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22/10/2001 | SUISSE | N°M.7/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 22 octobre 2001, M.7/00


«AZA 7»
M 7/00 Mh

IIe Chambre

MM. les juges Lustenberger, Président, Meyer et Ferrari.
Greffier : M. Frésard

Arrêt du 22 octobre 2001

dans la cause

A.________, recourant, représenté par Maître Jacques
Micheli, avocat, place Pépinet 4, 1002 Lausanne,

contre

Office fédéral de l'assurance militaire, Division de
Genève, rue Jacques-Grosselin 8, 1227 Carouge, intimé,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- A.________ est entré à l'école

de recrues le
7 février 1955. Le 21 mars suivant, alors qu'il descendait
d'un camion, il a glissé et est tombé sur le mousqueton d...

«AZA 7»
M 7/00 Mh

IIe Chambre

MM. les juges Lustenberger, Président, Meyer et Ferrari.
Greffier : M. Frésard

Arrêt du 22 octobre 2001

dans la cause

A.________, recourant, représenté par Maître Jacques
Micheli, avocat, place Pépinet 4, 1002 Lausanne,

contre

Office fédéral de l'assurance militaire, Division de
Genève, rue Jacques-Grosselin 8, 1227 Carouge, intimé,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- A.________ est entré à l'école de recrues le
7 février 1955. Le 21 mars suivant, alors qu'il descendait
d'un camion, il a glissé et est tombé sur le mousqueton du
soldat qui le précédait. Le canon de l'arme s'est enfoncé
de 10 cm environ dans la cuisse gauche et a sectionné la
veine fémorale.

En 1959, en raison d'une aggravation de l'insuffisance
veineuse, A.________ a subi successivement l'amputation des
quatrième et deuxième orteils du pied gauche. En juin 1975,
il a été amputé à la mi-jambe gauche. Il a été appareillé
d'une prothèse tibiale au mois d'août de la même année. Il
en est résulté une recrudescence des lombalgies en raison
du réapprentissage à la marche et de la création de nou-
veaux équilibres musculaires. Un arthrose de surcharge du
genou droit a été diagnostiquée en janvier 1993 (rapport du
docteur B.________ du 20 mars 1993).
L'Office fédéral de l'assurance militaire (OFAM), qui
avait pris en charge le cas, a alloué diverses prestations
à son assuré, notamment une rente d'invalidité, dont le
degré a varié en fonction de l'évolution de l'état de santé
de l'intéressé et de l'activité professionnelle exercée par
ce dernier.

B.- Par préavis du 15 décembre 1995, l'OFAM a informé
l'assuré qu'il se proposait de lui allouer des rentes pour
atteintes à l'intégrité à partir du 1er janvier 1994, à
raison de 25 pour cent pour les séquelles post-traumatiques
de la jambe gauche et de 15 pour cent pour les troubles
vertébraux. Le taux reconnu de responsabilité de la Confé-
dération était de 100 pour cent dans le premier cas et de
40 pour cent dans le second. Les rentes seraient capita-
lisées et rachetées au 1er février 1996, ce qui représen-
tait un montant total de 124 804 fr. 90. Par décision du
7 mai 1996, l'OFAM a confirmé son préavis.
A.________ a formé opposition contre cette décision.
Il reprochait notamment à l'OFAM de n'avoir pas tenu
compte, dans son appréciation, d'une atteinte à l'intégrité
découlant d'une arthrose de surcharge prononcée du genou
droit. Il invoquait à cet égard un rapport du docteur
C.________ du 7 mars 1996, selon lequel l'état de ce genou
représentait le quart de la perte totale d'un membre.
Le 24 décembre 1996, l'OFAM a rejeté l'opposition.

C.- a) Entre-temps, le 1er octobre 1996, A.________ a
informé l'OFAM qu'il avait été victime d'un accident le
23 septembre 1996 après avoir perdu l'équilibre et qu'il
s'était cassé quatre vertèbres. Selon lui, cette perte
d'équilibre était en relation avec l'amputation de la jambe
gauche, consécutive à l'accident dont il avait été victime
en 1955.
Dans un rapport du 21 février 1997, le docteur
D.________ a précisé que le patient avait fait une chute
d'une échelle, alors qu'il exécutait des travaux sur un
cerisier. La chute était survenue à la suite d'un déséqui-
libre par lâchage du genou droit. Il en était résulté de
multiples fractures lombaires avec des complications sous
la forme d'une paralysie, ainsi qu'un diabète d'emblée
insulo-dépendant dont l'étiologie est à chercher dans
l'ensemble des lésions traumatiques et post-traumatiques du
nerf cubital.
Le 11 avril 1997, l'assuré a expliqué à un inspecteur
de l'OFAM les circonstances de cet accident. Au moyen d'un
sécateur muni d'un manche extensible, il s'apprêtait à
couper quelques branches du cerisier de son voisin qui
empiétaient sur son terrain. La corde qui équipait le séca-
teur est restée coincée dans l'arbre. Il est alors monté, à
1,5 mètres du sol, sur une échelle tenue par son épouse.
C'est à ce moment que son genou droit a «lâché», ce qui a
provoqué la chute.

b) Par préavis du 31 juillet 1997, suivi d'une déci-
sion du 16 septembre 1997, l'OFAM a refusé d'allouer des
prestations pour les suites de l'accident du 23 septembre
1996, considérant qu'il n'existait aucun lien de causalité,
tant naturelle qu'adéquate, entre les affections assurées
et la chute. De plus, l'assuré avait pris un risque en
montant sur une échelle à une hauteur de 1,5 mètres, alors
qu'il portait une prothèse à la jambe.
L'assuré a formé opposition en concluant à la recon-
naissance de la responsabilité de la Confédération pour
l'accident du 23 septembre 1996.

c) L'OFAM a alors confié une expertise au docteur
E.________, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique.
L'expert a rendu son rapport le 9 mars 1998. Il a posé les
diagnostics suivants, soit en les rattachant à chacun des
deux accidents dont l'assuré avait été victime, soit en
indiquant qu'ils ne relevaient pas de la «responsabilité»
de l'assurance militaire :

Accident de 1955
- Amputation de la jambe gauche (1975)
- Etat après troubles trophiques post-traumatiques de la
jambe et du pied gauche
- Etat après lésion neuro-vasculaire de la cuisse gauche
- Dysplasie fonctionnelle et surcharge de la hanche droite
- Scoliose sinistro-convexe lombaire (bascule du bassin)
- Syndrome douloureux et arthrose fémoro-rotulienne droite
- Amyotrophie du quadriceps droit (ménagement)
- Légère ostéoporose du genou gauche (décharge prolongée)

Partiellement lié à l'accident de 1955
- Lombalgies chroniques
- Spondylose déformante lombaire
- Arthrose sacro-iliaque gauche

Accident de 1996
- Raideur de la colonne lombaire
- Etat après fixation instrumentée L 2-4
- Etat après fractures vertébrales L 2-5 et lésions des
disques intervertébrales L 1-5

Sans responsabilité de l'assurance militaire
- Discopathies cervicales C 3-6
- Contractures et myalgies cervico-scapulaires et dorsales
- Spondylarthrose L 4/5/ S 1 gauche
- Obliquité des articulations intervertébrales L 4 - S 1
gauches
- Arthrose fémoro-rotulienne gauche
- Diabète.

Selon l'expert, l'instabilité du genou droit de
l'assuré est une instabilité fonctionnelle consécutive à
l'arthrose fémoro-rotulienne. Une surcharge dans une posi-
tion de flexion du genou provoque un lâchage du muscle
quadriceps sous forme d'une détente subite réflectoire
déclenchée par la surcharge. Un tel lâchage fait partie de
la symptomatologie classique du syndrome fémoro-rotulien
douloureux. La symptomatologie de lâchage s'est produite et
aggravée progressivement. Elle est documentée, notamment,
dans le rapport du docteur C.________. L'arthrose
fémoro-rotulienne est une séquelle partielle, mais
prépondérante, de l'accident de 1955 due à la longue
surcharge du genou droit entre 1955 et 1975, période
pendant laquelle la jambe gauche était pratiquement
inutilisable. Aussi bien, toujours selon l'expert,
l'accident du 23 septembre 1996 est dû au lâchage du genou
droit dans la mesure de la reconnaissance de l'arthrose
fémoro-rotulienne droite par l'assurance militaire. Par
conséquent, l'accident de 1996 n'est que partiellement en
relation avec l'affection assurée. Une arthrose fémoro-ro-
tulienne légère peut également, quoique plus rarement,
provoquer des lâchages. Aussi bien l'expert propose-t-il,
en conclusion, une responsabilité de 50 pour cent de l'as-
surance militaire en ce qui concerne l'état du genou. Ce
pourcentage tient compte de l'arthrose fémoro-rotulienne
prononcée droite par rapport à une arthrose analogue légère
à modérée au maximum.

d) Dans un rapport du 1er avril 1998, le docteur
F.________, du service médical de l'OFAM, également
spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, a estimé pour sa
part que la doctrine médicale ne retenait pas l'apparition
d'une arthrose fémoro-rotulienne du membre intact à la
suite d'une amputation de l'autre membre, si de telles
altérations n'interviennent pas dans les deux à trois ans
suivant l'amputation. Selon ce médecin, l'accident du
23 septembre 1996 n'est ni une suite tardive ni une rechute
de l'affection assurée.

Se fondant sur cette appréciation, l'OFAM a rendu une
décision sur opposition, le 18 mai 1998, par laquelle il a
refusé d'engager sa responsabilité pour les suites de cet
accident.

D.- A.________ a recouru contre les décisions des
24 décembre 1996 et 18 mai 1998. Le Tribunal des assurances
du canton de Vaud a joint les causes. Il a adressé un ques-
tionnaire au docteur E.________, qui a répondu aux ques-
tions posées dans un rapport complémentaire du 23 décembre
1999.
Statuant le 17 juillet 2000, le tribunal des assuran-
ces a rejeté les recours portés devant lui.

E.- Contre ce jugement, A.________ interjette un re-
cours de droit administratif en concluant au versement par
l'assurance militaire d'une rente pour atteinte à l'inté-
grité de 100 pour cent dès le 1er janvier 1994, pour une
durée indéterminée, la rente étant rachetée pour un montant
équivalent. Subsidiairement, il conclut au renvoi de la
cause à l'autorité cantonale pour nouveau jugement au sens
des motifs.
L'OFAM conclut au rejet du recours.

Considérant en droit :

1.- Aux termes de l'art. 48 LAM, si l'assuré souffre
d'une atteinte notable et durable à son intégrité physique
ou mentale, il a droit à une rente pour atteinte à l'inté-
grité (al. 1). La rente pour atteinte à l'intégrité est due
dès la fin du traitement médical ou lorsque la poursuite du
traitement ne laisse plus prévoir d'amélioration notable de
l'état de santé de l'assuré (al. 2).
La gravité de l'atteinte à l'intégrité est déterminée
équitablement en tenant compte de toutes les circonstances
(art. 49 al. 1 LAM). La rente est fixée en pour cent du
montant annuel qui sert de base au calcul des rentes selon

l'art. 49 al. 4 LAM et compte tenu de la gravité de l'at-
teinte à l'intégrité (art. 49 al. 2, première phrase, LAM).
En cas d'atteintes multiples à l'intégrité, les pour-
centages des différentes atteintes sont cumulés lors de la
fixation de la rente pour atteinte à l'intégrité; la valeur
maximale d'une rente pour atteinte à l'intégrité est fixée
à 100 pour cent du montant annuel qui sert de base au cal-
cul des rentes (art. 25 al. 3 OAM).

2.- Est litigieuse la responsabilité de la Confédéra-
tion pour les suites de l'accident du 23 septembre 1996. On
examinera en premier lieu cette question.

a) Si l'affection est constatée seulement après le
service par un médecin, un dentiste ou un chiropraticien,
et est annoncée ensuite à l'assurance militaire, ou si des
séquelles tardives ou une rechute sont invoquées, l'assu-
rance militaire en répond seulement s'il est établi au
degré de vraisemblance prépondérante que l'affection a été
causée ou aggravée pendant le service ou seulement s'il est
établi au degré de vraisemblance prépondérante qu'il s'agit
de séquelles tardives ou de rechutes d'une affection assu-
rée (art. 6 LAM).
Les rechutes et les séquelles tardives ont ceci en
commun qu'elles sont attribuables à une atteinte à la santé
qui a été considérée comme guérie alors qu'elle ne l'était
qu'en apparence. Il y a rechute lorsque c'est la même
maladie qui se manifeste à nouveau. On parle de séquelles
tardives lorsque l'atteinte apparemment guérie produit, au
cours d'un laps de temps prolongé, des modifications orga-
niques ou psychiques qui conduisent souvent à un état
pathologique différent (ATF 123 V 138 consid. 3a). Dans ce
contexte et de manière plus générale, l'assurance militaire
répond d'un événement (par ex. une chute) qui est la
conséquence naturelle et adéquate d'une affection assurée
(Christof Steger-Bruhin, Die Haftungsgrundsätze der
Militärversicherung, thèse St-Gall 1996, p. 167 sv.).

b) Les premiers juges ont retenu que l'assurance mili-
taire n'encourait aucune responsabilité pour les suites de
de la chute de l'assuré. Ils considèrent à ce propos que
les avis des docteurs E.________ et F.________ sont contra-
dictoires en ce qui concerne la gravité de l'arthrose et le
lien de causalité avec l'accident : pour le docteur
E.________ l'accident du 23 septembre 1996 est dû au
lâchage du genou droit dans la mesure de la reconnaissance
par l'assurance militaire de l'arthrose fémoro-rotulienne
droite, qui est une séquelle partielle, mais prépondérante
de l'accident de 1955, due à la surcharge de longue durée
du genou droit. En revanche, le docteur F.________ estime
que l'arthrose fémoro-rotulienne est due à une anomalie
constitutionnelle de la rotule et non à une surcharge.
Selon les premiers juges toujours, il est difficile
d'établir qui de ces deux médecins a raison, ce qui permet
de penser qu'il subsiste un doute quant au fait que, si
lâchage du genou il y a eu, l'atteinte à la santé qui en
est résultée a eu comme condition sine qua non l'accident
de 1955.
Les premiers juges énumèrent divers éléments qui,
selon eux, plaident en faveur de l'absence d'un lien de
causalité naturelle entre cet accident et l'atteinte au
genou. Il y a tout d'abord la durée (plus de 41 ans) qui
sépare l'événement assuré de cette chute. Ensuite, les
circonstances, peu précises, du déroulement de la chute,
spécialement le doute quant à la position de la jambe
droite du recourant, juste avant la chute : cette impré-
cision permet d'admettre que le lâchage du genou droit
n'est qu'une cause possible de la chute. Il ressort par
ailleurs du rapport complémentaire du docteur E.________
que le père de l'assuré avait également subi une amputation
traumatique de la cuisse gauche à l'âge de 32 ans, mais
qu'il n'avait pas développé d'arthrose manifeste jusqu'à
son décès à l'âge de 74 ans. En outre, la
chute d'une
échelle n'est pas un événement rare chez les hommes valides
d'un certain âge. Enfin, compte tenu de son état de santé,

l'assuré aurait quoi qu'il en soit pris un risque en grim-
pant sur une échelle.
De son côté, l'OFAM fait valoir que dans ses premières
déclarations, le recourant a fait état d'une perte d'équi-
libre, sans préciser qu'il avait été victime d'un lâchage
du genou. Selon l'OFAM, l'accident est survenu à la vie
civile, sans que l'affection de la jambe gauche n'ait joué
de rôle. Se fondant sur l'avis du docteur F.________, il
estime qu'il n'existe pas de lien de causalité naturelle
entre l'affection assurée et l'accident : la preuve médica-
le que la surcharge du membre sain provoque une arthrose
n'est pas rapportée.

c) aa) Le juge des assurances sociales doit examiner
de manière objective tous les moyens de preuve, quelle
qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à
disposition permettent de porter un jugement valable sur le
droit litigieux. Si les rapports médicaux sont contradic-
toires, il ne peut liquider l'affaire sans apprécier l'en-
semble des preuves et sans indiquer les raisons pour les-
quelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur
une autre. C'est ainsi qu'il importe, pour conférer pleine
valeur probante à un rapport médical, que les points liti-
gieux aient fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le
rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne
également en considération les plaintes exprimées par la
personne examinée, qu'il ait été établi en pleine connais-
sance de l'anamnèse, que la description du contexte médical
et l'appréciation de la situation médicale soient claires
et enfin que les conclusions du médecin soient dûment moti-
vées. Au demeurant, l'élément déterminant pour la valeur
probante n'est ni l'origine du moyen de preuve ni sa dési-
gnation comme rapport ou comme expertise, mais bel et bien
son contenu (ATF 125 V 352 consid. 3a et les références).
Ces principes, développés à propos de l'assurance-acci-
dents, sont applicables à l'instruction des faits d'ordre
médical dans toutes les branches d'assurance sociale

(Spira, La preuve en droit des assurances sociales, in
Mélanges en l'honneur de Henri-Robert Schüpbach, Bâle 2000
p. 268).

bb) L'expertise du docteur E.________ établit claire-
ment que la chute d'échelle est due au lâchage du genou
droit par surcharge fémoro-rotulienne. L'utilisation aug-
mentée du membre inférieur droit depuis 1955, qui est à
l'origine de cette surcharge, est la suite du mauvais état
de la jambe gauche. Selon les termes de l'expert, la chute
est donc une séquelle secondaire de l'accident de 1955. En
ce qui concerne le taux de responsabilité de l'assurance
militaire, l'expert propose de le fixer à 50 pour cent pour
l'état du genou.
Il n'y a pas de raison de mettre en doute les cons-
tatations et conclusions de l'expert, très détaillées,
établies après deux examens successifs, médicaux et radio-
logiques, du patient et cela en connaissance de l'ensemble
du dossier de la cause. En procédure cantonale, l'expert a
fourni dans son rapport des explications complémentaires et
il a pris position point par point sur les objections du
docteur F.________. Il a en outre pris l'avis du professeur
G.________, ancien chef du service de chirurgie orthopé-
dique de l'Hôpital X.________. Au dire de l'expert, ce
professeur est un spécialiste du genou mondialement réputé.
Enfin, le rapport d'expertise et son complément judiciaire
répondent aux critères formels permettant de leur attribuer
une pleine valeur probante (voir au surplus ATF 125 V 352
consid. 3a). L'ensemble de ces circonstances justifie que
l'on accorde la préférence à l'opinion de l'expert par
rapport à l'avis du docteur F.________.

cc) Les arguments avancés par les premiers juges n'ap-
paraissent pas décisifs. Ainsi, le fait que l'assuré aurait
pris un risque en grimpant sur une échelle n'est pas en soi
un facteur de rupture du lien de causalité naturelle : le
cas échéant, il n'en resterait pas moins un lien logique

entre le lâchage du genou et la chute, qui laisserait
subsister la causalité naturelle (cf. Henri Desche-
naux/Pierre Tercier, La responsabilité civile, 2e éd.,
Berne 1982, p. 56). Il en va de même de la circonstance que
le père de l'assuré a également subi une amputation trauma-
tique sans que cela entraîne le développement d'une arthro-
se de la jambe saine. Enfin, l'expert s'est prononcé de
manière convaincante, dans son complément d'expertise, sur
le reproche selon lequel il se serait fondé sur les décla-
rations peu crédibles de l'assuré. Selon l'expert, le récit
de l'assuré est cohérent. La description de la symptoma-
tologie de lâchage est classique et typique pour les affec-
tions fémoro-rotuliennes qui sont d'ailleurs manifestes à
l'examen clinique.
Quant à la circonstance, invoquée par l'OFAM, que
l'assuré n'a pas fait immédiatement état d'un lâchage du
genou droit, il n'apparaît pas non plus déterminant du
moment que la communication de l'assuré du 1er octobre 1996
avait pour seul objet d'annoncer le cas à l'assurance mili-
taire. L'assuré a ensuite fourni, à un inspecteur de
l'OFAM, puis à l'expert, des explications sur les circons-
tances exactes de la chute et ses déclarations successives
ne recèlent pas de contradictions qui seraient de nature à
jeter un doute sur leur crédibilité.

dd) Sur la base de l'expertise on doit ainsi considé-
rer qu'il existe un lien de causalité naturelle entre la
chute de l'assuré et l'accident de 1955.

d) A titre subsidiaire, l'OFAM conteste l'existence
d'un lien de causalité adéquate entre l'affection du membre
inférieur gauche et l'accident du 23 septembre 1996.
Selon une définition qui est la même dans tous les
domaines du droit, la causalité est adéquate si, d'après le
cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le
fait considéré était propre à entraîner un effet du genre
de celui qui s'est produit, en sorte que la survenance de

ce résultat paraît de façon générale favorisée par le fait
en question (ATF 122 V 416 consid. 2a, 121 V 49 consid. 3a,
121 III 363 consid. 5). En l'espèce, on ne saurait guère
nier que l'affection initiale était propre, dans le cours
ordinaire des choses et selon l'expérience générale de la
vie, à entraîner un lâchage du genou pouvant provoquer une
chute.
L'OFAM fait certes valoir qu'il est plus vraisemblable
que l'accident ait pour origine un déséquilibre dû à l'âge
de l'assuré et au port d'une prothèse à la jambe gauche.
Mais cette objection relève du lien de causalité naturelle
entre l'affection du membre inférieur gauche et l'accident.
Or, comme on l'a vu, l'existence d'un lien de causalité
naturelle doit en l'occurrence être considéré comme établi.
L'OFAM soutient également que l'assuré a commis une
imprudence coupable en montant sur une échelle à son âge et
avec une prothèse à la jambe gauche alors qu'il avait
l'obligation de tout entreprendre pour diminuer le dommage.
Pour des raisons de politique sociale, il conviendrait de
nier un lien de causalité adéquate entre l'affection de la
jambe gauche et l'accident, l'assuré ayant rompu l'éventuel
lien de causalité adéquate.
La causalité adéquate doit être exclue si une autre
cause concomitante, par exemple une force naturelle, le
comportement de la victime ou d'un tiers, constitue une
circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si
extraordinaire que l'on ne pouvait pas s'y attendre; l'im-
prévisibilité d'un acte concurrent ne suffit pas en soi à
interrompre le rapport de causalité adéquate; il faut
encore que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose
comme la cause la plus probable et la plus immédiate de
l'événement considéré reléguant à l'arrière-plan tous les
autres facteurs qui ont contribué à l'amener (ATF 122 IV 23
consid. 2c/bb et les arrêts cités). Au regard de ces prin-
cipes, on ne peut que nier toute rupture du lien de causa-
lité adéquate. Il n'y a rien d'extraordinaire ou d'impré-
visible dans le fait, pour un homme d'âge relativement

avancé, de monter - à faible hauteur - sur une échelle,
même avec une prothèse de la jambe et surtout si l'on prend
en considération le phénomène d'accoutumance qu'engendre
avec le temps le port d'une prothèse de cette nature.

e) En conclusion il y a lieu d'admettre que la respon-
sabilité de l'assurance militaire est engagée pour les
conséquences de la chute du 23 septembre 1996. Le Tribunal
fédéral des assurances ne disposant pas des éléments suffi-
sants pour se prononcer à ce sujet, il convient de renvoyer
la cause à l'OFAM pour qu'il statue sur la prétention du
recourant à rente pour atteinte à l'intégrité en raison des
séquelles de cet accident.

3.- a) Dans sa décision du 24 décembre 1996, l'OFAM a
alloué au recourant une rente globale pour atteinte à l'in-
tégrité de 40 pour cent, sur la base d'un degré d'atteinte
à l'intégrité de 25 pour cent pour la jambe gauche et de
15 pour cent pour la colonne vertébrale. En ce qui concerne
l'atteinte au genou droit, cette décision réserve les pré-
tentions de l'assuré en vertu de l'art. 50 LAM. Selon cette
disposition, en cas d'augmentation ultérieure notable de
l'atteinte à l'intégrité, l'assuré peut exiger une rente
supplémentaire pour atteinte à l'intégrité.
Les premiers juges considèrent à ce sujet que, même
dans l'hypothèse d'une responsabilité de la Confédération
pour l'atteinte au genou droit, on n'est pas en présence
d'une affection stabilisée de nature à justifier le verse-
ment d'une rente pour atteinte à l'intégrité. Les premiers
juges rappellent à cet égard que le recourant a la possibi-
lité de demander une révision au sens de l'art. 50 LAM.
De son côté, le recourant reproche aux premiers juges
de n'avoir pas examiné, sur le vu des preuves à disposi-
tion, si son atteinte au genou droit présentait une stabi-
lité et une gravité suffisantes pour justifier l'octroi
d'une telle rente. Quant à l'OFAM, il se rallie pour l'es-
sentiel à l'opinion des premiers juges.

b) Le reproche du recourant est fondé. L'objet de la
contestation, tel qu'il a été défini par la décision du
24 décembre 1996 (cf. ATF 125 V 415 consid. 2a), portait
également sur la question d'une rente pour atteinte à l'in-
tégrité liée à l'affection du genou droit. Cette affection
avait été diagnostiquée en 1993 par le docteur B.________
puis par le docteur C.________ en 1996. L'expertise du
docteur E.________, si elle est postérieure à la décision
de l'OFAM du 24 décembre 1996, fait état d'une situation
qui existait certainement au moment où cette décision a été
rendue. Selon l'expert, le processus qui a conduit à une
diminution fonctionnelle du genou droit a duré plus de
vingt ans. Le fait que cette diminution fonctionnelle a
été, mieux que par le passé, mise en évidence par une
expertise établie postérieurement à la décision précitée ne
dispensait pas l'autorité cantonale d'examiner si l'attein-
te au genou justifiait ou non le versement d'une rente pour
atteinte à l'intégrité.
En ce qui concerne la stabilisation de l'affection, on
rappellera que l'exigence du caractère durable (et stabili-
sé) de l'atteinte à la santé est réalisée lorsqu'il n'y a
plus lieu d'attendre de modification importante. Cependant,
comme dans la plupart des cas il est difficile d'émettre un
pronostic, il ne faut pas poser, à cet égard, d'exigences
trop sévères; il suffit que l'atteinte à la santé apparais-
se pour l'essentiel stabilisée (Jürg Maeschi, Kommentar zum
Bundesgesetz über die Militärversicherung [MVG] vom
19. Juni 1992, Berne 2000, n. 9 ad art. 48). Même la con-
tinuation d'un processus pathologique n'exclut pas que
l'atteinte ait un caractère durable, quand on ne peut plus
attendre d'amélioration sensible (Maeschi, op. cit.,
note 11 ad art. 48; Franz Schlauri, Die Militärversiche-
rung, in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR],
Soziale Sicherheit, ch. 169). Or, dans le cas particulier,
on est en présence d'un phénomène dégénératif du genou et
rien ne permet d'admettre qu'une amélioration importante
soit prévisible. Les premiers juges n'invoquent d'ailleurs

aucun élément médical concret à l'appui de leur affirmation
selon laquelle l'affection n'était pas stabilisée au moment
où la décision sur opposition a été rendue.
Il appartiendra donc à l'OFAM, à qui la cause est
renvoyée pour les motifs exposés plus haut, de se prononcer
aussi sur le droit éventuel du recourant à une rente pour
atteinte à l'intégrité en raison de l'affection du genou
droit.

4.- Le recourant conteste enfin le taux de l'atteinte
à l'intégrité retenu par l'OFAM et les premiers juges pour
la jambe gauche (25 pour cent) et les troubles dorsaux
(15 pour cent). Il conteste également le taux de responsa-
bilité de la Confédération de 40 pour cent retenu en ce qui
concerne les douleurs lombaires; selon lui, ce taux devrait
être porté à 60 pour cent. Enfin, il invoque l'existence de
troubles psychiques.

a) Pour évaluer le préjudice résultant d'une atteinte
à l'intégrité, l'OFAM a élaboré des directives internes,
des tables, des échelles, etc., destinées à garantir l'éga-
lité de traitement entre les assurés. Selon une jurispru-
dence constante, une telle pratique n'est en principe pas
critiquable (SVR 1998 MV n° 2 p. 6 consid. 3b et les
références citées). Ces valeurs de référence fixent les
grandes lignes d'évaluation, qui permettent de situer le
dommage à l'intégrité. Mais, dans le cas concret, il faut
examiner en tenant compte de toutes les circonstances si
l'atteinte à l'intégrité correspond à cette valeur ou si
elle lui est supérieure ou inférieure. On s'en écartera par
exemple en présence de conséquences extraordinaires de
l'événement assuré (SVR 1998 MV n° 2 p.
6 consid. 3b et
4c).

b) Selon la pratique de l'assurance militaire, la
perte du tiers proximal d'une jambe correspond à une at-

teinte à l'intégrité de 20 pour cent (Jürg Maeschi/Max
Schmidhauser, Die Abgeltung von Integritätsschäden in der
Militärversicherung, RSAS 1997, p. 191).
En l'espèce, le taux retenu de 25 pour cent est sensi-
blement supérieur au taux susmentionné de 20 pour cent. On
ne voit pas de motif de s'écarter de cette appréciation. Le
recourant reproche en vain à l'OFAM de n'avoir pas tenu
compte de troubles trophiques post-traumatiques de la jambe
et du pied gauches et de la lésion neuro-vasculaire de la
cuisse gauche. L'OFAM explique de manière convaincante
qu'il a tenu compte - en portant de 20 à 25 pour cent le
taux de l'atteinte - des ulcères à répétition du décubitus
nécessitant des soins, de la diminution de la capacité de
charge de la jambe gauche et d'une dysbalance musculaire
dans les hanches. Quant à la lésion neuro-vasculaire de la
cuisse gauche, il s'agit de troubles de vascularisation de
la jambe gauche qui ont provoqué les troubles trophiques.
Selon le rapport d'expertise, ce sont ces troubles qui ont
entraîné des ulcères à répétition, une nécrose cutanée du
talon, des abcès plantaires profonds, puis l'amputation à
la mi-jambe gauche. Or, ces troubles ont été éliminés par
l'amputation.

c) Une atteinte très grave de la colonne vertébrale,
avec d'importants inconvénients dans la vie courante,
notamment dans la sphère privée, correspond, selon la
pratique, à une atteinte à l'intégrité de 20 pour cent
(Maeschi/Schmidhauser, loc. cit., p. 190). En l'espèce, le
taux a été fixé à 15 pour cent. Cette appréciation tient
compte de dorso-lombalgies chroniques, entraînant des dou-
leurs nocturnes, des cervicalgies récidivantes qui peuvent
irradier dans les deux bras. Il n'y a pas de raison non
plus de s'en écarter, l'atteinte ne pouvant en l'occurrence
pas être qualifiée de très grave (comp. également avec les
exemples donnés dans l'arrêt ATF 117 V 78 consid. 3a/bbb).

d) Pour le reste, il n'y a pas lieu d'examiner ici ce
qu'il en est des répercussions psychiques, invoquées par le
recourant, des diverses atteintes à la santé physique.
Cette question n'a pas été examinée par les décisions liti-
gieuses; elle sort donc du cadre de l'objet de la contesta-
tion (supra consid. 3b).

e) En ce qui concerne le taux de la responsabilité de
la Confédération de 40 pour cent pour l'atteinte dorsale,
il ne saurait être remis en cause. La question de la res-
ponsabilité de la Confédération pour les troubles dorsaux a
fait l'objet d'une proposition de règlement (art. 12
al. aLAM) du 1er juin 1984, dans le cadre de la fixation
d'une rente d'invalidité. Cette proposition a été acceptée
par l'assuré le 13 juin 1984, de sorte qu'elle a acquis
force de chose jugée (cf. ATF 116 V 164 consid. 1a).

5.- En conclusion, le recours est partiellement fondé
(supra consid. 2 et 3).
La procédure est gratuite (art. 134 OJ). Le recourant,
qui obtient partiellement gain de cause, a droit à une
indemnité de dépens réduite (art. 159 al. 3 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est partiellement admis. Le jugement du
Tribunal des assurances du canton de Vaud du 17 juil-
let 2000 et les décisions de l'OFAM des 18 mai 1998 et
24 décembre 1996 sont annulés, dans la mesure où ils
nient le droit du recourant à une rente pour atteinte
à l'intégrité pour les séquelles de l'accident du
23 septembre 1996 et pour l'affection au genou droit.

II. La cause est renvoyée à l'OFAM pour nouvelle(s) déci-
sion(s) au sens des motifs.

III. Il n'est pas perçu de frais de justice.

IV. L'OFAM versera au recourant une somme de 2000 fr. (y
compris la taxe à la valeur ajoutée) à titre de dépens
pour la procédure fédérale.

V. Le Tribunal des assurances du canton de Vaud statuera
à nouveau sur les dépens de l'instance cantonale, au
regard de l'issue définitive du procès de dernière
instance.

VI. Le présent arrêt sera communiqué aux parties et au
Tribunal des assurances du canton de Vaud.

Lucerne, le 22 octobre 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : M.7/00
Date de la décision : 22/10/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-10-22;m.7.00 ?
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