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26/10/2001 | SUISSE | N°5C.127/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 octobre 2001, 5C.127/2001


«/2»
5C.127/2001

IIe C O U R C I V I L E
******************************

26 octobre 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme Nordmann, juges. Greffière: Mme Mairot.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

C.________, défenderesse et recourante, représentée par Me
Olivier Derivaz, avocat à Monthey,

et

1. J.________,
2. R.________,
3. G.________,
demandeurs et intimés, tous les trois représentés par Me
Clément Nanter

mod, avocat à Monthey;

(action en revendication; simulation)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suiv...

«/2»
5C.127/2001

IIe C O U R C I V I L E
******************************

26 octobre 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme Nordmann, juges. Greffière: Mme Mairot.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

C.________, défenderesse et recourante, représentée par Me
Olivier Derivaz, avocat à Monthey,

et

1. J.________,
2. R.________,
3. G.________,
demandeurs et intimés, tous les trois représentés par Me
Clément Nantermod, avocat à Monthey;

(action en revendication; simulation)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- De 1985 à avril 1994, C.________ a vécu marita-
lement avec R.________. Celui-ci, qui exploitait une entre-
prise de construction, a été mis en faillite le 14 décembre
1990. Liquidée en la forme sommaire, puis clôturée le 25 mai
1992, cette faillite a abouti à la délivrance d'actes de dé-
faut de biens pour un montant de l'ordre de 1'700'000 fr.

Selon une convention du 17 juillet 1992 rédigée par
R.________, C.________ a acquis de P.________ un mobilhome
sis dans un camping du canton de Vaud, pour le prix de
55'000
fr. Cet objet était destiné à servir de logement permanent
au
couple.

Le vendeur a affirmé qu'il avait traité cette affai-
re exclusivement avec R.________, qu'il considérait comme
l'acheteur et qui lui avait apporté l'argent; il n'a pas pu
expliquer pourquoi le contrat et les quittances avaient été
établis au nom de C.________. Celle-ci a admis avoir figuré
sur le contrat à la demande de R.________, déclaré en fail-
lite quelque temps auparavant, afin que l'achat du mobilhome
n'attire pas l'attention de l'office des poursuites.

Les parents de R.________, J.________ et
A.________, ont versé sur le compte bancaire de C.________
un
premier montant de 35'000 fr. le 1er septembre 1992, puis un
second, de 23'278 fr., le 8 septembre suivant. C.________ a
immédiatement retiré cet argent et l'a remis à son ami, qui
l'a utilisé pour payer le mobilhome à raison de 32'000 fr.
le
3 septembre et de 22'000 fr. le 9 septembre 1992, ainsi que
pour acquitter 3'000 fr. de taxe de raccordement. Les quit-
tances afférentes à ces trois règlements ont été libellées
au
nom de C.________.

Après s'être séparée de R.________, C.________ a
conservé la jouissance du mobilhome. Elle a toujours payé la
location de la place de camping ainsi que les différents im-
pôts, taxes et assurances s'y rapportant. Elle a également
consenti des impenses à hauteur de 13'000 fr. pour la cons-
truction d'annexes et d'aménagements extérieurs.

Dès la fin avril 1994, les parents de R.________ ont
réclamé à C.________ le remboursement de leur "prêt", avec
les intérêts. A la suite du refus de celle-ci, ils lui ont
écrit, le 10 novembre 1994, qu'ils étaient désormais proprié-
taires du mobilhome et qu'elle devait soit le quitter au
plus
vite, soit rembourser le montant prêté pour son acquisition.

Le 13 février 1995, J.________ et A.________ ont une
première fois ouvert action contre C.________, en concluant
initialement au remboursement de leur prêt. Après modifica-
tion de leurs conclusions, ils ont demandé à titre principal
la restitution du mobilhome, subsidiairement le
remboursement
dudit prêt.

Par jugement du 12 février 1998, le Tribunal canto-
nal du canton du Valais a déclaré irrecevable la demande des
époux J.________ et A.________ en restitution du mobilhome,
au motif que ce chef de conclusions avait été formulé tardi-
vement. La conclusion subsidiaire en remboursement du prêt a
été rejetée.

B.- Le 17 mars 1998, J.________ et A.________ ont
intenté contre C.________ une action en revendication du mo-
bilhome, en admettant devoir lui rembourser les investisse-
ments qu'elle y avait effectués.

A.________ est décédée le 20 juillet 1998. Ses hé-
ritiers légaux, soit son mari J.________ et ses fils

R.________ et G.________, se sont substitués à elle dans la
procédure.

Par jugement du 30 mars 2001, la IIe Cour civile du
Tribunal cantonal du canton du Valais a condamné la défende-
resse à restituer le mobilhome litigieux dans un délai de 30
jours dès l'entrée en force dudit jugement. Elle lui a aussi
donné acte que les demandeurs acceptaient de prendre à leur
charge tous les frais de déplacement de cet objet ainsi que
de remise en état du terrain et de la haie de clôture, y com-
pris les frais de dépose et de pose des annexes sur un autre
mobilhome sis sur la même place de camping.

C.- C.________ exerce un recours en réforme au Tri-
bunal fédéral contre ce jugement. Elle conclut au rejet de
l'action en revendication, le dossier étant retourné à la
Cour civile pour qu'elle statue sur les frais et dépens de
la
procédure cantonale.

Elle sollicite en outre le bénéfice de l'assistance
judiciaire.

Une réponse n'a pas été requise.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Interjeté en temps utile contre une décision fi-
nale rendue par l'autorité suprême du canton, dans une con-
testation civile de nature pécuniaire dont la valeur atteint
manifestement 8'000 fr., le recours est recevable au regard
des art. 46, 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ.

2.- La Cour civile a considéré que la convention de
vente signée le 17 juillet 1992 par P.________ et C.________
était nulle pour cause de simulation, au contraire du
contrat
dissimulé liant le vendeur à R.________. Celui-ci était dès

lors devenu propriétaire du mobilhome litigieux, sinon à la
signature de l'accord, voire à la fin août, du moins après
les deux versements du début septembre 1992.

La recourante conteste que l'on ait affaire à un cas
de simulation. Elle se plaint d'une violation de l'art. 18
CO
et reproche à l'autorité cantonale d'avoir enfreint l'art. 8
CC. Elle invoque aussi l'interdiction de l'abus de droit.

a) Un acte juridique est simulé lorsque les parties
conviennent d'émettre des déclarations de volonté qui ne con-
cordent pas avec leur volonté véritable. Les contractants dé-
clarent qu'ils veulent conclure un acte apparent (simulé),
mais ils passent en outre un accord interne manifestant leur
intention de ne pas accepter les effets essentiels de cet ac-
te dans leurs relations réciproques et, le cas échéant, dans
leurs relations avec les tiers autres que ceux qu'ils
veulent
tromper. Leur volonté véritable tendra soit à ne produire au-
cun effet juridique, soit à produire un autre effet que
celui
de l'acte apparent (ATF 112 II 337 consid. 4a p. 343; 97 II
201 consid. 5 p. 207 et les références). Dans ce dernier
cas,
les parties entendent en réalité conclure un second acte dis-
simulé (arrêts G. c. W. du 26 mars 1996, reproduit partielle-
ment in SJ 1996 p. 554, consid. 6; Houilles et Cokes SA c.
P.
et A. Bovey du 4 octobre 1967, reproduit partiellement in SJ
1969 p. 500, consid. 3 p. 503 et les citations; Jäggi/Gauch,
Commentaire zurichois, n. 95 ad art. 18 CO;
Kramer/Schmidlin,
Commentaire bernois, n. 114 ad art. 18 CO; Engel, Traité des
obligations en droit suisse, 1997, p. 224). La dissimulation
peut porter, entre autres éléments, sur l'identité d'une par-
tie (Parteisimulation; cf. arrêt W.W. Finance SA en liquida-
tion c. G. du 9 septembre 1987, reproduit partiellement in
SJ
1988 p. 117 ss, avec une référence à Jäggi/Gauch, op. cit.,
n. 160-163 ad art. 18 CO).

La constatation de la volonté interne des parties au
moment de la conclusion du contrat et celle des actes, paro-
les et attitudes par lesquels elles se sont exprimées relè-
vent du fait et lient le Tribunal fédéral saisi d'un recours
en réforme (art. 63 al. 2 OJ; ATF 126 III 375 consid. 2e/aa
p. 379 et les arrêts cités). C'est en revanche une question
de droit que de donner aux faits constatés par la
juridiction
cantonale leur qualification juridique et de juger notamment
si les parties ont suffisamment manifesté leur intention de
simuler, selon les principes de l'art. 1er CO, et si l'auto-
rité cantonale a défini exactement la notion de simulation
(ATF 97 II 201 consid. 5 p. 207 et les arrêts cités).

b) En l'espèce, la Cour civile a constaté souverai-
nement, sur la base de l'appréciation des preuves adminis-
trées, que la réelle et commune intention des parties à la
convention du 17 juillet 1992, à savoir P.________ et
C.________, était de conclure un contrat de vente qui
lierait
P.________ et R.________. Quant à la défenderesse, elle ne
devait apparaître que comme pseudo-acheteuse, afin de permet-
tre au véritable acquéreur de devenir propriétaire d'un mo-
bilhome de 55'000 fr. sans éveiller l'attention de ses cré-
anciers ni risquer d'éventuelles tracasseries de l'office
des
poursuites. La volonté de C.________ était ainsi de ne con-
tracter qu'en apparence et le vendeur avait toujours consi-
déré R.________, auteur de la convention manuscrite, comme
le
véritable acheteur; il avait du reste traité exclusivement
avec lui et avait été payé par ses soins. Sur la base de ces
constatations de fait, qui échappent à la connaissance du
Tribunal fédéral en instance de réforme - et que la recou-
rante tente par conséquent vainement de critiquer (art. 63
al. 2 OJ) -, la cour cantonale pouvait admettre, sans violer
le droit fédéral, que la convention de vente signée par
P.________ et C.________ avait été simulée quant à la
qualité
de partenaire contractuelle de cette dernière, en sorte
qu'elle était sans effet entre les parties et à l'égard des

tiers, le contrat dissimulé étant en revanche valable
(Engel,
op. cit., p. 225 et les références citées). Que l'acte dissi-
mulé n'ait pas été voulu entre les mêmes parties que celles
qui ont conclu le contrat apparent importe peu, dès lors que
la personne de l'acheteur était indifférente pour le
vendeur,
la prestation prévue par la convention de vente n'exigeant
pas un partenaire contractuel particulier.

La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir
violé l'art. 8 CC, dès lors que les demandeurs n'auraient ja-
mais allégué, ni a fortiori démontré l'existence d'une simu-
lation. Ce moyen n'est toutefois pas fondé. Vu l'apparence
d'efficacité du contrat, celui qui allègue la simulation de-
vra certes en rapporter la preuve, mais le juge doit relever
d'office ladite simulation (ATF 97 II 201 consid. 5 p. 207).
En l'occurrence, l'autorité cantonale a admis l'existence
d'un acte simulé en se fondant sur la réelle et commune in-
tention des parties. Il s'agit là d'une question d'apprécia-
tion des preuves, qui ne ressortit pas à l'art. 8 CC. En ef-
fet, cette disposition ne prescrit pas comment le juge doit
apprécier les preuves ni sur quelles bases il peut parvenir
à
une conviction (cf. ATF 122 III 219 consid. 3c p. 223; 119
III 60 consid. 2c p. 63; 118 II 365 consid. 1 p. 366 et les
arrêts cités). Quant à l'argument tiré de l'interdiction de
l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC), il est également infondé.
On ne voit en effet pas en quoi l'action en revendication
des
demandeurs - qui avaient succédé dans les droits de
R.________ - aurait été contraire à la bonne foi, un tel com-
portement ne résultant pas de la seule existence d'une simu-
lation. La recourante est du reste mal venue de prétendre
que
R.________ ou ses ayants droits - contrairement à elle - ne
sauraient bénéficier d'un acte destiné à tromper des tiers,
dès lors qu'elle en est aussi responsable.

3.- En conclusion, le recours doit être rejeté dans
la mesure où il est recevable et le jugement entrepris con-

firmé. Vu cette issue - prévisible - de la procédure, la re-
quête d'assistance judiciaire présentée par la recourante ne
peut être agréée (art. 152 al. 1 OJ). Les frais de la présen-
te procédure seront dès lors mis à sa charge (art. 156 al. 1
OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens, une réponse
n'ayant pas été requise.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

vu l'art. 36a OJ:

1. Rejette le recours dans la mesure où il est
recevable et confirme le jugement entrepris.

2. Rejette la requête d'assistance judiciaire.

3. Met à la charge de la recourante un émolument
judiciaire de 1'500 fr.

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la IIe Cour civile du Tribunal can-
tonal du canton du Valais.

__________

Lausanne, le 26 octobre 2001
MDO/frs
Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président, La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.127/2001
Date de la décision : 26/10/2001
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-10-26;5c.127.2001 ?
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