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29/10/2001 | SUISSE | N°2P.302/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 octobre 2001, 2P.302/2000


2P.302/2000
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

29 octobre 2001

Composition de la Cour: MM. et Mmes les Juges Wurzburger,
président, Hungerbühler, Klett, Müller, Yersin, Merkli et
Zünd, juge suppléant. Greffière: Mme Rochat.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________, représenté par Me Malek Buffat Reymond, avocat à
Pully,

contre

la loi vaudoise du 5 septembre 2000 sur les armes, les acces-
s

oires d'armes, les munitions et les substances explosibles;

(art. 49 al. 1 Cst.: force dérogatoire du droit fédéral)
...

2P.302/2000
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

29 octobre 2001

Composition de la Cour: MM. et Mmes les Juges Wurzburger,
président, Hungerbühler, Klett, Müller, Yersin, Merkli et
Zünd, juge suppléant. Greffière: Mme Rochat.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________, représenté par Me Malek Buffat Reymond, avocat à
Pully,

contre

la loi vaudoise du 5 septembre 2000 sur les armes, les acces-
soires d'armes, les munitions et les substances explosibles;

(art. 49 al. 1 Cst.: force dérogatoire du droit fédéral)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 5 septembre 2000, le Grand Conseil du canton
de Vaud a adopté la loi vaudoise sur les armes, les accessoi-
res d'armes, les munitions et les substances explosibles (en
abrégé: LArm.vaud), qui a été publiée dans la Feuille fédéra-
le des avis officiels du 26 septembre 2000. Chargé d'en assu-
rer l'exécution, le Conseil d'Etat a fixé son entrée en vi-
gueur au 17 novembre 2000.

La nouvelle loi régit l'application, dans le canton
de Vaud, de la législation fédérale sur les armes, ainsi que
celle sur le matériel de guerre et les substances explosi-
bles. Son but vise à prévenir et à lutter contre l'utilisa-
tion abusive d'armes, d'accessoires d'armes, de munitions et
de substances explosibles (art. 1er). A cette fin, elle
règle
notamment les formes spéciales de vente et les bourses aux
armes (chapitre III, art. 6 à 15), ainsi que le commerce des
substances explosibles (chapitre IV, art. 16 à 19), autorise
le Conseil d'Etat, le Département de la sécurité et de l'en-
vironnement (ci-après: le département) ou la police
cantonale
à prendre des mesures spéciales en cas de trouble (chapitre
VI art. 23) et contient diverses dispositions au chapitre
VII, sur le contrat de vente écrit (art. 25), les sanctions
pénales (art. 26) et le recours (art. 27).

B.- Le 18 décembre 2000, X.________ a formé un re-
cours de droit public contre la loi vaudoise du 5 septembre
2000 sur les armes, les accessoires d'armes, les munitions
et
les substances explosibles. Invoquant une violation de la
force dérogatoire du droit fédéral (art. 49 al. 1 Cst.), il
conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation des
art. 6 al. 2, 7, 8, 9 à 15, 16 al. 2, 23, 25 et 26 al. 1 de
la loi précitée.

Le Grand Conseil du canton de Vaud met en doute la
qualité pour recourir du recourant et conclut au rejet du re-
cours sous suite de frais.

Les parties ont maintenu leurs conclusions au terme
du second échange d'écritures ordonné conformément à l'art.
93 al. 2 OJ.

Appelé à se prononcer en application de l'art. 110
al. 1 OJ, le Département fédéral de justice et police s'est
déterminé sur chaque disposition attaquée et a retenu que
seuls les art. 6 al. 2, 7, 8 , 16 al. 2 et 25 n'étaient pas
compatibles avec le droit fédéral, la réglementation
contenue
aux art. 7, 8 et 16 al. 2 LArm.vaud étant toutefois applica-
ble aux engins pyrotechniques.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Le recours de droit public est recevable
lorsqu'il est formé, comme en l'espèce, contre un arrêté can-
tonal de portée générale pour violation des droits constitu-
tionnels des citoyens (art. 84 al. 1 lettre a OJ).

b) L'exigence de l'épuisement des voies de droit
cantonales prévue par l'art. 86 al. 1 OJ vaut également pour
les recours de droit public formés contre les arrêtés canto-
naux de portée générale (ATF 124 I 11 consid. 1a p. 13, 159
consid. 1b p. 161; 119 Ia 321 consid. 2a p. 324; SJ 1998 489
consid. 1b). Le droit vaudois ne prévoyant pas de contrôle
abstrait des lois cantonales (cf. art. 4 et 29 de la loi vau-
doise du 18 décembre 1989 sur la juridiction et la procédure
administrative), le présent recours est recevable en tant
qu'il est formé directement devant le Tribunal fédéral.

c) Le délai de trente jours prévu à l'art. 89 al. 1
OJ pour déposer un recours de droit public contre un arrêté
de portée générale soumis, comme en l'espèce, au référendum
facultatif a commencé à courir dès la promulgation de cet ac-
te par le Conseil d'Etat dans la Feuille des avis officiels
du canton de Vaud, soit le 17 novembre 2000 (ATF 125 II 440
consid. 1b p. 442; 124 I 145 consid. 1b p. 148). Mis à la
poste le 18 décembre 2000, le présent recours a été déposé
en
temps utile.

d) Lorsque le recours est dirigé contre un arrêté de
portée générale, la qualité pour recourir, au sens de l'art.
88 OJ, est reconnue à toute personne dont les intérêts juri-
diquement protégés sont effectivement touchés par l'acte at-
taqué ou pourront l'être un jour (ATF 125 I 173 consid. 1b
p.
174, 474 consid. 1 p. 477; 125 II 440 consid. 1c p. 442). En
sa qualité de collectionneur et d'acquéreur d'armes
domicilié
dans le canton de Vaud, le recourant peut prétendre que la
loi vaudoise sur les armes, les accessoires d'armes, les mu-
nitions et les substances explosibles du 5 septembre 2000
porte atteinte à son droit d'acquérir et de posséder une
arme
garanti par l'art. 3 LArm et constitue une entrave supplémen-
taire dans ses activités; il a donc qualité pour recourir se-
lon l'art. 88 OJ.

e) En outre, selon l'art 90 al. 1 OJ le recours de
droit public doit, pour être recevable, non seulement conte-
nir les conclusions du recourant (lettre a), mais aussi un
exposé des faits essentiels et un exposé des droits constitu-
tionnels ou des principes juridiques violés, précisant en
quoi consiste la violation (lettre b). Saisi d'un recours de
droit public, le Tribunal fédéral n'a pas à vérifier de lui-
même si la décision entreprise est en tous points conforme
au
droit ou à l'équité; il est lié par les moyens invoqués dans
le recours et peut se prononcer uniquement sur les griefs de
nature constitutionnelle que le recourant a non seulement in-

voqués, mais encore suffisamment motivés (ATF 125 I 71 con-
sid. 1c p. 76; 122 I 70 consid. 1c p. 73; 119 Ia 197 consid.
1d p. 201; 118 Ia 64 consid. 1b p. 67).

2.- a) Le recourant soutient essentiellement que les
dispositions attaquées violent le principe de la force déro-
gatoire du droit fédéral garanti par l'art. 49 al. 1 Cst.

Selon cette disposition, qui a remplacé la règle dé-
duite de l'art. 2 Disp. trans. aCst., le droit fédéral prime
le droit cantonal qui lui est contraire. Cela signifie que
les cantons ne sont pas autorisés à légiférer dans les domai-
nes exhaustivement réglementés par le droit fédéral (ATF 127
I 60 consid. 4a p. 68 et les arrêts cités; Ulrich Häfelin/
Walter Haller, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, Die neue
Bundesverfassung, Zurich 2001, n. 1185 à 1187, p. 335/ 336).
Dans les autres domaines, les cantons peuvent édicter des rè-
gles de droit qui ne violent ni le sens ni l'esprit du droit
fédéral, et qui n'en compromettent pas la réalisation (ATF
125 II 56 consid. 2b p. 58, 315 consid. 2a p. 316; 124 I 107
consid. 2a p. 109; 123 I 313 consid. 2b p. 316). Les règles
fédérales et cantonales ne peuvent toutefois coexister qu'en
l'absence de conflits (Andreas Auer/Giorgio Malinverni/
Michel Hottelier, Droit constitutionnel suisse, vol. I, n.
1037 et 1040, p. 367/368). Saisi d'un recours impliquant le
contrôle abstrait des normes fondé sur le principe de la for-
ce dérogatoire du droit fédéral, le Tribunal fédéral examine
librement la conformité de la règle de droit cantonal avec
le
droit fédéral. Il n'annule cependant une disposition cantona-
le que si elle ne se prête à aucune application ou interpré-
tation conforme à la Constitution (ATF 125 II 440 consid. 1d
p. 443; 123 I 313 consid. 2b p. 317; 122 I 343 consid. 3a p.
345 et les références citées).

b) Adopté à une large majorité par le peuple et les
cantons le 26 septembre 1993, l'art. 40bis aCst. (actuelle-

ment: art. 107 al. 1 Cst.) a donné à la Confédération la com-
pétence d'édicter des prescriptions contre l'usage abusif
des
armes, des accessoires d'armes et des munitions; il ne
s'agit
cependant pas d'un pouvoir illimité en matière de commerce
et
de port d'armes, mais d'une compétence partielle, limitée à
la lutte contre les abus (Tobias Jaag, Commentaire de la
Constitution fédérale de la Confédération suisse du 29 mai
1874, n. 10 et 21 ad art. 40bis Cst.). Edictée sur cette ba-
se, la loi fédérale sur les armes, les accessoires d'armes
et
les munitions du 20 juin 1997 (ci-après: la loi sur les
armes
ou LArm; RS 514.54), entrée en vigueur le 1er janvier 1999,
a
remplacé les dispositions cantonales en la matière, de même
que les règles contenues dans le Concordat sur le commerce
des armes et des munitions du 27 mars 1969 (RS 514.542) - au-
quel avaient adhéré tous les cantons au cours des années sep-
tante, à l'exception du canton d'Argovie - (voir Message du
Conseil fédéral concernant la loi fédérale sur les armes,
les
accessoires d'armes et les munitions du 24 janvier 1996, FF
1996 I p. 1001; Tobias Jaag, op. cit., n. 11 ad art. 40bis
Cst.; Hans Wüst, Schweizer Waffenrecht, Zurich 1999, p. 1 et
n. 5.1, p. 9). Depuis le 1er janvier 1999, les cantons n'ont
donc plus d'autonomie pour légiférer dans le domaine des ar-
mes. Par conséquent, ils ne sont plus habilités à édicter
des
règles de droit autonomes et peuvent seulement prendre des
dispositions d'exécution qui ne soient pas contraires à la
loi fédérale ou à son ordonnance d'exécution (Hans Wüst, op.
cit., n. 6, p. 12).

c) L'art. 38 al. 1 LArm prévoit ainsi que l'exécu-
tion de la loi incombe aux cantons, dans la mesure où elle
ne
relève pas de la Confédération. Les cantons sont donc
chargés
d'édicter les dispositions relatives aux tâches cantonales
d'exécution et de les communiquer à l'Office central des ar-
mes (38 al. 2 LArm et art. 47 al. 1 de l'ordonnance sur les
armes, les accessoires d'armes et les munitions du 21 septem-
bre 1998: ordonnance sur les armes, OArm; RS 514.541). La

plupart des cantons se sont acquittés de leur mission pour
l'entrée en vigueur de la loi au 1er janvier 1999 (par ex.:
AG, BS, FR, GE, NE, SH, ZG, ZH) ou dans les mois qui ont sui-
vi (par ex.: BL, BE, GR, SG, VS et TI) et se sont limités à
édicter des dispositions visant à désigner les autorités can-
tonales compétentes pour l'octroi des autorisations, voire à
fixer certaines modalités d'exécution de façon succincte.
Adoptée plus tardivement, la loi vaudoise présentement atta-
quée a certes été édictée dans le but de réglementer les com-
pétences des diverses autorités concernées, mais sans appor-
ter de changement essentiel par rapport à la législation can-
tonale antérieure, soit la loi vaudoise du 13 novembre 1963
sur le commerce des armes, des munitions et explosifs, et
sur
le port et la détention d'armes, ainsi que le règlement du
16
juillet 1986 sur les armes et les munitions (voir Exposé des
motifs à l'appui du projet de loi, in Bulletin des séances
du
Grand Conseil, session de septembre 2000, p. 2089). C'est di-
re qu'à l'origine déjà, le législateur cantonal n'est pas
vraiment parti du principe que la loi fédérale sur les armes
remplaçait les réglementations cantonales en la matière.

3.- a) Le recourant s'en prend principalement à
l'art. 25 LArm.vaud, ainsi libellé :

"Lors d'une acquisition d'armes de particulier à
particulier, une copie de contrat écrit doit être
communiquée par les parties à la police cantonale."

Il soutient que cette disposition impose une con-
trainte supplémentaire aux parties, alors que la loi
fédérale
sur les armes, à son article 11, règle de manière complète
et
exclusive l'acquisition d'armes de particulier à
particulier.
Selon lui, il ressort clairement des débats aux Chambres fé-
dérales que le législateur entendait préserver le droit à un
libre transfert dans les cas de ventes d'armes entre particu-
liers et qu'il a estimé que la solution du contrat écrit, as-
sortie de l'unique obligation de conserver ce contrat
pendant
dix ans (voir art. 11 LArm) a été choisie après un analyse
approfondie et de longs débats.

De son côté, le Grand Conseil vaudois estime que la
communication, à titre de renseignement, d'une copie du con-
trat écrit exigé par l'art. 11 LArm est nécessaire à la
bonne
application de la loi fédérale, car cette mesure constitue
la
seule possibilité de contrôle par les autorités. Avant
l'adoption de la disposition contestée, le Conseil d'Etat
avait d'ailleurs pris la précaution de demander l'avis de
l'Office fédéral de la police, pour s'assurer qu'il n'y
avait
pas de contradiction entre la loi vaudoise et la volonté du
législateur fédéral (voir Bulletin des séances du Grand Con-
seil, septembre 2000, p. 2117).

b) Il est vrai qu'en édictant l'art. 25 LArm.vaud,
le Grand Conseil vaudois a estimé que la réglementation pré-
vue à l'art. 11 LArm présentait un défaut majeur, du moment
qu'elle ne prévoyait aucune transmission à l'autorité du con-
trat écrit lors de la vente entre particuliers, la seule
obligation pour les parties étant de conserver ce contrat
pendant dix ans (art. 11 LArm). Le législateur vaudois en a
déduit que la loi fédérale contenait une lacune et que rien
ne s'opposait à l'introduction d'une mesure de contrôle par
le droit cantonal (voir Bulletin des séances du Grand Con-
seil, septembre 2000, p. 2094).

Cette interprétation est erronée, au vu des débats
parlementaires. La question de la vente d'armes entre parti-
culiers a en effet donné lieu à une discussion animée aux
Chambres fédérales lors de l'élaboration du projet de loi
(voir BO CE 1996 p. 506 ss et BO CN 1997 I p. 9 ss). A cet
occasion, les députés qui estimaient
que la liberté de tout
citoyen suisse de posséder et de porter une arme faisait par-
tie de la tradition se sont en effet heurtés à ceux qui con-

sidéraient que la lutte contre l'usage abusif des armes
était
prioritaire et voulue par la majorité de la population
suisse
depuis l'acceptation de l'art. 40bis aCst. par 86% du corps
électoral et l'ensemble des cantons (voir notamment BO CE
1996 p. 511 et BO CN 1997 p. 33 et 38). Ainsi, deux concep-
tions sur les mesures à prendre pour réglementer l'acquisi-
tion d'armes s'opposaient: d'une part, les députés estimant
que seul le premier transfert, lors de l'acquisition auprès
d'un commerçant, devait faire l'objet d'une autorisation et,
d'autre part, les partisans d'un permis d'acquérir après cha-
que transfert. Finalement, le système de l'absence d'autori-
sation d'acquérir entre particuliers, tel que que l'avait
proposé le Conseil fédéral (FF 1996 I p. 1009) en comptant
sur le sens des responsabilités du vendeur et de l'acheteur,
s'est imposé avec, comme palliatif, l'obligation de
conclure
un contrat écrit que chaque partie est tenue de conserver
pendant une durée de dix ans (BO CN 1997 I p. 33 et 39). Le
Conseil des Etats a fini par se rallier à cette proposition,
même s'il estimait plus logique de prévoir une autorisation
dans tous les cas, avec certaines exceptions (BO CE 1997 p.
441).

Actuellement, les art. 9 et 10 LArm prévoient donc
qu'il n'est pas nécessaire d'obtenir un permis pour les ven-
tes entre particuliers, de même que pour l'acquisition de
certaines armes définies par la loi. Toutefois, ces aliéna-
tions doivent être consignées dans un contrat écrit qui doit
être conservé par chaque partie pendant au moins dix ans et
contenir les indications énumérées par la loi (art. 11
LArm).
Il est vrai que la solution retenue peut créer un risque
d'abus en raison de l'absence de contrôle des contrats con-
clus par l'autorité. Ce risque a été dénoncé au mois d'avril
2000 déjà par le canton de Genève, dont l'initiative a toute-
fois été rejetée par le Conseil des Etats, lors de sa séance
du 13 décembre 2000; cette question a également fait l'objet
d'une motion de la part de la Commission du Conseil des

Etats, laquelle a été transmise sous forme de postulat en
vue
d'une révision de la loi fédérale (voir BO CE 2000 p. 912 à
915). Ainsi que le relève le Département fédéral de justice
et police dans sa réponse au présent recours, la réglementa-
tion du commerce d'armes entre particuliers a été critiquée
à
plusieurs reprises par certains cantons ou parlementaires et
devra être revue lors d'une prochaine révision de la loi.

Dans ces circonstances, le Grand Conseil vaudois a
clairement pris une mesure de protection contraire au droit
fédéral, en prévoyant que le contrat écrit entre
particuliers
devait être communiqué à la police cantonale. L'art. 25
LArm.vaud viole dès lors le principe de la force dérogatoire
du droit fédéral et doit être annulé.

4.- Le recourant s'en prend ensuite à certaines for-
mes spéciales de ventes prévues par la loi vaudoise du 5 sep-
tembre 2000, en tant qu'elles imposeraient des restrictions
supplémentaires par rapport aux mesures relevant de la lutte
contre un usage abusif, qui doivent être réglementées exclu-
sivement par la loi fédérale. Il s'agit des art. 6 al. 2, 7
et 8, ainsi que 9 à 15 LArm.vaud, qui seront examinées sépa-
rément ci-après.

a) L'art. 6 de la loi cantonale sur la vente aux en-
chères soumet les autorités et organisateurs à la loi fédéra-
le (al. 1), mais prévoit, à son alinéa 2, que:

"Si l'organisateur n'est pas lui-même titulaire de
la patente de commerce d'armes, une personne qui en
bénéficie ou la police cantonale doit assister à la
vente et procéder, sous sa propre responsabilité, à
l'inscription des armes vendues dans un inventaire
comptable spécialement ouvert à cet effet."

Selon le Département fédéral de justice et police,
la vente aux enchères est assimilable à un commerce d'armes

et non à une vente privée; par conséquent, l'organisateur de
la vente doit être titulaire d'une patente acquise aux condi-
tions fixées aux art. 17 al. 2 LArm et 18 OArm et a
notamment
l'obligation de tenir un inventaire comptable (art. 21
LArm).
Or, dans la mesure où la police est soustraite au champ d'ap-
plication de la loi (art. 2 al. 1 LArm), rien ne garantit
qu'elle possède les mêmes compétences de contrôle qu'un mar-
chand d'armes, lesquelles ont en outre l'avantage d'être
équivalentes dans toute la Suisse. L'art. 6 al. 2 de la loi
vaudoise serait donc contraire au droit fédéral, en tant
qu'il règle un problème qui concerne la lutte contre les
abus, du seul ressort de la Confédération.

Cette question n'a toutefois pas à être approfondie
en l'espèce, dans la mesure où elle relève de l'intérêt pu-
blic général, dont un particulier ne peut pas se prévaloir
par la voie du recours de droit public (ATF 126 I 43 consid.
1a p. 44; 123 I 279 consid. 3c/dd p. 281). Le recourant n'in-
dique d'ailleurs pas en quoi il pourrait être concerné par
la
compétence de la police cantonale de procéder à une vente
aux
enchères. Il n'a donc pas qualité pour demander l'annulation
de l'art. 6 al. 2 LArm.vaud.

b) Selon l'art. 7 LArm.vaud:

"Le déballage d'armes, d'accessoires d'armes, de mu-
nitions et de substances explosibles est interdit,
à
l'exception de celui pratiqué dans les bourses aux
armes par les titulaires de patente de commerce
d'armes."

Quant à l'art. 8 LArm.vaud, il dispose que:

"Le colportage et la vente sur la voie publique
d'armes, d'accessoires d'armes, de munitions et de
substances explosibles sont interdits."

Le recourant met seulement en cause la compétence du
canton à réglementer les formes de vente en dehors des
locaux
spéciaux des commerçants d'armes, tels qu'ils sont définis à
l'art. 17 al. 2 lettre d LArm et dans l'ordonnance du Dépar-
tement fédéral de justice et police du 21 septembre 1998 sur
les exigences minimales relatives aux locaux servant au com-
merce d'armes (RS 514.544.2). On peut toutefois admettre que
l'intéressé - qui n'est pas titulaire d'une patente de mar-
chand d'armes - puisse être personnellement touché, en sa
qualité d'acquéreur, par les interdictions de ventes prescri-
tes aux art. 7 et 8 LArm.vaud.

Comme le relève à juste titre le Département fédéral
de justice et police, les dispositions cantonales précitées
ne sont certes en contradiction ni avec la loi fédérale sur
les armes, ni avec la loi fédérale sur les substances explo-
sibles du 25 mars 1977, en sa teneur au 31 mars 1998 (loi
sur
les explosifs, Lexpl; RS 941.41). Il ne s'agit cependant pas
de simples dispositions d'exécution, mais de règles de droit
matériel qui reprennent ou complètent le droit fédéral. Or,
les dispositions cantonales sur le commerce des armes et des
explosifs qui empiètent sur les compétences de la Confédéra-
tion et ne sont en principe pas valables pour cette raison
déjà, indépendamment du fait qu'elles ne contredisent pas le
droit fédéral ou soient même en accord avec ce dernier
(Häfelin/Haller, op. cit. n. 1185, p. 335; P. Saladin, Com-
mentaire de la Constitution de la Confédération suisse du 29
mai 1874, n. 25 ad art. 2 disp. trans. aCst.). En ce qui con-
cerne toutefois le commerce d'armes, l'art. 17 al. 2 lettre
d
LArm exige seulement que le commerçant dispose de locaux spé-
ciaux pour conserver la marchandise en toute sécurité, le Dé-
partement étant chargé d'édicter les prescriptions
techniques
(art. 17 al. 4 LArm). Il paraît donc possible que le canton,
compétent pour édicter des règles de police, notamment en ma-
tière de colportage, puisse prendre des mesures complémentai-
res visant à interdire les formes de ventes en dehors de ces

locaux, sans empiéter sur les compétences de la
Confédération
(Häfelin/Haller, op. cit. n. 1092, p. 311). En revanche, en
ce qui concerne les explosifs, à l'exception du commerce de
détail des engins pyrotechniques de divertissement que
l'art.
44 LExpl permet aux cantons de limiter, la loi fédérale con-
tient une réglementation très complète, qui ne laisse aucune
place aux dispositions cantonales: tel est notamment le cas
des art. 15 (commerce prohibé chez les forains et marchands
ambulants) ou 20 (entreposage de matières explosives), 22
(mesures de sécurité). Les art. 7 et 8 de la loi vaudoise
doivent dès lors être annulés dans cette mesure.

c) Quant aux art. 9 à 15 LArm.vaud, ils réglementent
la bourses aux armes. A cet égard, seuls les griefs du recou-
rant relatifs à l'art. 12 LArm.vaud sont motivés
conformément
à l'art. 90 al. 1 OJ et à la jurisprudence (voir supra con-
sid. 1e). Cette disposition prévoit que:

"L'exposition d'armes et d'accessoires d'armes dont
l'acquisition, le port, le courtage et
l'importation
sont prohibés par la législation est interdite.

La police cantonale peut autoriser une telle expo-
sition lorsqu'elle vise un but pédagogique ou docu-
mentaire."

Selon le recourant, l'art. 5 LArm contient une énu-
mération exhaustive des actes prohibés en relation avec les
armes. Dès lors que le législateur n'a pas jugé utile d'in-
terdire l'exposition d'armes, celle-ci ne saurait être pros-
crite par le canton.

Dans le domaine des bourses aux armes, le droit fé-
déral ne contient pas de réglementation spéciale. Comme le
relève le Département fédéral de justice et police dans sa
réponse au recours, les cantons disposent donc d'une
certaine
marge de manoeuvre pour édicter des dispositions complémen-
taires. En ce qui concerne les armes dont l'acquisition est

interdite par la loi fédérale (art. 5 al. 1 LArm), le canton
de Vaud a donc la faculté d'en interdire l'exposition. A no-
ter que l'art. 12 al. 1 LArm.vaud n'empêche pas l'exposition
des armes ou accessoires dont l'acquisition est autorisée
(voir la réserve contenue à l'art. 7 LArm.vaud). En outre,
la
police cantonale peut autoriser des exceptions dans un but
pédagogique ou documentaire (art. 12 al. 2 LArm.vaud).
L'art.
12 LArm.vaud ne viole donc pas le droit fédéral.

5.- Le recourant critique encore l'art. 16 al. 2
LArm.vaud, ainsi libellé:

"Il est interdit de faire le commerce des substances
explosibles, notamment des engins pyrotechniques,
par correspondance."

Ainsi qu'on l'a vu (supra, consid. 4b), le commerce
des explosifs est réglé de manière détaillée par la loi fédé-
rale (art. 8a ss LExpl), de sorte que le canton ne dispose
pas d'une compétence propre pour réglementer cette question.
Quant aux engins pyrotechniques, réservés à l'art. 44 LExpl,
le canton peut certes prévoir une réglementation plus sévère
pour leur commercialisation, mais cette compétence ne
saurait
s'étendre à l'acheminement par voie postale, réglé par les
prescriptions de la législation fédérale et les accords in-
ternationaux [art. 3 al. 2 et 24 al. 3 LExpl; voir également
l'ordonnance du Conseil fédéral relative au transport des
marchandises dangereuses par route du 17 avril 1985, en sa
teneur au 23 février 1999, (SDR; RS 741.621) qui rend appli-
cable au trafic national les dispositions de l'Accord euro-
péen du 30 septembre 1957 relatif au transport international
des marchandises dangereuses par route (ADR), y compris ses
annexes A et B, et définit le champ d'application desdites
dispositions à raison des personnes (art. 2 SDR)]. Il s'en-
suit que l'art. 16 al. 2 de la loi vaudoise est contraire au
droit fédéral et doit être annulé.

6.- Le recourant juge également contraire au princi-
pe de la force dérogatoire du droit fédéral l'art. 23
LArm.vaud, prévoyant que:

"En cas de troubles ou de menace de désordres, de
réunions nombreuses ou d'attroupements, le Conseil
d'Etat, le département ou la police cantonale peu-
vent:

a) ordonner la fermeture provisoire des commerces
vendant des armes et des substances explosibles;

b) interdire de façon générale la vente d'armes;

c) interdire de façon générale le port d'armes.

Les préfets, les municipalités et les polices muni-
cipales ont le même pouvoir dans les limites de
leurs compétences territoriales respectives.

Seuls le Conseil d'Etat ou le département peuvent
prononcer ces mesures pour une durée dépassant qua-
rante-huit heures."

Cette disposition tend à concrétiser, en matière
d'armement, les pouvoirs extraordinaires des autorités en
cas
de troubles, compétences qui découlent normalement de la
clause générale de police. Selon Le recourant, cette clause
permet certes aux cantons de déroger au droit ordinaire,
avec
ou sans base légale, mais elle ne leur confère pas le
pouvoir
de déroger au droit fédéral. Il estime donc que si la loi fé-
dérale n'interdit pas le commerce et le port d'armes en cas
de réunions nombreuses ou d'attroupements, la loi cantonale
ne peut pas non plus réserver cette possibilité à son exécu-
tif cantonal.

Le recourant ne saurait toutefois être suivi sur ce
point. Le fait que la loi fédérale ne contienne pas de dispo-
sitions sur les situations particulières qui peuvent se pro-
duire en cas de troubles, laisse au contraire la possibilité
aux cantons d'édicter une réglementation à titre préventif
pour pallier à toute éventualité. Cela va d'ailleurs dans le

sens de l'art. 36 al. 1 Cst. qui permet aux autorités, tant
fédérales que cantonales, de limiter les droits fondamentaux
en cas de danger sérieux, direct et imminent. Rien n'empêche
de déroger, dans les mêmes conditions, aux règles de la loi
fédérale sur les armes. Au stade du contrôle abstrait des
normes, l'art. 23 LArm.vaud n'apparaît donc pas contraire au
droit fédéral.

7.- Le recourant fait
enfin valoir que l'art. 26 al.
1 LArm.vaud., prescrivant que "les contraventions à la pré-
sente législation sont punies des arrêts ou de l'amende",
est
trop générale, dans la mesure où il permet de réprimer égale-
ment les atteintes à la loi fédérale.

Il s'agit toutefois là d'une norme d'exécution qui,
comme son texte l'indique clairement, doit servir à réprimer
les violations aux dispositions de la loi cantonale, elles-
mêmes compatibles avec le droit fédéral. Dans ces
conditions,
l'art. 26 al. 1 de LArm.vaud se prête à une interprétation
conforme à la Constitution et ne saurait être annulé, parce
que le recourant ne le juge pas suffisamment précis.

8.- Au vu de ce qui précède, le recours doit être
partiellement admis, dans la mesure où il conclut à l'annu-
lation des art. 7 et 8 - en tant que ces dispositions con-
cernent les explosifs, à l'exception du commerce des engins
pyrotechniques réservé par l'art. 44 LExpl -, 16 al. 2 et 25
LArm.vaud. Le recourant devra donc verser un émolument de
justice réduit pour la partie de son recours où il succombe
(art. 156 al. 1 OJ), aucun frais n'étant mis à la charge du
canton dont les intérêts pécuniaires ne sont pas en cause
(art. 156 al. 2 OJ). En revanche, le canton de Vaud devra
verser au recourant une indemnité réduite à titre de dépens
(art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

1. Admet partiellement le recours et annule les art.
7 et 8 de la loi vaudoise du 5 septembre 2000 sur les armes,
les accessoires d'armes, les munitions et les substances ex-
plosibles, en tant qu'ils concernent les explosifs, à l'ex-
ception des engins pyrotechniques, ainsi que ses art. 16 al.
2 et 25.

2. Rejette le recours pour le surplus dans la mesure
où il est recevable.

3. Met à la charge du recourant un émolument judi-
ciaire réduit de 1'500 fr.

4. Dit que le canton de Vaud versera au recourant
une indemnité de 2'000 fr. à titre de dépens.

5. Communique le présent arrêt en copie à la manda-
taire du recourant, au Grand Conseil du canton de Vaud et au
Département fédéral de justice et police.
_______________

Lausanne, le 29 octobre 2001
ROC/elo

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.302/2000
Date de la décision : 29/10/2001
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-10-29;2p.302.2000 ?
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