La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/10/2001 | SUISSE | N°I.418/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 octobre 2001, I.418/01


«AZA 7»
I 418/01 Tn

IIe Chambre

MM. les juges Lustenberger, Président, Meyer et Ferrari.
Greffière : Mme Moser-Szeless

Arrêt du 29 octobre 2001

dans la cause

G.________, recourante, représentée par Pro Infirmis Vaud,
rue Pichard 11, 1002 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
avenue Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- G.________, arrivée en Suisse en juillet 1

987,
souffre de surdité bilatérale suite à une anoxie néonatale.
Depuis le 1er août 1992, elle bénéficie d'une rente
extraord...

«AZA 7»
I 418/01 Tn

IIe Chambre

MM. les juges Lustenberger, Président, Meyer et Ferrari.
Greffière : Mme Moser-Szeless

Arrêt du 29 octobre 2001

dans la cause

G.________, recourante, représentée par Pro Infirmis Vaud,
rue Pichard 11, 1002 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
avenue Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- G.________, arrivée en Suisse en juillet 1987,
souffre de surdité bilatérale suite à une anoxie néonatale.
Depuis le 1er août 1992, elle bénéficie d'une rente
extraordinaire de l'assurance-invalidité.
Le 8 décembre 1999, G.________ a demandé la prise en
charge par l'assurance-invalidité de cours individuels de
lecture labiale «pour entretenir des contacts avec son
entourage ainsi que pour son activité occupationnelle».

Par décision du 11 avril 2000, l'office de l'assu-
rance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après : l'of-
fice) a rejeté sa demande. Il a considéré que la requérante
aurait dû suivre les cours de lecture labiale à l'époque de
l'atteinte à la santé, laquelle est survenue avant l'entrée
en Suisse, et que les conditions d'assurance n'étaient pas
remplies à ce moment.

B.- Le Tribunal des assurances du canton de Vaud a,
par jugement du 21 mars 2001, rejeté le recours formé con-
tre cette décision par G.________.

C.- G.________ interjette recours de droit admini-
stratif contre ce jugement dont elle demande l'annulation.
Elle conclut à ce que les frais des 14 heures de cours de
lecture labiale effectuées en 2000 soient pris en charge
par l'assurance-invalidité.
L'office conclut au rejet du recours, alors que
l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se
déterminer.

Considérant en droit :

1.- Le présent litige porte uniquement sur la question
de la prise en charge, par l'assurance-invalidité, des
cours de lecture labiale suivis par la recourante.

2.- a) Aux termes de l'art. 12 al. 1 LAI, l'assuré a
droit aux mesures médicales qui n'ont pas pour objet le
traitement de l'affection comme telle, mais sont directe-
ment nécessaires à la réadaptation professionnelle et sont
de nature à améliorer de façon durable et importante la
capacité de gain ou à la préserver d'une diminution nota-
ble.
Selon la jurisprudence, l'effet positif obtenu par un
traitement n'est important que s'il atteint, dans un laps
de temps donné, un degré absolu de réussite suffisamment

élevé. L'importance du succès obtenu par la réadaptation
dépend de la gravité de l'infirmité et du genre de l'acti-
vité lucrative exercée; des circonstances personnelles,
sans rapport avec l'activité de l'assuré, ne sont pas à
prendre en considération (ATF 115 V 199 consid. 5a et les
références, RCC 1990 p. 215 consid. 5a). L'assurance-
invalidité ne peut pas prendre en charge des mesures
médicales au sens de l'art. 12 LAI lorsqu'elles n'abou-
tissent qu'à une faible amélioration de la capacité de
gain. Dans ce domaine, la loi ne prévoit notamment pas de
mesures propres à conserver un reste de capacité négli-
geable et incertain. Tel est justement souvent le cas des
bénéficiaires de rentes entières, donc des assurés présen-
tant un degré d'invalidité de deux tiers au moins (ATF
115 V 200 consid. 5c et les références, RCC 1990 p. 216
consid. 5c).

b) La surdité dont est atteinte la recourante depuis
son enfance représente un état défectueux stable qui peut
en principe donner droit à des mesures médicales au sens de
l'art. 12 LAI (comp. ATF 122 V 377 consid. 2a, 115 V 195
consid. 4a). Ces mesures doivent toutefois être de nature à
améliorer de façon notable la capacité de gain de la recou-
rante, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. En effet, la
recourante est au bénéfice d'une rente entière de l'assu-
rance-invalidité, fondée sur une invalidité de 80 %. Il
ressort du dossier qu'elle travaille dans l'atelier
X.________ pour personnes handicapées, à Y.________, en
qualité d'ouvrière de confection, depuis le mois d'août
1993. S'il est incontesté que les cours de lecture labiale
lui permettent de mieux comprendre son entourage, et donc
les instructions des personnes qui la dirigent, on ne voit
pas en quoi ils ont pour effet d'améliorer concrètement et
de manière importante sa capacité de gain, réalisée dans
une activité à caractère occupationnel. Dès lors, il y a
lieu d'admettre que la prise en charge des cours de lecture

labiale est exclue au titre de mesure médicale de réadapta-
tion au sens de l'art. 12 LAI.

3.- a) En vertu de l'art. 21 al. 1 LAI, 1ère phrase,
l'assuré a droit, d'après une liste que dressera le Conseil
fédéral, aux moyens auxiliaires dont il a besoin pour exer-
cer une activité lucrative ou accomplir ses travaux habi-
tuels, pour étudier ou apprendre un métier ou à des fins
d'accoutumance fonctionnelle. L'article 21bis al. 2 LAI
prévoit que l'assurance peut allouer des contributions à
l'assuré qui a recours, en lieu et place d'un moyen auxi-
liaire, aux services de tiers.
Selon la jurisprudence constante, il faut entendre par
moyen auxiliaire de l'assurance-invalidité un objet permet-
tant de suppléer aux défaillances de certaines parties du
corps humain ou de leurs fonctions (ATF 115 V 194 con-
sid. 2c, 112 V 15, consid. 1b).
Par ailleurs, étant donné que les contributions ver-
sées pour les services de tiers au sens de l'art. 21bis
al. 2 LAI ne représentent qu'une prestation qui remplace un
moyen auxiliaire déterminé - à la remise duquel l'assuré
peut en principe prétendre, mais qu'il n'est pas en mesure
d'utiliser lui-même pour des motifs qui tiennent à sa per-
sonne - lesdits services de tiers ne sauraient avoir, eux
aussi, qu'un caractère auxiliaire. Ces services sont donc
destinés uniquement à suppléer, en lieu et place du moyen
auxiliaire considéré, aux «défaillances de certaines par-
ties du corps humain ou de leurs fonctions»; ils ne doivent
pas viser, de par leur nature, des buts qui excèdent ceux
du moyen auxiliaire auxquels ils se substituent (ATF
112 V 15 consid. 1b, RCC 1986 357 consid. 1b, 670 con-
sid. 3b).

b) Aux termes de l'art. 9 al. 1 let. c OMAI, l'assuré
a droit au remboursement des frais liés à l'invalidité, qui
sont dûment établis et causés par les services spéciaux de

tiers dont il a besoin, en lieu et place d'un moyen auxi-
liaire, pour acquérir des aptitudes particulières qui per-
mettent de maintenir des contacts avec l'entourage.

c) En l'espèce, les cours de lecture n'ont pas le
caractère d'un moyen auxiliaire au sens défini par la
jurisprudence, de sorte qu'ils ne sauraient être pris en
charge à ce titre par l'assurance-invalidité.

d) En revanche, les coûts des cours de lecture labiale
doivent être considérés comme des frais occasionnés par les
services d'un tiers au sens de l'art. 9 OMAI.
En effet, selon ses déclarations, la recourante ne
porte pas d'appareils acoustiques en raison de sa profonde
surdité. Or, les cours de lecture labiale ont pour but de
faciliter les possibilités de communication de la recou-
rante avec son entourage et permettent de remplacer, dans
une certaine mesure, les appareils acoustiques mentionnés
en tant que moyen auxiliaire au ch. 5.07 de l'annexe à
l'OMAI. La pratique administrative admet du reste l'ensei-
gnement de la lecture labiale et de la langue des sourds à
titre de prestation de service fournie par un tiers au sens
de l'art. 9 OMAI (ch. 1039 de la circulaire de l'OFAS con-
cernant la remise des moyens auxiliaires par l'assurance-
invalidité [CMAI]). A cet égard, on peut, avec la recou-
rante, relever que le ch. 1039 CMAI ne mentionne le cas des
«sourds tardifs» qu'à titre d'exemple, ce qui indique que
d'autres situations sont envisageables et peuvent être
prises en charge par l'assurance-invalidité. On ne saurait
donc en déduire, comme l'a fait la juridiction cantonale
par un raisonnement a contrario, une règle générale selon
laquelle les frais mentionnés ne sont jamais remboursés en
cas de surdité congénitale. Par conséquent, les frais du
cours de lecture labiale doivent en principe être pris en
charge par l'assurance-invalidité en qualité de services de
tiers qui sont nécessaires en lieu et place d'un moyen
auxiliaire.

4.- a) Il reste à examiner si, au moment de la sur-
venance de l'invalidité, la recourante était assurée à
l'assurance-invalidité suisse, ce que conteste l'intimé.
Aux termes de l'art. 6 al. 1 (dans sa version déter-
minante en l'occurrence, en vigueur jusqu'au 31 décembre
2000), les ressortissants suisses, les étrangers et les
apatrides ont droit aux prestations s'ils sont assurés lors
de la survenance de l'invalidité.
Selon l'art. 11 al. 1, 1ère phrase, de la convention
de sécurité sociale conclue entre la Suisse et le Portugal
le 11 septembre 1975, les ressortissants portugais qui
n'exercent pas d'activité lucrative peuvent prétendre les
mesures de réadaptation aussi longtemps qu'ils résident en
Suisse et si, immédiatement avant le moment où est survenue
l'invalidité, ils ont résidé en Suisse de manière ininter-
rompue pendant une année au moins.
Pour les personnes qui exercent une activité lucra-
tive, il faut se référer à la règle générale de l'art. 2
al. 1 de la convention, selon lequel, sous réserves des
dispositions de la convention et de son protocole final,
les ressortissants de l'une des Parties contractantes,
ainsi que les membres de leur famille et les survivants
dont les droits dérivent desdits ressortissants, sont
soumis aux obligations et admis au bénéfice de la législa-
tion de l'autre Partie dans les mêmes conditions que les
ressortissants de cette Partie ou les membres de leur
famille et les survivants dont les droits dérivent desdits
ressortissants. C'est dire, en d'autres termes, que le
ressortissant portugais est soumis, de la même manière que
le ressortissant suisse, à la clause générale d'assurance
selon l'art. 6 al. 1 LAI.

b) En vertu de l'art. 4 al. 2 LAI, l'invalidité est
réputée survenue dès qu'elle est, par sa nature et sa
gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en
considération. Ce moment doit être déterminé objectivement,
d'après l'état de santé; des facteurs externes fortuits

n'ont pas d'importance. Il ne dépend en particulier ni de
la date à laquelle une demande a été présentée, ni de celle
à partir de laquelle une prestation a été requise, et ne
coïncide pas non plus nécessairement avec le moment où
l'assuré apprend, pour la première fois, que l'atteinte à
sa santé peut ouvrir droit à des prestations d'assurance
(ATF 118 V 82 consid. 3a; SVR 1998 IV 9 36 consid. 2a/aa).
Lorsque des moyens auxiliaires doivent être remis,
l'invalidité est réputée survenue au moment où l'atteinte à
la santé rend objectivement nécessaire, pour la première
fois, de tels appareils; ce moment ne doit pas forcément
coïncider avec celui où le besoin d'un traitement est
apparu pour la première fois (ATF 108 V 63 consid. 2b,
105 V 60 consid. 2a; SVR 1998 IV 9 36 consid. 2a/aa; RCC
1992 p. 384 consid. 2). Si les conditions d'assurance ne
sont pas remplies lors de la survenance de l'invalidité,
les mesures ultérieures du même genre, visant le même cas,
ne sont pas à la charge de l'assurance-invalidité (ATF
108 V 63 consid. 2b).
Il y a lieu d'appliquer cette jurisprudence non
seulement lorsqu'il s'agit du droit à des moyens auxi-
liaires, mais également dans le cas où sont en cause des
prestations qui les remplacent, comme en l'espèce.

c) Il reste à déterminer à partir de quand l'atteinte
à la santé de la recourante a rendu objectivement néces-
saire la fréquentation d'un cours de lecture labiale.
A cet égard, la recourante fait valoir qu'elle uti-
lisait la langue portugaise pour lire sur les lèvres dans
son pays d'origine et que l'entraînement de lecture labiale
étant spécifique pour chaque langue, elle ne nécessitait un
tel cours pour l'apprentissage du français qu'à partir du
moment où elle est arrivée en Suisse. Au contraire, l'inti-
mé soutient que l'atteinte à la santé rendant nécessaire
les cours de lecture labiale est survenue avant l'entrée en
Suisse de la recourante et qu'elle aurait donc dû les
suivre à cette époque.

Il ressort du dossier que la recourante a fréquenté
une école spécialisée pour sourd-muet dans son pays d'ori-
gine. Par ailleurs, selon ses déclarations tant devant
l'autorité de recours de première instance que devant la
Cour de céans, la recourante sait lire sur les lèvres
lorsqu'il s'agit de comprendre la langue portugaise. Par
conséquent, il y a lieu d'admettre que c'est au cours de
son séjour dans son pays d'origine qu'un entraînement de
lecture labiale s'est avéré nécessaire pour la première
fois. Il n'est pas déterminant à cet égard qu'elle ait eu
besoin d'un nouveau cours de ce genre pour apprendre une
nouvelle langue lorsqu'elle est arrivée en Suisse. En
effet, la question de la survenance de l'invalidité doit
être tranchée par rapport à la prestation entrant ici en
considération (arrêt non publié F. du 22 octobre 1990
[I 227/90]), soit le cours de lecture labiale. Son invali-
dité est donc survenue au Portugal où, pour la première
fois, elle a eu besoin de l'entraînement de lecture la-
biale. Or, à ce moment-là, la recourante n'était ni assurée
en Suisse (art. 2 al. 1 de la convention précitée; art. 1er
al. 1 let. a et b LAVS; art. 1er LAI), ni n'avait, immédia-
tement avant la survenance de l'invalidité, résidé en
Suisse de manière ininterrompue pendant une année (art. 11
al. 1 de la convention précitée) au moins. Dès lors, la
question de savoir si son activité à caractère occupation-
nel doit être considérée comme une activité lucrative peut
rester ouverte.

En conséquence, la recourante ne saurait prétendre de
l'assurance-invalidité la prise en charge des coûts des
cours de lecture labiale à titre de frais occasionnés par
les services de tiers au sens de l'art. 9 OMAI. Partant, le
recours est mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 29 octobre 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.418/01
Date de la décision : 29/10/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-10-29;i.418.01 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award