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18/10/2001 | SUISSE | N°4C.134/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 octobre 2001, 4C.134/2001


«/2»

4C.134/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

18 octobre 2001

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu,
M. Corboz, Mme Klett et Mme Rottenberg Liatowitsch, juges.
Greffier: M. Carruzzo.

_____________

Dans la cause civile pendante
entre

M.________, défendeur et recourant, représenté par
Me Christian Dénériaz, avocat à Lausanne,

et

C.________, demandeur et intimé, représenté par Me Angelo
Ruggiero, avocat à Lausanne;<

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(contrat de bail, nullité d'une hausse de loyer; action en
répétition de l'indu, prescription)

Vu les pièces du dossier ...

«/2»

4C.134/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

18 octobre 2001

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu,
M. Corboz, Mme Klett et Mme Rottenberg Liatowitsch, juges.
Greffier: M. Carruzzo.

_____________

Dans la cause civile pendante
entre

M.________, défendeur et recourant, représenté par
Me Christian Dénériaz, avocat à Lausanne,

et

C.________, demandeur et intimé, représenté par Me Angelo
Ruggiero, avocat à Lausanne;

(contrat de bail, nullité d'une hausse de loyer; action en
répétition de l'indu, prescription)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par contrat de bail à loyer du 24 août 1988,
M.________ a remis en sous-location à C.________ un café-
restaurant, un appartement et une salle d'eau situés dans un
immeuble, propriété de son beau-père. Conclu avec effet au
15
octobre 1988 et jusqu'au 1er octobre 1991, le contrat s'est
ensuite renouvelé d'année en année.

Le loyer annuel net minimum a été fixé à 20 400 fr.
- soit 1700 fr. par mois -, montant soumis à une clause de
variation en fonction de l'évolution de l'indice suisse des
prix à la consommation (IPC). Selon l'art. 22 des disposi-
tions particulières du bail, ce loyer correspondait à un
taux
de 10% pour un chiffre d'affaires de 204 000 fr. et le loca-
taire devait un loyer complémentaire de 10% l'an sur la tran-
che comprise entre 204 000 fr. et 300 000 fr., le loyer an-
nuel maximum étant fixé à 30 000 fr. Les parties étaient en
outre convenues d'adopter la forme écrite dans leurs rela-
tions.

L'art. 25 des dispositions particulières prévoyait
que C.________ reprenait le mobilier et le matériel de l'éta-
blissement public pour un montant forfaitaire de 25 000 fr.,
cette reprise faisant l'objet d'une avance sans intérêt de
la
part du bailleur.

L'établissement public a été ouvert le 28 octobre
1988. C.________ a payé le loyer pour la première fois au
début de l'année 1989, s'acquittant en une fois des loyers
de
novembre 1988 à mars 1989. Il a toutefois payé un montant
correspondant à un loyer mensuel de 2500 fr., et non de
1700 fr. comme prévu dans le contrat. Puis il a établi un

ordre bancaire permanent pour le paiement du loyer à raison
de 2500 fr. par mois.

C.________ a expliqué qu'il avait toujours cru
qu'en versant 2500 fr. par mois, il s'acquittait de son
loyer
et remboursait le prix de la reprise du mobilier et du maté-
riel de l'établissement, à raison de 800 fr. par mois. Fai-
sant confiance à son bailleur, qui se trouve également être
un ami et s'occupe depuis des années de ses comptes par l'in-
termédiaire de sa fiduciaire, il ne se serait pas avisé du
fait qu'il avait payé à la fin du bail plus que le prix de
la
reprise de 25 000 fr. Le locataire n'exclut pas que le mon-
tant de 2500 fr. ait été discuté.

M.________, quant à lui, se prévaut d'un accord
oral intervenu après la signature du bail, mais avant la pri-
se de possession des locaux, selon lequel le loyer mensuel
net aurait été porté dès le début du bail à 2500 fr. pour te-
nir compte des améliorations apportées à l'immeuble ensuite
de travaux d'assainissement et de rafraîchissement exécutés
entre la mi-été 1988 et le printemps de l'année suivante. Ce
montant aurait fait l'objet d'une négociation et aurait
rendu
inapplicable la clause de variation de loyer en fonction du
chiffre d'affaires.

Le loyer a été augmenté à 2670 fr. dès le 1er avril
1990, puis à 2753 fr. dès le 1er janvier 1992. Ces hausses,
fondées sur la variation de l'IPC, ont été notifiées sur for-
mule officielle; elles n'ont pas été contestées par le loca-
taire.

A la fin du mois d'août 1997, C.________ s'est ren-
du compte que son commerce périclitait. Il a fait part de
ses
préoccupations à M.________, qui a accepté de baisser le
loyer à 2000 fr. par mois dès le 1er octobre 1997. Cet
accord
oral a été consigné par écrit, après que C.________ eut con-

sulté l'Association suisse des locataires (Asloca) le 27 jan-
vier 1998.

Le 20 mars 1998, C.________ a une nouvelle fois
consulté l'Asloca et lui a présenté ses bilans, ainsi qu'un
décompte rédigé avec l'aide de son amie, dont il ressortait
que les loyers payés étaient trop élevés par rapport au chif-
fre d'affaires réalisé, en violation de l'article 22 des con-
ditions particulières du bail. Il a alors été informé de
l'absence de notification sur formule officielle de la
hausse
de loyer de 1700 fr. à 2500 fr. et des conséquences de ce
manquement.

C.________ a résilié le bail pour le 30 septembre
1998 et a quitté les locaux le 30 juin 1998. Ceux-ci ont été
remis à un nouveau locataire le 1er juillet 1998.

B.- C.________ a saisi la Commission de concilia-
tion compétente, le 13 août 1998, aux fins d'obtenir le rem-
boursement des montants payés indûment sur les loyers. Après
échec de la tentative de conciliation, il a saisi le
Tribunal
des baux du canton de Vaud, concluant à ce que M.________
lui
paie la somme de 57 830 fr.85, plus intérêts.

Le défendeur a conclu à libération et, reconven-
tionnellement, au paiement par le demandeur de la somme de
31 255 fr.95, plus intérêts, soit un arriéré de loyer de
10 911 fr.20, la reprise du matériel et du mobilier de l'éta-
blissement par 19 844 fr.75 et une facture de 500 fr. Il a
en
outre invoqué la compensation de ces créances avec les pré-
tentions du demandeur.

Par jugement du 7 janvier 2000, le Tribunal des
baux a déclaré le défendeur débiteur du demandeur de la
somme
de 57 660 fr.25, plus intérêts, rejetant toutes autres ou
plus amples conclusions.

Les premiers juges ont retenu qu'après la conclu-
sion du bail litigieux, soit au moment de la signature par
les parties d'un relevé de compte du 4 mars 1989, les
parties
avaient négocié l'augmentation du loyer de 1700 fr. à
2500 fr. Relativement à l'exigence de la formule officielle
pour cette hausse, ils ont pris en considération la
formation
du demandeur, qui excluait qu'on puisse le considérer comme
étant rompu aux affaires en matière de bail, et ont déduit
de
cet élément, d'autres circonstances et de l'absence
d'indices
contraires que le demandeur ne connaissait pas son droit de
contester la hausse, laquelle n'était dès lors pas valable.

Le Tribunal des baux a rejeté l'argument du défen-
deur tiré de l'abus de droit, attendu que le demandeur
n'avait pas renoncé librement et en toute connaissance de
cause aux droits que lui conférait une notification sur for-
mule officielle et que la hausse litigieuse, en plus d'être
illégale, car rétroactive, était abusive en tant qu'elle dé-
passait 496 fr. par mois.

Les premiers juges ont ensuite constaté que le de-
mandeur avait eu connaissance de l'absence de cause valable
du paiement de la hausse litigieuse au plus tôt lors de la
consultation auprès de l'Asloca, le 20 mars 1998, et que le
délai d'une année de l'art. 67 al. 1 CO avait été respecté;
ils ont appliqué la prescription (absolue) décennale à la
créance en cause et considéré que les conditions de la resti-
tution fondée sur l'enrichissement illégitime étaient réali-
sées.

Les juges de première instance ont retenu que les
loyers versés par le demandeur du 1er novembre 1988 au 30
juin 1998 s'étaient élevés à 305 066 fr. et ils ont chiffré
ceux dus pour cette période à 227 561 fr. Ils ont déduit du
solde en faveur du demandeur, par 77 505 fr., la somme de

19 844 fr.75 correspondant à la reprise du matériel et du mo-
bilier.

Par arrêt du 6 septembre 2000, la Chambre des re-
cours du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours
déposé
par le défendeur et confirmé le jugement du Tribunal des
baux.

C.- Le défendeur interjette un recours en réforme
au Tribunal fédéral. Il conclut au rejet de la demande prin-
cipale et à l'admission de sa demande reconventionnelle à
concurrence de 19 844 fr.75, plus intérêts.

Le demandeur propose le rejet du recours et la con-
firmation de l'arrêt attaqué.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- La Chambre des recours souligne, tout d'abord,
qu'en vertu du Code de procédure civile vaudois, applicable
par renvoi de la loi sur le Tribunal des baux, elle est liée
par les faits retenus en première instance, à moins qu'ils
ne
soient en contradiction avec les pièces du dossier ou qu'il
faille les compléter sur la base de celles-ci, ce qui n'est
pas le cas en l'espèce. La juridiction fédérale de réforme
est donc également liée par cet état de fait, sauf
exceptions
non invoquées ici (art. 63 al. 2 OJ).

Constatant que la conclusion du bail en cause et la
fixation du loyer à 2500 fr. sont intervenues avant l'entrée
en vigueur du nouveau droit de bail le 1er juillet 1990, la
cour cantonale, comme les premiers juges, a considéré qu'el-
les étaient soumises à l'ancien droit. Elle a donc appliqué
l'art. 18 al. 2 de l'arrêté fédéral du 30 juin 1972 insti-

tuant des mesures contre les abus dans le secteur locatif
(AMSL; réglementation reprise à l'art. 269d CO); selon cette
disposition, l'avis de majoration doit être notifié sur une
formule agréée par le canton qui indiquera que le locataire
peut, dans les trente jours, contester le montant du loyer
qu'il estime abusif devant la commission de conciliation.

2.- a) Le défendeur ne conteste pas l'application
de l'ancien droit. Cependant, dans un premier moyen, il fait
valoir que le loyer initial, fixé à 1700 fr. par mois dans
le
contrat écrit du 24 août 1988, a fait l'objet d'une modifica-
tion consensuelle avant le mois de mars 1989, excluant l'ap-
plication de l'art. 18 al. 2 AMSL. A cet égard, il relève
que
le demandeur n'a pas exclu que le montant de 2500 fr. ait
été
discuté, ajoutant que la thèse d'une modification consensuel-
le du loyer est encore confortée du fait que le loyer
initial
(1700 fr.) n'a jamais été appliqué et qu'il n'y a donc
jamais
eu de véritable majoration de loyer en cours de bail.

Le défendeur s'en prend aux considérations de la
Chambre des recours, selon lesquelles il n'avait pas prouvé
que le demandeur était parfaitement au courant de son droit
de contester. Il fait valoir que le demandeur, qui est au bé-
néfice d'une patente de cafetier-restaurateur depuis 1978, a
exploité entre 1977 et 1981 un café-restaurant et un café en
tant que locataire. On ne saurait dès lors imaginer, selon
lui, que cette expérience commerciale, ajoutée au fait qu'il
s'est acquitté du loyer litigieux pendant près d'une dizaine
d'années, soit possible (sic). Il tomberait sous le sens que
le demandeur avait, en toute connaissance de cause, renoncé
à
contester cette majoration à laquelle il avait pleinement
consenti.

b) Dans un arrêt du 28 mars 1995 (publié in mp 1995
p. 145), le Tribunal fédéral a décidé qu'à côté de la modifi-
cation unilatérale du loyer par le bailleur, expressément ré-

glée par la loi, les parties avaient la possibilité, d'un
commun accord, de modifier leur contrat de manière bilatéra-
le; tant que le but protecteur de la loi n'était pas éludé,
il a estimé qu'il n'était pas nécessaire que les exigences
de
forme valables pour les modifications unilatérales s'appli-
quent aux modifications conventionnelles. Dans un arrêt
ultérieur, le Tribunal fédéral a précisé qu'en ayant renoncé
à un contrôle officiel des loyers, on a laissé au locataire
la faculté de contester ou non le caractère éventuellement
abusif de la contrepartie mise à sa charge pour
l'utilisation
de la chose. La renonciation à user de son droit de
contester
le loyer peut donc conduire un locataire à payer, consciem-
ment et de son plein gré, un montant objectivement trop
élevé
pour l'objet du bail. Dans cette mesure, la liberté contrac-
tuelle n'est pas restreinte par les dispositions sur les
loyers abusifs. Il faut cependant que le locataire soit in-
formé de ses droits à cet égard et qu'il ne subisse aucune
pression (ATF 123 III 70 consid. 3a).

L'utilisation d'une formule officielle permet de
rendre le locataire attentif à la possibilité qui lui est of-
ferte de contester le loyer. Sa notification fait partir le
délai de trente jours dans lequel il peut intenter une procé-
dure tendant à contrôler que le prix qu'il paie pour l'usage
de la chose est convenable. Une modification consensuelle du
contrat de bail, pour qu'elle ne fasse pas échec au but de
protection de la formule, implique que l'information du loca-
taire s'agissant de la possibilité de contester le loyer est
garantie d'une autre manière et que tout moyen de pression,
notamment sous forme d'une menace de résiliation, peut être
exclu. Le consentement des parties au contrat, propre à jus-
tifier de renoncer à l'obligation d'user d'une formule offi-
cielle, ne se déduit en tout cas pas de la simple signature
du locataire apposée sur un avenant préparé par le bailleur.
Une modification consensuelle du contrat ne permet de renon-
cer aux exigences de forme protectrices que s'il est établi

que le locataire a été informé de la possibilité de
contester
la modification du loyer mais qu'en renonçant à la formule
officielle il a également renoncé par avance en toute con-
naissance de cause à cette possibilité et, surtout, que si
l'on peut exclure qu'il a agi sous la pression (ATF 123 III
70 consid. 3b).

Ainsi que l'a justement relevé la cour cantonale,
il appartient au bailleur, conformément à l'art. 8 CC, d'éta-
blir la validité de la hausse, soit que les conditions préci-
tées sont remplies.

c) En l'espèce, les juges précédents ont retenu que
le défendeur n'avait
pas prouvé que le demandeur était par-
faitement au courant de son droit de contester la hausse li-
tigieuse, les indications données en particulier quant à la
formation et aux connaissances de celui-ci tendant plutôt à
démontrer le contraire. Il s'agit là de constatations de
fait
qui lient la juridiction fédérale de réforme et que le défen-
deur tente en vain de contester par des moyens purement ap-
pellatoires fondés sur la prétendue expérience commerciale
du
demandeur. Les faits constatés dans l'arrêt attaqué ne per-
mettent en tout cas pas d'admettre l'expérience commerciale
du demandeur. En effet, la cour cantonale retient que le de-
mandeur est camionneur; qu'il est au bénéfice d'une patente
de cafetier-restaurateur depuis 1978; qu'entre 1977 et 1981,
il a exploité un café-restaurant et un café en tant que loca-
taire, puis a travaillé comme charpentier, chauffeur-déména-
geur et conducteur de camions avant de reprendre l'établisse-
ment public en cause; qu'il a également loué un appartement
à
Lausanne de 1981 à 1983, puis un studio pendant cinq ou six
ans; enfin, qu'il ne se souvient pas de s'être vu notifier
des hausses de loyer, ni pour son logement ni pour l'établis-
sement public exploité auparavant.

Une modification consensuelle du loyer, avec infor-
mation du locataire quant à la possibilité de contester l'au-
gmentation du loyer, ne ressort d'ailleurs aucunement de
l'arrêt attaqué. Un accord sur la modification du loyer
n'est
même pas établi, d'autant moins que les parties n'ont même
pas usé de la forme écrite pour procéder à la hausse de
loyer, alors que ladite forme était expressément prévue par
leur contrat.

Partant, il faut admettre, avec les juges précé-
dents, que l'utilisation de la formule officielle s'imposait
et que son absence entraînait la nullité absolue de la haus-
se, en vertu de l'art. 18 al. 3 AMSL (repris à l'art. 269d
al. 2 let. a CO).

3.- a) Le défendeur s'en prend ensuite, à titre
subsidiaire, au rejet par les juges précédents de son moyen
tiré de l'abus de droit. Il fait valoir que, pendant toute
la
période où il a continué à s'acquitter du loyer litigieux,
le
demandeur aurait eu maintes fois la possibilité de le remet-
tre en cause, soit lorsque des hausses de loyer ultérieures
lui ont été notifiées sur formule officielle et qu'elles in-
diquaient à la rubrique "ancien loyer" le loyer litigieux,
soit lors de la première consultation à l'Asloca le 27 jan-
vier 1998, après laquelle le défendeur a admis de réduire le
loyer à 2000 fr. avec effet rétroactif. L'attitude du deman-
deur serait contradictoire et ne mériterait pas la
protection
que confère la loi en matière de modification unilatérale du
loyer.

b) Une exception au droit de répétition pour cause
d'enrichissement illégitime fondé sur la nullité de la
hausse
de loyer ne peut être admise que dans les limites étroites
de
l'abus de droit, c'est-à-dire dans le cas où le preneur
s'est
rendu compte du vice de forme et s'est abstenu de protester
dans le dessein d'en tirer, le cas échéant, ultérieurement

profit (ATF 113 II 187 consid. 1a p. 189). La jurisprudence
considère comme abusif le comportement d'une partie au con-
trat de bail qui adopte initialement une attitude de nature
à
susciter chez l'autre partie une confiance légitime pouvant
se traduire par des actes qui pourraient se révéler par la
suite préjudiciables pour elle au regard d'une nouvelle si-
tuation; elle cite par exemple le cas du locataire qui a re-
noncé expressément et en toute connaissance de cause aux exi-
gences de l'art. 18 AMSL, exécutant de son plein gré
l'accord
conclu. Pour juger si le fait d'invoquer la nullité de la
hausse constitue un abus de droit, il faut tenir compte de
la
nature de la modification contractuelle affectée du vice et
des circonstances qui l'entourent (ATF 123 III 70 consid. 3c
et d).

Comme il ne ressort pas, en l'espèce, des faits de
la cause que le demandeur se soit rendu compte du vice de
forme qui affectait la hausse de loyer, et qu'il est même
constaté que l'intéressé n'a eu connaissance de l'absence de
cause valable du paiement de la hausse litigieuse que le 20
mars 1998, on ne peut pas retenir un abus de droit, au sens
de l'art. 2 al. 2 CC (cf. ATF 113 II 187 consid. 1b). L'ab-
sence de toute constatation selon laquelle le demandeur se
serait rendu compte du vice de forme et se serait abstenu de
protester dans le dessein d'en tirer, le cas échéant, ulté-
rieurement profit, ou aurait renoncé expressément et en
toute
connaissance de cause aux exigences de l'art. 18 AMSL est, à
cet égard, déterminante. C'est donc à juste titre que les ju-
ges précédents n'ont pas retenu l'abus de droit.

4.- a) A titre très subsidiaire, pour le cas où
l'action en répétition de l'indu ne serait pas rejetée, le
défendeur soutient qu'il faut appliquer en l'espèce le délai
de prescription de cinq ans de l'art. 128 ch. 1 CO. Par voie
de conséquence, les loyers payés avant le 13 août 1993 ne
sauraient faire l'objet d'une restitution. Le défendeur se

réfère, sur ce point, à un arrêt de la Chambre d'appel en ma-
tière de baux et loyers du canton de Genève du 11 janvier
1999, d'après lequel les actions en paiement et en
répétition
de prestations périodiques, telles que le loyer, seraient
soumises au même délai de cinq ans (Cahiers du bail 1999 p.
51 ss).

b) La cour cantonale a examiné la question au con-
sid. 4b de son arrêt. Elle en a fait le tour d'une manière
complète et convaincante, citant les auteurs (majoritaires)
pour qui le délai absolu de dix ans de l'art. 67 CO s'appli-
que aussi aux loyers (Knoepfler, Problèmes posés par les
loyers payés à tort, in 2ème Séminaire sur le bail à loyer,
Neuchâtel 1982, p. 12; Lachat, Le bail à loyer, p. 270;
Higi,
Commentaire zurichois, n. 227 ad art. 269d CO p. 464: Droit
suisse du bail à loyer, Commentaire de l'USPI, n. 44 ad art.
269d CO), ainsi que l'opinion contraire de Mark Muller (La
contestation du loyer initial et sa notification sur formule
officielle, in Cahiers du bail 1995 p. 12), qui se réfère à
Spiro (Die Begrenzung privater Rechte durch Verjährungs- und
Fatalfristen, vol. I, p. 714), sur laquelle repose l'arrêt
genevois sus-indiqué. Elle a également mentionné des arrêts
rendus par le Tribunal fédéral en matière de droit public,
qu'elle a jugés sans pertinence pour déterminer si, en droit
civil, la restitution de prestations périodiques indues est
soumise à l'art. 67 CO ou à l'art. 128 CO.

Avec la cour cantonale, on doit retenir qu'en ma-
tière d'actes illicites et d'enrichissement illégitime, les
art. 60 et 67 CO ne réservent pas de régime particulier pour
les prestations périodiques et qu'ils diffèrent en outre du
régime ordinaire des art. 127 et 128 CO en ce sens qu'ils
prévoient un délai de prescription d'un an dès la connaissan-
ce du fait permettant de réclamer des dommages-intérêts ou
la
restitution de l'indu. Il s'agit là de dispositions insti-
tuant un régime spécifique, qui déroge au système ordinaire.

On ne saurait, faute de disposition légale expresse et clai-
re, introduire un délai de prescription spécial de cinq ans;
seul le législateur pourrait le faire. Il n'est pas possible
d'esquiver la réalité de l'art. 67 CO. C'est pourquoi la so-
lution retenue par les juges précédents mérite d'être approu-
vée par adhésion de motifs.

5.- Cela étant, il y a lieu de rejeter le recours
et de confirmer l'arrêt attaqué. Le défendeur, qui succombe,
devra supporter les frais et dépens de la procédure fédérale
(art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué;

2. Met un émolument judiciaire de 2500 fr. à la
charge du recourant;

3. Dit que le recourant versera à l'intimé une in-
demnité de 3500 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre des recours du Tribunal
cantonal du canton de Vaud.

___________

Lausanne, le 18 octobre 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.134/2001
Date de la décision : 18/10/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-10-18;4c.134.2001 ?
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