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02/11/2001 | SUISSE | N°5P.238/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 novembre 2001, 5P.238/2001


«/2»
5P.238/2001

IIe C O U R C I V I L E
*************************

2 novembre 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi,
M. Raselli, Mme Nordmann et M. Meyer, juges.
Greffière: Mme Mairot.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

M.________, représentée par Me Elie Elkaim, avocat à Lau-
sanne,

contre

l'arrêt rendu le 12 juin 2001 par la Chambre des tutelles du
Tribunal cantonal du canton de Vaud dans la cause concernant

l'enfant G.________, dont les parents sont C.________, repré-
senté par Me Dominique Thalmann, avocate à Lausanne, et
S.___...

«/2»
5P.238/2001

IIe C O U R C I V I L E
*************************

2 novembre 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi,
M. Raselli, Mme Nordmann et M. Meyer, juges.
Greffière: Mme Mairot.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

M.________, représentée par Me Elie Elkaim, avocat à Lau-
sanne,

contre

l'arrêt rendu le 12 juin 2001 par la Chambre des tutelles du
Tribunal cantonal du canton de Vaud dans la cause concernant
l'enfant G.________, dont les parents sont C.________, repré-
senté par Me Dominique Thalmann, avocate à Lausanne, et
S.________;

(art. 9 Cst.; transfert du droit de garde
au parent nourricier)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- G.________, né le 5 janvier 1995, est le fils de
S.________ et de C.________, qui a reconnu l'enfant le 13
juillet 1995. M.________ est la mère de S.________.

Par décision du 23 février 1995, la Justice de paix
du cercle de Lausanne a institué une curatelle d'assistance
éducative à forme de l'art. 308 al. 1 CC en faveur de l'en-
fant G.________, et désigné le Service de protection de la
jeunesse (ci-après: SPJ) en qualité de curateur.

Dans sa séance du 4 mai 1995, la justice de paix a
retiré à la mère, avec son accord, le droit de garde sur son
fils et l'a confié au SPJ; cette autorité a par conséquent
levé la curatelle éducative.

Le 21 juillet 1995, le SPJ a avisé la justice de
paix que l'enfant était confié à M.________, sa grand-mère,
pour une durée indéterminée, mais tout au moins pour une an-
née.

B.- Par requête du 29 novembre 1999, M.________ a
demandé que le droit de garde sur l'enfant lui soit
attribué.
Le 21 septembre 2000, la justice de paix a rejeté la requête
et a maintenu le SPJ dans son mandat de gardien.

Statuant le 12 juin 2001 sur le recours déposé par
M.________, la Chambre des tutelles du Tribunal cantonal du
canton de Vaud l'a rejeté et a confirmé la décision de la
justice de paix. L'autorité cantonale a laissé indécise la

question de la conformité au droit fédéral de l'attribution
du droit de garde à un tiers, soit à un particulier,
estimant
que la décision entreprise était en tout état de cause oppor-
tune.

C.- a) M.________ exerce un recours de droit public
au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 12 juin 2001. Elle con-
clut à son annulation ainsi qu'au renvoi de l'affaire à l'au-
torité cantonale pour complément d'instruction et nouvelle
décision.

Elle sollicite en outre le bénéfice de l'assistance
judiciaire.

Des observations n'ont pas été requises.

b) La recourante a également interjeté un recours en
réforme contre le même arrêt.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- En vertu de l'art. 57 al. 5 OJ, il est sursis en
règle générale à l'arrêt sur le recours en réforme jusqu'à
droit connu sur le recours de droit public. Il n'y a pas
lieu
d'y déroger en l'espèce.

2.- Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une
pleine cognition la recevabilité des recours qui lui sont
soumis (ATF 127 II 198 consid. 2 p. 201; 127 III 41 consid.
2a p. 42; 126 I 81 consid. 1 p. 83, 257 consid. 1a p. 258 et
les arrêts cités).

a) Interjeté en temps utile contre une décision fi-
nale prise en dernière instance cantonale, le recours est re-
cevable au regard des art. 86 al. 1, 87 et 89 al. 1 OJ.

b) Hormis certaines exceptions non réalisées dans le
cas particulier, le recours de droit public n'a qu'un carac-
tère cassatoire (ATF 127 III 279 consid. 1b p. 282; 126 III
524 consid. 1b p. 526). Les conclusions de la recourante vi-
sant au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour com-
plément d'instruction et nouvelle décision sont par consé-
quent irrecevables, dans la mesure où elles tendent à autre
chose qu'à l'annulation totale ou partielle de la décision
attaquée.

3.- La recourante soutient que l'autorité cantonale
a commis arbitraire en refusant de lui attribuer le droit de
garde sur son petit-fils, placé chez elle par le SPJ. Elle
reproche d'abord à la Chambre des tutelles d'avoir estimé
que
les rapports de ce service des 6 octobre 1997 et 20 janvier
2000 demeuraient pertinents. Elle conteste ensuite l'avis de
cette juridiction, selon lequel le maintien du SPJ en
qualité
de gardien ne serait pas de nature à entraver notablement
l'exercice de la garde de fait par le parent nourricier. En-
fin, elle considère que la décision attaquée est dispropor-
tionnée.

Ces griefs ne sont toutefois recevables que si l'at-
tribution du droit de garde à un tiers est, dans son princi-
pe, conforme au droit fédéral. Si tel n'était pas le cas,
l'admission des critiques soulevées par la recourante serait
en effet sans influence sur l'issue du litige. Il convient
par conséquent de trancher préjudiciellement cette question,
laissée ouverte par la Chambre des tutelles, dans l'examen
du
présent recours de droit public.

4.- a) Le droit de garde est une composante de l'au-
torité parentale. Il consiste dans la compétence de détermi-
ner le lieu de résidence et le mode d'encadrement de
l'enfant
(ATF 120 Ia 260 consid. 2 p. 263; arrêt du Tribunal fédéral
5P.196/1994 du 26 juillet 1994, consid. 5a et les références
citées; Ingeborg Schwenzer, Commentaire bâlois, n. 10 ad
art.
301 CC; Hegnauer/Meier, Droit suisse de la filiation et de
la
famille, 4e éd. 1998, n. 26.06 p. 174; Martin Stettler, Le
droit suisse de la filiation, in Traité de droit privé
suisse
[TDPS], vol. III, t. II, 1, p. 247). Le détenteur de l'auto-
rité parentale peut ainsi confier l'enfant à des tiers, exi-
ger sa restitution, surveiller ses relations et diriger son
éducation.

Toutefois, lorsqu'elle ne peut éviter autrement que
le développement de l'enfant soit compromis, l'autorité tuté-
laire retire celui-ci aux père et mère ou aux tiers chez qui
il se trouve et le place de façon appropriée (art. 310 al. 1
CC). Si l'enfant ne peut être accueilli par son autre
parent,
il est confié à de tierces personnes qui en acquièrent la
garde de fait et deviennent ainsi ses parents nourriciers,
au
sens des art. 294 et 300 CC (Schwenzer, op. cit., n. 2 s. ad
art. 300 CC). Cette mesure de protection de l'enfant a pour
effet que le droit de garde passe des père et mère à l'auto-
rité tutélaire, qui détermine dès lors le lieu de résidence
de l'enfant et, partant, choisit son encadrement. Ce retrait
n'a aucune incidence sur l'autorité parentale, dont les père
et mère restent détenteurs (Schwenzer, op. cit., n. 1 ad
art.
300 CC); ils sont simplement privés d'une de ses
composantes,
à savoir le droit de décider eux-mêmes du lieu de séjour de
l'enfant mineur.

b) La garde de fait consiste à donner au mineur tout
ce dont il a journellement besoin pour se développer harmo-
nieusement (Stettler, op. cit., p. 249; Franz Werro, Concubi-
nage, mariage et démariage, n. 749 p. 163; cf. aussi Schnei-
der, in FJS n. 334 p. 7). L'art. 300 CC, qui règle de
manière
exhaustive les compétences des parents nourriciers, prévoit
que, sous réserve d'autres mesures, ceux-ci représentent les
père et mère dans l'exercice de l'autorité parentale en tant
que cela est indiqué pour leur permettre d'accomplir correc-
tement leur tâche (al. 1), et qu'ils sont entendus avant tou-
te décision importante (al. 2). L'étendue réelle de leur pou-
voir de représentation dépend donc des circonstances concrè-
tes du placement (Schwenzer, op. cit., n. 7 ad art. 300 CC).
Dans le cadre de leurs attributions, ils représentent les pè-
re et mère en ce qui concerne les soins et l'éducation quoti-
diens de l'enfant. Ils choisissent le lieu, la manière et
les
personnes avec qui le mineur passe ses vacances ou ses
week-ends, voire même son école - pour autant qu'il s'agisse
d'un externat -, surveillent ses relations avec les tiers et
le représentent juridiquement pour les actes ordinaires de
la
vie. En revanche, ils ne sont pas compétents pour décider
d'un changement de domicile de l'enfant ni pour envoyer
celui-ci dans un pensionnat.

Ainsi défini, ce pouvoir de représenter les père et
mère est suffisant pour leur permettre d'accomplir leurs tâ-
ches, qui n'impliquent aucunement de déterminer le lieu de
résidence de l'enfant. Le transfert du droit de garde aux pa-
rents nourriciers n'apparaît donc pas prévu par la loi. Il
convient en outre de garder à l'esprit que le statut
d'enfant
recueilli peut être en tout temps supprimé de part et d'au-
tre. Eu égard à cette précarité, un tel transfert ne serait
de toute manière pas judicieux. Il faudrait en effet veiller
à ce que le parent nourricier ne reste pas titulaire du
droit
de garde, alors qu'il aurait cessé de fournir des soins et
de
pourvoir à l'éducation de l'enfant. Même en dehors de ce
cas,
cette attribution n'irait pas sans problème, car le pouvoir
de décision concernant l'enfant serait partagé entre le dé-
tenteur de l'autorité parentale, respectivement l'autorité
tutélaire, d'une part, et le titulaire du droit de garde,
d'autre part. Etant donné que ce dernier détermine le lieu
de
résidence, il lui suffirait de modifier celui-ci pour sous-
traire l'enfant à tout autre pouvoir de décision que le
sien,
du moins en fait; au demeurant, le pupille ne peut changer
de
domicile qu'avec le consentement de l'autorité tutélaire
(art. 377 al. 1 CC). Par ailleurs, l'autorité parentale est
considérée comme indivisible. Elle ne peut donc, en
principe,
être exercée ou retirée qu'en tant que telle (Hegnauer, Com-
mentaire bernois, 1964, n. 26 ad art. 273 aCC; Maya Völkle,
Die Begründung des Pflegeverhältnisses unter besonderer Be-
rücksichtigung des neuen Kindesrechts, thèse Bâle 1978, p.
79). La seule exception consiste dans le retrait du droit de
garde, qui laisse subsister l'autorité parentale aux père et
mère. En revanche, il est exclu de maintenir le premier
alors
que la seconde est retirée (Hegnauer, Commentaire bernois,
1997, n. 91 ad art. 276 CC). Il s'en suit que le droit de
garde ne peut être transféré à un tiers que dans le cadre de
l'instauration d'une tutelle, et uniquement avec l'ensemble
des pouvoirs de décision relatifs à l'enfant. Lorsque, comme
en l'espèce, le parent conserve l'autorité parentale mais se
voit retirer le droit de garde, celui-ci ne peut être attri-
bué qu'à l'autorité tutélaire, conformément à la volonté du
législateur. Ce principe vaut également dans l'hypothèse
d'un
retrait de l'autorité parentale, jusqu'à la désignation du
tuteur.

La recourante soutient en vain, en se référant à un
arrêt paru aux ATF 119 II 1, que la jurisprudence autorise-
rait le transfert du droit de garde à un tiers. Dans cette
affaire, relative à l'adoption d'un mineur par des époux
dont
l'un est le parent de la mère de l'enfant, le Tribunal fédé-
ral s'est borné à dire que, contrairement à l'opinion de
l'autorité cantonale, une tutelle, voire un droit de garde
confié auxdits époux n'équivaudrait pas, pour l'enfant, à
une
adoption. Ce faisant, il n'a fait que reprendre les termes
utilisés par les premiers juges, sans se prononcer sur le
point ici en cause. On ne saurait donc en conclure qu'il con-
sidérerait la transmission du droit de garde à un tiers
comme
possible au regard du droit fédéral, cette question n'étant
du reste pas litigieuse dans l'affaire précitée. Quant à
l'arrêt paru aux ATF 120 Ia 260 - également cité par la re-
courante -, dans lequel un père biologique se plaignait de
ce
que la garde de ses enfants ne lui soit pas attribuée, il en
résulte que le parent qui ne détient pas l'autorité
parentale
ne peut être titulaire du droit de garde, étant précisé que
lorsque l'enfant est placé chez lui, ledit père doit être
qualifié de parent nourricier et a en tant que tel qualité
pour recourir. Cette décision ne se prononce toutefois pas
non plus sur la question du transfert du droit de garde à un
tiers, de sorte qu'on ne peut rien en déduire s'agissant de
la présente espèce.

Dans ces conditions, il apparaît que la recourante
n'est pas susceptible d'avoir un droit de garde sur
l'enfant.
Il n'y a donc pas lieu d'entrer en matière sur les griefs
soulevés.

5.- Vu ce qui précède, le recours se révèle irrece-
vable. Ses conclusions étaient d'emblée vouées à l'échec, de
sorte que la requête d'assistance judiciaire ne peut être
agréée (art. 152 al. 1 OJ). La recourante supportera par con-
séquent les frais de la présente procédure (art. 156 al. 1
OJ). Il n'y a en revanche pas lieu d'allouer des dépens, des
observations n'ayant pas été requises.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Déclare le recours irrecevable.

2. Rejette la requête d'assistance judiciaire.

3. Met à la charge de la recourante un émolument
judiciaire de 300 fr.

4. Communique le présent arrêt en copie aux parties,
à la Chambre des tutelles du Tribunal cantonal et au Service
de protection de la jeunesse du canton de Vaud.

__________

Lausanne, le 2 novembre 2001
MDO/frs

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.238/2001
Date de la décision : 02/11/2001
2e cour civile

Analyses

Art. 300 et 310 al. 1 CC; requête d'attribution du droit de garde présentée par le parent nourricier. Le droit de garde, qui consiste dans la compétence de déterminer le lieu de résidence et le mode d'encadrement de l'enfant, ne peut être transféré à un tiers que dans le cadre de l'instauration d'une tutelle et avec l'ensemble des pouvoirs de décision concernant l'enfant. Lorsque, comme en l'espèce, le parent conserve l'autorité parentale mais se voit retirer le droit de garde, celui-ci ne peut être attribué qu'à l'autorité tutélaire. Le parent nourricier n'est donc pas susceptible d'avoir un droit de garde sur l'enfant (consid. 4).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-11-02;5p.238.2001 ?
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