
droit public (Message précité sur l'harmonisation fiscale,
ad
art. 54 p. 144).

c) Dès lors, d'un point de vue téléologique égale-
ment, l'art. 9 al. 3 LIPM est contraire à la réglementation
de la loi d'harmonisation.

7.- a) En conséquence, il y a lieu d'admettre le re-
cours de droit administratif sans que les autres griefs de
la
recourante ne doivent être examinés. La décision attaquée
est
annulée et l'affaire est renvoyée à l'autorité intimée
(art. 73 al. 3 LHID). Il lui appartiendra d'examiner si elle
doit édicter des dispositions provisoires dans l'attente de
la modification ou de l'abrogation de l'art. 9 al. 3 LIPM ou
si elle peut d'emblée transmettre la cause à une instance ju-
diciaire compétente, telle que le Tribunal administratif
(cf.
art. 72 al. 3 LHID; sur la portée de cette disposition, voir
Adrian Kneubühler, op. cit., p. 241 ss).

Le recours de droit public est irrecevable.

b) (frais et dépens)

Lausanne, le 6 novembre 2001


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.90/2001
Date de la décision : 06/11/2001
2e cour de droit public

Analyses

Art. 23 al. 1, art. 48 et 50 LHID; harmonisation des voies de droit en matière d'exonération fiscale. Recevabilité du recours de droit administratif (art. 73 al. 1 LHID) et pouvoir d'examen du Tribunal fédéral (consid. 1 et 2). Principes d'interprétation applicables pour déterminer l'étendue de l'autonomie cantonale dans un domaine fiscal particulier (consid. 3 et 4). Le caractère exhaustif et impératif des motifs d'exonération prévus à l'art. 23 al. 1 LHID et leur nature juridique exigent de prévoir un contrôle judiciaire à l'échelon cantonal (consid. 5). Buts respectifs de la loi fédérale d'harmonisation et de l'autonomie cantonale (consid. 6).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-11-06;2p.90.2001 ?
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