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15/10/2001 | SUISSE | N°4C.117/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 15 octobre 2001, 4C.117/2001


«/2»

4C.117/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

15 octobre 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu, juge, et
Zappelli, juge suppléant. Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ S.A., demanderesse et recourante, représentée par
Me Thierry Ulmann, avocat à Genève,

et

dame M.________, défenderesse et intimée, représentée par Me
Karin Baertschi, avocate à Genève;

(reprise d

e dette)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) Dame M.________ a créé le 22 août 1996 u...

«/2»

4C.117/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

15 octobre 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu, juge, et
Zappelli, juge suppléant. Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ S.A., demanderesse et recourante, représentée par
Me Thierry Ulmann, avocat à Genève,

et

dame M.________, défenderesse et intimée, représentée par Me
Karin Baertschi, avocate à Genève;

(reprise de dette)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) Dame M.________ a créé le 22 août 1996 une
entreprise individuelle sous la raison "A.________, dame
M.________". L'objet de l'entreprise était la publicité sur
internet et l'exposition des produits proposés sur internet
(art. 64 al. 2 OJ).

Selon l'inscription au Registre du commerce du 3
juillet 1997, cette entreprise a changé de raison pour s'in-
tituler "B.________, dame M.________", avec pour objet la
promotion et la vente des services et produits des sociétés
sur internet.

Une société "C.________ SARL" (ci-après: la SARL) a
ensuite été fondée le 4 juin 1998 par dame M.________ et
O.________. La SARL a été inscrite au Registre du commerce
le
9 juin 1998; son capital social de 20'000 fr. a été entière-
ment libéré.

b) Le 17 septembre 1998 a été établi sur papier à
en-tête de X.________ S.A. (ci-après: X.________) un
décompte
pour un solde "en notre faveur" de 29'024 fr.45. Le décompte
est signé par W.________ pour X.________, O.________ et, à
la
suite de la mention "bon pour accord", par dame M.________.
Ce document est adressé à la SARL, à Genève, à l'attention
"de Mme M.________ et Nouvelle SARL"; il concernait des com-
mandes de clients par courrier électronique sur le site de
dame M.________, laquelle commandait ensuite à son tour au-
près de X.________ des appareils intitulés "E.________" pour
la stimulation sensorielle.

Le 27 janvier 1999, X.________ a fait notifier un
commandement de payer à dame M.________ personnellement pour

un montant de 19'454 fr.45 plus intérêts à 5% l'an dès le
1er
juin 1998. Comme cause et titre de l'obligation, le commande-
ment de payer mentionnait "C.________ SARL" et des factures
datant de décembre 1997 à août 1998, dont étaient déduites
des "NOTES DE CREDIT REDEVANCES". Dame M.________ a fait op-
position à la poursuite en indiquant qu'elle concernait la
SARL.

Le 15 février 1999 a été publiée dans la FOSC la
radiation des sociétés "A.________, dame M.________" et
"B.________, dame M.________". Ces publications indiquent
que
l'actif et le passif de ces deux entreprises individuelles
ont été repris, par suite de remise d'exploitation, par
"C.________ SARL".

B.- Par demande du 9 août 1999, X.________ a saisi
le Tribunal de première instance de Genève d'une action ten-
dant à la condamnation de dame M.________ au paiement de
19'454 fr.45 avec intérêts à 5% dès le 17 septembre 1998, la
mainlevée définitive de l'opposition à la poursuite précitée
devant être prononcée. La demanderesse soutenait qu'en si-
gnant le décompte du 17 septembre 1998, la défenderesse
avait
reconnu lui devoir le montant en poursuite.

Par jugement du 2 mars 2000, le Tribunal de premiè-
re instance a entièrement fait droit aux conclusions de la
demanderesse en retenant, en bref, que la SARL avait repris
les actifs et les passifs des raisons individuelles de la dé-
fenderesse, mais que celle-ci, en vertu de l'art. 181 al. 2
CO, restait solidairement débitrice de X.________ pendant
deux ans, soit jusqu'au 15 février 2001, des dettes contrac-
tées par lesdites entreprises.

La Cour de justice du canton de Genève, statuant
par arrêt du 16 février 1991 sur l'appel de dame M.________,

a annulé le jugement entrepris et débouté X.________ de tou-
tes ses conclusions.

C.- La demanderesse saisit le Tribunal fédéral
d'un recours en réforme contre l'arrêt cantonal dont elle de-
mande l'annulation. Invoquant la violation des art. 1, 18,
115, 175 ss et 181 CO, elle conclut à la condamnation de la
défenderesse à lui payer la somme de 19'454 fr.45 avec inté-
rêts à 5% dès le 17 septembre 1998, ainsi qu'à ce que soit
prononcée la mainlevée de l'opposition faite au commandement
de payer.

L'intimée propose le rejet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le recours en réforme est ouvert pour viola-
tion du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). Il ne permet en re-
vanche pas d'invoquer la violation directe d'un droit de
rang
constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la violation
du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts
cités).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral
doit conduire son raisonnement sur la base des faits
contenus
dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédé-
rales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait
lieu à rectification de constatations reposant sur une inad-
vertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille complé-
ter les constatations de l'autorité cantonale parce que
celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et réguliè-
rement allégués (art. 64 OJ; ATF 127 III 248 ibidem). Dans
la
mesure où un recourant présente un état de fait qui s'écarte
de celui contenu dans la décision attaquée, sans se
prévaloir

avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être
rappelées, il n'y a pas lieu d'en tenir compte. Il ne peut
être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni
de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let.
c OJ). L'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée
l'autorité cantonale ne peut être remise en cause (ATF 126
III 189 consid. 2a; 125 III 78 consid. 3a).

Si le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des
conclusions des parties, lesquelles ne peuvent en prendre de
nouvelles (art. 55 al. 1 let. b in fine OJ), il n'est lié ni
par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par
ceux de la décision cantonale, de sorte qu'il peut apprécier
librement la qualification juridique des faits constatés
(art. 63 al. 3 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c; 126 III 59
consid. 2a).

2.- La cour cantonale a admis que le décompte du
17 septembre 1998 concernait X.________, dame M.________ et
la SARL. Elle a retenu que ce décompte n'était pas une
remise
de dette au sens de l'art. 115 CO ni une reprise de dette
interne (cf. art. 175 al. 1 CO), mais bien une convention de
reprise par la SARL des dettes de la défenderesse au sens de
l'art. 176 al. 1 CO., laquelle avait eu pour effet de
libérer
dame Mottet, et cela depuis la signature dudit décompte.

La recourante met d'abord en relief de prétendues
contradictions qu'elle dit voir dans le raisonnement suivi
par la cour cantonale.

a) Elle soutient ainsi qu'il n'était pas possible
de retenir simultanément, d'une part, que la demanderesse
n'avait pas renoncé à sa créance à l'encontre de la défende-
resse, d'autre part, que le décompte du 17 septembre 1998
comportait la volonté du créancier de libérer définitivement
l'ancienne débitrice.

La recourante ne dit pas en quoi le fait d'admettre
l'existence d'une contradiction sur ce point entraînerait
des
conséquences quant au mérite de son recours. Il n'importe,
car cette prétendue contradiction n'existe pas. La cour can-
tonale s'est d'abord demandé, la défenderesse ayant soulevé
cet argument en appel, si la dette avait été éteinte par re-
mise de dette telle que l'entend l'art. 115 CO, pour
parvenir
à la conclusion que ce n'était pas le cas. Juger sur cette
base qu'il y a eu reprise de dette externe (cf. art. 176 CO)
n'est nullement contradictoire, car, dans ce dernier cas, la
dette ne s'éteint pas mais elle est transférée à un nouveau
débiteur.

b) De même, relève la recourante, du fait que les
magistrats genevois retenaient que le décompte du 17 septem-
bre 1998 était une reprise de dette externe, l'autorité can-
tonale aurait logiquement dû reconnaître que cet acte incor-
porait également une reprise de dette interne entre
l'intimée
et la SARL.

Le moyen est dénué de portée juridique, comme le
concède la recourante elle-même qui, pour l'essentiel, nie
l'existence d'une reprise de dette externe par des arguments
qui seront examinés ci-dessous. Au reste, on cherche vaine-
ment où résiderait la contradiction invoquée. La cour canto-
nale admet à juste titre que le décompte du 17 septembre
1998
n'est pas une reprise de dette interne - même s'il est vrai
qu'il inclut un tel accord -, dans la mesure où il n'a pas
principalement un tel objet mais qu'il constitue une conven-
tion de reprise des dettes de la défenderesse par la SARL,
avec le consentement de la créancière.

c) La recourante soutient ensuite qu'il n'aurait
pas été nécessaire d'interpréter le décompte du 17 septembre
1998 selon le principe de la confiance, car il n'y aurait en
réalité eu aucune divergence entre les parties: tant la dé-

fenderesse que la demanderesse auraient admis que ledit dé-
compte constituait une reconnaissance de dette, la reprise
de
dette par la SARL n'étant intervenue que lors de la publica-
tion du 15 février 1999 dans la Feuille officielle suisse du
commerce (FOSC).

Ce n'est pourtant pas du tout ce qu'a constaté la
cour cantonale, qui admet en fait, au considérant C de l'ar-
rêt déféré, que "(...) dame M.________ a conclu au déboute-
ment de sa partie adverse en arguant que les dettes des deux
entreprises individuelles ont été reprises par la SARL préci-
tée qui en est la seule débitrice et qu'il résulte du comman-
dement de payer et du décompte du 17 septembre 1998 que la
dette ne concerne que la SARL". La recourante allègue donc
ici, de manière irrecevable (art. 63 al. 2 OJ), des faits de
procédure différents de ceux retenus par la cour cantonale.

Au demeurant, les allégués de la recourante sont
contraires aux pièces du dossier: l'intimée n'a jamais admis
que le décompte du 17 septembre 1998 constituait une recon-
naissance de dette de sa part, mais elle a au contraire cons-
tamment prétendu que les dettes faisant l'objet dudit décomp-
te n'étaient pas les siennes, que ce soit dans son
opposition
motivée au commandement de payer, dans son mémoire de
réponse
de première instance (ch. 6-9) ou dans la partie droit de
son
mémoire d'appel.

3.- Faisant appel au principe de la confiance,
l'autorité cantonale a interprété le décompte du 17
septembre
1998 en le qualifiant de reprise de dette au sens de l'art.
176 CO, la SARL devenant le nouveau débiteur.

Selon la jurisprudence, déterminer la commune et
réelle intention des parties est une question de fait, qui
ne
peut être revue par le Tribunal fédéral saisi d'un recours
en
réforme. Si cette volonté ne peut être établie, c'est une

question de droit - que le Tribunal fédéral peut revoir li-
brement dans un tel recours - que de rechercher, selon le
principe de la confiance, le sens que chacune des parties
pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de
volonté de l'autre, en tenant compte des termes utilisés ain-
si que du contexte et de l'ensemble des circonstances dans
lesquelles elles ont été émises (ATF 127 III 444 consid. 1b;
126 III 25 consid. 3c, 59 consid. 5b, 375 consid. 2e/aa).

Conformément à l'art. 176 al. 3 in initio CO, le
consentement du créancier à la reprise de dette peut être ex-
près ou résulter des circonstances.

a) Pour la recourante, rien ne permettrait de rete-
nir que le décompte du 17 septembre 1998 valait accord sur
la
reprise de dette et déchargeait la défenderesse. Celle-ci
n'aurait d'ailleurs soutenu ce point de vue que tardivement
devant la cour cantonale, en invoquant là, de manière inad-
missible, des faits nouveaux. A en croire la demanderesse,
le
décompte qu'elle a établi, qui était adressé à la SARL et à
la défenderesse personnellement, ne contenait pas d'allusion
à une reprise de dette par la SARL. Selon la recourante, il
aurait été consécutif à des difficultés de paiement de l'in-
timée. Celle-ci aurait été consciente que ses dettes person-
nelles n'avaient en réalité pas été reprises par la SARL. Se
voyant mise personnellement en poursuite, elle aurait
cherché
à échapper à ses obligations vis-à-vis de la demanderesse
par
une manoeuvre consistant à faire reprendre "in extremis" les-
dites dettes par la SARL, comme le mentionne la publication
dans la FOSC du 15 février 1999. L'intimée aurait perdu de
vue qu'elle demeurait responsable de ses dettes en applica-
tion de l'art. 181 al. 2 CO.

La thèse de la recourante pourrait avoir quelque
consistance si l'état de fait qu'elle présente était celui
qu'a retenu la cour cantonale. Or, il n'en est rien (cf. con-

sidérant 2c ci-dessus). Dans la motivation, certes très suc-
cincte, de l'arrêt attaqué, il n'est nullement question de
manoeuvre de la défenderesse ni d'allégation tardive. A
juste
titre, car si l'intimée a certes fondé sa défense sur la com-
munication de la reprise de dette parue dans la FOSC le 15
février 1999, elle a également soutenu en première instance
déjà que sa libération ressortait du décompte du 17
septembre
1998.

Le moyen repose sur des faits totalement différents
de ceux constatés par la cour cantonale, dont le Tribunal fé-
déral ne peut connaître en instance de réforme. La critique
est irrecevable dans cette mesure.

b) Au demeurant, l'interprétation du décompte opé-
rée par la cour cantonale en vertu du principe de la confian-
ce est conforme au droit fédéral. Ce document, rédigé par
la
demanderesse, est adressé à la défenderesse mais aussi à la
SARL. Le texte de ce décompte invite les deux destinataires,
associés de la SARL, à en confirmer la teneur par leur ac-
cord. Cela est parfaitement compatible avec une convention
de
reprise des dettes de l'intimée signée par tous les protago-
nistes, à savoir la créancière, la débitrice et la société
reprenante, même si les termes "reprise de dette" ou
d'autres
expressions analogues ne figurent pas dans le texte de la
pièce. Enfin, l'interprétation objective, de par son caractè-
re normatif, ne saurait privilégier la portée qu'une partie
pourrait avoir accordée à une manifestation de volonté,
comme
semble le soutenir la recourante.

Le grief est dénué de tout fondement.

4.- En définitive, le recours doit être rejeté
dans la mesure de sa recevabilité, l'arrêt critiqué étant
confirmé. Vu l'issue de la querelle, les frais et dépens doi-

vent être mis à la charge de la recourante qui succombe
(art.
156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable et confirme l'arrêt attaqué;

2. Met un émolument judiciaire de 2'000 fr. à la
charge de la recourante;

3. Dit que la recourante versera à l'intimée une
indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Cour de justice du canton de
Genève.
____________

Lausanne, le 15 octobre 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.117/2001
Date de la décision : 15/10/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-10-15;4c.117.2001 ?
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