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06/11/2001 | SUISSE | N°2P.242/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 06 novembre 2001, 2P.242/2000


«/2»

2P.242/2000

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

6 novembre 2001

Composition de la Cour: MM. et Mmes les Juges Wurzburger,
président, Hungerbühler, Klett, Müller, Yersin, Féraud et
Merkli. Greffier: M. Addy.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________,

contre

la loi sur l'imposition des personnes physiques (LIPP V) -
Détermination du revenu net - Calcul de l'impôt et rabais> d'impôt - Compensation des effets de la progression à froid
(8202), adoptée le 22 septembre 2000 par le Grand Conseil du
...

«/2»

2P.242/2000

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

6 novembre 2001

Composition de la Cour: MM. et Mmes les Juges Wurzburger,
président, Hungerbühler, Klett, Müller, Yersin, Féraud et
Merkli. Greffier: M. Addy.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________,

contre

la loi sur l'imposition des personnes physiques (LIPP V) -
Détermination du revenu net - Calcul de l'impôt et rabais
d'impôt - Compensation des effets de la progression à froid
(8202), adoptée le 22 septembre 2000 par le Grand Conseil du
canton de Genève, représenté par Me Xavier Oberson, avocat à
Genève;

(art. 49 Cst.: harmonisation des impôts directs
des cantons et des communes)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le Grand Conseil du canton de Genève a adopté le 22
septembre 2000 la loi sur l'imposition des personnes physi-
ques (LIPP V) - Détermination du revenu net - Calcul de
l'impôt et rabais d'impôt - Compensation des effets de la
progression à froid (8202) (ci-après citée: LIPP V ou loi
cantonale), visant à harmoniser le droit genevois conformé-
ment à la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisa-
tion des impôts directs des cantons et des communes (ci-
après citée: LHID ou loi fédérale d'harmonisation;
RS 642.14).

Publiée une première fois dans la Feuille d'Avis Offi-
cielle du canton de Genève le 29 septembre 2000, la loi can-
tonale a fait l'objet d'une seconde publication le 17 novem-
bre 2000, à l'expiration du délai référendaire qui n'a pas
été utilisé.

B.- Le 30 octobre 2000, X.________ a déposé deux re-
cours de droit public, avec suite de frais et dépens, l'un
demandant de constater que les art. 4 al. 2 LIPP V (déduc-
tion des frais de maladie, accidents ou invalidité) et 6 al.
3 LIPP V (déduction des frais d'administration de la fortune
mobilière) sont contraires au droit fédéral régissant la ma-
tière et de les annuler, l'autre de constater que l'art. 14
al. 2 dernière phrase LIPP V (rabais d'impôt) est contraire
au principe de l'égalité de traitement et de l'annuler.

Par ordonnance du 7 novembre 2000, le Président de la
IIe Cour de droit public a pris acte du retrait du recours
du 30 octobre 2000 en tant que dirigé contre l'art. 14 al. 2
dernière phrase LIPP V et a renvoyé la question des frais au
jugement au fond de l'autre recours.

Le Grand Conseil du canton de Genève conclut, avec sui-
te de frais, principalement à l'irrecevabilité du recours,
subsidiairement à son rejet dans son entier.

Les parties ont maintenu leurs conclusions lors du
second échange d'écritures.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral vérifie d'office et librement
la recevabilité des recours qui lui sont soumis.

Comme le recours de droit public n'est recevable que si
la prétendue violation ne peut pas être soumise par une ac-
tion ou par un autre moyen de droit quelconque au Tribunal
fédéral ou à une autre autorité fédérale (cf. art. 84 al. 2
OJ), il faut examiner d'abord si la voie du recours de droit
administratif est ouverte.

a) Selon l'art. 97 al. 1 OJ, le Tribunal fédéral con-
naît, en dernière instance, les recours de droit administra-
tif contre des décisions au sens de l'art. 5 PA, fondées sur
le droit fédéral ou qui auraient dû l'être.

L'art. 73 LHID a étendu le recours de droit administra-
tif aux décisions cantonales de dernière instance lorsqu'el-
les portent sur une matière réglée dans les titres deuxième
à cinquième et sixième chapitre 1er de la loi fédérale
d'harmonisation.

En l'espèce, le recours n'est toutefois pas dirigé con-
tre une "décision", mais directement contre un arrêté canto-
nal de portée générale, qui ne peut faire l'objet d'un re-
cours de droit administratif, car ce moyen de droit ne sert
pas à un contrôle abstrait des normes (cf. ATF 124 I 145
consid. 1a p. 148). Dès lors, seule la voie du recours de

droit public est ouverte (cf. Adrian Kneubühler, Durch-
setzung der Steuerharmonisierung, in Archives 69 p. 209, p.
226 ss, p. 252 s.; Bernhard Greminger, in Martin Zweifel/-
Peter Athanas, Bundesgesetz über die Harmonisierung der
direkten Steuern der Kantone und Gemeinden (StHG), Kommentar
zum schweizerischen Steuerrecht, Bâle 1997 [ci-après abrégé:
Kommentar StHG], n. 28 ad art. 72; Ulrich Cavelti, in Komme-
ntar StHG, n. 1 ad art. 73; Andreas Kley-Struller, Die
Beschwerde an das Bundesgericht gemäss Artikel 73 des
Steuerharmonisierungsgesetzes, in Festschrift zum 65.
Geburtstag von Ernst Höhn, Berne 1995, p. 132 s.).

b) aa) Selon la jurisprudence relative à l'art. 88 OJ,
la qualité pour recourir contre un arrêté de portée générale
appartient à toute personne dont les intérêts juridiques
protégés sont effectivement ou pourraient un jour être tou-
chés par l'acte attaqué; une simple atteinte virtuelle suf-
fit, pourvu qu'il y ait un minimum de vraisemblance que le
recourant puisse un jour se voir appliquer les dispositions
prétendument anticonstitutionnelles (cf. ATF 125 II 440
consid. 1c p. 443 s.; SJ 1995 p. 253 consid. 1a p. 254 s.).

En l'espèce, il n'est pas exclu que le recourant, con-
tribuable genevois, supporte ou doive supporter un jour des
frais de santé ou des frais d'administration de la fortune
mobilière dépassant les limites posées par les dispositions
cantonales entreprises, de sorte que la qualité pour agir
doit lui être reconnue.

bb) En droit genevois, dans lequel il n'existe aucune
voie de droit cantonal permettant d'examiner la constitu-
tionnalité des actes législatifs, le délai de trente jours
prévu à l'art. 89 al. 1 OJ pour déposer un recours de droit
public contre un arrêté de portée générale commence à courir
dès la publication de cet arrêté dans la Feuille d'Avis Of-
ficielle. S'il s'agit d'un arrêté soumis au référendum fa-

cultatif, le délai de trente jours commence à courir, si le
référendum n'est pas utilisé, au moment où l'autorité compé-
tente donne officiellement connaissance du fait que l'arrêté
est promulgué pour être exécutoire dans tout le canton. Le
recours déposé prématurément n'est pas irrecevable (ATF 117
Ia 328 consid. 1a p. 330; SJ 1995 p. 253 consid. 1b p. 255).

Déposé le 30 octobre 2000 contre un arrêté qui a été
promulgué le 17 novembre 2000, le présent recours est donc
recevable, bien que prématuré.

cc) Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espè-
ce, le recours de droit public a un caractère purement cas-
satoire (cf. ATF 126 II 377 consid 8c p. 395). Dans la mesu-
re où le recourant demande autre chose que l'annulation des
normes attaquées - par exemple, la constatation que ces der-
nières seraient contraires à certains principes constitu-
tionnels - ses conclusions sont dès lors irrecevables.

dd) Selon l'art. 90 al. 1 lettre b OJ, l'acte de re-
cours doit contenir un exposé des faits essentiels et un ex-
posé succinct des droits constitutionnels ou des principes
juridiques violés, précisant en quoi consiste la violation.
Invoquant une violation de la force dérogatoire du droit fé-
déral, le recourant a l'obligation d'indiquer quelles dispo-
sitions de droit fédéral seraient touchées à ses yeux par
les dispositions cantonales contestées (SJ 2001 p. 81 con-
sid. 3b p. 85).

Bien que bref, le mémoire du recourant expose claire-
ment le droit constitutionnel et les dispositions de droit
fédéral que, selon lui, violeraient les normes entreprises
de la loi cantonale, et sur quels points celles-ci y se-
raient contraires. Il remplit ainsi les conditions préci-
tées.

c) aa) L'intimé soutient que le recours de droit public
serait irrecevable parce qu'intenté contre une loi votée et
promulguée avant l'expiration du délai de huit ans accordé
aux cantons pour adapter leur législation aux dispositions
des titres deuxième à sixième de la loi fédérale d'harmoni-
sation (cf. art. 72 al. 1 LHID); de plus, déposé avant l'é-
chéance de ce délai de huit ans, le recours ne serait, pour
ce motif également, pas recevable, conformément à la doctri-
ne et à la jurisprudence du Tribunal fédéral concernant
l'art. 73 LHID.

bb) S'agissant du recours de droit administratif prévu
à l'art. 73 al. 1 LHID, le Tribunal fédéral a admis qu'il
n'était pas ouvert pendant le délai de huit ans courant dès
l'entrée en vigueur de la loi fédérale d'harmonisation le
1er janvier 1993, et cela même si le canton prétendait avoir
déjà harmonisé son droit de manière anticipée (cf. ATF 124 I
145 consid. 1a p. 148; 123 II 588 consid. 2d p. 592 s.;
Danielle Yersin, Harmonisation fiscale: La dernière ligne
droite, in Archives 69 p. 305, p. 307 ss). Il est toutefois
douteux que les considérations à l'appui de cette jurispru-
dence puissent s'appliquer sans autre au recours de droit
public (en particulier les motifs tirés du droit des cantons
d'épuiser le délai d'adaptation, de l'inégalité entre can-
tons, de l'insécurité juridique).

Il est vrai qu'un examen portant sur la conformité de
la loi cantonale à la loi fédérale d'harmonisation pourrait
paraître vain pendant le délai d'adaptation de huit ans,
puisque la loi fédérale pouvait parfaitement être modifiée
pendant ce même délai - et l'a d'ailleurs été à plusieurs
reprises (cf. Jean-Blaise Paschoud, Survol des récentes
modifications [1998/1999] du droit fédéral concernant les
impôts directs, in RDAF 2000 II p. 1 ss). Toutefois, l'oc-
troi d'un délai d'adaptation aux cantons ne saurait conduire
à diminuer ou supprimer la protection des droits constitu-

tionnels des contribuables et à soustraire la législation
cantonale au contrôle judiciaire, comme le suggère Thomas
Meister (Rechtsmittelsystem der Steuerharmonisierung, thèse
St-Gall 1994, p. 81 s.). En outre, la question de savoir si
le droit cantonal doit ou non être conforme à la loi fédéra-
le d'harmonisation, le cas échéant s'il l'est ou non, relève
du fond et non de la recevabilité du recours de droit pu-
blic. C'est d'ailleurs ce qu'a admis tacitement le Tribunal
fédéral dans plusieurs arrêts (cf. ATF 124 I 145, 101; Pra
89/2000 n. 26 p. 152) où il est entré en matière sur de tels
recours (cf. Kneubühler, op. cit., p. 253). La question n'a
toutefois pas à être tranchée définitivement ici, car il ne
s'agit pas d'apprécier la conformité à la loi fédérale
d'harmonisation d'une loi fiscale cantonale qui doit être
appliquée pendant le délai d'adaptation. Les dispositions
attaquées sont en effet entrées en vigueur le 1er janvier
2001 (art. 20 LIPP V), soit après l'expiration du délai de
huit ans prévu à l'art. 72 al. 1 LHID. Elles doivent donc
être immédiatement conformes au droit fédéral. Qu'elles
aient été adoptées peu avant l'échéance du délai et que le
recours ait également été déposé peu avant cette échéance,
vu le délai de trente jours de l'art. 89 al. 1 OJ, n'est pas
déterminant.

En conséquence, de ce point de vue également, le re-
cours est recevable.

2.- a) L'art. 9 LHID dispose notamment:

"1Les dépenses nécessaires à l'acquisition du revenu et
les déductions générales sont défalquées de l'ensemble
des revenus imposables. Les frais de perfectionnement
et de reconversion professionnels en rapport avec l'ac-
tivité exercée font également partie des dépenses né-
cessaires à l'acquisition du revenu.

2Les déductions générales sont:

a. (...)
b. (...)
...
h. Les frais provoqués par la maladie, les accidents
et l'invalidité du contribuable ou d'une personne
à l'entretien de laquelle il subvient, lorsque le
contribuable supporte lui-même ces frais et que
ceux-ci excèdent une franchise déterminée par le
droit cantonal."
i. (...)
...

b) Afin de concrétiser la disposition précitée de la
loi fédérale d'harmonisation, le législateur genevois a
adopté la loi cantonale dont les articles attaqués ici ont
la teneur suivante:

Art. 4 al. 2: "Les frais dûment justifiés provoqués par
la maladie, les accidents ou l'invalidité du contribua-
ble ou d'une personne à sa charge, pour la part suppor-
tée par le contribuable, au maximum jusqu'à:

a) 2'250 F. par contribuable et par charge de famille;
b) 4'500 F. par contribuable âgé de plus de 65 ans."

Art. 6 al. 3: "(Sont déduits du revenu): les frais ef-
fectifs d'administration de la fortune mobilière impo-
sable, à concurrence d'un maximum de 5% du rendement de
ladite fortune, ainsi que les impôts à la source étran-
gers qui ne peuvent être ni remboursés ni imputés."

Selon le recourant, ces deux dispositions ne seraient
pas conformes à l'art. 9 al. 1 et 2 let. h LHID, et
violeraient ainsi le principe de la force dérogatoire du
droit fédéral. L'intimé prétend, au contraire, que l'art. 9
al. 1 et 2 let. h LHID ne réglerait pas exhaustivement les
déductions en cause et laisserait place aux modalités
prévues par la législation genevoise, qui seraient au sur-
plus plus équitables et mieux adaptées.

3.- En vertu du principe de la force dérogatoire (ou de
la primauté) du droit fédéral, les cantons ne sont pas auto-
risés à légiférer dans les domaines exhaustivement réglemen-
tés par le droit fédéral. Dans les autres domaines, ils peu-
vent édicter des règles de droit qui ne violent ni le sens
ni l'esprit du droit fédéral, et qui n'en compromettent pas
la réalisation (ATF 127 I 60 consid. 4 p. 68; 126 I 76 con-
sid. 1 p. 78; 125 I 474 consid. 2a p. 480 et les arrêts ci-
tés). Le Tribunal fédéral examine en principe librement,
dans chaque cas d'espèce, si les normes de droit cantonal ou
communal sont compatibles avec le droit fédéral (ATF 126 I
76 consid. 1 p. 78 et les arrêts cités).

4.- a) Selon la jurisprudence,
la loi s'interprète en
premier lieu d'après sa lettre (interprétation littérale).
Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs inter-
prétations de celui-ci sont possibles, il convient de re-
chercher quelle est la véritable portée de la norme, en la
dégageant de tous les éléments à considérer, soit de sa re-
lation avec d'autres dispositions légales, de son contexte
(interprétation systématique), du but poursuivi, de l'esprit
de la règle, des valeurs sur lesquelles elle repose, singu-
lièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologi-
que), ainsi que de la volonté du législateur telle qu'elle
ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation
historique) (cf. ATF 125 II 192 consid. 3a p. 196, 183 con-
sid. 4 p. 185, 177 consid. 3 p. 179; RDAF 1998 II p. 148
consid. 2c p. 151).

b) Il ressort de la lettre de l'art. 9 LHID que les dé-
ductions autorisées sur le revenu - a contrario, la marge de
liberté restant aux cantons en cette matière - y sont ré-
glées exhaustivement. Ainsi les dépenses d'acquisition du
revenu (déductions organiques) sont définies à l'alinéa 1
sans qu'une éventuelle réglementation cantonale divergente
ou restrictive ne soit réservée. L'alinéa 2 donne une liste

exhaustive des déductions sociopolitiques autorisées. Les
cantons ont l'obligation de reprendre ces déductions au plan
cantonal. Une compétence cantonale n'est réservée qu'aux
lettres g, h, i, k et son étendue est expressément limitée
au choix des montants des déductions et, s'agissant des
frais de maladie, accidents ou invalidité (lettre h), au
montant de la franchise. L'alinéa 3 indique les déductions
incitatives en matière de protection de l'environnement,
d'économie d'énergie et de restauration de monuments histo-
riques que les cantons peuvent prévoir. Ils ont la faculté
de reprendre, ou non, les déductions en cause, mais pas de
les modifier ou de les compléter. L'alinéa 4 indique "on
n'admettra pas d'autres déductions". Seules demeurent dans
la compétence exclusive des cantons les déductions pour en-
fants et autres déductions sociales, ainsi que les montants
exonérés (art. 1 al. 3 et 9 al. 4 in fine LHID; cf. Danielle
Yersin, L'impôt sur le revenu: étendue et limites de
l'harmonisation, in Archives 61 p. 295, p. 296 ss).

Les travaux préparatoires confirment le caractère ex-
haustif des déductions mentionnées aux alinéas 1 et 2 de
l'art. 9 LHID, ainsi que la volonté du législateur de régler
impérativement ces points dans la loi fédérale d'harmonisa-
tion (cf. Message du Conseil fédéral du 25 mai 1983 sur
l'harmonisation fiscale in FF 1983 III p. 99 ss ad
art. 10 LHID, p. 175 ad art. 26 LHID et p. 181 ss ad art. 33
LHID; cf. aussi BO 1986 CE p. 135 ss et BO 1989 CN p. 37
ss).

Cette réglementation exhaustive s'inscrit dans le cadre
du mandat constitutionnel de l'art. 129 al. 2 Cst. (art. 42
quinquies al. 2 aCst.) intimant au législateur fédéral
d'harmoniser notamment l'objet de l'impôt, c'est-à-dire la
définition du revenu imposable dont les déductions sont un
des éléments (cf. Markus Reich, in Kommentar StHG, n. 1 ss
ad art. 7 et n. 1 à 3 ad art. 9). S'agissant en particulier

des dépenses d'acquisition du revenu, cela exclut que le
montant de leur déduction soit limité, que ces dépenses
concernent le produit du travail ou le revenu de la fortune
mobilière ou immobilière, car la loi fédérale d'harmonisa-
tion consacre le système de l'imposition du revenu global
net (cf. Markus Reich, op. cit., n. 4 à 7 ad art. 9). Il en
va de même des frais de maladie, accidents ou invalidité où
seule est admise la fixation d'une franchise que doivent at-
teindre ces frais pour être déductibles. D'autres modalités,
de même qu'une limite maximum, ne sont en revanche pas auto-
risées (cf. Markus Reich, op. cit., n. 24 à 31, 50 et 51 ad
art. 9). Une définition stricte des déductions contribue
d'ailleurs à l'ajustement réciproque des impôts directs de
la Confédération et des cantons et à une meilleure transpa-
rence du système fiscal suisse (cf. art. 32 al. 1 et 33
let. h de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt
fédéral direct [LIFD; RS 642.11), qui font partie des buts
de l'harmonisation fiscale.

La structure et l'absence de plafonnement des déduc-
tions de l'art. 9 al. 1 et 2 let. h LHID s'imposent donc aux
cantons qui ne sauraient prétendre disposer sur ces
questions d'une compétence résiduelle.

c) C'est en vain que l'intimé soutient - sans emporter
la conviction, d'ailleurs - que le système de déduction des
frais de maladie, accidents ou invalidité de l'art. 4 al. 2
LIPP V respecterait mieux la capacité contributive du con-
tribuable et serait plus équitable que celui de l'art. 9 al.
2 lettre h LHID. Choisi par le législateur fédéral, ce der-
nier régime s'impose aux cantons, comme au Tribunal fédéral
(art. 191 Cst.).

L'intimé se trompe également en prétendant que la dé-
duction en cause serait une déduction sociale, relevant de
la compétence tarifaire du canton. Figurant dans la liste de

l'alinéa 2 de l'art. 9 LHID, cette déduction a été implici-
tement qualifiée, à bon droit, de déduction sociopolitique
par le législateur fédéral. En effet, elle est fondée sur
les frais effectifs du contribuable dont elle a pour but de
tenir compte. Même si elle vise à adapter l'impôt à une ca-
pacité contributive subjective diminuée, elle se distingue à
cet égard d'une déduction sociale, en principe sans relation
avec des dépenses particulières, qui prend en considération
le statut social du contribuable et doit établir un équili-
bre équitable entre divers groupes de contribuables (Markus
Reich, in Kommentar StHG, n. 23 et n. 59 à 63 ad art. 9; cf.
Danielle Yersin, L'impôt sur le revenu: étendue et limites
de l'harmonisation, in Archives 61 p. 295, p. 297 s.).

d) L'intimé cherche à justifier l'art 6 al. 3 LIPP V
fixant la déduction des frais d'administration de la fortune
mobilière à 5% de son rendement par le fait que seule une
partie de ces frais, soit ceux en relation avec le rendement
imposable, seraient déductibles, à l'exclusion de ceux qui
se rapporteraient à des gains de plus-value non imposables.
Même si seuls les frais en relation avec des revenus imposa-
bles peuvent en principe être déduits, l'art. 9 al. 1 LHID
n'autorise pas à en déterminer le montant au moyen d'une
présomption légale irréfragable - dont, au demeurant, le
bien-fondé n'est pas démontré. Si l'établissement d'un for-
fait ne saurait être exclu en pratique, le contribuable doit
être autorisé à établir et à déduire le montant réel des
frais effectifs d'administration de sa fortune mobilière.
Or, l'art. 6 al. 3 LIPP V y fait expressément obstacle.

Enfin, cette disposition ne saurait faire l'objet d'une
interprétation constitutionnelle sauvegardant la limite pré-
vue sous réserve d'exceptions, comme le demande l'intimé. En
effet, une interprétation contraire au texte clair d'une
disposition légale et à la volonté du législateur (cf. Mémo-
rial des séances du Grand Conseil, séance du 22 septembre

2000 (nuit) p. 7283 ss) ne saurait être considérée comme
constitutionnelle.

e) En conclusion, les dispositions attaquées violent le
principe de la force dérogatoire du droit fédéral dans la
mesure où elles s'écartent de l'art. 9 al. 1 et al. 2 lettre
h LHID.

5.- a) Selon l'art. 72 LHID, à l'expiration du délai de
huit ans accordé aux cantons pour adapter leur législation,
le droit fédéral est directement applicable si les disposi-
tions du droit fiscal cantonal s'en écartent (al. 2). Le
gouvernement cantonal édicte les dispositions provisoires
nécessaires (al. 3).

Vu ce qui précède, l'art. 4 al. 2 LIPP V doit être an-
nulé et l'art. 9 al. 2 lettre h LHID devient directement
applicable à l'impôt cantonal et communal sur le revenu du
canton de Genève. Il appartiendra au Conseil d'Etat du can-
ton de Genève de fixer le montant de la franchise qui y est
mentionnée jusqu'à l'adaptation de la disposition cantonale
concernée (cf. Kneubühler, op. cit., p. 234 s. et p. 241
ss).

A l'art. 6 al. 3 LIPP V, les mots "à concurrence d'un
maximum de 5% du rendement de ladite fortune" sont annulés.
Cette mesure suffit à rétablir une déduction conforme à
l'art. 9 al. 1 LHID.

Dans la mesure où il est recevable, le recours doit
être admis partiellement, le recourant ayant demandé à tort
l'annulation de l'entier de l'art. 6 al. 3 LIPP V.

b) Comme son recours n'est admis que partiellement et
que son second mémoire a fait en outre l'objet d'un retrait,

le recourant doit supporter une part des frais judiciaires,
modeste toutefois, car il obtient gain de cause sur le prin-
cipe. Ayant procédé seul, il n'a pas droit à des dépens.

Succombant sur le principe, le canton de Genève, dont
l'intérêt financier est en cause, doit supporter le princi-
pal des frais judiciaires. Il n'a pas droit à des dépens
(art. 156 al. 1 et 2 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet partiellement le recours, dans la mesure où il
est recevable.

2. Annule l'art. 4 al. 2 de la loi genevoise no 8202
sur l'imposition des personnes physiques (LIPP V) et les
mots "à concurrence d'un maximum de 5% du rendement de la-
dite fortune" figurant à son art. 6 al. 3. Rejette le re-
cours au surplus.

3. Met un émolument judiciaire de 3'000 fr. à raison de
2'500 fr. à la charge du canton de Genève et à raison de 500
fr. à celle du recourant.

4. Communique le présent arrêt en copie au recourant et
au mandataire du Grand Conseil du canton de Genève.
__________

Lausanne, le 6 novembre 2001
ADD/svc

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.242/2000
Date de la décision : 06/11/2001
2e cour de droit public

Analyses

Art. 9 al. 1 et 2 LHID: harmonisation de la déduction des dépenses nécessaires à l'acquisition du revenu et des déductions générales, en particulier de celles des frais de maladie, accidents ou invalidité. Le recours de droit public est la seule voie de droit ouverte pour contester un arrêté cantonal de portée générale, même lorsque celui-ci a pour objet des matières visées par l'art. 73 al. 1 LHID (consid. 1a). Caractère en principe exhaustif de la réglementation concernant la déduction des dépenses nécessaires à l'acquisition du revenu et les déductions générales prévues à l'art. 9 al. 1 et 2 LHID (consid. 4). Annulation de dispositions cantonales prévoyant un plafond pour les déductions liées aux frais de maladie, accidents ou invalidité et à l'administration de la fortune mobilière; conséquences de cette annulation (art. 72 al. 2 et 3 LHID; consid. 5a).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-11-06;2p.242.2000 ?
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