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16/10/2001 | SUISSE | N°6S.399/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 16 octobre 2001, 6S.399/2001


«AZA 1/2»
6S.399/2001/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

16 octobre 2001

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
M. Schneider, M. Wiprächtiger, M. Kolly et Mme Escher,
Juges. Greffière: Mme Michellod.
____________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

Gaston-Armand A m a u d r u z, à Lausanne, représenté
par Me Jean-Pierre Moser, avocat à Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 20 novembre 200

0 par la Cour de cassa-
tion pénale du Tribunal cantonal vaudois dans la cause
qui oppose le recourant au Ministère pu...

«AZA 1/2»
6S.399/2001/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

16 octobre 2001

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
M. Schneider, M. Wiprächtiger, M. Kolly et Mme Escher,
Juges. Greffière: Mme Michellod.
____________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

Gaston-Armand A m a u d r u z, à Lausanne, représenté
par Me Jean-Pierre Moser, avocat à Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 20 novembre 2000 par la Cour de cassa-
tion pénale du Tribunal cantonal vaudois dans la cause
qui oppose le recourant au Ministère public du canton
de V a u d, à la Fédération Suisse des Communautés
Israélites, représentée par Me Bernard Geller, avocat à
Lausanne, à la Ligue Internationale contre le Racisme
et l'Antisémitisme (LICRA), représentée par Me Philippe
Nordmann, avocat à Lausanne, à l'Association des Fils
et Filles des Déportés Juifs de France, représentée par
Me Philippe A. Grumbach, avocat à Genève ainsi qu'à
Sigmund T o m a n, à Vevey, représenté par Me Lucien
Gani, avocat à Lausanne;

(art. 261bis CP; art. 41, 58 et 61 CP;
art. 41 et 49 CO)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par jugement du 10 avril 2000, le Tribunal
correctionnel du district de Lausanne a reconnu Gaston-
Armand Amaudruz coupable de discrimination raciale (art.
261bis CP) et l'a condamné à la peine d'un an d'emprison-
nement ainsi qu'à verser des indemnités pour tort moral
à différentes parties civiles. Il a en outre ordonné la
confiscation et la destruction des ouvrages qui avaient
été séquestrés chez le recourant et la publication du
dispositif du jugement.

Par arrêt du 20 novembre 2000, la Cour de cas-
sation pénale du Tribunal cantonal vaudois a admis le
recours du condamné et a réformé le jugement en réduisant
la peine d'emprisonnement d'un an à trois mois et en
réduisant les indemnités dues aux associations parties
civiles. Elle l'a confirmé pour le surplus.

B.- Cet arrêt retient notamment les faits sui-
vants:

a) Gaston-Armand Amaudruz est né en 1920. Après
avoir effectué sa scolarité et ses études à Lausanne, il
a obtenu un doctorat à l'Université de Lausanne en 1942.
Il a ensuite travaillé pour une compagnie d'assurances à
Lausanne, puis a effectué divers remplacements en tant
qu'enseignant au niveau primaire et supérieur jusqu'en
1956. Il a par la suite enseigné le français et l'alle-
mand dans différents établissements jusqu'en 1985. Son
casier judiciaire est vierge et il n'a jamais occupé
défavorablement les services de police.

b) Depuis 1946, Gaston-Armand Amaudruz édite et
distribue, depuis son domicile lausannois, un journal
intitulé "Courrier du Continent". Il procède lui-même au
tirage de cette revue à raison de quatre cents à cinq
cents exemplaires, une dizaine de fois par année. En
1995, le journal en question était diffusé auprès de deux
cents abonnés ainsi qu'à divers destinataires, notamment
différents services de presse. Gaston-Armand Amaudruz a
aussi admis qu'il adressait systématiquement des exem-
plaires à toutes les adresses de personnes qui lui
avaient été citées comme "intéressantes" par ses sympa-
thisants.

Chaque année, au mois de septembre, Gaston-Armand
Amaudruz annexe au numéro du "Courrier du Continent" une
liste d'ouvrages qu'il propose à la vente, en indiquant
leur prix. Compte tenu des frais de port, d'achat de li-
vres et de stockage, le recourant a déclaré ne pas faire
de bénéfice net grâce à ces ventes.

En septembre 1994, il a annexé au "Courrier du
Continent" une liste de publications disponibles par son
intermédiaire, qui devait être valable jusqu'au mois de
septembre 1995. Dans la liste en question, il a expres-
sément attiré l'attention de ses lecteurs sur le fait que
les ouvrages rangés sous les rubriques "social-racisme"
et "révisionnisme-historique" étaient menacés par l'adop-
tion de l'art. 261bis CP, disposition qui entrerait en
vigueur le 1er janvier 1995. Il n'a toutefois pas retiré
les ouvrages précités de la vente après cette date. Il a
même déclaré que si des commandes avaient été passées
postérieurement au 1er janvier 1995, il les aurait hono-
rées, précisant toutefois ne pas savoir si tel avait été
le cas. L'instruction n'a pas permis non plus de dire
avec précision si des publications visées par l'art.
261bis CP avaient été commandées et vendues après le

1er janvier 1995, car aucun pointage des versements
opérés sur le compte postal du recourant n'avait été
réalisé. Celui-ci a indiqué avoir cessé toute livraison
des ouvrages litigieux dès l'intervention de la police à
son domicile et son audition par le magistrat instructeur
en date du 9 juin 1995.

Parmi les ouvrages proposés par Gaston-Armand
Amaudruz en septembre 1994 figuraient des écrits ou des
revues exposant des thèses négationnistes ou révisionnis-
tes concernant le génocide perpétré durant la deuxième
guerre mondiale, en particulier en rapport avec la
communauté juive. Ainsi, il était possible de commander
les ouvrages suivants: "Six millions de morts le sont-ils
réellement ?", "Der Auschwitz Mythos", ou encore "Le
mensonge d'Auschwitz". Une petite partie des ouvrages
incriminés constituait de la propagande raciste, sans
allusion aux crimes nazis de la deuxième guerre mondiale.

c) Au début de l'année 1995, Gaston-Armand
Amaudruz a reçu quatre exemplaires du livre "Grundlagen
zur Zeitgeschichte". Il a fait état de cet arrivage dans
le "Courrier du Continent" du mois de juin 1995, paru
juste avant l'intervention de la police. Dans le bloc-
notes de ce journal, le recourant expliquait qu'il
s'agissait d'une oeuvre collective de quinze révision-
nistes et que cet ouvrage était recherché par les auto-
rités allemandes en vue de destruction. Il annonçait
qu'il avait pu "mettre la main" sur quelques exemplaires
et les vendait 50 francs pièce. Le recourant ne paraît
pas avoir pu honorer de commande avant le 9 juin 1995,
date de la visite domiciliaire.

Les premiers juges ont constaté que ce livre
contenait effectivement un avant-propos et une série

d'articles mettant en doute ou niant l'existence du
génocide juif pendant la seconde guerre mondiale.

d) En mars 1995, Gaston-Armand Amaudruz a écrit
et publié, dans son journal "Le Courrier du Continent",
un article ayant pour titre "La question juive". On
pouvait notamment y lire:

"Que ces extrémistes juifs croient ou feignent
de croire à l'extermination des "six millions" dans les
chambres à gaz au cours de la deuxième guerre mondiale,
libre à eux. Qu'ils cherchent à en persuader leurs co-
religionnaires n'est pas très loyal, mais passe encore.
Qu'ils prétendent imposer aux non-Juifs, par des lois
ad hoc, la foi en l'"holocauste", voilà qui nous semble
légèrement exagéré.

Ces extrémistes, que nous avons déjà nommés
"maximalistes" en raison de leurs exigences insatiables,
veulent imposer aux autres peuples toutes sortes de re-
vendications: des réparations, des muselières, le mon-
dialisme (y compris le libre-échangisme et le mélange
des races).

(...) Nous remplirions des pages à citer les
maximalistes favorables au mélange des races. Bornons-
nous à constater qu'avec eux une importante partie de
la communauté juive mondiale s'intègre dans le lobby
mondialiste métisseur des peuples.

(...) Le chantage fondé sur l'"holocauste" des
"six millions" finira par lasser les meilleures volontés.
Cela d'autant plus que 50 ans se sont écoulés depuis ces
faits mythiques.

(...) En effet, par leurs composantes sémite,
turco-tatare (les Khazars) et européenne (par le mélange
avec divers peuples-hôtes), les Juifs appartiennent à
cette race blanche que leurs "responsables" s'acharnent à
détruire. Sans doute, telle n'est pas leur intention, ils
veulent affaiblir les goyim par métissage pour mieux les
dominer. Seulement, le processus des plus dangereux,
risque de leur échapper. Et le déclin de la grande race
blanche entraînera la disparition de l'ethnie juive.

(...) Que les Juifs, eux aussi, élaborent un plan
de mille ans fondé, non sur la violence, mais sur les
services rendus. (...) "

En juillet 1995, le recourant a écrit et publié
dans son journal un article qui s'intitulait "Je ne crois
pas aux chambres à gaz". Au début de cette chronique, il
rappelait qu'il avait été inculpé pour discrimination
raciale au sens de l'art. 261bis CP, disposition dont il
estimait qu'elle constituait la principale présomption
contre l'existence des chambres à gaz dans les camps de
concentration durant la deuxième guerre mondiale.
Ensuite, il ajoutait notamment ce qui suit:

"En effet, si l'existence des chambres à gaz
était sûre et certaine, il suffirait d'en publier des
preuves. Nul besoin d'une loi pour en imposer la
croyance. A elle seule, cette loi démontre que les
preuves des exterminationistes sont moins concluantes
qu'ils ne le voudraient. Comme toujours au cours de
l'histoire, imposer un dogme par la force est un signe de
faiblesse. Les exterminationistes pourront gagner les
procès en vertu des lois muselières. Ils perdront le
dernier devant le tribunal des générations futures".

Après avoir évoqué l'inexistence des chambres à
gaz dans divers camps de concentration et l'impossibilité
de rapporter la preuve négative de ce fait, le recourant
ajoutait:

"A propos des "chambres", trois possibilités se
présentent: 1) les "chambres" ont existé; 2) elles n'ont
pas existé; 3) on ignore si elles ont existé ou non. De-
puis le 1er janvier 1995, la proposition n. 2 constitue
un délit. Comme il n'y a encore aucune jurisprudence en
la matière, on ne sait pas si la proposition n. 3, c'est-
à-dire le doute, va être assimilée à une négation et, par
suite, réputée punissable. En ce cas, cela reviendrait à
déclarer obligatoire la proposition n. 1: la croyance au
gazage.

(...) Quant à moi, je maintiens ma position: je
ne crois pas aux chambres à gaz. Que messieurs les exter-
minationistes en fournissent la preuve et j'y croirai.
Mais comme j'attends cette preuve depuis des dizaines
d'années, je ne pense pas la voir apparaître de sitôt. Je
serais même ravi d'une condamnation, car celle-ci prouve-
rait le caractère terroriste de la muselière."

En avril 2000, Gaston-Armand Amaudruz a écrit et
publié dans le même journal un article intitulé "Vive le
révisionnisme". On pouvait notamment y lire:

"L'art. 261bis CP supprime la liberté d'expres-
sion. Il rend impossible d'enrayer l'immigration de
couleur. Il pousse au génocide par métissage de la race
blanche.

(...) Essayez donc d'invoquer l'incompatibilité
biologique pour stopper l'invasion de couleur et pour

ramener dans leur continent d'origine les effectifs déjà
installés.

(...) Le crime véritable, c'est le métissage. Et
les auteurs des muselières ont commis un crime contre la
race.

(...) Dès l'instant où les cadavres deviennent
des postes de facture, un contrôle du nombre se justifie.
N'importe quelle indemnité, multipliée par six millions
ou par 300'000 (estimation de certains révisionnistes)
donne des résultats dans le rapport de 20 à 1. Nos
banques auraient donc pu résister à un chantage dont,
paradoxalement, elles semblent satisfaites.

(...) Dans ce contexte, le révisionnisme histo-
rique joue un rôle décisif: il protège la race blanche du
métissage et s'oppose au chantage des organisations
extrémistes juives.

(...) Poursuivi pour révisionnisme, je répète: le
chiffre de six millions est impossible, je ne crois pas
aux chambres à gaz, faute de preuves. Mon procès est un
procès politique, le jugement dépend uniquement de l'op-
portunité du moment. Préférant obéir à ma conscience qu'à
une loi immorale et criminelle, je persiste et signe.
Vive le révisionnisme !"

C.- a) Le Tribunal correctionnel a considéré que
le recourant avait enfreint l'art. 261bis al. 1, 2 et
4 CP en gardant à disposition de ses lecteurs, après le
1er janvier 1995, les ouvrages qui figuraient dans la
liste annexée au "Courrier du Continent" de septembre
1994.

Il l'a également reconnu coupable d'infraction à
l'art. 261bis al. 4 in fine CP pour avoir proposé à ses
lecteurs, en juin 1995, quelques exemplaires de l'ouvrage
"Grundlagen zur Zeitgeschichte".

Enfin, il l'a reconnu coupable d'infraction à
l'art. 261bis al. 1, 2 et 4 CP pour avoir publié dans le
"Courrier du Continent", en mars et juillet 1995 ainsi
qu'en avril 2000, trois articles cumulant les qualités de
propagande raciste et d'atteinte à la mémoire du géno-
cide.

b) Sur recours de Gaston-Armand Amaudruz, la cour
cantonale a considéré que le fait d'avoir gardé à dispo-
sition d'éventuels acheteurs, après le 1er janvier 1995,
des livres contenant des thèses révisionnistes et racis-
tes ne constituait pas une infraction à l'art. 261bis CP.
Elle a donc admis le recours sur ce point. En revanche,
elle a confirmé le jugement concernant la mise en vente
du livre "Grundlagen zur Zeitgeschichte" et la publica-
tion des trois articles.

D.- Gaston-Armand Amaudruz forme un pourvoi en
nullité contre l'arrêt du 20 novembre 2000 et conclut à
son annulation.

Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le pourvoi en nullité, qui a un caractère
cassatoire (art. 277ter al. 1 PPF), ne peut être formé

que pour violation du droit fédéral et non pour violation
directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 269
PPF).

Le pourvoi n'est pas ouvert pour se plaindre de
l'appréciation des preuves et des
constatations de fait
qui en découlent (ATF 124 IV 81 consid. 2a p. 83 et les
arrêts cités). Sous réserve de la rectification d'une
inadvertance manifeste, la Cour de cassation est liée par
les constatations de fait de l'autorité cantonale (art.
277bis al. 1 PPF). Il ne peut être présenté de griefs
contre celles-ci, ni de faits ou de moyens de preuve
nouveaux (art. 273 al. 1 let. b PPF). Dans la mesure où
le recourant présenterait un état de fait qui s'écarte de
celui contenu dans la décision attaquée, il n'est pas
possible d'en tenir compte; le raisonnement juridique
doit être mené exclusivement sur la base de l'état de
fait retenu par la cour cantonale (cf. ATF 124 IV 92
consid. 1 p. 93, 81 consid. 2a p. 83 et les arrêts
cités).

La Cour de cassation n'est pas liée par les mo-
tifs invoqués mais elle ne peut aller au-delà des conclu-
sions du recourant (art. 277bis PPF), lesquelles doivent
être interprétées à la lumière de leur motivation (ATF
124 IV 53 consid. 1 p. 55; 123 IV 125 consid. 1 p. 127).

2.- Le recourant estime que les trois articles
pour lesquels il a été condamné ne tombent pas sous le
coup de l'art. 261bis al. 1, 2 et 4 CP.

a) Le contenu de l'art. 261bis al. 1, 2 et 4 CP
est le suivant:
1. celui qui, publiquement, aura incité à la
haine ou à la discrimination envers une personne ou un

groupe de personnes en raison de leur appartenance
raciale, ethnique ou religieuse;
2. celui qui, publiquement, aura propagé une
idéologie visant à rabaisser ou à dénigrer de façon
systématique les membres d'une race, d'une ethnie ou
d'une religion;
4. celui qui aura publiquement, par la parole,
l'écriture, l'image, le geste, par des voies de fait ou
de toute autre manière, abaissé ou discriminé d'une façon
qui porte atteinte à la dignité humaine une personne ou
un groupe de personnes en raison de leur race, de leur
appartenance ethnique ou de leur religion ou qui, pour la
même raison, niera, minimisera grossièrement ou cherchera
à justifier un génocide ou d'autres crimes contre l'huma-
nité, sera puni de l'emprisonnement ou de l'amende.

b) Le recourant conteste avoir agi publiquement,
comme l'exigent les alinéas 1, 2 et 4 de l'art. 261bis
CP.

La jurisprudence a défini dans quels cas l'auteur
agissait publiquement au sens de l'art. 261bis al. 1 à 4
CP. Le caractère public dépend des circonstances globales
et doit être apprécié en fonction du sens et du but de la
norme pénale en cause. Parmi les circonstances pertinen-
tes figurent d'une part l'endroit où les propos incrimi-
nés sont tenus et, d'autre part, le nombre de destinatai-
res ainsi que les liens que l'auteur entretient avec eux.
Ainsi, les propos tenus dans un lieu où ils peuvent être
perçus par un nombre indéterminé de personnes peuvent
être publics même si concrètement ils ne sont portés qu'à
la connaissance de deux personnes. Par contre, cela ne
saurait être le cas si les propos sont émis dans un
cercle fermé, même s'il comprend vingt personnes par
exemple (ATF 126 IV 176 consid. 2b et c, 230 consid. 2b
p. 233 s.).

Selon la jurisprudence, est publique la provoca-
tion au crime ou à la violence réalisée par le collage
d'une affiche sur un panneau de signalisation en ville
(ATF 111 IV 151). Est public l'envoi de 432 lettres, donc
à un grand cercle de destinataires (ATF 123 IV 202
consid. 4c p. 210), de même que l'envoi d'un document à
plusieurs dizaines de personnes (ATF 126 IV 20 consid. 1d
p. 25/26). En revanche, n'est pas public l'envoi d'un
livre à sept personnes même si l'expéditeur n'a aucun
contrôle sur les destinataires et qu'il existe un risque
que, via ceux-ci, le contenu incriminé de l'ouvrage se
répande auprès d'un cercle plus large; le contrôle par
l'expéditeur sur la diffusion ultérieure n'est pas le
critère adéquat pour trancher entre ce qui est public et
ce qui ne l'est pas; ce n'est pas le risque d'une large
diffusion qu'il faut prendre en compte, mais il s'agit
bien plus de savoir si ce risque s'est effectivement
réalisé pour admettre que l'auteur a agi publiquement; le
fait que le risque soit plus ou moins grand suivant que
les propos sont adressés à des amis, de simples connais-
sances ou des étrangers n'a de rôle que dans l'apprécia-
tion de l'élément subjectif de l'infraction, plus le
risque étant élevé, plus le dol éventuel pouvant le cas
échéant être admis (ATF 126 IV 176 consid. 2b et c, 230
consid. 2b p. 233 s.).

En l'espèce, il est établi qu'en 1995, le recou-
rant diffusait le "Courrier du Continent" auprès d'envi-
ron deux cents abonnés ainsi qu'à divers destinataires en
particulier différents services de presse. Le recourant a
aussi admis qu'il adressait systématiquement des exem-
plaires à toutes les personnes qui lui avaient été citées
comme "intéressantes" par ses sympathisants.

Le cercle des destinataires du "Courrier du
Continent" n'était donc pas un cercle fermé contrairement

à ce qu'affirme le recourant. Que les destinataires aient
été des abonnés ou des personnes décrites comme "intéres-
santes" par les sympathisants n'y change rien. Ces per-
sonnes semblent d'ailleurs avoir reçu un exemplaire du
journal sans même l'avoir demandé.

Au demeurant, quelque soit le mode de recrutement
des destinataires du journal, leur nombre très élevé
suffit pour retenir que le recourant a agi publiquement
au sens de l'art. 261bis al. 1, 2 et 4 CP.

c) S'agissant de l'alinéa 4 in fine, le recourant
développe plusieurs arguments à l'appui d'une interpré-
tation restrictive de la notion de "négation". Selon lui,
une interprétation restrictive implique que le mobile
mentionné par la loi ("pour la même raison") soit consi-
déré comme un élément constitutif de l'infraction; en
d'autres termes, le recourant soutient que l'auteur ne
peut être condamné que s'il agit pour des motifs liés à
la race, l'appartenance ethnique ou la religion du groupe
de personnes visé par la négation. Il affirme en outre
que la négation d'un génocide n'est punissable que si
l'auteur agit exclusivement pour les motifs susmention-
nés. Si le génocide est nié également pour d'autres
motifs, la négation ne serait plus une "atteinte à la
dignité humaine" et ne relèverait plus de l'art. 261bis
al. 4 CP.

Le recourant ne conteste pas que le contenu de
ses trois articles nie l'existence des chambres à gaz et
met en doute l'importance du nombre de victimes du géno-
cide, voire conteste l'existence de celui-ci. Il fait
uniquement valoir que la loi exige un mobile qualifié et
que celui-ci fait défaut en l'espèce. Il en veut pour
preuve le fait que ses articles ne s'en prennent qu'aux
Juifs extrémistes et non à tout le peuple juif.

Dans ses premiers arrêts sur la question, le Tri-
bunal fédéral a considéré que, sur le plan subjectif,
l'infraction impliquait un comportement dicté par des
mobiles de discrimination raciale (ATF 123 IV 202 consid.
4c p. 209 s.; 124 IV 121 consid. 2b p. 123 s.). Plus ré-
cemment, il a relevé que la question était controversée
en doctrine et l'a laissée ouverte (ATF 126 IV 20 consid.
1d p. 25 s.).

Tel peut également être le cas en l'espèce. En
effet, l'arrêt attaqué retient que le recourant a agi
pour des motifs antisémites; cette constatation lie le
Tribunal fédéral saisi d'un pourvoi en nullité (cf.
supra, consid. 1). La question de savoir si l'auteur doit
avoir été mû par des motifs liés à la race, l'ethnie ou
la religion n'a donc pas besoin d'être tranchée en l'es-
pèce. De même, il n'est pas nécessaire de déterminer si
l'infraction exige des motifs liés exclusivement à la
race, l'ethnie ou la religion. En effet, l'arrêt attaqué
ne constate pas que le recourant aurait nié l'existence
des chambres à gaz et mis en doute le génocide juif pour
des motifs indépendants de la religion des personnes
visées par la négation.

d) S'agissant des alinéas 1, 2 et 4 1ère phrase,
également retenus par l'arrêt attaqué pour le contenu des
articles incriminés, le recourant soutient qu'ils ne
peuvent s'appliquer dès lors que l'alinéa 4 in fine est
réalisé. Cette dernière disposition saisirait le contenu
des articles sous tous leurs aspects.

aa) Selon la jurisprudence, l'art. 261bis CP,
qui est classé parmi les infractions contre la paix
publique, protège essentiellement la dignité de l'homme
en tant que membre d'une race, d'une ethnie ou d'une
religion. Dans ce contexte, conformément à la volonté du

législateur, les trois premiers alinéas de l'art. 261bis
CP visent plus précisément à combattre la haine raciale
et l'alinéa 4 à interdire les atteintes discriminatoires
(ATF 126 IV 20 consid. 1c p. 24 et les arrêts cités).

Les alinéas 1 à 3 de l'art. 261bis CP ne visent
que l'agitation raciale; il s'agit d'appels qui s'adres-
sent à un nombre indéterminé de personnes, mais qui
peuvent avoir pour but l'excitation publique envers une
ou plusieurs personnes. L'alinéa 4 concerne de véritables
attaques ayant pour motif la discrimination raciale et
qui sont donc dirigées directement contre un ou plusieurs
membres du groupe visé; ainsi, le comportement de l'au-
teur vise à attaquer tel Juif ou les Juifs parce qu'ils
sont juifs, en les traitant de manipulateurs, de person-
nes programmées pour s'accaparer tout ce qu'ils peuvent,
etc. Le législateur a fait figurer le révisionnisme à
l'alinéa 4 in fine et l'a donc considéré non pas comme un
acte d'agitation raciale ou d'excitation publique mais
comme une atteinte directe contre les personnes d'origine
juive (ATF 126 IV 20 consid. 1c p. 24 s. et les réfé-
rences citées).

bb) S'agissant des articles écrits et publiés par
le recourant, il ne fait aucun doute que leur contenu va
au-delà de la mise en doute du nombre de victimes de
l'holocauste et de la négation de l'existence des cham-
bres à gaz. L'alinéa 4 in fine de l'art. 261bis CP ne
couvre donc pas les textes incriminés sous tous leurs
aspects.

Dans les articles incriminés, le recourant repro-
che aux extrémistes juifs d'imposer par des lois aux non-
Juifs la foi en l'holocauste, d'avoir des exigences
insatiables et d'imposer aux autres peuples des revendi-
cations de toutes sortes, de pratiquer un chantage fondé

sur "l'holocauste des six millions", de s'acharner à dé-
truire la race blanche et de vouloir affaiblir les goyim
(nom donné par les Israélites aux personnes étrangères à
leur culte, Petit Robert 1990) par métissage pour mieux
les dominer. En outre, les articles du recourant prônent
la pureté de la race blanche et qualifient le métissage
de crime. Le recourant y affirme que l'art. 261bis CP
rend impossible d'enrayer l'immigration de couleur, pousse
au génocide par métissage de la race blanche et que dans
ce contexte, le révisionnisme historique joue un rôle dé-
cisif car il protège la race blanche du métissage et s'op-
pose au chantage des organisations extrémistes juives.

En considérant que les propos du recourant réali-
saient objectivement les hypothèses prévues aux alinéas
1, 2 et 4 1ère phrase de l'art. 261bis CP, la cour can-
tonale n'a pas violé le droit fédéral.

Sur le plan subjectif, ces hypothèses exigent que
l'auteur ait agi ainsi en raison de l'appartenance ra-
ciale, ethnique ou religieuse du groupe de personnes
visé. Tel est le cas en l'espèce puisque l'arrêt attaqué
constate que le recourant a agi pour des mobiles racistes
et antisémites.

e) Il résulte de ce qui précède que la cour can-
tonale n'a pas violé le droit fédéral en appliquant
l'art. 261bis al. 1, 2 et 4 CP aux trois articles écrits
et publiés par le recourant en mars et juillet 1995 ainsi
qu'en avril 2000.

3.- Le recourant soutient que la cour cantonale
a violé l'art. 261bis al. 1 et 2 CP en le condamnant pour
avoir mis en vente, en juin 1995, le livre "Grundlagen
zur Zeitgeschichte". Il estime que l'infraction n'est pas

réalisée puisqu'aucune vente n'a eu lieu. Son comporte-
ment ne constituerait qu'un acte préparatoire non punis-
sable.

Contrairement à ce qu'affirme le recourant, le
Tribunal correctionnel n'a pas retenu l'art. 261bis al. 1
et 2 CP pour qualifier la mise en vente du livre incri-
miné mais l'art. 261bis al. 4 i.f. CP (les alinéas 1 et 2
ont été retenus pour d'autres ouvrages au contenu ra-
ciste). La question de l'incitation (al. 1) ou de la
propagation (al. 2) n'est donc pas pertinente en l'es-
pèce. Il importe uniquement de déterminer si, par la mise
en vente de l'ouvrage, le recourant a publiquement nié,
minimisé grossièrement ou cherché à justifier un génocide
ou d'autres crimes contre l'humanité (al. 4 i.f.).

Comme l'expose Niggli, les différents modes de
commission énumérés à la première phrase de l'alinéa 4
(soit par la parole, l'écriture ... et de toute autre
manière) concernent également la négation, la minimisa-
tion grossière et la justification d'un génocide (Niggli,
Discrimination raciale, Zurich 2000, n 1019). Ainsi,
celui qui participe à la diffusion publique d'un ouvrage
négationniste contribue à la négation ou à la minimisa-
tion grossière d'un génocide au sens de l'art. 261bis al.
4 i.f. CP. A cet égard, il importe peu que l'ouvrage
n'ait pas été vendu. La mise en vente publique suffit.

Il a été retenu que le recourant avait indiqué,
dans son journal de juin 1995, qu'il avait "pu mettre la
main" sur quelques exemplaires d'un ouvrage collectif
rédigé par des révisionnistes, que cet ouvrage était
recherché par les autorités allemandes en vue de destruc-
tion et qu'il le vendait au prix de 50 fr. Les premiers
juges ont constaté que ce livre contenait effectivement
un avant-propos et une série d'articles mettant en doute

ou niant l'existence du génocide juif pendant la seconde
guerre mondiale. Il a en outre été retenu
que le recou-
rant avait agi avec conscience et volonté.

La cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral
en considérant que le recourant avait publiquement (cf.
supra, consid. 2b) nié voire grossièrement minimisé un
génocide en mettant en vente par une annonce dans son
journal l'ouvrage "Grundlagen zur Zeitgeschichte". Sur le
plan subjectif, la question de savoir si l'auteur doit
avoir été mû par des motifs liés à la race, l'apparte-
nance ethnique ou la religion du groupe de personnes visé
a été traitée ci-dessus (consid. 2c) et peut rester ou-
verte dans le cas d'espèce puisqu'il a été constaté que
le recourant était mû par des mobiles antisémites. Le
grief de violation de l'art. 261bis al. 4 i.f. CP se
révèle donc infondé.

4.- Le recourant soutient, subsidiairement au
grief précédent, qu'il est exclu d'appliquer simultané-
ment les alinéas 1 et 2 de l'art. 261bis CP à la mise
en vente de l'ouvrage "Grundlagen zur Zeitgeschichte".
Seul l'alinéa 2 serait éventuellement réalisé au stade de
la tentative. Il affirme que le cumul des deux alinéas a
conduit à une aggravation de la peine selon les règles du
concours même si le jugement ne le dit pas expressément.

Le grief du recourant n'a pas d'objet dès lors
que le Tribunal correctionnel a retenu l'alinéa 4 i.f.
de l'art. 261bis CP pour qualifier la mise en vente de
l'ouvrage incriminé. Il avait certes retenu le cumul des
alinéas 1, 2 et 4 pour certains ouvrages proposés à la
vente par le recourant en septembre 1994 mais ce point du
jugement a été annulé par la cour cantonale.

5.- Le recourant invoque une violation de l'art.
41 ch. 1 CP. Il reproche à l'autorité cantonale de lui
avoir refusé le sursis pour des motifs étrangers à ceux
prévus par l'art. 41 ch. 1 CP, soit en raison de son
article d'avril 2000 et de son comportement durant les
débats. Le recourant soutient que le juge ne doit pas se
préoccuper de l'adhésion intérieure du condamné à la
norme mais uniquement de son comportement extérieur. En
ce qui le concerne, il aurait eu une conduite conforme à
la loi depuis bientôt six ans.

a) Selon l'art. 41 ch. 1 al. 1 CP, le sursis à
l'exécution d'une peine privative de liberté peut être
octroyé si la durée de la peine n'excède pas dix-huit
mois et si les antécédents et le caractère du condamné
font prévoir que cette mesure le détournera de commettre
d'autres crimes ou délits. L'octroi ou le refus du sursis
dépend exclusivement des critères prévus par la loi (ATF
119 IV 195 consid. 3b p. 197).

Il est évident qu'une peine de trois mois d'em-
prisonnement, par sa nature et sa durée, peut objective-
ment être assortie du sursis, de sorte que la seule ques-
tion litigieuse est de savoir si la condition dite sub-
jective est réalisée, c'est-à-dire si l'on peut prévoir,
en fonction des antécédents et du caractère du condamné,
que cette mesure sera de nature à le détourner de commet-
tre d'autres crimes ou délits (ATF 119 IV 195 consid. 3b
p. 197). Il s'agit de faire un pronostic quant au compor-
tement futur du condamné (ATF 123 IV 107 consid. 4a
p. 111 s.).

Pour effectuer ce pronostic, le juge de répres-
sion dispose d'un large pouvoir d'appréciation; le juge
de cassation n'annule la décision rendue - en considérant
le droit comme violé - que si elle repose sur des consi-

dérations étrangères à la disposition applicable, si elle
ne prend pas en compte les critères découlant de celle-ci
ou si le juge s'est montré à ce point sévère ou clément
que l'on doive parler d'un abus du pouvoir d'appréciation
(ATF 119 IV 195 consid. 3b p. 197 s.).

Importent avant tout pour l'octroi du sursis les
perspectives d'amendement durable du condamné, telles
qu'on peut les déduire de ses antécédents et de son ca-
ractère. Pour décider si le sursis serait de nature à dé-
tourner l'accusé de commettre de nouvelles infractions,
le juge doit se livrer à une appréciation d'ensemble (ATF
119 IV 195 consid. 3b; 118 IV 97 consid. 2b p. 100 s.).
Il faut tenir compte des circonstances de l'infraction,
des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa
situation personnelle au moment du jugement, notamment de
l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être
posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer
l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances
d'amendement (ATF 123 IV 107 consid. 4a p. 111 s.; 118 IV
97 consid. 2b p. 100 s.). Pour l'évaluation du risque de
récidive, un examen global de la personnalité de l'auteur
est indispensable. De vagues espoirs quant à la conduite
future du délinquant ne suffisent pas pour émettre un
pronostic favorable (ATF 115 IV 81 consid. 2a p. 82).

Il est contraire au droit fédéral d'accorder un
poids particulier à certaines circonstances visées par
l'art. 41 CP et de négliger ou d'omettre d'autres critè-
res pertinents (ATF 123 IV 107 consid. 4a p. 111 s.; 118
IV 97 consid. 2b p. 100). S'agissant de la motivation,
le juge doit exposer les éléments essentiels relatifs à
l'acte ou à l'auteur qu'il prend en compte, de manière à
ce que l'on puisse constater que tous les aspects perti-
nents ont été pris en considération et comprendre comment

ils ont été appréciés, que ce soit dans un sens aggravant
ou atténuant (ATF 117 IV 112 consid. 3b p. 118).

Le sursis est considéré comme une mesure d'encou-
ragement à l'égard de celui qui semble avoir compris la
signification de son acte et être prêt, pour échapper à
l'exécution de la peine, à ne plus commettre d'infraction
à l'avenir. Le fait que l'auteur n'ait pas pris conscien-
ce du caractère répréhensible de ses actes peut justifier
un pronostic défavorable; en principe, seul celui qui se
repent mérite qu'on lui fasse confiance (cf. ATF 82 IV
81). Toutefois, l'absence de repentir ne peut pas être
déduite des seules dénégations du prévenu ou de son
silence, car un tel comportement peut avoir des motifs
divers (ATF 101 IV 257 consid. 2 p. 258 s.).

b) En l'espèce, les premiers juges ont constaté
que le recourant avait réitéré un comportement coupable
peu de temps avant les débats en publiant son article
intitulé "Vive le révisionnisme". Il avait en outre
répété lors des débats qu'il déniait toute légitimité à
la loi, signifiant par là qu'il n'entendait pas s'y
conformer à l'avenir. S'il a effectivement cessé toute
mise en vente de littérature raciste ou révisionniste
depuis juin 1995, son absence de regrets et la confir-
mation aux débats de sa critique à l'égard de la loi
"muselière" ont fait douter les premiers juges de sa
volonté profonde d'amendement et les ont amenés à
formuler un pronostic défavorable pour l'avenir.

L'autorité cantonale s'est ralliée à ce raisonne-
ment, estimant que le fait de publier l'article "Vive le
révisionnisme" quelques jours avant les débats n'était
pas un acte anodin. Le recourant avait en effet cons-
cience du devoir que lui imposait la loi de ne pas pu-
blier certaines de ses opinions. En écrivant dans cet

article "je persiste", le recourant avait démontré par
actes concluants que la menace d'une peine, même très
concrète puisqu'il se trouvait à quelques jours de
l'ouverture de son procès, n'était pas de nature à le
détourner de commettre des infractions. Ces éléments, de
même que l'attitude du recourant aux débats ont conduit
la cour cantonale à retenir qu'il n'avait pas compris la
signification de ses actes et qu'il n'était pas prêt à ne
plus enfreindre la loi pour échapper à une sanction. Elle
a donc confirmé le pronostic défavorable émis à son en-
contre par les premiers juges et confirmé le refus du
sursis.

Contrairement à ce qu'affirme le recourant, la
cour cantonale ne s'est pas fondée sur des critères
étrangers à l'art. 41 ch. 1 CP. Le pronostic défavorable
est basé sur une appréciation correcte et détaillée des
éléments pertinents de sorte que le rejet du sursis à
l'exécution ne viole pas le droit fédéral. Le grief du
recourant sera donc rejeté.

6.- Selon l'art. 61 al. 1 CP, le juge ordonnera
la publication du jugement aux frais du condamné si l'in-
térêt public ou celui du lésé ou l'intérêt de celui qui a
le droit de porter plainte l'exige.

Le recourant affirme que cette disposition a été
violée puisque sa condamnation pour discrimination ra-
ciale n'était pas possible. En revanche, il n'expose pas
en quoi la cour cantonale aurait violé l'art. 61 al. 1 CP
étant donné qu'elle l'avait reconnu coupable de discri-
mination raciale. Tel qu'il est formulé, le grief du
recourant est irrecevable (art. 273 al. 1 let. b PPF).

7.- Le recourant invoque enfin une violation des
art. 58 al. 1 CP et 6 par. 1 CEDH (RS 0.101).

a) Le Tribunal correctionnel a prononcé la con-
fiscation, en vertu de l'art. 58 CP, des ouvrages qui
figuraient sur la liste de septembre 1994 sous "Révision-
nisme historique", de revues, de documentation comprenant
des textes et tracts racistes et/ou antisémites ainsi que
de certains exemplaires du "Courrier du continent". Il a
relevé que l'art. 58 CP n'exigeait pas qu'une personne
déterminée soit punissable et que, par conséquent, la
confiscation pouvait toucher également les ouvrages pour
lesquels la violation de l'art. 261bis CP n'avait pas été
retenue à l'encontre du recourant.

La cour cantonale a confirmé la confiscation
ordonnée, considérant que les ouvrages séquestrés en
mains du recourant contenaient des propos à caractère
discriminatoire et révisionniste voire négationniste et
que l'existence de ces objets, qui étaient par leur
nature destinés à être diffusés, était propre à laisser
subsister un risque pour l'ordre public.

b) Selon le texte de l'art. 58 al. 1 CP, entré
en vigueur le 1er août 1994, "alors même qu'aucune
personne déterminée n'est punissable, le juge pronon-
cera la confiscation d'objets qui ont servi ou devaient
servir à commettre une infraction ou qui sont le pro-
duit d'une infraction, si ces objets compromettent la
sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public".

Cette disposition permet donc notamment de con-
fisquer des objets qui ont servi à commettre une infrac-
tion ou devaient servir à la commettre (les "instrumenta
sceleris"; cf. Trechsel, Kurzkommentar, 2ème éd., Zurich
1997, art. 58 n 7), à la condition toutefois qu'ils
compromettent la sécurité des personnes, la morale ou
l'ordre public. On ne saurait cependant émettre des exi-
gences élevées en ce qui concerne ce danger; il suffit
qu'il soit vraisemblable qu'il y ait un danger si l'objet
n'est pas confisqué en mains de l'ayant droit (Trechsel,
op. cit., art. 58 n 9; cf. également FF 1993 III 297 s.).
Comme il ressort du texte légal, la confiscation sera
prononcée même si l'auteur n'est pas punissable (cf. ATF
124 IV 121 consid. 2a p. 123).

Pour admettre qu'un objet devait servir à commet-
tre une infraction au sens de l'art. 58 al. 1 CP, il
n'est pas nécessaire que l'infraction ait été commise ou
même simplement tentée; certes il ne suffit pas qu'un
objet soit généralement destiné ou propre à être éven-
tuellement utilisé pour commettre une infraction; il
faut, mais il suffit, qu'il existe un risque sérieux que
l'objet puisse servir à commettre une infraction (ATF 125
IV 185 consid. 2a p. 186 s.)

c) En l'espèce, la cour cantonale a retenu comme
infraction le fait d'avoir mis en vente, en juin 1995, un
ouvrage révisionniste et le fait d'avoir écrit et publié
trois articles dans le "Courrier du Continent". Elle a en
revanche considéré que le recourant n'avait pas commis
d'infraction en conservant chez lui, à disposition
d'éventuels acheteurs, des livres au contenu révision-
niste, négationniste et, pour certains, raciste.

Il a été constaté que les ouvrages séquestrés en
mains du recourant contenaient des propos à caractère
discriminatoire et révisionniste, voire négationniste.
C'est donc à juste titre que le tribunal a considéré
qu'ils tombaient objectivement sous l'infraction de
discrimination raciale au sens de l'art. 261bis CP. Par
ailleurs, il a été retenu que même après l'entrée en vi-

gueur de cette norme, le 1er janvier 1995, le recourant
avait gardé ces ouvrages à disposition d'éventuels ache-
teurs et qu'il avait toujours été prêt à honorer toute
commande qui lui était adressée. Les ouvrages en ques-
tion, dont certains titres étaient stockés en nombre
important (plus d'une centaine) par le recourant, étaient
donc destinés à la commission d'une infraction au sens de
l'art. 58 al. 1 CP. Il en va de même des tracts et autres
textes racistes saisis chez le recourant, qui étaient,
par leur nature, destinés à être diffusés.

L'infraction prévue par l'art. 261bis CP est
classée parmi les infractions contre la paix publique
(cf. ATF 123 IV 202 consid. 2 p. 205 s.) de sorte que
l'on peut admettre que la propagation de propos visés par
cette disposition comporte un risque pour l'ordre public
(cf. ATF 124 IV 121 consid. 2c p. 125 s.). Or comme l'a
relevé à juste titre la cour cantonale, l'existence de
ces objets, par nature destinés à être diffusés, était
propre à laisser subsister ce risque. Le recourant
objecte que depuis 1995 il n'a diffusé aucun de ces
livres et que par conséquent la confiscation est dispro-
portionnée. Il omet toutefois de relever que depuis le
9 juin 1995, il avait reçu l'injonction du juge d'ins-
truction de ne pas se dessaisir des ouvrages qui avaient
été saisis mais laissés à son domicile. Par conséquent,
l'autorité cantonale était fondée à considérer que la
confiscation des ouvrages et documents séquestrés était
le moyen adéquat et proportionné pour éviter la mise en
danger de l'ordre public au sens de l'art. 58 al. 1 CP.

d) De manière peu claire, le recourant semble
critiquer la conformité de l'art. 58 CP (plus particuliè-

rement la notion de "l'ordre public") avec l'art. 6 par.
1 CEDH. Ce grief est toutefois si confus que l'on ne voit
pas ce que le recourant entend démontrer. En outre, on ne

voit pas en quoi l'art. 58 CP devrait être conforme à
cette disposition, qui concerne des garanties de procé-
dure pour un procès équitable.

8.- Sur le plan civil, le recourant allègue que
la cour cantonale a violé les art. 41 et 49 CO en al-
louant une indemnité pour tort moral de 1'000 francs à
Sigmund Toman, partie civile. Il soutient que la négation
d'un génocide au sens de l'art. 261bis al. 4 CP lèse ex-
clusivement la paix publique et la dignité humaine des
défunts. Cette infraction ne protégerait pas la dignité
individuelle d'un membre du groupe visé. A défaut de
lésion d'un intérêt personnel, les art. 41 et 49 CO
seraient inapplicables.

a) En l'espèce, Sigmund Toman s'est porté partie
civile en son nom propre. Il a notamment expliqué que ses
parents étaient décédés dans un camp de concentration
durant la deuxième guerre mondiale et que lui même avait
été déporté. Les premiers juges et la cour cantonale ont
condamné le recourant à lui verser une indemnité pour
tort moral de 1'000 francs, sur la base de l'art. 49 CO.

b) Lorsque les conclusions civiles ont été jugées
en même temps que l'action pénale, il appartient au con-
damné de se pourvoir en nullité en ce qui concerne les
conclusions civiles. Il n'y a pas de recours en réforme
(art. 271 al. 1 PPF [RS 312.0]).

Lorsque la valeur litigieuse de la prétention
civile n'atteint pas le montant exigé par les disposi-
tions applicables au recours en réforme en matière civile
(art. 46 OJ: 8'000 francs), et qu'en vertu de la procé-
dure civile, un recours en réforme sans égard à la valeur
litigieuse n'est pas possible (cf. art. 44 et 45 OJ), un

pourvoi en nullité quant aux conclusions civiles n'est
recevable que si la Cour de cassation est saisie en même
temps de l'action pénale (art. 271 al. 2 PPF; cf. Martin
Schubarth, Nichtigkeitsbeschwerde 2001, Berne 2001,
n 259 s.)

Toutefois, la loi prévoit que, dans les cas visés
à l'art. 271 al. 2 PPF, la Cour de cassation ne statue
sur le recours quant aux conclusions civiles que si elle
déclare le pourvoi fondé quant à l'action pénale et que
son arrêt puisse avoir de l'importance aussi pour le
jugement des conclusions civiles (art. 277quater al. 2
PPF).

En l'espèce, la valeur litigieuse devant la der-
nière instance cantonale était de 1'000 francs, Sigmund
Toman n'ayant pas recouru contre cette somme et le recou-
rant contestant toute responsabilité civile à l'égard de
cette partie. En outre, la Cour de cassation est égale-
ment saisie de l'action pénale puisque le recourant
conteste sa condamnation pour discrimination raciale.

Cependant, le pourvoi quant à l'action pénale
sera rejeté pour les motifs exposés aux considérants 2 à
7 ci-dessus. Par conséquent, la Cour de cassation n'est
pas habilitée à statuer sur le grief relatif aux conclu-
sions civiles.

9.- Au vu de ce qui précède, le pourvoi sera
rejeté dans la mesure où il est recevable en ce qui
concerne l'action pénale; il sera déclaré irrecevable en
ce qui concerne l'action civile. Le recourant supportera
un émolument judiciaire (art. 278 al. 1 PPF).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

1. a) En ce qui concerne l'action pénale, rejette
le pourvoi dans la mesure où il est recevable.

b) En ce qui concerne l'action civile, déclare le
pourvoi irrecevable.

2. Met à la charge du recourant un émolument
judiciaire de 2'000 francs.

3. Communique le présent arrêt en copie aux man-
dataires des parties, au Ministère public du canton de
Vaud, à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal
vaudois ainsi qu'au Ministère public de la Confédération.
____________

Lausanne, le 16 octobre 2001

Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.399/2001
Date de la décision : 16/10/2001
Cour de cassation pénale

Analyses

Art. 261bis al. 4 i.f. CP. Celui qui participe à la diffusion publique d'un ouvrage négationniste contribue à la négation ou à la minimisation grossière d'un génocide au sens de l'art. 261bis al. 4 i.f. CP. Il importe peu que l'ouvrage n'ait pas été vendu. La mise en vente publique suffit (consid. 3). Art. 58 al. 1 CP. Confiscation d'ouvrages au contenu discriminatoire et négationniste (consid. 7). Art. 41 et 49 CO; art. 271 al. 2 et 277quater al. 2 PPF. Lorsque le pourvoi sur l'action pénale est rejeté, le pourvoi sur l'action civile n'est recevable que si la valeur litigieuse de la prétention civile atteint le montant exigé par les dispositions applicables au recours en réforme en matière civile (consid. 8).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-10-16;6s.399.2001 ?
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