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22/10/2001 | SUISSE | N°6S.416/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 22 octobre 2001, 6S.416/2001


«/2»
6S.416/2001/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

22 octobre 2001

(suite à la séance du 29 août 2001)

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
M. Schneider, M. Wiprächtiger, M. Kolly et Mme Escher,
Juges. Greffière: Mme Angéloz.
_____________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

X.________, représenté par Me Julien Fivaz, avocat à
Genève;

contre

l'arrêt rendu le 18 mai 200

1 par la Cour de cassation
genevoise dans la cause qui oppose le recourant au
Procureur général du canton de G e n è v e;

...

«/2»
6S.416/2001/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

22 octobre 2001

(suite à la séance du 29 août 2001)

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
M. Schneider, M. Wiprächtiger, M. Kolly et Mme Escher,
Juges. Greffière: Mme Angéloz.
_____________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

X.________, représenté par Me Julien Fivaz, avocat à
Genève;

contre

l'arrêt rendu le 18 mai 2001 par la Cour de cassation
genevoise dans la cause qui oppose le recourant au
Procureur général du canton de G e n è v e;

(sursis; non respect d'une règle de conduite;
avertissement)

Vu les pièces du dossier, d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par arrêt du 23 avril 1999, la Cour correc-
tionnelle sans jury de Genève a condamné X.________, pour
utilisation sans droit de valeurs patrimoniales et faux
dans les titres, à la peine de 12 mois d'emprisonnement
avec sursis pendant 5 ans. L'octroi de cette mesure a été
assorti d'une règle de conduite, à savoir que, pendant le
délai d'épreuve, X.________ rembourse une somme de 10'000
francs par mois à la SA Y.________.

Le pourvoi en cassation formé par le condamné
contre ce jugement a été rejeté par arrêt du 31 mars 2000
de la Cour de cassation genevoise.

Contre ce dernier arrêt, X.________ a formé un
pourvoi en nullité et un recours de droit public au Tri-
bunal fédéral, déposés, respectivement, le 7 avril 2000
et le 1er mai 2000, en sollicitant l'effet suspensif. Ce
dernier a été accordé superprovisoirement, pour les deux
recours, par ordonnance du 16 mai 2000, en ce sens que,
jusqu'à décision sur la requête d'effet suspensif présen-
tée par le recourant, aucune mesure d'exécution ne pou-
vait être prise. Cette ordonnance a été communiquée aux
parties, notamment au Procureur général.

Par arrêts 6P.60/2000 et 6S.269/2000 du 17 août
2000, dont le dispositif a été notifié le lendemain, la
Cour de cassation du Tribunal fédéral a rejeté les re-
cours de X.________ dans la mesure où ils étaient rece-
vables, observant que la requête d'effet suspensif deve-
nait ainsi sans objet.

B.- Après que ses recours aient été écartés par
le Tribunal fédéral, X.________ a versé, le 24 août 2000,
une somme de 10'000 francs à la SA Y.________. Cette der-
nière lui ayant fait notifier un commandement de payer et
ayant sollicité la mainlevée de l'opposition qu'il avait
formée, il a par la suite versé 10'000 francs à l'Office
des poursuites et des faillites, le 25 septembre, puis le
2 octobre et le 8 novembre 2000.

Dans l'intervalle, le 6 septembre 2000, le manda-
taire de la SA Y.________ a demandé au Président de la
Cour correctionnelle de donner un avertissement à
X.________, en application de l'art. 41 ch. 3 CP, pour
inobservation d'une règle de conduite assortissant le
sursis; il relevait notamment, pièce à l'appui, que les
recours au Tribunal fédéral de X.________ avaient été
munis de l'effet suspensif à titre superprovisoire. Cette
demande a été transmise au Procureur général comme objet
de sa compétence.

Le 26 septembre 2000, le Procureur général a déposé
une requête auprès de la Chambre pénale de la Cour de
justice (ci-après: la Cour de justice). Bien qu'il avait
été informé de ce que les recours au Tribunal fédéral
formés par X.________ avaient été munis le 16 mai 2000 de
l'effet suspensif à titre superprovisoire, il observait
que "le Tribunal fédéral n'est pas entré en matière sur
la question de l'effet suspensif des recours qui lui
étaient soumis" et faisait valoir que l'arrêt de la Cour
correctionnelle du 23 avril 1999 était devenu exécutoire
depuis le 31 mars 2000, de sorte que, depuis cette date,
X.________ devait respecter la règle de conduite qui lui
avait été imposée; il demandait dès lors, préalablement,
de citer X.________ afin de lui adresser un avertissement
formel d'avoir à se conformer à la règle de conduite qui
lui avait été imposée et, principalement, de révoquer le

sursis qui lui avait été octroyé si l'avertissement
n'était pas suivi d'effet.

X.________ s'est déterminé le 24 octobre 2000 sur
la requête du Procureur général, rappelant notamment,
pièce à l'appui, que ses recours au Tribunal fédéral
avaient été munis de l'effet suspensif à titre super-
provisoire le 16 mai 2000.

Par arrêt du 11 décembre 2000, la Cour de justice,
retenant que X.________ ne s'était pas conformé à la
règle de conduite qui lui avait été imposée entre le
1er avril et le 24 août 2000, l'a formellement averti
qu'il devait la respecter, à défaut de quoi le sursis
octroyé serait révoqué; elle a notamment observé que les
recours au Tribunal fédéral de X.________ avaient été
écartés "sans que la question de l'effet suspensif fût
formellement tranchée".

Saisie d'un recours de X.________, qui rappelait
une fois de plus, en se référant à la pièce qu'il avait
produite à l'appui en première instance, que ses recours
au Tribunal fédéral avaient été munis superprovisoirement
de l'effet suspensif le 16 mai 2000, la Cour de cassation
genevoise l'a rejeté par arrêt du 18 mai 2001, retenant
notamment, à l'instar des premiers juges, que le Tribunal
fédéral aurait écarté les recours de X.________ "sans
avoir préalablement tranché la question de l'effet sus-
pensif".

C.- X.________ se pourvoit en nullité au Tribunal
fédéral. Soutenant que les conditions d'un avertissement
selon l'art. 41 ch. 3 CP n'étaient pas réalisées, il con-
clut à l'annulation de l'arrêt attaqué.

Le Procureur général conclut au rejet du pourvoi.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Le pourvoi en nullité est ouvert contre les
décisions mentionnées à l'art. 268 PPF (RS 312.0),
notamment contre les jugements pénaux rendus en dernière
instance cantonale, à l'exception des jugements rendus
par un tribunal inférieur statuant en instance cantonale
unique. Par jugement au sens de cette disposition, il
faut entendre une décision rendue par une autorité
judiciaire cantonale qui statue sur le sort même de la
cause, et non sur la marche de la procédure ou sur une
simple question d'exécution (ATF 84 IV 84 consid. 2 et
les arrêts cités); ainsi, constituent notamment un juge-
ment l'acquittement ou le verdict de culpabilité, le pro-
noncé d'une peine ou d'une mesure prévue par la loi pé-
nale ou encore la décision par laquelle l'autorité met un
terme à la procédure en constatant que l'action pénale
est prescrite, mais aussi la décision rendue en matière
d'exécution des peines et mesures que le droit fédéral
réserve au juge, telle que la révocation du sursis (cf.
ATF 122 IV 156 consid. 3c p. 161; 118 IV 330). Il peut
s'agir non seulement d'une décision finale, qui met un
terme à l'action pénale, mais aussi d'une décision pré-
judicielle ou incidente, si elle tranche définitivement,
sur le plan cantonal, une question de droit fédéral (ATF
123 IV 252 consid. 1; 122 IV 45 consid. 1c p. 46 s.; 119
IV 168 consid. 2a; 111 IV 188 consid. 2).

L'arrêt attaqué écarte un recours dirigé contre un
avertissement formel donné en application de l'art. 41
ch. 3 al. 1 CP, en tant que cette disposition prévoit la

révocation du sursis lorsque, pendant le délai d'épreuve,
le condamné persiste "au mépris d'un avertissement formel
du juge", à enfreindre une des règles de conduite à lui
imposées. Il constitue manifestement une décision inci-
dente, puisqu'il ne statue par sur la révocation elle-
même. Il tranche toutefois définitivement, sur le plan
cantonal, une question de droit fédéral, soit celle de la
validité de l'avertissement donné au recourant en appli-
cation de l'art. 41 ch. 3 al. 1 CP. Il peut donc faire
l'objet d'un pourvoi en nullité.

b) Le pourvoi en nullité suppose, comme toute autre
voie de droit, l'existence d'un intérêt juridique et ac-
tuel au recours (ATF 124 IV 94 consid. 1a p. 95; cf.
également ATF 126 II 198 consid. 2b p. 201 et les arrêts
cités).

Le prononcé d'un avertissement formel en application
de l'art. 41 ch. 3 al. 1 CP expose le condamné à une révo-
cation du sursis en cas de violation subséquente de la
règle de conduite imposée. Si l'avertissement a été donné
à tort, celui qui en a fait l'objet a donc un intérêt ju-
ridique et actuel à obtenir son annulation. Le recourant
est par conséquent légitimé à se pourvoir en nullité pour
contester l'avertissement prononcé à son encontre.

2.- Le recourant soutient que l'arrêt cantonal du
31 mars 2000 n'est devenu exécutoire qu'après que le Tri-
bunal ait statué, le 17 août 2000, sur le pourvoi en nul-
lité et le recours de droit public qu'il avait formés
contre cet arrêt. Le délai d'épreuve du sursis n'aurait
donc commencé à courir qu'à partir de cette date, de
sorte qu'on ne pouvait lui reprocher de n'avoir pas
respecté auparavant la règle de conduite imposée ni, par
conséquent, lui donner un avertissement.

Par ordonnance du 16 mai 2000, le pourvoi en nul-
lité et le recours de droit public formés par le recou-
rant contre l'arrêt cantonal du 31 mars 2000 ont été
munis superprovisoirement de l'effet suspensif, en ce
sens qu'aucune mesure d'exécution ne pouvait être prise
jusqu'à ce que le Tribunal fédéral se prononce sur la re-
quête d'effet suspensif présentée par le recourant. Le
Tribunal fédéral ayant statué sur les recours le 17 août
2000, la requête d'effet suspensif devenait sans objet.
Les recours n'en avaient pas moins été munis de l'effet
suspensif à titre superprovisoire. Certes, l'ordonnance
du 16 mai 2000 n'avait pas été communiquée à l'autorité
cantonale et les arrêts du Tribunal fédéral du 17 août
2000 ne mentionnaient pas que l'effet suspensif avait été
accordé à titre superprovisoire. Cette ordonnance avait
toutefois été communiquée aux parties, notamment au
Procureur général, dont on pouvait à tout le moins at-
tendre qu'il en fasse état dans le cadre de sa requête du
26 septembre 2000. Ce nonobstant, au moment où elles ont
statué sur cette requête, les autorités cantonales tant
de première que de seconde instance ne pouvaient ignorer
le contenu de cette ordonnance, puisque celle-ci, produi-
te tant par la partie adverse du recourant, à l'appui de
sa demande du 6 septembre 2000, que par ce dernier, en
annexe de sa détermination du 24 octobre 2000, était ver-
sée au dossier, étant relevé que le recourant s'y est en
outre expressément référé dans son mémoire de recours
cantonal (cf. supra, let. B).

Il résulte de ce qui précède que l'arrêt cantonal
du 31 mars 2000 n'était en tout cas pas exécutoire du
jour où les recours dirigés contre cet arrêt ont été
munis superprovisoirement de l'effet suspensif au jour
où il a été statué sur ces recours, soit du 16 mai au
17 août 2000 inclus. C'est donc à tort que les juges
cantonaux ont considéré que le délai d'épreuve courait

durant cette période. Pour ce qui est de la période al-
lant du 1er avril au 15 mai 2000 inclus, donc d'une durée
d'environ six semaines, le recourant n'aurait guère pu se
voir reprocher que l'omission d'un remboursement mensuel.
Un avertissement à raison de cette unique omission ne se
justifiait pas, d'autant moins que, depuis le rejet par
le Tribunal fédéral, le 17 août 2000, des recours qu'il
avait formés contre l'arrêt cantonal du 31 mars 2000, le
recourant apparaît s'être conformé à la règle
de conduite qui lui avait été imposée.

Ainsi, l'avertissement contesté n'était pas justi-
fié. Le pourvoi est donc fondé. L'arrêt attaqué doit par
conséquent être annulé, la cause étant renvoyée à l'auto-
rité cantonale pour nouvelle décision.

3.- Vu l'issue du pourvoi, il ne sera pas perçu de
frais (art. 278 al. 2 PPF) et une indemnité sera allouée
au recourant (art. 278 al. 3 PPF).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

1. Admet le pourvoi, annule l'arrêt attaqué et
renvoie la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle
décision.

2. Dit qu'il n'est pas perçu de frais.

3. Dit que la Caisse du Tribunal fédéral versera au
recourant une indemnité de 2000 francs.

4. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire du recourant, au Procureur général du canton de
Genève et à la Cour de cassation genevoise.
____________

Lausanne, le 22 octobre 2001

Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.416/2001
Date de la décision : 22/10/2001
Cour de cassation pénale

Analyses

Art. 268 ch. 1 PPF, art. 41 ch. 3 al. 1 CP; pourvoi en nullité contre le prononcé d'un avertissement formel. Le prononcé d'un avertissement formel en application de l'art. 41 ch. 3 al. 1 CP peut faire l'objet d'un pourvoi en nullité (consid. 1a). Celui qui fait l'objet d'un tel avertissement a un intérêt juridique à se pourvoir en nullité pour le contester (consid. 1b).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-10-22;6s.416.2001 ?
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