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29/10/2001 | SUISSE | N°6S.571/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 octobre 2001, 6S.571/2001


«/2»
6S.571/2001/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

29 octobre 2001

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
MM. Schneider et Kolly, Juges. Greffier: M. Fink.
___________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

A.________, B.________, C.________, D.________,
E.________, F.________, G.________, H.________,
I.________ et J.________,
tous les dix représentés par Me Pierre Heinis, avocat à
Neuchâtel,

contre

l'arrêt rendu le 13 juillet 2001 par la Cour de cassation
pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois dans ...

«/2»
6S.571/2001/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

29 octobre 2001

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
MM. Schneider et Kolly, Juges. Greffier: M. Fink.
___________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

A.________, B.________, C.________, D.________,
E.________, F.________, G.________, H.________,
I.________ et J.________,
tous les dix représentés par Me Pierre Heinis, avocat à
Neuchâtel,

contre

l'arrêt rendu le 13 juillet 2001 par la Cour de cassation
pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois dans la cause
qui oppose les recourants au Ministre public du canton de
N e u c h â t e l,

(violation de la LCR; dépassement du poids total
admissible du véhicule)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Dans une période s'étendant du 10 novembre au
15 décembre 1999 ainsi que le 3 octobre 2000, plusieurs
camions ont circulé sur la route cantonale 5 du canton de
Neuchâtel (RC5). Ils provenaient d'un chantier et trans-
portaient du tout-venant, de la terre, des cailloux ou de
la chaille (gros gravier).

Ainsi, le 25 novembre 1999, A.________ conduisait
un camion surchargé de 7300 kg pour un poids total auto-
risé de 28 t., soit une surcharge de 26,07 %.

Le 22 novembre 1999, B.________ conduisait un
camion surchargé de 6040 kg pour un poids total autorisé
de 28 t. (surcharge de 21,57 %).

Le 15 novembre 1999, C.________ conduisait un ca-
mion surchargé de 3320 kg pour un poids total autorisé de
28 t. (surcharge de 12,76 %).

Le 15 décembre 1999, D.________ conduisait un ca-
mion surchargé de 10'180 kg pour un poids total autorisé
de 28 t. (surcharge de 36,35 %).

Le 29 novembre 1999, E.________ conduisait un
camion surchargé de 3560 kg pour un poids total autorisé
de 26 t. (surcharge de 13,69 %).

Le 29 novembre 1999, F.________ conduisait un
camion surchargé de 5760 kg pour un poids total autorisé
de 28 t. (surcharge de 20,57 %).

Le 1er décembre 1999, G.________ conduisait un
camion surchargé de 4920 kg pour un poids total autorisé
de 28 t. (surcharge de 17,57 %).

Le 10 novembre 1999, H.________ conduisait un
camion surchargé de 6140 kg pour un poids total autorisé
de 28 t. (surcharge de 21,92 %). Le 29 novembre 1999, il
a conduit un camion surchargé de 3140 kg pour un poids
total autorisé de 28 t. (surcharge de 11,21 %).

Le 6 décembre 1999, I.________ conduisait un camion
surchargé de 6120 kg pour un poids total autorisé de 28
t. (surcharge de 21,85 %).

Le 3 octobre 2000, J.________ conduisait un camion
surchargé de 7380 kg pour un poids total autorisé de
28 t. (surcharge de 26,35 %).

Pour chacune de ces infractions, le Ministère pu-
blic neuchâtelois a notifié une ordonnance pénale aux
chauffeurs. Chacun d'entre eux a fait opposition.

Par un jugement du 13 décembre 2000, le Tribunal de
police du district de Boudry a déclaré les intéressés
coupables en application des art. 9 al. 6 let. b et c, 30
al. 2, 96 ch. 1 al. 3 LCR, 67 al. 1 let. b et d OCR, 95
al. 1 let. g OETV, 48, 63 CP (et 68 CP pour H.________);
les amendes prononcées sont les suivantes:

700 fr. pour A.________,
500 fr. pour B.________,
200 fr. pour C.________,
1200 fr. pour D.________,
300 fr. pour E.________,
500 fr. pour F.________,
500 fr. pour G.________,

700 fr. pour H.________,
500 fr. pour I.________ et
700 fr. pour J.________.

Statuant le 13 juillet 2001, la Cour de cassation
pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois a rejeté le
pourvoi déposé par les dix condamnés.

B.- Les dix condamnés ont saisi en commun le Tri-
bunal fédéral d'un pourvoi en nullité tendant à l'annu-
lation de l'arrêt du 13 juillet 2001 et au renvoi de la
cause à l'autorité cantonale, sous suite de frais et
dépens.

L'autorité cantonale a déclaré n'avoir pas d'obser-
vations à formuler.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Le pourvoi en nullité est de nature cassa-
toire (art. 277ter al. 1 PPF; ATF 108 IV 154 consid. 1b;
106 IV 194 consid. 1a). Les conclusions tendant à autre
chose qu'à l'annulation de l'arrêt attaqué sont ainsi
irrecevables.

b) La Cour de céans saisie d'un pourvoi en nullité
est liée par les constatations de fait de l'autorité
cantonale (art. 277 bis al. 1 PPF). Dans la mesure où les
recourants s'écartent de l'état de fait, notamment en
affirmant qu'il était impossible aux chauffeurs de se
douter de la surcharge vu le mélange de matériaux à
évacuer, le pourvoi est dès lors irrecevable.

2.- a) aa) En se fondant sur plusieurs témoignages
et en se référant aux constatations du Tribunal de police
qui la lient, l'autorité cantonale a retenu que tous les
chauffeurs en cause avaient circulé sur la route canto-
nale RC5 au volant de camions surchargés. Le tronçon
qu'ils empruntaient ne faisait pas partie d'un chantier.
De plus, les intéressés ne pouvaient pas se prévaloir de
"tolérances", car une seule tolérance avait été décidée
par la police cantonale pour l'an 2000, limitée à une
courte distance entre Areuse et le giratoire des Esserts.
Aucune autorisation particulière, au sens de l'art. 78 ss
OCR, n'avait été sollicitée.

bb) En raison de ces faits, l'autorité cantonale a
considéré que les recourants avaient violé, par négli-
gence, les dispositions fédérales relatives au poids
maximum des véhicules et à l'interdiction des surcharges
(art. 9 al. 6 let. b et c, 30 al. 2 LCR, 67 al. 1 let. b
et d OCR et 95 al. 1 let. g OETV).

Selon la Cour cantonale, les recourants ont, du
point de vue objectif, violé des devoirs de prudence,
violation qui peut leur être imputée du point de vue
subjectif; les surcharges constatées sont de 11,21 à
36,35 % par rapport au poids total autorisé et la compa-
raison avec une charge utile (différence entre le poids
total et le poids à vide) de 16 t., fait apparaître un
surplus de 19,63 % à 63,63 %. D'après l'arrêt attaqué, vu
la formation et l'expérience des chauffeurs, ceux-ci ne
pouvaient pas ignorer que leur véhicule était surchargé;
dès lors, ils se seraient rendus coupables de violation
de l'art. 96 ch. 1 al. 3 LCR.

b) Les recourants font valoir une violation de
l'art. 18 al. 3 CP. Ils admettent que, du point de vue
objectif, les règles de prudence relatives au poids

maximum des véhicules (art. 9 al. 6 let. b et c, 30 al. 2
LCR, 67 al. 1 let. b et d OCR, 95 al. 1 let. g OETV) ont
été violées. En revanche, ils soutiennent que l'autorité
cantonale n'a pas tenu compte de l'ensemble des circons-
tances. On reprocherait en fait aux accusés de n'avoir
pas pesé leur chargement, mais cela n'aurait pas été
possible vu le mélange de matériaux à évacuer, dont la
masse volumique ne pouvait pas être déterminée en détail;
ainsi, le lien de causalité adéquate ferait défaut. Le
fait d'être en surcharge serait totalement indépendant de
leur capacité de calculer le poids admis et donc de
respecter cette limite; la puissance des camions de 500
CV ne permettrait pas de remarquer une différence dans la
conduite résultant d'une surcharge. Tous les chauffeurs
se seraient efforcés de vérifier que le chargement soit
effectué correctement et dans le respect des normes de
sécurité. Malgré leur expérience il ne leur serait pas
possible de déterminer le poids chargé. Ainsi, aucune
imprévoyance coupable ne leur serait imputable.

c) Dans la faible mesure où ils sont recevables,
les griefs des recourants sont infondés. La jurisprudence
du Tribunal fédéral la plus récente sur la notion de
violation des devoirs de prudence a été publiée aux ATF
127 IV 62 consid. 2d (voir aussi ATF 127 IV 34 consid. 2a
p. 38). Un comportement viole un devoir de prudence
lorsque l'auteur, au moment de l'acte et compte tenu des
circonstances ainsi que de sa formation et de ses capa-
cités, aurait pu et dû percevoir la mise en danger ainsi
créée pour les biens juridiquement protégés de la vic-
time; de plus, l'auteur doit avoir outrepassé les limites
du risque acceptable. Dans les domaines où il existe des
normes spécifiques qui imposent un comportement précis,
la mesure de la prudence à observer se détermine en pre-
mier lieu selon ces prescriptions.

En l'espèce, il est incontesté que les dispositions
de la LCR et de ses ordonnances d'application relatives
aux poids des véhicules sont déterminantes (voir l'art. 7
OETV - RS 741.41 - s'agissant de la définition des diffé-
rents poids réglementés). L'autorité cantonale a constaté
que le poids total, soit le poids maximal déterminant
pour l'immatriculation (art. 7 al. 4 OETV), a été dépassé
parfois massivement mais de 11,21 % dans le cas le moins
grave; cette constatation lie la Cour de céans. Il est
également constaté que les dix chauffeurs en cause ont
plusieurs années d'expérience en tant que professionnels.
Dès lors, la conclusion qui résulte de ce fait, soit
qu'en raison de leur formation et de leur expérience ils
auraient pu et dû se rendre compte de la surcharge, ne
viole pas le droit fédéral. Cela est d'autant plus con-
vaincant lorsque l'on considère que les recourants, forts
de leurs années de conduite de camions, se rendaient ai-
sément compte du comportement du véhicule roulant à vide
donc du poids à vide (art. 7 al. 1 OETC, soit le poids du
véhicule non chargé et prêt à rouler, réfrigérant, lubri-
fiant, carburant, équipement additionnel éventuel tel que
la roue de secours, etc. compris); ils devaient évaluer
ainsi uniquement le poids supplémentaire, dépassant la
charge utile, apporté par le chargement. Cette surcharge
se situait entre plus de 19 % et plus de 63 %. Contraire-
ment à ce que soutiennent les recourants, il ne leur est
pas reproché d'avoir omis de peser leur véhicule. L'auto-
rité cantonale se limite à considérer qu'ils auraient dû
remarquer les surcharges dépassant de beaucoup le poids
maximum autorisé.

Il est tenu compte des difficultés inhérentes à
l'évaluation exacte du poids du chargement à l'art. 67
al. 8 OCR. Selon cette disposition, les dépassements
n'excédant pas 5 % des poids autorisés pour les véhicules
et les ensembles de véhicules ne font pas l'objet d'une

sanction. Il s'agit d'une exemption de peine dans des cas
de peu de gravité. Cette tolérance résulte du fait qu'il
est souvent difficile dans la pratique d'évaluer le poids
d'un chargement (ATF 126 IV 99 consid. 4b, p. 103). La
limite de 5 % est cependant absolue. Ici, elle a été
dépassée de plus du double, dans le cas le moins grave.
Si l'on admettait les arguments présentés, toutes les
règles sur les limites de poids seraient vidées de leur
substance. Nombreuses sont les situations où l'estimation
du poids du chargement ou du poids total n'est pas fa-
cile. Dans de telles situations, le chauffeur doit alors
se montrer particulièrement attentif et prudent afin
d'éviter le risque d'une surcharge passible d'une
sanction prévue à l'art. 96 ch. 1 al. 3 LCR.

La référence des recourants à l'arrêt non publié de
la Cour de céans du 31 mai 1999 (no 6S.16/1999) ne modi-
fie pas les considérations juridiques qui précèdent et on
ne discerne pas en quoi cette décision viendrait à l'ap-
pui de leur argumentation. Il s'agissait d'un cas où le
rapport de causalité naturelle entre une omission et des
lésions corporelles graves faisait défaut; cette question
ne se pose pas dans le cas des recourants.

3.- Le pourvoi est rejeté dans la mesure où il est
recevable. Un émolument judiciaire est mis à charge des
recourants qui n'obtiennent pas gain de cause (art. 278
al. 1 PPF); ils en répondent solidairement entre eux, par
dixième.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

1. Rejette le pourvoi dans la mesure où il est
recevable;

2. Met à la charge des recourants, solidairement
entre eux, un émolument judiciaire de 3000 fr.;

3. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire des recourants, au Ministère public du canton de
Neuchâtel et à la Cour de cassation pénale du Tribunal
cantonal neuchâtelois.
____________

Lausanne, le 29 octobre 2001

Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.571/2001
Date de la décision : 29/10/2001
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-10-29;6s.571.2001 ?
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