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15/10/2001 | SUISSE | N°5C.58/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 15 octobre 2001, 5C.58/2001


«/2»
5C.58/2001
5C.59/2001

IIe C O U R C I V I L E
******************************

15 octobre 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Raselli et
Mme
Nordmann, juges. Greffière: Mme Mairot.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

1. X.________, défenderesse et recourante, représentée par
Me
Jean-Michel Conti, avocat à Porrentruy,
2. Y.________, défenderesse et recourante,
3. Z.________, défenderesse et recourante, ces deux
dernières
repr

ésentées par Me Hubert Theurillat, avocat à
Porrentruy,

et

B.________, demandeur et intimé, représenté par Me Pierre
...

«/2»
5C.58/2001
5C.59/2001

IIe C O U R C I V I L E
******************************

15 octobre 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Raselli et
Mme
Nordmann, juges. Greffière: Mme Mairot.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

1. X.________, défenderesse et recourante, représentée par
Me
Jean-Michel Conti, avocat à Porrentruy,
2. Y.________, défenderesse et recourante,
3. Z.________, défenderesse et recourante, ces deux
dernières
représentées par Me Hubert Theurillat, avocat à
Porrentruy,

et

B.________, demandeur et intimé, représenté par Me Pierre
Vallat, avocat à Porrentruy;

(partage successoral; validité d'un contrat de
vente immobilière)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par acte notarié du 17 août 1990, E.________,
agriculteur à G.________, a vendu à ses trois filles,
X.________, Y.________ et Z.________, en copropriété chacune
pour un tiers, la totalité des parcelles composant son domai-
ne agricole sises sur territoire suisse et sur territoire
français, ainsi que le matériel agricole et le bétail pour
le
prix total de 240'000 fr. Les trois acquéreurs se sont enga-
gés à régler le prix en reprenant à leur charge la dette au-
près de la Banque cantonale du Jura, soit une cédule hypothé-
caire de 104'000 fr., et en versant le solde au décès du der-
nier des époux E.________ et M.________. Un droit d'usufruit
gratuit et viager sur les immeubles vendus a été constitué
en
faveur du vendeur et de son épouse.

E.________ est décédé le 11 décembre 1993 à
G.________ en laissant comme héritiers légaux son épouse,
M.________, et leurs quatre enfants, à savoir B.________,
X.________, Y.________ et Z.________. Par testament
olographe
du 23 novembre 1966, il avait donné à son épouse l'usufruit
gratuit en viager de tous ses biens, sans exception ni réser-
ve; il était précisé que cet usufruit lui tiendrait lieu de
droit de succession conformément à l'art. 473 CC.

Le testament a été ouvert officiellement le 29 dé-
cembre 1993 par l'autorité compétente de la commune de
G.________. Par courrier du 27 janvier 1994 adressé au Con-
seil communal, B.________ a contesté les droits des autres
héritiers.

B.- Par mémoire du 28 décembre 1994, B.________ a
introduit contre ses cohéritières une action en partage,
subsidiairement en rapport, très subsidiairement en réduc-
tion, voire en pétition d'hérédité.

Le 18 janvier 2001, la Cour civile du Tribunal can-
tonal du canton du Jura a essentiellement admis l'action du
demandeur. Elle a notamment constaté la nullité totale de
l'acte de vente du 17 août 1990, ordonné le partage de la
succession de feu E.________, fixé les forces de celle-ci à
260'233 fr.95 et attribué au demandeur la nue-propriété du
domaine agricole à sa valeur de rendement, arrêtée à 206'082
fr.

C.- a) X.________, d'une part, Y.________ et
Z.________, d'autre part, recourent en réforme au Tribunal
fédéral par actes séparés.

X.________ conclut principalement à la constatation
de la validité de l'acte de vente du 17 août 1990, partant,
à
l'annulation de l'arrêt entrepris et au renvoi de la cause à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision au sens des con-
sidérants. Subsidiairement, elle demande que soit ordonné le
partage de la succession, ce qui implique au préalable la li-
quidation du régime matrimonial, le demandeur étant pour le
surplus débouté de toutes ses conclusions.

Y.________ et Z.________ requièrent le Tribunal fé-
déral d'ordonner le partage de la succession, de prononcer
la
nullité partielle de la vente du 17 août 1990 relativement à
l'aliénation des parcelles sises sur territoire français et
de dire que les trois défenderesses ne sont pas redevables
du
montant de 80'000 fr. stipulé dans l'acte de vente pour
l'acquisition de ces immeubles. Elles sollicitent en outre
l'attribution de ceux-ci en pleine propriété conformément à
leur projet de partage. Subsidiairement, elles concluent au

renvoi de la cause à la Cour civile afin qu'elle rende un
nouveau jugement et procède au partage de la succession au
sens des considérants.

Dans sa réponse au recours de Y.________ et
Z.________, dame X.________ réitère les conclusions prises
dans son recours en réforme.

Invitées à se déterminer sur le recours de
X.________, Y.________ et Z.________ reprennent, à titre
principal, les conclusions formulées dans leur recours en ré-
forme. Subsidiairement, elles proposent l'admission du re-
cours de X.________ et le renvoi de la cause à l'autorité
cantonale pour qu'elle rende un nouveau jugement et procède
au partage de la succession au sens des considérants à ren-
dre.

B.________ propose principalement le rejet des deux
recours en réforme et la confirmation du jugement entrepris.
A titre subsidiaire, il formule des conclusions pour le cas
où l'attribution du domaine agricole qui lui a été faite se-
rait annulée.

b) Y.________ et Z._________ ont également formé un
recours de droit public contre le même arrêt.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Aux termes de l'art. 57 al. 5 OJ, il est sursis
en règle générale à l'arrêt sur le recours en réforme
jusqu'à
droit connu sur le recours de droit public. La jurisprudence
déroge toutefois à cet ordre de priorité dans des situations
particulières, qui justifient l'examen préalable du recours
en réforme. Il en va ainsi lorsque la décision sur le
recours
de droit public n'a aucune incidence sur le recours en réfor-

me, notamment parce que celui-ci paraît devoir être admis mê-
me sur la base des constatations de fait retenues par l'auto-
rité cantonale et critiquées dans le recours de droit public
(ATF 122 I 81 consid. 1 p. 82/83; 120 Ia 377 consid. 1 p.
378/379). Cette hypothèse est réalisée en l'espèce, si bien
qu'il y a lieu de statuer d'abord sur les recours en
réforme.

2.- Lesdits recours en réforme, dirigés contre la
même décision, se fondent sur le même état de fait et soulè-
vent des questions juridiques pratiquement identiques. Il se
justifie par conséquent de les joindre et de statuer à leur
sujet par un seul arrêt, conformément à l'art. 24 PCF appli-
cable en relation avec l'art. 40 OJ (ATF 124 III 382 consid.
1a p. 385; 116 V 307 consid. 1 p. 309; 113 Ia 390 consid. 1
p. 394 et la jurisprudence citée).

3.- a) Interjetés en temps utile contre une décision
finale rendue par le tribunal suprême du canton dans une con-
testation civile de nature pécuniaire, les recours sont rece-
vables au regard des art. 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ. Comme les
droits contestés dans la dernière instance cantonale dépas-
sent 8'000 fr., ils le sont aussi selon l'art. 46 OJ.

b) Les frais et dépens cantonaux ne sont pas réglés
par le droit fédéral mais relèvent du droit cantonal de pro-
cédure, dont la violation ne peut être alléguée que dans un
recours de droit public fondé sur l'art. 9 Cst. Dans la mesu-
re où X.________ s'en prend à leur répartition, son recours
est irrecevable.

4.- a) L'autorité cantonale a considéré que le con-
trat du 17 août 1990 était valable en tant qu'il concernait
le transfert des parcelles sises en Suisse ainsi que la tra-
dition de l'intégralité du bétail et du matériel agricole,
la
vente de tels objets ne requérant du reste nullement la pas-

sation d'un acte authentique. En revanche, le contrat était
juridiquement nul dans la mesure où il portait sur le trans-
fert des immeubles situés en France, celui-ci ne pouvant
s'opérer valablement dans un acte authentique suisse. Les
clauses concernées avait ainsi pour objet une chose impossi-
ble et étaient par conséquent frappées de nullité.

b) La question du droit applicable semble avoir
échappé aussi bien à l'autorité cantonale qu'aux parties. De
fait, le contrat controversé porte notamment sur la vente
d'immeubles situés en France. Selon l'art. 119 al. 3 LDIP,
la
forme du contrat est régie par le droit de l'Etat dans
lequel
l'immeuble est situé, à moins que celui-ci n'admette l'appli-
cation d'un autre droit. Le droit étranger doit donc être
examiné quelle que soit la solution choisie par l'état con-
cerné, ce que la cour cantonale a apparemment omis de faire.
Si tel est effectivement le cas, les juges cantonaux ont vio-
lé les règles suisses de droit international privé qui font
partie du droit fédéral. Semblable violation doit être rele-
vée d'office par le Tribunal fédéral, même si, comme c'est
le
cas en l'espèce, les recourantes ne soulèvent pas à son
sujet
le grief prévu par l'art. 43a al. 1 let. a OJ (ATF 118 II 83
consid. 2b p. 85).

Quoi qu'il en soit, l'art. 51 al. 1 let. c OJ exige
que la décision attaquée indique notamment les dispositions
des lois fédérales, cantonales ou étrangères appliquées. La
cour cantonale n'a pas mentionné de disposition légale sur
ce
point et l'examen de sa motivation ne permet pas de compren-
dre clairement le raisonnement juridique suivi. Par consé-
quent, il y a lieu d'annuler d'office l'arrêt déféré et de
renvoyer l'affaire à la cour cantonale pour qu'elle statue à
nouveau dans le sens des considérants, en application de
l'art. 52 OJ (ATF 90 II 207 consid. 5 p. 211). Il lui appar-
tiendra de déterminer en premier lieu le droit applicable à

la question de la validité des clauses relatives aux parcel-
les situées en France; si elle parvient à la conclusion que
c'est le droit français, elle procédera conformément à
l'art.
16 LDIP. L'autorité cantonale ne pouvait en effet se conten-
ter d'affirmer, sans autre précision, que les clauses pré-
voyant le transfert des immeubles français étaient nulles du
fait qu'elles figuraient dans un acte authentique suisse
(cf.
notamment Juris-classeur civil, art. 1582 à 1708-1762, fasc.
10 et 20; Jean Carbonnier, Droit civil, t. 3, Les Biens, n.
110 p. 184 s. et t. 4, Les Obligations, n. 89 à 92 p. 170
ss;
Jacques Ghestin, Traité de droit civil, La formation du con-
trat, 3e éd., n. 422 p. 457; Eric Cornut, Der Grundstückkauf
im IPR, thèse Bâle 1987, p. 10/11, p. 103 et les auteurs ci-
tés; A. Koller, Der Grundstückkauf, 2e éd. 2001, p. 449).

Cela étant, point n'est besoin d'examiner les autres
moyens soulevés par les recourantes.

5.- En conclusion, les recours doivent être admis,
dans la mesure où ils sont recevables, l'arrêt entrepris an-
nulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour
qu'elle
se prononce à nouveau dans le sens des considérants qui pré-
cèdent. Vu l'issue de la procédure, il se justifie de répar-
tir l'émolument judiciaire par moité entre les défenderesses
et le demandeur (art. 156 al. 3 et 7 OJ) et de compenser les
dépens (art. 159 al. 3 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Joint les causes 5C.58/2001 et 5C.59/2001.

2. Admet les recours dans la mesure où ils sont re-
cevables, annule l'arrêt entrepris et renvoie l'affaire à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des
considérants.

3. Met un émolument judiciaire de 8'000 fr. pour
moitié à la charge de l'intimé et pour moitié à la charge
des
recourantes, solidairement entre elles.

4. Dit que les dépens sont compensés.

5. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal
du canton du Jura.

__________

Lausanne, le 15 octobre 2001
MDO/frs

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.58/2001
Date de la décision : 15/10/2001
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-10-15;5c.58.2001 ?
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