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31/10/2001 | SUISSE | N°1A.24/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 31 octobre 2001, 1A.24/2001


«AZA 1/2»

1A.24/2001
1P.82/2001

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
******************************************

31 octobre 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Nay, Juge présidant,
Aeschlimann et Favre. Greffier: M. Kurz.
__________

Statuant sur les recours de droit administratif
et de droit public formés par

L a V i l l e d e G e n è v e, agissant par son Conseil
administratif, représenté par Christian Ferrazino, à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 5 déce

mbre 2000 par le Tribunal administra-
tif du canton de Genève, dans la cause qui oppose la recou-
rante, ainsi qu'Action...

«AZA 1/2»

1A.24/2001
1P.82/2001

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
******************************************

31 octobre 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Nay, Juge présidant,
Aeschlimann et Favre. Greffier: M. Kurz.
__________

Statuant sur les recours de droit administratif
et de droit public formés par

L a V i l l e d e G e n è v e, agissant par son Conseil
administratif, représenté par Christian Ferrazino, à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 5 décembre 2000 par le Tribunal administra-
tif du canton de Genève, dans la cause qui oppose la recou-
rante, ainsi qu'Action Patrimoine Vivant, association ayant
son siège à Genève et représentée par Me Jocelyne Deville-
Chavanne, avocate à Genève, à Gesval, Gestion de Valeurs
Immobilières S.A., représentée par Me François Bolsterli,
avocat à Genève, ainsi qu'au Département de l'aménagement, de
l'équipement et du logement du canton de Genève;

(art. 35 LAT)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 11 octobre 1999, le Département genevois de
l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après: le
DAEL) a délivré à la société Gesval, Gestion de Valeurs Immo-
bilières S.A. (ci-après: Gesval), l'autorisation de démolir
l'immeuble de la clinique de Bois-Gentil et d'ériger un nou-
veau bâtiment destiné au logement, sur les parcelles n° 1245
et 2036 de la commune de Genève, section Eaux-Vives.

B.- Le 8 novembre 1999, Action Patrimoine Vivant
(ci-après: APV), association genevoise ayant pour but la dé-
fense du patrimoine architectural et des sites genevois, a
saisi la Commission cantonale de recours en matière de cons-
tructions (ci-après: la commission). Les parcelles en cause
étaient comprises dans le plan d'aménagement n° 21795 adopté
par le Conseil municipal, puis, le 14 janvier 1949, par le
Conseil d'Etat genevois, et qui prévoyait le maintien du bâ-
timent de la clinique. Ce plan, devenu plan localisé de quar-
tier, était compris dans un plan d'extension de 1952. Le 11
septembre 1970, le Grand Conseil genevois avait abrogé ce
plan d'extension, afin de permettre la démolition de la vil-
la, mais le plan d'aménagement de 1949 n'en subsistait pas
moins, et s'opposait à la démolition de cette villa, qui fai-
sait par ailleurs l'objet d'une demande de classement.

Le 16 décembre 1999, la Ville de Genève, auteur d'un
préavis négatif, a déclaré intervenir dans la procédure. A
l'instar d'APV, elle soutenait qu'il eût fallu, pour
admettre
le projet, modifier non seulement le plan d'extension de
1952, mais aussi le plan d'aménagement de 1949, qui
demeurait
intégralement en vigueur. Le plan d'extension ne prévoyait
d'ailleurs pas le dessin d'un nouveau bâtiment.

C.- Par décision du 23 juin 2000, la commission, ad-
mettant l'intervention de la Ville de Genève, a annulé les
autorisations de démolir et de construire. Le plan d'aménage-
ment de 1949, devenu automatiquement plan localisé de quar-
tier (ci-après: PLQ) en vertu de la loi genevoise sur l'ex-
tension des voies de communication et l'aménagement des quar-
tiers ou localités de 1987 (LEXT), était en vigueur tant
qu'il n'avait pas été abrogé par une décision subséquente du
Conseil d'Etat, par parallélisme des formes. La loi du 11
septembre 1970, abrogeant partiellement le plan déclaré d'ex-
tension en 1952, était sans effet quant au plan
d'aménagement
de 1949, qui imposait le maintien de la villa.

D.- Gesval a recouru le 22 juillet 2000 auprès du
Tribunal administratif genevois. Le plan de 1949 avait été
déclaré plan d'extension en 1952 par le Grand Conseil, afin
de lui donner force obligatoire. L'abrogation partielle du
11
septembre 1970, qui retirait du plan d'extension la parcelle
n° 1245, avait pour effet de supprimer cette force obligatoi-
re, en créant en outre des servitudes en faveur de l'Etat de
Genève afin de définir précisément l'implantation et les for-
mes d'un nouveau bâtiment. Le plan de 1949, qui ne répondait
d'ailleurs pas aux exigences de la LAT, était sans effet
quant à la parcelle n° 1245. Gesval invoquait également la
protection de la bonne foi et l'interdiction de l'arbitraire.

APV et la Ville de Genève se sont opposées au re-
cours. Le DAEL a conclu à son admission.

Le 1er novembre 2000, le Conseil d'Etat a rejeté la
requête d'APV tendant au classement de la clinique de Bois-
Gentil.

E.- Par arrêt du 5 décembre 2000, le Tribunal admi-
nistratif a admis le recours formé par Gesval et annulé la
décision de la commission du 23 juin 2000. En vertu de
l'art.
35 LAT, les plans d'aménagement non approuvés par l'autorité
compétente perdaient leur validité dès le 1er janvier 1988,
le périmètre concerné se trouvant alors régi par les mesures
introductives prises en vertu de l'art. 36 LAT. L'art. 39
LEXT prévoyait certes que les plans d'aménagement adoptés en
vertu de la loi de 1900 étaient transformés en PLQ, sans
mise
à l'enquête. Il ne s'agissait toutefois pas d'une
approbation
générale, mais d'une simple adaptation terminologique, sans
que la conformité des plans à la LAT n'ait été examinée, com-
me l'exige l'art. 35 al. 3 LAT. L'art. 39 LEXT ne prévoyait
rien pour les plans adoptés selon la loi de 1929, et le
Grand
Conseil ne pouvait être considéré comme autorité compétente,
s'agissant des plans précédemment adoptés par le Conseil
d'Etat. Faute d'approbation, le plan de 1949 était caduc,
sans qu'il y ait lieu d'examiner sa conformité à la LAT. Le
Tribunal administratif a par ailleurs écarté la Ville de
Genève de la procédure: elle était intervenue indûment
devant
la commission, sans avoir recouru dans le délai contre les
décisions du DAEL. Un droit d'intervention n'existait, selon
le droit cantonal, qu'en cas de recours contre le refus
d'une
autorisation.

F.- Par actes du 31 janvier 2001, la Ville de Genève
forme un recours de droit administratif et un recours de
droit public, tendant tous deux à l'annulation de l'arrêt du
Tribunal administratif.

Le Tribunal administratif persiste dans les termes
de son arrêt. Gesval conclut au rejet des deux recours, dans
la mesure où ils seraient recevables. Le DAEL conclut de mê-
me. L'Office fédéral du développement territorial et
l'Office
fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage se sont
brièvement déterminés, et les parties ont eu l'occasion de
répliquer.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- La connexité des deux recours impose la jonction
des procédures. Le Tribunal fédéral examine d'office la rece-
vabilité des recours de droit public et de droit administra-
tif (ATF 127 I 92 consid. 1 et les arrêts cités).

a) Le recours de droit administratif est recevable
contre un prononcé qui, comme en l'espèce, nie la qualité de
partie à une procédure de recours. Il faut toutefois que le
recours de droit administratif soit ouvert sur le fond. Or,
pour l'essentiel, l'argumentation de la Ville de Genève est
fondée sur l'application de l'art. 35 al. 3 LAT, et revient
à
contester la caducité du PLQ 21795. Dirigé contre l'octroi
d'une autorisation de démolir et de construire en zone à bâ-
tir, le recours ne porte pas sur les questions énumérées à
l'art. 34 al. 1 LAT ni, directement, sur des points relatifs
à la protection de l'environnement ou à la protection contre
le bruit. La recourante soutient certes, dans ses "motifs
liés exclusivement au recours de droit administratif", que
cette protection, ainsi que celle de la nature, des
monuments
et des sites, ne serait plus assurée si la solution adoptée
par le Tribunal administratif devait être confirmée, mais
elle voit dans l'arrêt attaqué un effet général, analogue à
une mesure de planification, qu'il ne possède manifestement
pas. Seul est par conséquent envisageable, sur le fond, le
recours de droit public (art. 34 al. 3 LAT), et la qualité
pour agir de la recourante doit être examinée sous l'angle
de
l'art. 88 OJ.

b) Cette disposition, qui suppose l'existence d'un
intérêt juridique, actuel et pratique au recours, permet éga-
lement d'entreprendre un arrêt d'irrecevabilité, l'intérêt
juridique résidant dans la qualité de partie revendiquée par
la recourante, indépendamment du fond. L'autonomie dont se
prévaut la recourante en matière de plans localisés de quar-

tier est, dès lors, sans pertinence, car si une certaine au-
tonomie doit être reconnue à la recourante, sous la forme
d'un droit d'intervention à l'encontre des autorisations de
démolir et de construire, ce droit est mis en oeuvre par la
procédure cantonale, dont le Tribunal fédéral examine le res-
pect sous l'angle restreint de l'arbitraire.

2.- La recourante soutient que le refus de la cour
cantonale de l'admettre comme partie à la procédure cantona-
le, consacrerait une violation grossière de l'art. 145 al. 2
de la loi genevoise sur les constructions et installations
diverses (LCI), dont la teneur est la suivante:

"La commune peut recourir contre la délivrance d'une
autorisation. Elle peut également intervenir en
procédure dans un délai de 30 jours dès réception
de l'avis de dépôt d'un recours contre le refus
d'une autorisation."

Selon la recourante, cette disposition ne prévoirait
pas un droit d'intervention en cas de recours contre
l'octroi
d'une autorisation, mais elle n'exclurait pas non plus un
tel
droit. La commune ayant qualité pour recourir, elle aurait
"a
fortiori" qualité pour intervenir dans une procédure de re-
cours interjeté par un tiers. La recourante relève également
que, selon l'art. 147 al. 2 LCI, expressément visé par la
commission dans sa décision, un délai de 30 jours, dès la
deuxième parution dans la Feuille d'avis officielle (FAO),
est accordé aux tiers pour intervenir dans la procédure,
qu'il s'agisse d'octroi ou de refus d'autorisation. La recou-
rante se fonde enfin sur l'art. 7 al. 2 de la loi cantonale
sur la procédure administrative (LPA), qui accorde la
qualité
de partie devant les juridictions administratives à toutes
les personnes qui disposent d'un moyen de droit contre la dé-
cision attaquée.

a) Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole
gravement une règle de droit ou un principe clair et indis-
cuté, ou lorsqu'elle contredit, de manière choquante, le sen-
timent de la justice et de l'équité. Il ne suffit donc pas
qu'une autre solution que celle retenue par l'autorité appa-
raisse envisageable, voire même préférable. Le Tribunal fédé-
ral n'intervient que si la décision attaquée apparaît insou-
tenable, et ce tant dans ses motifs que dans son résultat
(ATF 126 I 168 consid. 3a p. 170; 127 I 54 consid. 2b p. 56;
60 consid. 5a p. 70).

b) En dépit de l'argumentation de la recourante,
l'application faite par le Tribunal administratif de la dis-
position précitée n'est pas insoutenable. L'art. 145 al. 2
LCI distingue très clairement le recours et l'intervention,
réservant cette dernière aux cas de refus d'une
autorisation.
Il en découle logiquement que si la commune entend s'opposer
à l'octroi d'une autorisation, elle doit le faire directe-
ment, en recourant contre celle-ci. Il n'y a donc pas place
pour le raisonnement "a fortiori" que soutient la
recourante.
L'art. 147 al. 2 LCI permet certes l'intervention de tiers
dans les trente jours suivant la deuxième publication du re-
cours dans la FAO. Appliquée au droit d'intervention de la
commune, cette disposition priverait de tout sens la distinc-
tion faite à l'art. 145 al. 2 LCI. Il y a donc lieu de consi-
dérer cette dernière disposition comme une "lex specialis".
La recourante invoque également l'art. 7 al. 2 LPA, qui con-
fère la qualité de partie à toutes les personnes, organisa-
tions ou autorités disposant d'un moyen de droit contre la
décision attaquée. Cette disposition, de caractère général,
suppose que le moyen de droit en question a été exercé selon
les formes prescrites, en particulier dans le délai utile.
Elle n'est en conséquence d'aucune utilité pour la recouran-
te.

Le Tribunal administratif n'est dès lors pas tombé
dans l'arbitraire en considérant que la Ville de Genève ne
pouvait intervenir dans la procédure de recours, celle-ci
ayant pour objet un refus d'autorisation.

3.- Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit
administratif doit être déclaré irrecevable, et le recours
de
droit public doit être rejeté. Conformément à l'art. 156 al.
2 OJ, il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. En
revanche,
la Ville de Genève est débitrice d'une indemnité de dépens
allouée à l'intimée, Gesval SA, qui est assistée d'un avocat
et obtient gain de cause.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Déclare irrecevable le recours de droit adminis-
tratif.

2. Rejette le recours de droit public.

3. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4. Alloue à l'intimée Gesval, Gestion de Valeurs Im-
mobilières S.A., une indemnité de dépens de 2'500 fr., à la
charge de la Ville de Genève.

5. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties, au Département de l'aménagement, de l'é-
quipement et du logement et au Tribunal administratif du can-
ton de Genève, ainsi qu'à l'Office fédéral du développement
territorial et à l'Office fédéral de l'environnement, des fo-
rêts et du paysage.

__________

Lausanne, le 31 octobre 2001
KUR/vlc

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Juge présidant,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.24/2001
Date de la décision : 31/10/2001
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-10-31;1a.24.2001 ?
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