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01/11/2001 | SUISSE | N°2P.67/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 01 novembre 2001, 2P.67/2001


«/2»
2P.67/2001

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

1er novembre 2001

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger,
Président, Hungerbühler, Müller, Yersin et Merkli.
Greffier: M. Addy.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

A.________, représenté par Me Pierre Siegrist, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 23 janvier 2001 par le Tribunal administra-
tif du canton de Genève, dans la cause qu

i oppose le recou-
rant au Département de l'action sociale et de la santé du
canton de Genève;

(sanctions à l'éga...

«/2»
2P.67/2001

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

1er novembre 2001

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger,
Président, Hungerbühler, Müller, Yersin et Merkli.
Greffier: M. Addy.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

A.________, représenté par Me Pierre Siegrist, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 23 janvier 2001 par le Tribunal administra-
tif du canton de Genève, dans la cause qui oppose le recou-
rant au Département de l'action sociale et de la santé du
canton de Genève;

(sanctions à l'égard d'un pharmacien pour mise sur le marché
d'un agent thérapeutique interdit à la vente)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- A.________ est responsable de la société
Pharmacie X.________ SA, à Genève (ci-après: la Pharmacie).
Il est par ailleurs directeur des sociétés Y.________
distribution SA et Laboratoire Z.________ SA, toutes deux
domiciliées dans les locaux de la société T.________ SA, à
Zoug. La société Laboratoire Z.________ SA dispose d'une
succursale dans le canton de Genève, qui est également
dirigée par A.________.

Le 6 décembre 1995, le Pharmacien cantonal genevois
(ci-après: le Pharmacien cantonal) a informé les pharmacies
et drogueries du canton de Genève que la mélatonine devait
être considérée comme un médicament et non comme un simple
complément alimentaire, de sorte que les spécialités pharma-
ceutiques contenant ce produit ne pouvaient en aucun cas
être
vendues avant d'avoir été préalablement enregistrées par
l'Office intercantonal de contrôle des médicaments
(ci-après:
l'Office intercantonal). La circulaire précisait que l'inter-
diction de vente s'étendait également aux spécialités de
comptoir à base de mélatonine.

Ayant été alerté, à différentes reprises, que
A.________ vendait des préparations à base de mélatonine, le
Pharmacien cantonal lui a écrit plusieurs fois pour lui rap-
peler la teneur de sa circulaire du 6 décembre 1995 et lui
demander, sans succès, de mettre fin immédiatement à ce com-
merce illicite. Après avoir appris que la Pharmacie avait im-
porté des États-Unis de la mélatonine (rapport de
prélèvement
douanier du 2 avril 1996) et que A.________ avait adressé de
la publicité concernant ce produit à des pharmaciens vaudois

(lettre du Pharmacien cantonal vaudois du 30 mai 1996), le
Pharmacien cantonal a dénoncé le cas, le 17 juin 1996, à la
Commission de surveillance des professions de la santé (ci-
après: la Commission) pour infraction à l'art. 32 de la loi
cantonale genevoise du 16 septembre 1983 sur l'exercice des
professions de la santé, les établissements médicaux et di-
verses entreprises du domaine médical (ci-après: la loi can-
tonale).

B.- a) A la suite de cette dénonciation, la Commis-
sion a ouvert une enquête administrative (cause no 12/96/B),
au cours de laquelle des flacons de mélatonine estampillés
au
nom de la Pharmacie ont été versés au dossier, ainsi que des
documents douaniers attestant que A.________ avait à nouveau
importé de la mélatonine des États-Unis.

Entendu le 17 mars 1997 par la Commission,
A.________ a déclaré qu'il ne vendait pas de produits à base
de mélatonine en Suisse, mais seulement à l'étranger. Il a
par ailleurs contesté la compétence du Pharmacien cantonal
d'interdire la vente de cette substance dans le canton de
Genève, en ajoutant que les directives de l'Office intercan-
tonal n'avaient pas force de loi et que, de surcroît, elles
ne concernaient pas les spécialités de comptoir ou les prépa-
rations magistrales auxquelles la mélatonine pouvait, à son
sens, être rattachée. Par ailleurs, il a reconnu avoir adres-
sé à des pharmaciens suisses de la publicité pour leur
vendre
de la mélatonine, mais seulement dans le courant de l'année
1995, soit à une époque où le statut de cette substance
n'avait pas encore été réglementé en Suisse.

b) Entre-temps, parallèlement à la dénonciation pré-
citée du 17 juin 1996, le Pharmacien cantonal a saisi la Com-
mission d'une seconde plainte le 10 février 1997, dans la-
quelle il reprochait à A.________ (plus exactement au Labora-
toire Z.________ SA) de proposer à la vente, au moyen d'un

site internet, vingt-deux spécialités pharmaceutiques enre-
gistrées à l'Office intercantonal en liste C, ainsi que de
la
mélatonine. Ce mode de vente contrevenait notamment, selon
le
Pharmacien cantonal, à l'interdiction de vendre des agents
thérapeutiques par correspondance ainsi qu'à des directives
de l'Office intercantonal en matière de publicité pour les
agents thérapeutiques.

Cette seconde plainte a fait l'objet de l'ouverture
d'une nouvelle enquête (cause no 9/99/B). Derechef entendu
par la Commission, A.________ a expliqué que le site
internet
mis en cause appartenait à la Pharmacie, et non à la société
Laboratoire Z.________ SA, et que l'exploitation d'un tel
site n'équivalait pas à faire de la publicité au sens où
l'entendait l'Office intercantonal. Par ailleurs, il a réaf-
firmé qu'il ne vendait pas de mélatonine dans les locaux mê-
mes de la Pharmacie, mais seulement par correspondance, à
des
clients étrangers résidant à l'étranger.

c) Sur préavis de la Commission, le Département de
l'action sociale et de la santé du canton de Genève (ci-
après: le Département cantonal) a prononcé, après avoir
joint
les causes 12/96/B et 9/99/B, un blâme assorti d'une amende
de 40'000 fr. à l'encontre de A.________, par décision du 23
juin 2000. Il lui était en particulier reproché d'avoir en-
freint l'interdiction de vendre de la mélatonine, de faire
de
la publicité pour ce produit, ainsi que de vendre des agents
thérapeutiques par correspondance.

C.- A.________ a recouru devant le Tribunal admi-
nistratif du canton de Genève contre la décision rendue le
23 juin 2000 par le Département cantonal. Pour l'essentiel,
il a contesté l'existence d'une base légale permettant au
Pharmacien cantonal d'interdire la vente de mélatonine, que
ce soit à l'étranger ou en Suisse, et a mis en cause la com-
pétence du Département cantonal pour sanctionner des viola-

tions aux règles applicables en matière de publicité, en sou-
tenant qu'il appartenait à l'Office intercantonal de pronon-
cer ce genre de sanctions.

Par arrêt du 23 janvier 2001, le Tribunal adminis-
tratif a partiellement admis le recours, en ce sens qu'il a
réduit le montant de l'amende à 30'000 fr., afin de tenir
compte du concours entre cette sanction et une précédente
condamnation (un blâme assorti d'une amende de 20'000 fr.)
prononcée le 6 février 1998 et confirmée, sur recours, le
28 juillet 1998.

D.- A.________ forme un recours de droit public en
demandant au Tribunal fédéral d'annuler, sous suite de frais
et dépens, l'arrêt rendu le 23 janvier 2001 par le Tribunal
administratif. Il invoque la violation des art. 8, 9, 27 et
29 Cst. Ses motifs seront, autant que de besoin, exposés
ci-après.

Le Tribunal administratif se réfère à l'arrêt atta-
qué, tandis que le Département cantonal conclut au rejet du
recours sous suite de frais et dépens.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et libre-
ment la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF
127
III 41 consid. 1a. p. 42; 126 I 81 consid. 1 p. 83 et les ar-
rêts cités).

2.- a) Déposé en temps utile et dans les formes
prescrites par la loi, le présent recours remplit en
principe
les conditions de recevabilité des art. 84 ss OJ, de sorte
que le Tribunal fédéral peut entrer en matière.

b) Aux termes de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ, le re-
cours de droit public doit - sous peine d'irrecevabilité -
contenir un exposé des faits essentiels et un exposé
succinct
des droits constitutionnels ou des principes juridiques vio-
lés, et préciser en quoi consiste la violation. Lorsqu'il
est
saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral n'a donc pas à
vérifier, de lui-même, si la décision attaquée est en tout
point conforme au droit et à l'équité; il n'examine que les
griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment moti-
vés dans l'acte de recours. Le recourant ne saurait se con-
tenter de soulever de vagues griefs ou de renvoyer aux actes
cantonaux (ATF 125 I 71 consid. 1c p. 76; 115 Ia 27 con-
sid. 4a p. 30; 114 Ia 317 consid. 2b p. 318).

En outre, dans un recours pour arbitraire fondé sur
l'art. 9 Cst. (cf. art. 4 aCst.), le recourant ne peut pas
se
contenter de critiquer la décision entreprise comme il le fe-
rait dans une procédure d'appel où l'autorité de recours
peut
revoir librement l'application du droit. Il doit préciser en
quoi la décision attaquée serait arbitraire, ne reposerait
sur aucun motif sérieux et objectif, apparaîtrait insoute-
nable ou heurterait gravement le sens de la justice (ATF 125
I 492 consid. 1b p. 495 et la jurisprudence citée).

C'est à la lumière de ces principes que doit être
appréciée l'argumentation du recourant.

3.- Le recourant reproche à l'autorité intimée
d'avoir insuffisamment motivé sa décision, singulièrement de
n'avoir pas examiné tous les arguments qu'il avait invoqués
devant elle. Il y voit une violation de son droit d'être en-
tendu.

Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. (cf.
l'art. 4 aCst.), le droit d'être entendu implique pour l'au-

torité l'obligation de motiver sa décision (ATF 122 IV 8 con-
sid. 2c p. 14/15). La motivation d'une décision est
toutefois
suffisante lorsque l'intéressé est mis en mesure d'en appré-
cier la portée et de la déférer à une instance supérieure en
pleine connaissance de cause. Il suffit que l'autorité men-
tionne au moins brièvement les motifs qui l'ont guidée et
sur
lesquels elle a fondé son prononcé, sans qu'elle soit tenue
de répondre à tous les arguments avancés (SJ 1994 p. 161 con-
sid. 1b p. 163; ATF 117 Ia 1 consid. 3a p. 3/4). L'autorité
intimée n'avait donc pas, quoi qu'en pense le recourant, à
examiner dans le détail et à discuter tous les moyens qu'il
avait soulevés. Elle pouvait au contraire restreindre, comme
elle l'a fait, son examen aux arguments qui lui paraissaient
revêtir le plus de pertinence. Le grief est mal fondé.

4.- a) Sur le fond, le recourant soutient que la dé-
cision attaquée porterait atteinte à sa liberté économique
garantie à l'art. 27 Cst., au motif que l'autorité intimée
aurait appliqué de manière insoutenable le droit cantonal.
Tel qu'allégué, ce grief se confond, en réalité, avec celui
tiré de l'arbitraire (art. 9 Cst.), dans la mesure où le re-
courant se limite à critiquer la manière dont le droit canto-
nal a été interprété et appliqué à son cas, sans dire en
quoi
il subirait une restriction à sa liberté économique qui ne
serait pas conforme aux exigences de l'art. 36 Cst. (base lé-
gale, intérêt public, proportionnalité par rapport au but vi-
sé). Quoi qu'il en soit, pas plus la sanction infligée au re-
courant (un blâme assorti d'une amende) que les mesures sur
lesquelles se fonde cette sanction (en particulier l'inter-
diction de vendre de la mélatonine) ne représentent une at-
teinte grave au principe de la liberté économique, de sorte
que le Tribunal fédéral n'examine que sous l'angle de l'ar-
bitraire l'interprétation et l'application du droit
cantonal,
même lorsqu'est invoquée une violation de l'art. 27 Cst.
(cf.
ATF 125 I 417 consid. 4c p. 423).

b) Une décision est arbitraire lorsqu'elle contredit
clairement la situation de fait, lorsqu'elle viole gravement
une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou
lorsqu'elle heurte d'une manière choquante le sentiment de
la
justice et de l'équité. A cet égard, le Tribunal fédéral ne
s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de
dernière instance que si elle apparaît insoutenable, en con-
tradiction manifeste avec la situation effective, adoptée
sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain. De
plus, il ne suffit pas que les motifs de l'arrêt attaqué
soient insoutenables, encore faut-il que ce dernier soit ar-
bitraire dans son résultat. Il n'y a en outre pas arbitraire
du seul fait qu'une autre solution que celle de l'autorité
intimée paraît concevable, voire préférable (ATF 125 I 166
consid. 2a p. 168 et la jurisprudence citée). La nouvelle
Constitution n'a pas amené de changements à cet égard (cf.
art. 8 et 9 Cst.; ATF 126 I 168 consid. 3a p. 170).

5.- a) L'art. 32 de la loi cantonale, dont le recou-
rant estime qu'il a été appliqué arbitrairement par l'autori-
té cantonale, dispose ce qui suit :

"1 Les agents thérapeutiques, au sens de la convention
intercantonale sur le contrôle des médicaments et de
ses dispositions d'exécution, ne peuvent être mis
dans le commerce sans l'autorisation du département.
L'autorisation est délivrée sur présentation du rap-
port d'expertise et du préavis de l'office intercan-
tonal de contrôle des médicament (ci-après: l'office
intercantonal). Ce préavis lie le département.

2 Toutefois, les spécialités de comptoir sont exemptées
de l'obligation d'enregistrement dans les limites
précisées par l'office intercantonal."

b) aa) Selon l'autorité intimée, le recourant a vio-
lé cette disposition en mettant sur le marché de la mélato-
nine, car la commercialisation de ce produit a été interdite
par le Pharmacien cantonal.

Le recourant objecte que la mélatonine qu'il a ven-
due est une spécialité de comptoir destinée à l'exportation
et que, comme telle, sa commercialisation n'est soumise à au-
cune restriction, de sorte qu'une interdiction de vente ne
pouvait lui être signifiée. Il fonde son
opinion sur l'art.
4
du règlement d'exécution du 10 mars 1975 de la convention in-
tercantonale sur le contrôle des médicaments (ci-après: le
règlement d'exécution de la convention) dont l'alinéa
premier
a la teneur suivante:

"Les spécialités de comptoir sont des spécialités phar-
maceutiques pour lesquelles aucune réclame publique
n'est faite et qui sont:

a) les spécialités pharmaceutiques fabriquées par le
pharmacien lui-même, selon sa propre formule et ven-
dues uniquement dans son officine (catégorie Ia);
b) les spécialités pharmaceutiques que le pharmacien
fait fabriquer selon sa propre formule par une autre
maison et qu'il vend uniquement dans son officine
(catégorie Ib);
c) les spécialités pharmaceutiques fabriquées en série
par un fabricant qui les livre à des pharmaciens et
que chacun d'eux vend sous son nom, uniquement dans
son officine (catégorie IIa);
d) les spécialités pharmaceutiques fabriquées en série
par un fabricant qui les livre à des pharmaciens et
que chacun d'eux vend sous son nom, uniquement dans
son officine et sous une désignation ou marque qui lui
est propre (catégorie IIb)".

Dans son raisonnement, le recourant commence par
distinguer les spécialités de comptoir selon qu'elles sont
soumises à l'obligation d'être enregistrées auprès de l'Of-
fice intercantonal (catégories IIa ou IIb) ou selon qu'elles
ne le sont pas (catégories Ia ou Ib). Bien qu'il ne le dise
pas, cette distinction découle de l'art. 25 du règlement
d'exécution de la convention. Étant donné que les
spécialités
de comptoir de la catégorie I ne sont pas soumises à une
telle obligation, le recourant en infère que leur contrôle
est du seul ressort des cantons, par opposition aux spéciali-
tés de comptoir de la catégorie II qui, elles, doivent être

enregistrées avant d'être mises sur le marché. Se référant à
l'opinion du Département cantonal (décision du 23 juin 2000,
p. 14), il fait ensuite entrer la mélatonine qu'il commercia-
lise dans les catégories IIa ou IIb des spécialités de comp-
toir et, enfin, s'appuyant sur une lettre du 18 janvier 2000
de l'Office intercantonal (à la Commission), il conclut
qu'il
n'a besoin d'aucune autorisation de vente. La lettre
précitée
comprend le passage suivant: "Un médicament destiné à l'ex-
portation n'a pas nécessairement besoin d'un enregistrement
en Suisse, si cela n'est pas explicitement demandé par les
autorités réglementaires du pays importateur".

bb) On peut se demander si cette argumentation est
recevable, dès lors qu'elle est alléguée de manière relative-
ment confuse et sur un mode essentiellement appellatoire.
Toutefois, fût-elle recevable, elle est de toute façon mani-
festement mal fondée, de sorte que la question de sa receva-
bilité peut rester indécise.

L'argumentation du recourant repose en effet tout
entière sur le postulat que la mélatonine qu'il
commercialise
doit être considérée comme une spécialité de comptoir. Or,
du
moment qu'il la vend par correspondance, de surcroît - si
l'on en croit ce qu'il prétend - seulement à l'étranger, la
mélatonine en cause ne relève manifestement pas des spéciali-
tés de comptoir au sens de l'art. 4 du règlement d'exécution
de la convention, celles-ci ne pouvant être qualifiées de la
sorte que si elles sont vendues dans l'officine même du phar-
macien. L'Office intercantonal a d'ailleurs clairement expo-
sé, dans une lettre du 18 janvier 2000, qu'une spécialité de
comptoir ne pouvait en aucun cas être destinée à l'exporta-
tion, précisant que les indications contraires qui résul-
taient d'une précédente lettre procédaient d'un lapsus
calami.

Au demeurant, même si la mélatonine devait être ran-
gée dans les spécialités de comptoir, la situation du recou-
rant ne serait pas différente. En effet, vu sa qualité incon-
testée d'agent thérapeutique au sens de la convention inter-
cantonale du 3 juin 1971 sur le contrôle des médicaments (ci-
après: la convention), la mélatonine doit nécessairement
faire l'objet d'une autorisation du Département cantonal
avant d'être mise dans le commerce, conformément à ce que
prévoit l'art. 32 al. 1 de la loi cantonale. Or, non seule-
ment une telle autorisation fait défaut en l'occurrence,
mais
il existe, de surcroît, une interdiction expresse prononcée
par le Pharmacien cantonal concernant la vente de
spécialités
pharmaceutiques à base de mélatonine, y compris lorsque
celles-ci sont vendues sous la forme de spécialités de comp-
toir (circulaire du 6 décembre 1995). A cet égard, il est
sans importance que l'activité du recourant ait commencé
avant décembre 1995 du moment qu'elle s'est poursuivie et dé-
roulée essentiellement dans les années suivantes. C'est dire
que l'autorité intimée n'est pas tombée dans l'arbitraire en
considérant que le recourant avait violé l'art. 32 al. 1 de
la loi cantonale.

c) Le recourant soutient également, pour justifier
son comportement, que la mélatonine ne figure sur aucune des
listes établies par l'Office intercantonal, de sorte qu'elle
peut, à son avis, être vendue sans ordonnance. Il relève que
si l'Office intercantonal entend placer la mélatonine dans
les produits vendus seulement sur ordonnance, il doit le
faire expressément, l'opinion de son juriste n'étant qu'une
déclaration d'intention dénuée de portée sur laquelle il se-
rait "arbitraire de fonder la violation de la loi qu'(il) au-
rait commise et (de) justifier la sanction prise à son encon-
tre".

Ce point de vue est insoutenable. La question n'est
en effet pas tant de savoir si la mélatonine peut, ou non,
être vendue sans ordonnance, mais si, comme telle, sa commer-
cialisation est autorisée au regard de l'art. 32 al. 1 de la
loi cantonale. Or, l'injonction faite par le Pharmacien can-
tonal dans sa circulaire du 6 décembre 1995 ne laisse, à cet
égard, place à aucun doute: il y est en effet clairement spé-
cifié, comme on l'a vu, que les spécialités pharmaceutiques
à
base de mélatonine, y compris les spécialités de comptoir,
sont formellement interdites à la vente. Le recourant, qui
connaissait parfaitement l'existence de cette interdiction
pour se l'être fait rappeler à plusieurs reprises, est donc
particulièrement malvenu de reprocher à l'Office intercanto-
nal de prétendus manquements qui, au surplus, s'avèrent dé-
nués de pertinence. Au vrai, les critiques formulées par le
recourant procèdent d'une méconnaissance - qui ne laisse pas
de surprendre de la part d'un pharmacien - du rôle de l'Of-
fice intercantonal et, plus particulièrement, de la
procédure
applicable en matière de commercialisation et d'enregistre-
ment des médicaments.

En effet, les listes établies par l'Office intercan-
tonal visent essentiellement à déterminer le mode de vente
des substances médicamenteuses (cf. art. 19 et 32 du règle-
ment d'exécution de la convention); or, à l'exception de cer-
taines spécialités de comptoir (cf. art. 25 al. 2 du règle-
ment d'exécution de la convention), seuls les médicaments
qui
ont été expertisés et enregistrés (et donc agréés) par l'Of-
fice intercantonal peuvent obtenir une autorisation
cantonale
et être mis en vente (cf. art. 3 al. 5 de la convention). En
d'autres termes, un agent thérapeutique qui n'a fait l'objet
d'aucune procédure d'enregistrement - comme c'est le cas des
produits à base de mélatonine vendus par le recourant - ne
figure sur aucune des listes établies par l'Office intercan-
tonal et ne peut, par voie de conséquence, pas être mis en
vente (cf. Patricia Luthy, Enregistrement et contrôle des mé-

dicaments sur les marchés des produits pharmaceutiques
suisse
et européen, thèse Lausanne 1992, p. 55 s.; Anne Frey, L'au-
torisation de mise sur le marché des médicaments en Suisse,
en France et au plan européen, Bâle 1981 p. 13; P. Fischer,
Développement, tâches et organisation de l'Office intercanto-
nal de contrôle des médicaments, 75 ans de contrôle intercan-
tonal des médicaments, Berne 1975, p. 67 s.).

d) Le recourant fait encore valoir que les produits
à base de mélatonine non destinés à être vendus en Suisse,
mais seulement à l'étranger, ne seraient pas soumis à l'obli-
gation d'être enregistrés auprès de l'Office intercantonal,
de sorte que la sanction prononcée à son encontre serait,
pour ce motif également, arbitraire.

aa) L'autorité intimée a toutefois retenu que le
recourant avait vendu de la mélatonine non seulement à
l'étranger, mais aussi en Suisse, en se fondant, entre
autres
éléments, sur le fait que ce produit avait figuré durant un
certain temps sur un fichier de la société G.________ SA, à
Genève, sur le fait, également, que les autorités sanitaires
bâloises et zurichoises avaient attesté la distribution de
mélatonine provenant de la Pharmacie dans leur canton et, en-
fin, sur le fait que l'intéressé avait distribué du matériel
publicitaire en Suisse, notamment à une pharmacienne vau-
doise. Étayée par des circonstances concrètes et précises,
cette appréciation des faits échappe à l'arbitraire et lie
par conséquent le Tribunal fédéral (cf. ATF 120 Ia 31 con-
sid. 4b p. 40; 119 Ia 362 consid. 3a p. 366). Pour ce motif
déjà, le grief apparaît mal fondé.

bb) Par ailleurs, l'autorité intimée a également
constaté, vu les importantes quantités de mélatonine que le
recourant avait importées des États-Unis, qu'il en avait com-
mercialisé sur une large échelle "à partir du canton de

Genève", c'est-à-dire sans égard au fait que la marchandise
fût vendue directement en Suisse ou dût être expédiée à
l'étranger. En effet, se référant à la notion de prestation
caractéristique connue en droit international privé (cf.
art. 117 al. 3 let. a de la loi fédérale du 18 décembre 1987
sur le droit international privé [LDIP]; RS 291), l'autorité
intimée a considéré que l'élément décisif pour juger du ca-
ractère répréhensible des actes reprochés au recourant était
que la livraison de la marchandise se fût déroulée à Genève,
"soit de la main à la main, soit par d'autres canaux de dis-
tribution".

Certes, le recourant soutient que l'autorité intimée
aurait dû s'assurer, avant d'interpréter la loi cantonale,
que celle-ci contenait une véritable lacune en ce qui con-
cerne la volonté de soumettre à un régime d'autorisation la
vente de médicaments destinés à l'étranger. Il ne fait toute-
fois état d'aucun élément de nature à établir que le silence
de la loi serait, comme il le souhaite, qualifié, de sorte
que le grief ainsi soulevé est irrecevable, car il ne répond
pas aux exigences de motivation posées par l'art. 90 al. 1
lettre b OJ.

cc) C'est le lieu de relever que la mélatonine est
interdite à la vente dans la plupart des États qui entourent
la Suisse, et notamment en France et en Allemagne (cf. pré-
avis de la Commission rédigé en procédure cantonale le 9 fé-
vrier 2000, p. 14), pays dans lesquels le recourant a
reconnu
avoir vendu des produits à base de cette substance (cf. pro-
cès-verbal d'audition du 17 mars 1997, p. 3). L'interpréta-
tion de l'autorité intimée apparaît ainsi d'autant moins ar-
bitraire qu'elle permet de répondre, dans une certaine
mesure
du moins, aux critiques qui se font jour depuis plusieurs an-
nées déjà au sujet de l'absence de contrôle qui prévaut, la
plupart du temps, pour les médicaments destinés à l'exporta-

tion (cf. le message du Conseil fédéral du 1er mars 1999 con-
cernant la future loi fédérale sur les médicaments et les
dispositifs médicaux [Loi sur les produits thérapeutiques,
LPT] in FF 1999 III p. 3159; cf. également l'art. 21 de
cette
future loi - dont l'entrée en vigueur n'a pas encore été
fixée - ainsi que le message précité du Conseil fédéral,
p. 3170). En tout état de cause, l'attitude du recourant,
consistant à vendre de la mélatonine dans des pays où sa com-
mercialisation est interdite, témoigne d'un grave mépris des
règles déontologiques qui régissent sa profession.

6.- a) Le recourant se prévaut également de la vio-
lation du principe de l'égalité de traitement, en faisant va-
loir qu'il a été sanctionné pour avoir vendu des médicaments
par correspondance (art. 33 al. 2 de la loi cantonale) alors
que d'autres pharmaciens établis dans le canton de Genève
procéderaient de même sans être inquiétés par les autorités.
Ce grief n'est pas fondé. En effet, le Département cantonal
est intervenu pour mettre fin aux pratiques de vente dénon-
cées par le recourant, (cf. lettre du Pharmacien cantonal du
18 février 1998), de sorte que celui-ci ne saurait se préva-
loir d'une inégalité de traitement (pas d'égalité dans l'il-
légalité; cf. ATF 125 II 152 consid. 5 p. 166; 122 II 446
consid. 4a p. 451-452).

b) Se référant à l'arrêt MediService SA (ATF 125 I
474) et à la note que François Bellanger a rédigée à propos
de cette jurisprudence (SJ 2000 I p. 382 ss), le recourant
voit également une violation du principe de l'égalité de
traitement dans le fait qu'un pharmacien pratiquant dans le
canton de Vaud pourrait, selon lui, vendre des médicaments
par correspondance dans le canton de Genève, sans que l'in-
verse ne soit possible. Cette assertion est inexacte dès
lors
que le canton de Vaud interdit lui aussi la vente de médica-
ments par correspondance (cf. l'art. 3 du règlement vaudois

du 28 janvier 1998 sur la vente par correspondance et
l'envoi
postal de médicaments, aujourd'hui abrogé et remplacé par le
règlement vaudois du 8 janvier 2001 sur la mise dans le com-
merce des médicaments destinés à la médecine humaine, dont
l'art. 6 prohibe également la vente de médicaments par cor-
respondance).

En réalité, ce que le recourant met en cause, c'est
le fait qu'un pharmacien établi dans un canton autorisant la
vente de médicaments par correspondance puisse tirer

argument
de la loi fédérale du 6 octobre 1995 sur le marché intérieur
(LMI; RS 943.02) pour vendre des médicaments par correspon-
dance dans toute la Suisse, tandis qu'un pharmacien installé
à Genève ne pourrait le faire. Ce n'est toutefois là rien
d'autre que l'application du principe dit "Cassis-de-Dijon"
consacré par la loi sur le marché intérieur (cf. ATF 125 I
474 consid. 3 p. 483), laquelle lie le Tribunal fédéral
(art. 191 Cst.; cf. art. 113 al. 3 aCst). Quoi qu'il en
soit,
sauf à vider le principe du fédéralisme de sa substance, il
faut admettre qu'un pharmacien exerçant son activité dans un
canton où la vente de médicaments par correspondance est au-
torisée ne se trouve pas dans la même situation qu'un con-
frère qui serait établi dans un canton interdisant un tel
mode de vente. Le grief tiré de la violation du principe de
l'égalité de traitement est donc dénué de pertinence (cf.
ATF 125 I 1 consid. 2b/aa p. 4 et la jurisprudence citée).

7.- Implicitement, le recourant invoque encore une
application arbitraire de "l'art. 27bis" (recte: art. 30A)
du
règlement d'exécution de la convention, en arguant qu'à te-
neur de cette disposition, seul l'Office intercantonal pour-
rait prendre des sanctions en matière d'infractions aux règ-
les régissant la publicité des médicaments, à l'exclusion du
Département cantonal.

Certes l'Office intercantonal est compétent pour
exiger le retrait d'une publicité illicite ou la publication
d'un communiqué rectificatif (art. 30A al. 2 du règlement
d'exécution de la convention) voire, en cas de violations
graves et répétées des dispositions sur la publicité auprès
du public, pour retirer l'autorisation de faire de la publi-
cité à l'entreprise responsable de la mise dans le commerce
de l'agent thérapeutique concerné (art. 30A al. 4 du règle-
ment d'exécution de la convention). Ce ne sont toutefois là
nullement des sanctions à proprement parler, mais de simples
mesures destinées à rétablir une situation conforme au
droit,
ce qui n'enlève donc rien, contrairement à l'opinion du re-
courant, à la compétence du Département cantonal pour
prendre
des sanctions administratives ou pénales en cas d'agissement
professionnel incorrect (cf. art. 139 al. 2 let. b de la loi
cantonale). L'Office intercantonal n'a d'ailleurs pas manqué
d'avertir le recourant que s'il continuait à faire de la pub-
licité illicite pour ses produits, il serait dénoncé au Dé-
partement cantonal afin que soient prises à son encontre tou-
tes les mesures pénales et administratives utiles (lettre de
l'Office intercantonal du 4 décembre 1998 au recourant). Là
encore, le grief se révèle mal fondé.

8.- Enfin, du moment que la démonstration n'est pas
apportée que la mesure de la sanction infligée au recourant
serait arbitraire, ce grief est tout simplement irrecevable
au regard de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ.

9.- Sur le vu de ce qui précède, le recours doit,
dans la mesure où il est recevable, être rejeté.

Succombant, le recourant supportera les frais judi-
ciaires (art. 156 al. 1, 153 et 153a OJ). Il n'a par
ailleurs
pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable.

2. Met un émolument judiciaire de 4'000 fr. à la
charge du recourant.

3. Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

4. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire du recourant, au Département de l'action sociale et de
la santé ainsi qu'au Tribunal administratif du canton de
Genève.

Lausanne, le 1er novembre 2001
ADD/dxc

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.67/2001
Date de la décision : 01/11/2001
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-11-01;2p.67.2001 ?
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