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02/11/2001 | SUISSE | N°5P.302/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 novembre 2001, 5P.302/2001


«/2»
5P.302/2001

IIe C O U R C I V I L E
**************************

2 novembre 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme Escher, juges. Greffier: M. Abrecht.

_________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Dame D.________, représentée par Me Bernard Katz, avocat à
Pully-Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 16 mai 2001 par la Chambre des recours du
Tribunal cantonal du canton de Vaud dans la cause qui divise
la recourante d'avec

l'État de Vaud, intimé, représenté par
Me Jean-Luc Colombini, avocat à Lausanne;

(art. 9 et 29 Cst.; remboursement du...

«/2»
5P.302/2001

IIe C O U R C I V I L E
**************************

2 novembre 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme Escher, juges. Greffier: M. Abrecht.

_________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Dame D.________, représentée par Me Bernard Katz, avocat à
Pully-Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 16 mai 2001 par la Chambre des recours du
Tribunal cantonal du canton de Vaud dans la cause qui divise
la recourante d'avec l'État de Vaud, intimé, représenté par
Me Jean-Luc Colombini, avocat à Lausanne;

(art. 9 et 29 Cst.; remboursement du montant avancé au titre
de l'assistance judiciaire dans un procès en divorce)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 28 avril 1994, dame D.________ a demandé
l'assistance judiciaire dans son procès en divorce, ouvert
le
3 décembre 1990. Elle a indiqué que son revenu était la pen-
sion provisionnelle - impayée depuis 13 mois - de 4'500 fr.
par mois à la charge de son mari T.________ et s'est
déclarée
d'accord de rembourser les frais de procès qui seraient avan-
cés par l'État à raison de versements mensuels de 100 fr.
dès
la fin du procès.

Par décision du 5 mai 1994, le Bureau d'assistance
judiciaire du canton de Vaud lui a accordé l'assistance re-
quise, sous réserve d'une contribution mensuelle de 100 fr.
dès la fin du procès.

B.- Par jugement du 23 mars 1998, le Président du
Tribunal civil du district de Nyon a prononcé le divorce des
époux T.________ et ratifié la convention sur les effets
accessoires du divorce signée par ceux-ci. Cette convention
prévoyait que T.________ verserait à son ex-épouse, au plus
tard le 31 janvier 1998, la somme de 85'000 fr. à titre de
«capital-rente» selon l'art. 151 aCC, ainsi qu'un montant de
13'325 fr. représentant l'arriéré des pensions provisionnel-
les échues.

Le montant de 98'325 fr. a effectivement été versé
avant le 13 février 1998.

C.- Avisé le 22 avril 1998 du jugement de divorce
incluant la convention sur les effets accessoires, le Bureau
d'assistance judiciaire, par lettre du 12 mai 1998, a
demandé
à dame D.________ le remboursement de 38'200 fr., montant
qu'il avait assumé, jusqu'au 15 mai 1998.

Dame D.________ a répondu le 28 mai 1998 n'être pas
en mesure de payer ce montant et être disposée à verser 100
fr. par mois au maximum.

Sur réquisition de l'État de Vaud, un commandement
de payer la somme de 38'200 fr. a été notifié le 22 juin
1998
à dame D.________ dans la poursuite n° 315'792 de l'Office
des poursuites de l'arrondissement de Nyon.

La mainlevée provisoire de l'opposition formée par
la poursuivie lui ayant été refusée, l'État de Vaud a ouvert
action en reconnaissance de dette le 10 mars 1999.

D.- Par jugement du 30 juin 2000, le Tribunal civil
du district de Nyon a condamné dame D.________ à verser à
l'État de Vaud la somme de 38'200 fr., avec intérêt à 5%
l'an
dès le 16 mai 1998, sous déduction de 500 fr. (valeur au 30
janvier 1999) représentant les dépens accordés à la poursui-
vie dans la procédure de mainlevée provisoire; il a en outre
levé à concurrence de ce montant l'opposition formée dans la
poursuite n° 315'792 de l'Office des poursuites de l'arron-
dissement de Nyon.

E.- Par arrêt du 16 mai 2001, la Chambre des recours
du Tribunal cantonal du canton de Vaud a partiellement admis
le recours formé par dame D.________ contre ce jugement et
réformé celui-ci en ce sens que dame D.________ a été condam-
née à payer à l'État de Vaud la somme de 37'700 fr., montant
échu à raison de 100 fr. le premier de chaque mois dès le
1er
avril 1998, plus intérêts - à un taux non spécifié - dès le
15 septembre 1998 (recte: 15 septembre 1999, échéance
moyenne
entre le 1er avril 1998 et le 16 mai 2001); l'opposition for-
mée dans la poursuite n° 315'792 de l'Office des poursuites
de l'arrondissement de Nyon a été levée à concurrence de 300
fr., montant exigible au moment de la notification du comman-
dement de payer.

F.- Agissant par la voie du recours de droit public
au Tribunal fédéral, dame D.________ conclut avec suite de
frais et dépens à l'annulation de cet arrêt.

La recourante ayant requis l'effet suspensif, l'in-
timé et l'autorité cantonale ont été invités à se
déterminer,
outre sur le recours sur la requête d'effet suspensif. Ni
l'intimé - qui, sur le fond a proposé de rejeter le recours
dans la mesure de sa recevabilité - ni l'autorité cantonale
ne s'étant opposés à cette requête, le Président de la Cour
de céans a prononcé l'effet suspensif par ordonnance du 26
septembre 2001.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Dans un grief d'ordre formel, qu'il y a lieu
d'examiner préalablement (ATF 124 I 49 consid. 1; 124 V 90
consid. 2, 180 consid. 4a; 121 I 230 consid. 2a), la recou-
rante reproche à l'autorité cantonale d'avoir violé son
droit
de participer à l'administration des preuves, découlant du
droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. et par
diverses dispositions du Code de procédure civile vaudois,
en
refusant, à la suite du jugement de première instance, la
production d'une pièce requise de l'intimé et en renonçant à
exiger de ce dernier la déclaration solennelle concernant
l'existence d'un autre titre à produire par l'intimé.

a) Selon la jurisprudence, le droit d'être entendu -
tel qu'il était déduit de l'art. 4 de la Constitution fédéra-
le du 29 mai 1874 et tel qu'il est désormais garanti par
l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999
- comprend notamment le droit pour les intéressés de
produire
des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite
à
leurs offres de preuves pertinentes (ATF 124 I 49 consid.
3a;
122 I 53 consid. 4a; 119 Ia 260 consid. 6a; 119 Ib 12
consid.

4; 118 Ia 17 consid. 1c; 117 Ia 262 consid. 4b; 115 Ia 8 con-
sid. 2b et les arrêts cités).

b) En l'espèce, la prétendue violation de ce droit
au niveau du Tribunal de district devait toutefois être sou-
levée par les voies de droit prévues par la procédure canto-
nale avant de pouvoir l'être en dernier ressort par celle du
recours de droit public (art. 86 al. 1 OJ). Or, s'agissant
du
grief de violation du droit à la preuve que la recourante
avait invoqué dans son recours en nullité cantonal, les
juges
cantonaux ont exposé que lorsque le juge instructeur a
refusé
ou que le tribunal n'a pas ordonné l'administration d'une
preuve, la partie qui veut se réserver la possibilité d'un
recours en nullité contre le jugement au fond (art. 445 ch.
2
CPC/VD) doit procéder en la forme incidente et non par une
simple réquisition; constatant que la recourante n'avait pas
procédé en la forme incidente pour violation de son droit à
la preuve, les juges cantonaux ont rejeté son recours en
nullité (arrêt attaqué, consid. 3b). Cette application du
droit cantonal n'étant pas remise en cause dans le recours
de
droit public, le grief de violation de l'art. 29 al. 2 Cst.
se révèle irrecevable au regard de l'art. 86 al. 1 OJ.

2.- La recourante soutient que l'arrêt entrepris
aurait été rendu en violation de l'art. 29 al. 3 Cst. et de
l'art. 18 al. 1 de la loi vaudoise sur l'assistance judiciai-
re, dont il résulte que le remboursement des montants
alloués
à un justiciable au titre de l'assistance judiciaire ne peut
lui être réclamé que s'il est redevenu solvable.

a) L'art. 29 al. 3 Cst. garantit à toute personne
qui ne dispose pas de ressources suffisantes et dont la
cause
ne paraît pas dépourvue de toute chance de succès le droit à
l'assistance judiciaire gratuite, ainsi que, dans la mesure
où la sauvegarde de ses intérêts le requiert, le droit à
l'assistance gratuite d'un avocat. Cette disposition, qui

reprend les principes jurisprudentiels que le Tribunal fédé-
ral avait déduit de l'art. 4 aCst., ne garantit toutefois
pas
une prise en charge définitive des frais par l'État (cf. ATF
122 I 5 consid. 4a, 322 consid. 2c; 113 II 323 consid. 9c p.
343). Le bénéficiaire peut ainsi être astreint, lorsqu'il
revient à meilleure fortune, de rembourser tout ou partie
des
sommes engagées par la collectivité, sur la base des lois
cantonales qui contiennent pour la plupart des dispositions
précises à ce sujet (ATF 122 I 5 consid. 4a et les
références
citées; Étienne Grisel, Égalité, Les garanties de la Consti-
tution fédérale du 18 avril 1999, Berne 2000, n. 493).

Il s'ensuit que les conditions d'un éventuel rem-
boursement, par la recourante, des sommes avancées par
l'État
de Vaud dans le cadre de son procès en divorce ne relèvent
pas du champ d'application de l'art. 29 al. 3 Cst., mais
uniquement de celui de la loi vaudoise du 24 novembre 1981
sur l'assistance judiciaire en matière civile (LAJ; RSV 2.8
C).

b) aa) La cour cantonale a exposé que l'une des
conditions posées par l'art. 18 al. 1 LAJ au remboursement
des avances opérées par l'État était la solvabilité de leur
bénéficiaire, qui supposait le retour à meilleure fortune.
Or
cette dernière notion présentait quelques similitudes avec
celle propre au droit de la faillite, dans laquelle des dom-
mages-intérêts perçus ne devraient qu'exceptionnellement
être
considérés comme retour à meilleure fortune, dès lors que
cette satisfaction a pour but de replacer le lésé dans sa
situation antérieure. Les juges cantonaux ont toutefois con-
sidéré que la question de la solvabilité de la recourante
pouvait rester indécise en l'espèce, car indépendamment de
l'art. 18 LAJ, la recourante s'était engagée à rembourser
les
avances de l'État, et cela à raison de 100 fr. par mois dès
la fin du procès. Le principe de la créance de l'État décou-
lait ainsi d'une obligation prise contractuellement par la

recourante dans une situation où la législation de droit
public n'avait pas posé de règles particulières. Plus préci-
sément, dans le cadre d'un contrat de droit public, les moda-
lités de remboursement étaient devenues l'une des conditions
d'octroi de l'assistance judiciaire. La recourante ne
pouvait
se dérober à l'exécution de cette obligation et devait rem-
bourser les avances de l'État à raison de 100 fr. par mois
dès le 1er avril 1998 (arrêt attaqué, consid. 5).

bb) Les griefs que la recourante soulève à l'encon-
tre de cette décision apparaissent mal fondés dans la mesure
où leur motivation peut être considérée comme suffisante au
regard des exigences posées par l'art. 90 al. 1 let. b OJ.

Tout d'abord, la recourante fait fausse route lors-
qu'elle invoque la garantie constitutionnelle de l'art. 29
al. 3 Cst. quant aux conditions du retrait de l'assistance
judiciaire en cours de procédure, qu'il convient de distin-
guer du sort des frais à l'issue de la procédure et donc
consécutivement à l'extinction du droit à l'assistance judi-
ciaire (cf. Christian Favre, L'assistance judiciaire
gratuite
en droit suisse, thèse Lausanne 1989, p. 148). En effet,
comme on l'a vu (cf. consid. 2a supra), les conditions d'un
éventuel remboursement, après la fin de la procédure et donc
après l'extinction du droit à l'assistance judiciaire, des
avances opérées par l'État ne relèvent pas du champ d'appli-
cation de l'art. 29 al. 3 Cst.

C'est par ailleurs en vain que la recourante entre-
prend de démontrer en quoi elle n'est pas redevenue solvable
au sens de l'art. 18 al. 1 LAJ, selon lequel «l'État demeure
créancier pour ses avances et peut en récupérer le montant
sur le bénéficiaire devenu solvable, la solvabilité pouvant
notamment résulter d'avantages obtenus par voie de transac-
tion ou de jugement». En effet, la cour cantonale a
considéré
qu'indépendamment de l'art. 18 LAJ, la recourante s'était

obligée, par un contrat de droit public admissible (cf. ATF
103 Ia 505 consid. 3a et les références citées; 105 Ia 207
consid. 2a) dans lequel les modalités de remboursement cons-
tituaient l'une des conditions d'octroi de l'assistance ju-
diciaire, à rembourser les avances de l'État à raison de 100
fr. par mois dès la fin du procès. Or cette considération ne
fait pas l'objet d'une critique suffisamment motivée par la
recourante.

Celle-ci se borne à cet égard à affirmer que «ce
prétendu engagement contractuel de la recourante est la con-
séquence de la demande de remboursement et des pressions
inadmissibles formulées par l'intimé, en violation des garan-
ties constitutionnelles de l'article 29 al. 3 Cst. et des
dispositions de l'article 18 al. 1 LAJ». Outre que cette cri-
tique ne satisfait manifestement pas aux exigences posées à
la motivation du recours de droit public par l'art. 90 al. 1
let. b OJ (cf. ATF 117 Ia 10 consid. 4b; 110 Ia 1 consid.
2a;
107 Ia 186 et la jurisprudence citée), elle tombe à faux. En
effet, l'élément contractuel retenu par l'autorité cantonale
ne découle pas de la lettre de la recourante du 28 mai 1998
consécutive à la demande de remboursement de l'intimé, comme
l'affirme la recourante, mais de la demande d'assistance ju-
diciaire du 28 avril 1994 et de la décision d'octroi du 5
mai
1994.

3.- En définitive, le recours se révèle mal fondé en
tant qu'il est recevable et ne peut donc qu'être rejeté dans
cette même mesure. La recourante, qui succombe, supportera
les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ). Elle n'aura en re-
vanche pas à payer de dépens, les frais engagés par l'intimé
ne pouvant donner lieu à aucune indemnité, conformément à
l'art. 159 al. 2 OJ (cf. Poudret/Sandoz-Monod, Commentaire
de
la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. V, Berne
1992, n. 3 ad art. 159 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a
l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est
recevable.

2. Met un émolument judiciaire de 1'500 fr. à la
charge de la recourante.

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre des recours du Tribunal
cantonal du canton de Vaud.

__________

Lausanne, le 2 novembre 2001
ABR/frs
Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.302/2001
Date de la décision : 02/11/2001
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-11-02;5p.302.2001 ?
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