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10/10/2001 | SUISSE | N°2P.125/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 octobre 2001, 2P.125/2001


«/2»

2P.125/2001

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
************************************************

10 octobre 2001

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger,
président, Hungerbühler, Müller, Yersin et Merkli.
Greffier: M. Dubey.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Les Hoirs de Feu X.________, tous représentés par
Y.________,

contre

l'arrêt rendu le 22 mars 2001 par le Tribunal administratif
du canton de Vaud

, dans la cause qui oppose les recourants à
la commune de S t - L é g i e r - L a C h i é s a z,
représentée par Me Nicola...

«/2»

2P.125/2001

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
************************************************

10 octobre 2001

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger,
président, Hungerbühler, Müller, Yersin et Merkli.
Greffier: M. Dubey.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Les Hoirs de Feu X.________, tous représentés par
Y.________,

contre

l'arrêt rendu le 22 mars 2001 par le Tribunal administratif
du canton de Vaud, dans la cause qui oppose les recourants à
la commune de S t - L é g i e r - L a C h i é s a z,
représentée par Me Nicolas Urech et à la Commission communale
de recours en matière de taxes, impôts et informatique de
la commune de S t - L é g i e r - L a C h i é s a z;

(art. 8 et 49 Cst.: taxe annuelle d'évacuation des eaux)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Les hoirs de feu X.________ (ci-après les hoirs
de X.________) sont copropriétaires de la parcelle 1056 de
la
commune de St-Légier-La Chiésaz (ci-après la commune), sur
laquelle est construite une villa de deux logements, le pre-
mier occupé par une personne seule, le second par un couple
et un enfant. La parcelle est raccordée au réseau d'évacua-
tion des eaux de la commune qui déverse ses eaux dans le ré-
seau de la commune de Vevey. C'est par l'intermédiaire de ce
dernier que les eaux usées de la commune arrivent jusqu'à la
station d'épuration exploitée à Vevey par le Service inter-
communal de la gestion des eaux.

Le 27 octobre 1999, la Bourse de la commune a adres-
sé à Y.________ une facture de 1'231 fr. 40 pour la taxe an-
nuelle 1999, calculée au taux de 1 o/oo de la valeur d'assu-
rance-incendie du bâtiment.

Un recours déposé par les hoirs de X.________ contre
cette facture au motif qu'elle ne tient pas compte de la con-
sommation effective de l'eau dans la fixation de la taxe,
contrairement à la jurisprudence publiée du Tribunal fédéral
dans une cause analogue, a été rejeté par décision du 30
juin
2000 de la Commission communale de recours en matière de ta-
xes, impôts et informatique (ci-après la Commission).

B.- Le 11 juillet 2000, les hoirs de X.________ ont
interjeté recours auprès du Tribunal administratif du canton
de Vaud. Ils ont demandé l'annulation de la décision de la
Commission du 30 juin 2000, invoquant la jurisprudence du
Tribunal fédéral selon laquelle une taxe annuelle ne devrait
pas être fondée sur la seule valeur d'assurance-incendie de
l'immeuble, mais devrait également inclure la consommation
d'eau. La taxe confirmée par la Commission était de ce fait

arbitraire parce qu'elle ne tenait pas compte du nombre mo-
deste des habitants de l'immeuble en cause.

Durant l'échange des écritures, la commune a versé
au dossier un rapport établi le 7 décembre 2000 par le
bureau
technique de R. Hagin, ancien conseiller communal de la com-
mune intimée, visant à démontrer que les frais d'entretien
d'un réseau de canalisation ne dépendent pas du débit évacué
et dont l'impartialité a été mise en cause par les hoirs de
X.________. Sur requête du Tribunal administratif, les par-
ties se sont aussi prononcées sur la portée de l'art. 60a de
la loi fédérale du 24 janvier 1991 sur la protection des
eaux
(LEaux; RS 814.20).

Par arrêt du 22 mars 2001, le Tribunal administratif
a rejeté le recours et confirmé la décision de la
Commission,
écartant la jurisprudence récente du Tribunal fédéral pour
les motifs suivants: la taxe annuelle servait à couvrir es-
sentiellement des frais financiers à l'instar d'une taxe de
raccordement et la consommation d'eau potable paraissait
n'avoir qu'une portée marginale sur les frais d'entretien de
ce réseau selon le rapport du 7 décembre 2000 confirmé par
la
doctrine récente en la matière. Si le critère du type et de
la quantité d'eaux usées était un critère supplémentaire con-
sacré par l'art. 60a LEaux, une solution qui
s'affranchissait
de la lettre de cet article permettait mieux de prendre en
compte une structure des coûts liés à la création, puis au
maintien d'un tel réseau, ceux-ci apparaissant indépendants,
dans une très large mesure, du volume des eaux usées éva-
cuées. Adopter une autre solution en l'espèce revenait à ins-
taurer un régime de subventions croisées dans lequel les pro-
ducteurs d'eaux usées importantes finançaient l'extension du
réseau dans des zones excentrées.

C.- Agissant par la voie du recours de droit public
pour violation des art. 8 et 49 Cst., les hoirs de
X.________

demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal
administratif du 22 mars 2001 et la facture de la Bourse com-
munale du 27 octobre 1999.

La Commune et le Tribunal administratif concluent au
rejet du recours.

D.- La demande d'effet suspensif des hoirs de
X.________ a été admise par ordonnance présidentielle du 15
juin 2001.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Le Tribunal fédéral examine d'office et li-
brement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF
127 II 198 consid. 2 p. 201; 127 III 41 consid. 2a p. 42;
126
I 257 consid. 1a p. 258 et les arrêts cités).

Les recourants ont déposé un recours de droit pu-
blic. Cette voie de recours n'est ouverte que si la
prétendue
violation ne peut pas être soumise par une action ou par un
autre moyen de droit quelconque au Tribunal fédéral ou à une
autre autorité fédérale (art. 84 al. 2 OJ; subsidiarité abso-
lue du recours de droit public). Il convient donc d'examiner
d'abord si les conditions de recevabilité du recours de
droit
administratif conformément aux art. 97 ss OJ sont remplies
en
l'espèce (ATF 127 II 161 consid. 1 p. 164; 126 I 81 consid.
1
p. 83; 126 II 269 consid. 2a p. 271).

b) aa) Selon les art. 97 et 98 let. g OJ, mis en
relation avec l'art. 5 PA, la voie du recours de droit admi-
nistratif est ouverte contre les décisions des autorités can-
tonales de dernière instance qui sont fondées sur le droit
fédéral - ou qui auraient dû l'être - pour autant qu'aucune
des exceptions prévues aux art. 99 à 102 OJ ou dans la légis-
lation spéciale ne soit réalisée (ATF 127 II 1 consid. 2b/aa

p. 3/4; 126 I 50 consid. 1 p. 52; 126 II 171 consid. 1a
p. 173, 300 consid. 1a p. 301/302; 125 I 10 consid. 2a p. 13
et les arrêts cités). Le recours de droit administratif est
aussi recevable contre les décisions cantonales fondées à la
fois sur le droit fédéral et sur le droit cantonal dans la
mesure où la violation de dispositions du droit fédéral di-
rectement applicables est en jeu (cf. art. 104 let. a OJ;
ATF
126 V 30 consid. 2 p. 31, 252 consid. 1a p. 253/254; 125 II
10 consid. 2a p. 13; 124 II 409 consid. 1d/dd p. 414/415 et
les arrêts cités). En revanche, c'est la voie du recours de
droit public qui est ouverte contre des décisions fondées
uniquement sur le droit cantonal et ne présentant pas un rap-
port de connexité suffisamment étroit avec l'application du
droit fédéral (ATF 127 II 198 consid. 2a p. 201 s.; 126 II
171 consid. 1a p. 173; 126 V 252 consid. 1a p. 253/254; 124
II 409 consid. 1d/dd p. 414; 123 II 359 consid. 1a/aa p.
361;
121 II 72 consid. 1b p. 75). De simples règles de principe
ou
des dispositions-cadres de droit public fédéral qui, pour
être applicables au cas d'espèce, nécessitent des mesures
d'exécution relevant du droit cantonal, ne constituent pas
la
base de la décision, de sorte que celle-ci ne repose pas sur
le droit fédéral. Si le droit cantonal indépendant devait
violer une règle de principe ou une disposition-cadre du
droit public fédéral, seule serait ouverte la voie du
recours
de droit public pour violation de la force dérogatoire du
droit fédéral (ATF 122 II 241 consid. 2a p. 243 s.).

bb) Le présent recours porte sur la perception d'une
taxe annuelle d'égout destinée à couvrir les frais d'inté-
rêts, d'amortissement et d'entretien du réseau des collec-
teurs publics communaux en application des art. 4 et 4a de
la
loi vaudoise du 5 décembre 1956 sur les impôts communaux
(LIC/VD), 66 de la loi vaudoise du 17 septembre 1974 sur la
protection des eaux contre la pollution (LVPEP) et 38 du
règlement communal du 28 avril 1987 sur la collecte, l'évacu-
ation et l'épuration des eaux usées et claires (RCCE). Ces
disposi-

tions légales constituent du droit cantonal d'application de
la loi fédérale sur la protection des eaux du 24 janvier
1991
(LEaux; RS 814.20). Le Tribunal fédéral a jugé que le droit
fédéral, dans sa version jusqu'au 1er novembre 1997, date de
l'entrée en vigueur de l'art. 60a LEaux (RO 1997 p. 2243,
2248), posait des principes généraux sur le financement des
installations d'évacuation et d'épuration des eaux; il incom-
bait au droit cantonal et communal, qui revêtait à cet égard
un caractère autonome, de les concrétiser, de sorte que
seule
la voie du recours de droit public était ouverte à
l'encontre
d'un arrêt rendu en application de ce droit (arrêt
2P.425/1996
du 1er mai 1998, consid. 2b). Il convient d'examiner si
l'entrée en vigueur des art. 3a et 60a LEaux modifie la
portée
du droit cantonal qui devrait alors être qualifié de connexe
et dont la violation ouvrirait la voie du recours de droit
administratif.

cc) En vertu de l'art. 3a LEaux, celui qui est à l'o-
rigine d'une mesure prescrite par la présente loi en
supporte
les frais. A cet égard, conformément à l'art. 60a LEaux, les
cantons veillent à ce que les coûts de construction,
d'exploitation, d'entretien, d'assainissement et de rem-
placement des installations d'évacuation et d'épuration des
eaux concourant à l'exécution de tâches publiques soient
mis,
par l'intermédiaire d'émoluments ou d'autres taxes, à la
charge de ceux qui sont à l'origine de la production d'eaux
usées. Entre autres critères de répartition, le prélèvement
des taxes doit tenir compte du type et de la quantité d'eaux
usées produite et des besoins financiers, en particulier des
provisions, amortissements et intérêts, relatifs à la
constru-
ction, à l'entretien, à l'assainissement et à l'amélioration
des installations. Toutefois, d'autres types de financement
sont autorisés si les taxes couvrant les coûts et conformes
au
principe de causalité risquent d'entraver l'évacuation des
eaux usées selon le principe de la protection de

l'environnement. Il ressort du Message que "aux termes de la
réglementation proposée, la Confédération n'introduit pas el-
le-même les émoluments nécessaires, mais charge les cantons
de
le faire dans les limites des conditions-cadres qu'elle a
édictées (...). A cet égard, les cantons peuvent décider
s'ils
veulent agir eux-mêmes ou s'ils préfèrent déléguer l'él-
aboration de la législation d'exécution à des collectivités
locales" (Message du Conseil fédéral du 4 septembre 1996 re-
latif à la modification de la loi fédérale sur la protection
des eaux, in FF 1996 IV 1213 ss, p. 1219 s. et 1227). Même
si
les conditions-cadres de l'art. 60a LEaux augmentent les
exigences quant aux critères de répartition des frais, il in-
combe encore aujourd'hui aux droits cantonal et communal,
qui
conservent à cet égard un caractère autonome, de les
concréti-
ser. La voie du recours de droit administratif n'est donc
pas
ouverte (Peter Karlen, Die Erhebung von Abwasserabgaben aus
rechtlicher Sicht, in DEP 1999 p. 539 ss, p. 543 s. et 557
s.;
contra mais en référence à l'art. 32a de loi fédérale du 7
octobre 1983 sur la protection de l'environnement [LPE; RS
814.01] dont le contenu est identique à l'art. 60a LEaux:
Veronika Huber-Wälchli, Finanzierung der Entsorgung von Sied-
lungsabfällen durch kostendeckende und verursachergerechte
Gebühren, in DEP 1999 p. 35 ss, p. 42 note 25). Seul
subsiste
le recours de droit public.

c) Le recours de droit public n'est recevable, sauf
exceptions non réalisées en l'espèce (cf. art. 86 al. 2 OJ),
qu'à l'encontre d'une décision de dernière instance
cantonale.
La décision de l'autorité inférieure ne peut être simulta-
nément attaquée que si l'autorité de dernière instance
n'avait
pas la compétence d'examiner toutes les questions qui font
l'objet du recours de droit public ou n'avait qu'un pouvoir
d'examen plus restreint que celui du Tribunal fédéral (ATF
126
II 377 consid. 8b p. 395; 120 Ia 19 consid. 2b
p. 23; 118 Ia 165 consid. 2b p. 169 et la jurisprudence ci-
tée). En l'espèce, le Tribunal administratif jouissait d'un

pouvoir au moins aussi étendu que celui du Tribunal fédéral
de
sorte que la conclusion des recourants tendant à
l'annulation
de la décision notifiée par la Bourse communale le 27
octobre
1999 est irrecevable.

Par ailleurs, les autres conditions des art. 87 ss OJ
sont remplies.

2.- Les recourants reprochent au Tribunal cantonal de
n'avoir pas écarté le rapport du 7 décembre 2000 établi par
le
bureau technique de R. Hagin, ancien conseiller communal de
la
commune intimée, en raison de son manque d'impartialité. Ce
rapport décrit l'effet du déversement de l'eau usée sur
l'entretien de la canalisation et ses conséquences
financières
dans les comptes de la commune. Sous cet angle technique, il
ne revêt toutefois aucune influence au regard de la législ-
ation à laquelle il ne saurait se substituer comme cela sera
démontré ci-dessous. Par conséquent, il n'est pas nécessaire
d'examiner les mérites de ce grief.

3.- a) En vertu de l'art. 66 LVPEP, les communes peu-
vent percevoir, conformément à la loi sur les impôts com-
munaux, un impôt spécial et des taxes pour couvrir les frais
d'aménagement et d'exploitation du réseau des canalisations

publiques et des installations d'épuration (al.1). Elles peu-
vent également percevoir une taxe d'introduction et une rede-
vance annuelle pour l'évacuation des eaux claires dans le ré-
seau des canalisations publiques. La redevance annuelle est
p-
roportionnelle au débit théorique évacué dans les canalisa-
tions (al. 2). Selon l'art. 4 LIC/VD, les communes peuvent
percevoir des taxes spéciales en contrepartie de prestations
ou avantages déterminés ou de dépenses particulières (al.
1).
Ces taxes doivent faire l'objet de règlements soumis à
l'appr-
obation du Conseil d'Etat (al. 2). Elles ne peuvent être pe-
rçues que des personnes bénéficiant des prestations ou avan-
tages ou ayant provoqué les dépenses dont elles consti-

tuent la contrepartie (al. 3). Leur montant doit être propor-
tionné à ces prestations, avantages ou dépenses (al. 4).

b) En vertu de l'art. 36 RCCE, pour tout raccorde-
ment, direct ou indirect, aux collecteurs publics, il est
per-
çu une taxe unique de raccordement, précisée par l'annexe au
règlement (al. 1). Le produit des taxes d'introduction est
destiné à couvrir les investissements du réseau des
collecteu-
rs publics communaux (al. 2). D'après l'art. 1 de l'annexe
précitée, la taxe unique est calculée au taux de 7 o/oo de
la
valeur d'assurance incendie du bâtiment (valeur ECA), rappor-
tée à l'indice 100 de 1990. L'art. 37 RCCE prévoit que, pour
tout raccordement, direct ou indirect, aux collecteurs
public-
s, il est perçu une taxe annuelle fixée par l'annexe au
règlement [...] (al. 1). Le produit de cette taxe est
destiné
à couvrir les frais d'intérêt, d'amortissement et
d'entretien
du réseau des collecteurs publics communaux (al. 2). D'après
l'art. 2 de l'annexe précitée, la taxe annuelle d'entretien
est calculée au taux de 1 o/oo de la valeur ECA du bâtiment
rapportée à l'indice 100 de 1990 (al. 1). Elle est payable
annuellement (al. 2). Enfin, l'art. 38 RCCE autorise le Ser-
vice intercommunal Vevey-Montreux à percevoir, conformément
à
ses statuts et règlements, une taxe annuelle d'épuration
pour
couvrir les frais d'intérêt, d'amortissement, d'entretien et
d'exploitation du réseau intercommunal des collecteurs
princi-
paux et des stations d'épuration.

En l'espèce, le litige ne porte que sur la taxe an-
nuelle d'entretien prévue par l'art. 37 RCCE.

4.- Invoquant l'art. 8 Cst., les recourants soutien-
nent que la décision litigieuse viole le principe
d'équivalen-
ce.

a) Selon le principe d'équivalence, qui concrétise
ceux de proportionnalité et de l'interdiction de
l'arbitraire
(art. 4 aCst. et art. 5 al. 2, 8 et 9 Cst.), le montant de
chaque redevance doit être en rapport avec la valeur
objective
de la prestation fournie et rester dans des limites raison-
nables. La valeur de la prestation se mesure soit à son ut-
ilité pour le contribuable, soit à son coût par rapport à
l'ensemble des dépenses administratives en cause ce qui n'ex-
clut pas un certain schématisme ni l'usage de moyennes d'ex-
périence. Les contributions doivent toutefois être établies
selon des critères objectifs et s'abstenir de créer des
diffé-
rences qui ne se justifieraient pas par des motifs
pertinents
(ATF 126 I 180 consid. 3a/bb p. 188; 122 I 279 consid. 6c p.
289; 121 II 183 consid. 4 p. 188; 120 Ia 171 consid. 2a p.
174
et les arrêts cités).

L'avantage économique retiré par chaque bénéficiaire
d'un service public est souvent difficile, voire impossible
à
déterminer en pratique. Il en va notamment ainsi en matière
de
ramassage et d'élimination des ordures, où cet avantage
dépend
de nombreux éléments, tels que la quantité de déchets
produite, la variation des frais de ramassage en fonction de
l'éloignement et de la période de l'année. Pour cette
raison,
la jurisprudence admet que les taxes d'utilisation soient
amé-
nagées de manière schématique et tiennent compte de normes
fondées sur des situations moyennes (arrêt 2P.402/1996 du 29
mai 1999, in RDAF 1999 I 94 consid. 3a p. 97 s.; 122 I 61
consid. 3b p. 67 et les arrêts cités).

Se fondant sur l'art. 4 aCst., la jurisprudence a
considéré qu'à la différence d'une taxe de raccordement
unique
(ATF 109 Ia 325 consid. 5 p. 328; 106 Ia 241 consid. 3b p.
244; 94 I 270 consid. 5a p. 278; 93 I 106 consid. 5b
p. 114; Danielle Yersin, L'égalité de traitement en droit
fiscal, in RDS 111/1992 II p. 209 ss, n. 102 ss), une taxe
annuelle hybride destinée à couvrir non seulement le coût

de construction de la canalisation mais aussi son entretien
est incompatible avec le principe d'une imposition égale si
elle n'inclut pas dans sa base de calcul la consommation
effectuée par l'immeuble (ATF 125 I 1 consid. 2b/ee p. 6).
Le
Tribunal fédéral a également jugé qu'il n'est pas conforme à
ces principes de calculer des taxes annuelles sur la base de
la seule valeur d'assurance-incendie des bâtiments en cause.
Il a en effet constaté que "la valeur d'assurance-incendie
du
bâtiment concerné peut constituer une base de calcul appro-
priée lorsqu'il s'agit d'établir une taxe de raccordement ou
une autre contribution unique, mais non pas lorsqu'il s'agit
de fixer une taxe d'utilisation périodique qui doit tenir
com-
pte de paramètres ayant un rapport avec l'utilisation effe-
ctive de l'installation en question" (arrêt 2P.249/1999 du
24 mai 2000).

b) Le Tribunal administratif souligne la similitude
entre les faits à l'origine de l'arrêt du 9 novembre 1998
(ATF
125 I 1 ss) invoqué par les recourants et ceux de la
présente
cause. Cependant, vu la structure des coûts liés à la
création
et au maintien du réseau d'évacuation des eaux, il s'en
écarte
parce que la taxe litigieuse servirait en l'espèce à couvrir
essentiellement des frais financiers à l'instar d'une taxe
de
raccordement et parce que la consommation d'eau potable
paraîtrait n'avoir qu'une importance marginale sur les frais
d'entretien du réseau selon le rapport du 7 décembre 2000
confirmé, selon lui, par la doctrine récente en la matière.

Cette opinion ne saurait être suivie. Elle s'écarte
indûment des exigences développées sous l'empire de l'art. 4
aCst. déjà résultant du principe de l'équivalence. Sous cet
angle, le Tribunal administratif perd de vue que la taxe pré-
vue par l'art. 37 RCCE est une contribution causale prélevée
auprès du bénéficiaire d'une prestation mise à sa
disposition
par la collectivité et destinée, non seulement à couvrir les
coûts, mais aussi à compenser l'avantage économique qu'il en

retire. Conformément au principe d'équivalence déduit du
prin-
cipe de proportionnalité (art. 4 aCst.), la redevance doit
être en rapport avec la valeur objective de la prestation ou
de l'avantage dont le contribuable bénéficie; en matière
d'évacuation et d'épuration des eaux, cet avantage est lié à
la quantité d'eaux usées déversées dans les installations. A
cet égard, d'ailleurs, contrairement à ce que pense le
Tribunal administratif, la doctrine qu'il prend pour
fondement
de son raisonnement tient précisément pour inappropriés les
critères d'évaluation que sont la valeur officielle ou la
valeur d'assurance de l'immeuble, non seulement pour la taxe
de raccordement mais surtout pour les frais d'entretien de
la
canalisation, même si, dit-elle, "le volume d'eau évacué n'a
qu'une très petite influence sur les coûts du réseau
d'évacua-
tion" (André Müller, Finanzierung der kommunalen Abwasserent-
sorgung aus ökonomischer Sicht, in DEP 1999 p. 509, 511 et
525).

Par conséquent, en confirmant la taxe litigieuse, qui
fait totalement abstraction du volume des eaux usées sous
une
forme ou sous une autre (nombre de m3, de logements, de
personnes, etc.), l'autorité intimée a violé le principe de
l'équivalence.

5.- Invoquant l'art. 49 Cst., les recourants font
encore grief à l'autorité intimée d'avoir violé la force dé-
rogatoire du droit fédéral.

a) En vertu du principe de la force dérogatoire (ou
de la primauté) du droit fédéral, les cantons ne sont pas au-
torisés à légiférer dans les domaines exhaustivement
réglemen-
tés par le droit fédéral. Dans les autres domaines, ils pe-
uvent édicter des règles de droit qui ne violent ni le sens
ni
l'esprit du droit fédéral, et qui n'en compromettent pas la
réalisation (ATF 127 I 60 consid. 4 p. 68; 126 I 76 consid.
1
p. 78; 125 I 474 consid. 2a p. 480 et les arrêts ci-

tés). Le Tribunal fédéral vérifie avec un plein pouvoir
d'exa-
men si la norme cantonale ou communale critiquée est compa-
tible avec le droit fédéral. Lorsque cet examen a lieu,
comme
en l'espèce, à titre préjudiciel (contrôle concret), il con-
vient de distinguer: le Tribunal fédéral n'examine que sous
l'angle restreint de l'arbitraire l'interprétation de la
norme
cantonale litigieuse respectivement son application par les
autorités cantonales, sous réserve d'une atteinte grave à un
droit constitutionnel spécial. En revanche, il examine lib-
rement, comme déjà dit, si l'interprétation non arbitraire
de
la norme cantonale est compatible avec le droit fédéral pe-
rtinent (ATF 123 I 313 consid. 2b p. 317).

b) aa) Fondés sur les art. 24bis aCst. et 76 Cst.,
les art. 3a et 60a LEaux concrétisent le principe de
causalité
(pollueur-payeur) en matière de protection des eaux: "Celui
qui est à l'origine d'une mesure prescrite par la présente
loi
en supporte les frais" (art. 3a LEaux). A cet effet, con-
formément à l'art. 60a LEaux, "les cantons veillent à ce que
les coûts de construction, d'exploitation, d'entretien, d'as-
sainissement et de remplacement des installations
d'évacuation
et d'épuration des eaux concourant à l'exécution de tâches
publiques soient mis, par l'intermédiaire d'émoluments ou
d'autres taxes, à la charge de ceux qui sont à l'origine de
la
production d'eaux usées. Le montant des taxes est fixé en
particulier en fonction: (a) du type et de la quantité
d'eaux
usées produites; (b) des amortissements nécessaires pour
maintenir la valeur du capital de ces installations;
(c) des intérêts; (d) des investissements planifiés pour
l'entretien, l'assainissement et le remplacement de ces
installations, pour leur adaptation à des exigences légales
ou
pour des améliorations relatives à leur exploitation" (al.
1).
Si l'instauration de taxes couvrant les coûts et conformes
au
principe de causalité devait compromettre l'élimination des
eaux usées selon les principes de la protection de l'environ-
nement, d'autres modes de financement peuvent être

introduits (al. 2). Les détenteurs d'installations d'évacua-
tion et d'épuration des eaux constituent les provisions
néces-
saires (al. 3). Les bases de calcul qui servent à fixer le
montant des taxes sont accessibles au public (al. 4).

bb) Il ressort des art. 3a et 60a LEaux que la Confé-
dération a renoncé à introduire elle-même les émoluments né-
cessaires à l'évacuation et à l'épuration des eaux; elle a
chargé les cantons de le faire dans les limites des condi-
tions-cadres qu'elle a édictées. Si les cantons disposent
cer-
tes d'une grande souplesse dans l'élaboration d'émoluments
conformes au principe de causalité, ils doivent néanmoins
pré-
voir "un système combinant des taxes de bases et des taxes
qui
sont fonction de la quantité d'eaux usées à évacuer" (FF
1996
IV 1213 p. 1219). Cette limite est mise en lumière par les
objectifs assignés par le législateur au principe de causali-
té: "Outre qu'elle garantit le financement de la protection
des eaux, la répercussion des coûts sur le responsable, en
incitant celui-ci à réduire la pollution des eaux, permet
d'atteindre un objectif écologique: elle contribue à
diminuer
l'utilisation des installations de traitement et ménage par
conséquent l'environnement (...) et à accroître l'efficacité
des mesures de protection de l'environnement" (FF 1996 IV
1213
p. 1219; Peter Karlen, op. cit., p. 547 ss). Ce double objec-
tif financier et écologique de protection des eaux exige
qu'une taxe d'utilisation périodique tienne compte de paramè-
tres ayant un rapport avec l'utilisation effective de l'ins-
tallation en question (Peter Karlen, op. cit., p. 550). Il
s'inscrit ainsi dans la ligne de la jurisprudence rendue
sous
l'empire de l'art. 4 aCst. (cf. consid. 2c/bb ci-dessus).
Même
s'ils augmentent les exigences en matière de protection de
l'environnement, les art. 3a et 60a LEaux n'imposent
toutefois
pas que les coûts soient répartis exclusivement en
proportion
des quantités d'eaux usées produites (cf. sur ce point, la
jurisprudence relative aux taxes d'élimination des déchets:
arrêt 2P.194/1994 du Tribunal fédéral du 20 novembre 1995,
in

RDAT 1996 I n. 51 p. 149 consid. 11b et 2P.402/1996 du 29
mai
1997, in RDAF 1999 I p. 94 consid. 3b p. 98 s.; Peter
Karlen,
op. cit., p. 550). La relative souplesse de telles limites
permet aux cantons d'éviter des coûts administratifs
démesurés
découlant de l'évaluation du type et de la quantité d'eaux
usées (FF 1996 IV 1213 p. 1220; André Müller, op. cit., p.
522).

c) Le Tribunal administratif a considéré que même si
le critère du type et de la quantité d'eau usée est un
critère
supplémentaire consacré par l'art. 60a LEaux, une solution
qui
s'affranchit de la lettre de cet article permet, à son avis,
de mieux prendre en compte une structure des coûts liés à la
création et au maintien d'un réseau d'évacuation des eaux
lorsque ceux-ci apparaissent indépendants dans une très
large
mesure du volume des eaux usées évacuées. Elle permettrait
aussi d'éviter d'instaurer un régime de subventions croisées
dans lequel les producteurs d'eaux usées
importantes
financeraient l'extension du réseau dans des zones
excentrées.

Cette opinion est erronée. Contrairement à l'avis de
l'autorité intimée, lorsqu'il s'agit de calculer une taxe pé-
riodique, la structure des coûts liés à certains types d'ins-
tallations, même s'ils devaient apparaître indépendants,
dans
une large mesure, du volume des eaux usées, n'autorise pas à
s'affranchir de la lettre de l'art. 60a LEaux d'autant
moins,
d'ailleurs, que sous l'empire de l'art. 4 aCst. déjà, la
taxe
périodique devait intégrer, pour une part au moins, un
paramè-
tre relatif à l'utilisation des installations en cause (cf.
consid. 4a ci-dessus). Il s'agit avant tout d'une question
de
politique législative; même si le rapport d'expertise du 7
dé-
cembre 2000 n'est pas mis en doute, il ne saurait l'emporter
sur le choix du législateur, qui comporte un élément
incitatif
que l'autorité intimée a ignoré. Ainsi, se fondant exclusive-
ment sur la valeur d'assurance-incendie du bâtiment, l'art.
37

RCCE ne tient aucun compte de paramètres ayant un rapport
avec
l'utilisation effective de l'installation en question. Dans
cette mesure, il compromet l'objectif visé par le
législateur
fédéral de protéger l'environnement en incitant à réduire la
production d'eaux usées. Il est donc contraire à la lettre
et
à l'esprit des art. 3a et 60a LEaux.

Enfin, compte tenu de la relative souplesse que ces
articles laissent aux cantons dans l'aménagement de leurs re-
devances causales, il n'y a pas lieu de craindre a priori la
mise en place d'un régime de subventions croisées (cf. à ce
sujet: André Müller, op. cit., p. 522). Au demeurant, cette
question, s'agissant en particulier de l'habitat dispersé,
re-
lève avant tout de la planification de l'aménagement du ter-
ritoire.

En confirmant la taxe litigieuse qui ne respecte pas
les art. 3a et 60a LEaux, l'autorité intimée a violé le prin-
cipe de primauté du droit fédéral.

6.- Pour ces motifs, le recours doit être admis dans
la mesure où il est recevable et l'arrêt attaqué doit être
an-
nulé.

Vu l'issue du recours, les frais judiciaires doivent
être mis à la charge de la commune de St-Légier-La-Chiésaz
qui
succombe et dont l'intérêt financier est en jeu (art. 156
al.
1 et 156 al. 2 a contrario en relation avec les art. 153 et
153a OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l,

1. Admet le recours dans la mesure où il est recevable.

2. Annule l'arrêt du Tribunal administratif du canton
de Vaud du 22 mars 2001.

3. Met un émolument judiciaire de 2'000 fr. à la charge
de la commune de St-Légier-La Chiésaz.

4. Communique le présent arrêt en copie au représentant
des recourants, au mandataire de la commune de St-Légier-La
Chiésaz, à la Commission communale de recours en matière de
taxes, impôts et informatique de la commune de St-Légier-La
Chiésaz et au Tribunal administratif du canton de Vaud.

Lausanne, le 10 octobre 2001
DCE/vlc

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:

Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.125/2001
Date de la décision : 10/10/2001
2e cour de droit public

Analyses

Art. 8, 9 et 49 Cst. ainsi que art. 3a et 60a LEaux; taxe périodique d'évacuation des eaux; voie de recours; force dérogatoire du droit fédéral. Même si les conditions-cadres de l'art. 60a LEaux augmentent les exigences quant aux critères de répartition des frais, il incombe encore aujourd'hui aux droits cantonal et communal, qui conservent leur caractère autonome, de les concrétiser. La voie du recours de droit administratif n'étant donc pas ouverte, seul subsiste le recours de droit public (consid. 1). Une taxe annuelle d'évacuation qui fait totalement abstraction du volume des eaux usées viole le principe de l'équivalence tiré des art. 8 et 9 Cst. (consid. 4). L'art. 60a LEaux comporte un élément incitatif qui exige de tenir compte dans le calcul de taxes périodiques d'évacuation des eaux de paramètres ayant un rapport avec l'utilisation effective de l'installation, même si les coûts liés à certains types d'installation devaient apparaître indépendants du volume des eaux usées (consid. 5).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-10-10;2p.125.2001 ?
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