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30/10/2001 | SUISSE | N°I.55/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 octobre 2001, I.55/01


«AZA 7»
I 55/01 Tn

IIe Chambre

MM. les juges Lustenberger, Président, Meyer et Ferrari.
Greffier: M. Vallat

Arrêt du 30 octobre 2001

dans la cause

D.________, Portugal, recourant, représenté par Maître
Jean-Jacques Martin, avocat, place du Port 2, 1204 Genève,

contre

Office AI pour les assurés résidant à l'étranger, avenue
Edmond-Vaucher 18, 1203 Genève, intimé,

et

Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les
personnes résidant à l'étran

ger, Lausanne

A.- D.________, travaillait en Suisse depuis 1987
comme ouvrier horticole. Souffrant de douleurs dorsales, il
adr...

«AZA 7»
I 55/01 Tn

IIe Chambre

MM. les juges Lustenberger, Président, Meyer et Ferrari.
Greffier: M. Vallat

Arrêt du 30 octobre 2001

dans la cause

D.________, Portugal, recourant, représenté par Maître
Jean-Jacques Martin, avocat, place du Port 2, 1204 Genève,

contre

Office AI pour les assurés résidant à l'étranger, avenue
Edmond-Vaucher 18, 1203 Genève, intimé,

et

Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les
personnes résidant à l'étranger, Lausanne

A.- D.________, travaillait en Suisse depuis 1987
comme ouvrier horticole. Souffrant de douleurs dorsales, il
adressa à la Caisse cantonale genevoise de compensation une
demande de prestations de l'assurance-invalidité le
18 avril 1991.
Dans un rapport médical du 23 avril 1991, le docteur
A.________, son médecin traitant, émit le diagnostic de

syndrome vertébral lombaire et dorso-lombaire aigu en
décompensation spectaculaire sur maladie de Scheuermann
avec troubles statiques lombaires et dorso-lombaires très
importants et canal relativement étroit. Ce médecin conclut
à une incapacité de travail totale dans l'activité exercée
jusque-là par l'assuré; il préconisait l'exercice d'une
activité légère n'exigeant pas qu'il se penchât en avant,
ni qu'il levât ou portât des charges ou qu'il demeurât
debout ou assis immobile.
Dans le cadre de l'instruction de cette demande, l'as-
suré effectua un stage d'observation professionnelle au
COPAI à Genève, du 21 octobre au 15 novembre 1991. A l'is-
sue de son séjour, les responsables de la formation esti-
mèrent que D.________, dont le rendement n'excédait pas
30 % dans les activités proposées, ne disposait plus
d'aucune capacité de travail exploitable dans le circuit
économique normal (rapport COPAI du 3 décembre 1991).
Dès le 1er mars 1992, D.________ fut mis au bénéfice
d'une rente entière d'invalidité en relation avec une
incapacité de gain de 7 %, par décision de la Caisse
cantonale genevoise de compensation, du 2 mars 1992. Cette
décision demeura inattaquée.
L'assuré retourna s'établir au Portugal le 15 février
1993.
Procédant à la révision du droit à la rente, l'Office
AI pour les assurés résidant à l'étranger (ci-après: l'of-
fice) a, par décision du 16 octobre 1997, supprimé la rente
avec effet au 1er décembre 1997 au motif que l'assuré était
à nouveau en mesure d'exercer une activité lucrative adap-
tée à son état de santé, lui permettant d'obtenir plus de
la moitié du gain réalisé avant la survenance de l'invali-
dité. Par jugement du 14 juillet 1998, la Commission fé-
dérale de recours en matière d'assurance-vieillesse, survi-
vants et invalidité pour les personnes résidant à l'étran-
ger (ci-après: la commission) a admis le recours interjeté
par D.________ et renvoyé la cause à l'office afin qu'il en
complète l'instruction sur le plan médical.

D.________ a été soumis, du 26 au 28 avril 1999, à des
examens médicaux pluridisciplinaires réalisés par le
Service d'expertise médicale de l'assurance-invalidité
(Servizio Accertamento Medico; ci-après: SAM) à Bellinzone.
Les spécialistes consultés ont conclu à une incapacité de
travail totale dans la profession d'ouvrier agricole ainsi
que dans toute activité physique lourde. Ils ont estimé, en
revanche, la capacité médico-théorique de travail de l'as-
suré à 70 % dans une activité physique manuelle moyenne à
légère, simple et répétitive, ne requérant ni qualités
d'organisation, ni rapidité d'exécution et pouvant être
déployée dans un environnement ergonomiquement adapté,
permettant d'alterner les positions assise et debout avec
des périodes de déambulation, telles les activités d'ou-
vrier non qualifié, de portier ou de gardien (rapport du
SAM, du 21 mai 1999).
Par décision du 7 septembre 1999, l'office a confirmé
la suppression de la rente avec effet au 1er décembre 1997.

B.- Par jugement du 29 novembre 2000, la commission a
rejeté le recours formé contre cette décision par l'assuré.

C.- Ce dernier interjette recours de droit administra-
tif contre ce jugement. Il conclut, avec suite de dépens, à
son annulation et au maintien de la rente entière d'invali-
dité.
L'office conclut au rejet du recours, cependant que
l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à dépo-
ser des déterminations.

Considérant en droit :

1.- a) Selon l'art. 41 LAI, si l'invalidité d'un béné-
ficiaire de rente se modifie de manière à influencer le
droit à la rente, celle-ci est, pour l'avenir, augmentée,
réduite ou supprimée. Tout changement important des cir-
constances, propre à influencer le degré d'invalidité, donc

le droit à la rente, peut donner lieu à une révision de
celle-ci. Le point de savoir si un tel changement s'est
produit doit être tranché en comparant les faits tels
qu'ils se présentaient au moment de la décision initiale de
rente et les circonstances régnant à l'époque de la déci-
sion litigieuse (ATF 125 V 369 consid. 2 et la référence;
voir également ATF 112 V 372 consid. 2b et 390 consid. 1b).

b) En l'espèce, les premiers juges ont admis, en se
référant au rapport du COPAI du 3 décembre 1991 et au
rapport établi le 28 novembre 1991 par le docteur
B.________, médecin-conseil de ce centre, qu'au moment de
l'octroi de la rente, des troubles d'ordre psychologique
avaient, en plus des problèmes dorsaux, été déterminants
dans les conclusions du COPAI, dont les responsables rele-
vaient en particulier l'incapacité du recourant d'envisager
un reclassement et la reprise d'une activité professionnel-
le. Ils ont par ailleurs retenu du rapport du SAM du 21 mai
1999 que le recourant n'était plus en butte à de telles
difficultés, l'état de santé sur le plan orthopédique
demeurant, pour le surplus, inchangé. Ils en ont déduit
l'existence d'une amélioration de sa capacité de travail
lui permettant désormais de réaliser plus de la moitié du
gain qu'il pourrait obtenir sans atteinte à la santé.
Pour sa part, le recourant conteste que des problèmes
psychiques ou psychologiques aient joué un rôle quelconque
dans l'évaluation de son invalidité au moment de l'octroi
de la rente et qu'une amélioration de son état de santé,
respectivement de sa capacité de gain, soit survenue depuis
lors.

c) Que le recourant ait été confronté à des difficul-
tés d'ordre psychologique - dans une acception large du
terme - au moment de la décision initiale de rente n'est
pas contestable. En revanche, le seul fait que l'absence de
pensée positive et le sentiment d'angoisse exprimé par le
recourant - les autres circonstances demeurant par ailleurs

inchangées - n'apparaissent plus, selon les médecins du
SAM, que comme une légère anxiété et une affectivité légè-
rement déprimée ne saurait être qualifié de changement
important au sens de la jurisprudence rappelée ci-dessus
(supra, consid. 1a). Dans la mesure où, pour ces médecins,
le recourant n'aurait, en réalité, jamais souffert de
véritables troubles d'ordre psychique ou psychiatrique
(rapport du SAM, p. 7), on ne saurait retenir que leurs
conclusions, du reste très proches de celles du docteur
A.________, révèlent une modification objective importante
des circonstances; elles relèvent, plus vraisemblablement,
d'une appréciation différente d'une situation demeurée
inchangée qui, selon la jurisprudence, ne constitue pas un
motif de révision (cf. RCC 1987 36).

2.- a) Le principe selon lequel l'administration peut
en tout temps revenir d'office sur une décision formelle-
ment passée en force qui n'a pas donné lieu à un jugement
sur le fond, lorsque celle-ci est certainement erronée et
que sa rectification revêt une importance appréciable,
l'emporte sur la procédure de révision au sens de l'art. 41
LAI. Ainsi, l'administration peut aussi modifier une déci-
sion de rente lorsque les conditions de la révision selon
l'art. 41 LAI ne sont pas remplies. Si le juge est le
premier à constater que la décision initiale était certai-
nement erronée, il peut confirmer, en invoquant ce motif,
la décision de révision prise par l'administration en vertu
de l'art. 41 LAI (ATF 125 V 369 consid. 2 et les arrêts
cités; cf. aussi ATF 112 V 373 consid. 2c et 390 con-
sid. 1b).

b) En l'espèce, le degré d'invalidité du recourant a
été arrêté à 70 % par le Président de la Commission can-
tonale genevoise de l'assurance-invalidité (décision du
10 janvier 1992), ce qui justifiait l'octroi d'une rente
entière (décision de la Caisse cantonale genevoise de
compensation, du 2 mars 1992).

Si, comme le relève l'office intimé, le recourant n'a
fait l'objet d'aucun examen approfondi par un psychiatre
lors de l'octroi de la rente, cela ne suffit pas à faire
apparaître la décision du 2 mars 1992 comme certainement
erronée. Une telle mesure d'instruction - à laquelle l'of-
fice n'a, du reste, lui-même jamais procédé avant de rendre
sa décision de révision du 16 octobre 1997 - apparaît
certes judicieuse a posteriori. L'autorité compétente dis-
posait cependant d'autres éléments, tels les rapports du
docteur B.________ et du docteur A.________, de sorte que
l'instruction du cas sur le plan médical, certes sommaire,
n'en apparaît pas pour autant si lacunaire que l'on doive
admettre rétroactivement que, sans expertise psychiatrique,
l'administration n'était pas en mesure de se prononcer sur
le droit du recourant à une rente. Enfin, même s'il fallait
admettre, au vu du rapport du SAM, que les médecins qui se
sont prononcés sur la capacité de travail du recourant dans
le cadre de l'instruction de la demande de rente, dont en
particulier le docteur B.________, ont pu commettre une
erreur d'appréciation, la décision ne pourrait pas être
reconsidérée pour ce seul motif (cf. RAMA K 990 251 con-
sid. 2b).
Le Président de la commission cantonale genevoise de
l'assurance-invalidité disposait par ailleurs du rapport
rédigé à l'issue d'un stage d'observation professionnelle
de trois semaines au COPAI. A cette occasion, les respon-
sables d'atelier ont pu constater que le rendement du
recourant dans les diverses activités qui lui étaient
proposées n'excédait pas 30%; ils ont ainsi estimé que le
recourant n'avait plus de capacité de travail exploitable
dans le circuit économique normal. Les informations conte-
nues dans le rapport du COPAI du 3 décembre 1991 complé-
taient ainsi utilement les données médicales en montrant
sur la base d'activités exercées en ateliers que le recou-
rant n'était à même de mettre en valeur une capacité de
travail et de gain sur le marché du travail que de manière
très limitée (voir au surplus, à propos du rôle des COPAI

pour l'évaluation de l'invalidité: L'instruction des pos-
sibilités de gain des personnes prétendant une rente,
compte-rendu d'une séance du 10 novembre 1989 consacrée aux
problèmes de l'expertise médicale et professionnelle, RCC
1990 p. 59 ss; Karl Abegg, Coup d'oeil sur l'activité des
centres d'observation profesionnelle de l'AI [COPAI], RCC
1985, p. 246 ss).
Il résulte de ce qui précède que l'instruction de la
demande de prestations à laquelle a procédé la Caisse
cantonale genevoise de compensation était suffisante sur
les plans médical et socioprofessionnel.

c) En ce qui concerne les données économiques, il
ressort des pièces du dossier que le recourant réalisait,
avant d'être atteint dans sa santé, un salaire mensuel de
3087 fr. 40. En revanche, ni le prononcé présidentiel du
10 janvier 1992 ni la décision du 2 mars 1992, qui ne sont
pas motivés, ni le dossier de la cause ne permettent de
déterminer avec certitude si, et sur quelles bases, le
revenu que le recourant aurait pu réaliser comme invalide a
été évalué et comparé à son revenu sans invalidité. A cet
égard, que la décision du 2 mars 1992 retienne un taux
d'invalidité de 70 %, suggère plutôt que le Président de la
Commission cantonale de l'assurance-invalidité, sans cher-
cher à établir plus précisément le gain que le recourant
aurait été en mesure de réaliser dans une activité adaptée
à son handicap, se soit principalement fondé sur le ren-
dement de 30 % atteint par le recourant lors de son séjour
au COPAI pour fixer le degré de son invalidité.
Une telle manière de procéder n'apparaît pas conforme
à l'art. 28 al. 2 LAI, ce qui pourrait, le cas échéant,
justifier une reconsidération de la décision initiale de
rente. Toutefois, en l'absence de données économiques plus
précises sur les gains que le recourant aurait pu réaliser
dans une activité raisonnablement exigible, il n'est pas
possible, en l'état du dossier, de déterminer avec préci-
sion quel était le degré de son invalidité au moment de la

décision de rente initiale et moins encore de constater
avec certitude que la décision du 2 mars 1992 serait enta-
chée d'une erreur sur ce point. Par ailleurs, comme ce
motif de reconsidération n'a été évoqué ni par l'office ni
par les premiers juges et que, selon la jurisprudence l'ad-
ministration ne peut être contrainte de procéder à une
reconsidération ni par l'administré, ni par le juge, qui ne
peut pas non plus lui imposer les modalités d'un tel réexa-
men (ATF 119 V 183 consid. 3a et 3b), la cour de céans ne
peut que constater que les conditions d'une révision ne
sont pas remplies en l'espèce (supra consid. 1).

3.- a) Il résulte de ce qui précède que c'est à tort
que l'office a, par voie de révision, nié tout droit du
recourant à une rente d'invalidité dès le 1er décembre 1997
et que les premiers juges ont rejeté le recours interjeté
contre cette décision.

b) La procédure, qui a pour objet des prestations
d'assurance est gratuite (art. 134 OJ). Le recourant, qui
obtient gain de cause, peut, par ailleurs prétendre une
indemnité de dépens (art. 159 al. 1 OJ), si bien que sa
requête tendant à
l'octroi de l'assistance judiciaire est
sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis; la décision rendue le 7 sep-
tembre 1999 par l'Office AI pour les assurés résidant
à l'étranger ainsi que le jugement de la Commission
fédérale de recours en matière d'assurance-vieillesse,
survivants et invalidité pour les personnes résidant à
l'étranger, du 29 novembre 2000, sont annulés.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. L'Office AI pour les assurés résidant à l'étranger
versera à D.________ la somme de 2500 fr. à titre de
dépens (y compris la taxe à la valeur ajoutée).

IV. La Commission fédérale de recours en matière d'assu-
rance-vieillesse, survivants et invalidité pour les
personnes résidant à l'étranger statuera sur les
dépens de première instance, au regard de l'issue du
procès de dernière instance.

V. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la
Commission fédérale de recours en matière d'assurance-
vieillesse, survivants et invalidité pour les personne
résidant à l'étranger, à la Caisse fédérale de compen-
sation ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances
sociales.

Lucerne, le 30 octobre 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.55/01
Date de la décision : 30/10/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-10-30;i.55.01 ?
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