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08/10/2001 | SUISSE | N°H.127/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 08 octobre 2001, H.127/01


«AZA 7»
H 127/01 Mh

Ière Chambre

MM. les juges Lustenberger, Président, Schön, Meyer,
Ferrari et Ursprung. Greffier: M. Vallat

Arrêt du 8 octobre 2001

dans la cause

A.________, recourant, représenté par Maître Shirin
Ariffin, avocate, avenue du Tribunal-Fédéral 1,
1005 Lausanne,

contre

Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS-AI-APG, rue
du Lac 37, 1815 Clarens, intimée,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- A.________ a é

té engagé dès le 1er juillet 1993,
par contrat daté du même jour, par X.________ AG et
Y.________ AG comme chef d'entreprise. Selon...

«AZA 7»
H 127/01 Mh

Ière Chambre

MM. les juges Lustenberger, Président, Schön, Meyer,
Ferrari et Ursprung. Greffier: M. Vallat

Arrêt du 8 octobre 2001

dans la cause

A.________, recourant, représenté par Maître Shirin
Ariffin, avocate, avenue du Tribunal-Fédéral 1,
1005 Lausanne,

contre

Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS-AI-APG, rue
du Lac 37, 1815 Clarens, intimée,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- A.________ a été engagé dès le 1er juillet 1993,
par contrat daté du même jour, par X.________ AG et
Y.________ AG comme chef d'entreprise. Selon annexe à cette
convention, le premier nommé mettait fin au 30 juin 1993 à
ses activités antérieures comme indépendant et recevait de
ses cocontractants, à divers titres, le montant total de
500 000 fr.

A la suite d'une communication du 13 février 1997 de
la Commission d'impôt du district X.________, portant sur
les bénéfices en capital et les augmentations de valeur et
indiquant un bénéfice de 450 400 fr. réalisé le 1er juillet
1993 par l'assuré, la Caisse cantonale vaudoise de compen-
sation (ci-après: la caisse) a rendu, le 21 décembre 1998,
une décision fixant les cotisations personnelles dues sur
le bénéfice en capital réalisé lors de la cessation de
l'activité d'indépendant.

B.- A.________ a recouru contre cette décision en
concluant à son annulation, subsidiairement à sa réforme.
Par jugement du 15 décembre 2000, le Tribunal des assu-
rances du canton de Vaud a rejeté le recours.

C.- L'intéressé interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement, concluant en substance à l'annu-
lation de ce dernier ainsi que de la décision de la caisse,
subsidiairement au renvoi pour nouveau jugement ou nouvelle
décision, le tout sous suite de frais et dépens.
La Caisse a conclu au rejet du recours alors que
l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) n'a pas
déposé de détermination.

D.- Le 30 juillet 2001, la Caisse a informé le Tri-
bunal fédéral des assurances que la Commission d'impôt du
district X.________ avait rendu une nouvelle décision
fixant définitivement le bénéfice en capital à 318 400 fr.
et qu'à ce montant correspondait une cotisation de
34 227 fr. 05 (au lieu de 43 772 fr. 55)
Par ailleurs, la Caisse a confirmé directement à
l'intéressé que, suivant le sort du litige, une nouvelle
décision serait rendue dans ce sens, en remplacement de
celle du 21 décembre 1998.

Considérant en droit :

1.- a) La décision litigieuse n'ayant pas pour objet
l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, le Tri-
bunal fédéral des assurances doit se borner à examiner si
les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris
par l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation,
ou si les faits pertinents ont été constatés d'une manière
manifestement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été
établis au mépris de règles essentielles de procédure
(art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et
105 al. 2 OJ).
Lorsque le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral des
assurances est limité par l'art. 105 al. 2 OJ, la possibi-
lité d'alléguer des faits nouveaux ou de faire valoir de
nouveaux moyens de preuve est très restreinte. Selon la
jurisprudence, seules sont admissibles dans ce cas les
preuves que l'instance inférieure aurait dû réunir d'of-
fice, et dont le défaut d'administration constitue une
violation de règles essentielles de procédure (ATF
121 II 99 consid. 1c, 120 V 485 consid. 1b et les réfé-
rences).

b) En l'occurrence, hormis le fait que les écritures
et pièces déposées à partir du mois de juillet 2001 (let. D
ci-dessus) l'ont été après l'échéance des délais de recours
ou de réponse au recours, ces pièces nouvelles, inconnues
des premiers juges en raison de la date à laquelle elles
ont été établies, ne peuvent être admises en procédure au
regard du pouvoir d'examen restreint du tribunal.

2.- a) Le recourant reproche en premier lieu à l'auto-
rité cantonale des constatations incomplètes des faits,
établis au mépris des règles essentielles de procédure. Il
ne ressort cependant pas de son mémoire en quoi les faits
constatés, repris dans leur intégralité du dossier, sont
incomplets. En réalité le recourant se prévaut d'une vio-

lation de son droit d'être entendu au motif que le témoin
B.________, dont l'audition avait été requise, n'a pas été
entendu par la juridiction cantonale.

b) Ce grief de nature formelle, qui pourrait amener la
cour de céans à annuler le jugement entrepris et à renvoyer
la cause à l'autorité cantonale sans examen du litige sur
le fond, doit être examiné en premier lieu (ATF 124 V 92
consid. 2, 119 V 210 consid. 2).
On ignore totalement quels faits le recourant enten-
dait prouver par l'audition de B.________. Celui-ci n'est
entré dans l'entreprise, selon les allégations en cause,
que dans le courant de l'année 1999. Il n'a donc pas
participé aux négociations ou à la conclusion du contrat de
1993 et s'est limité, dans sa lettre du 17 août 1999, pro-
duite en procédure par le recourant, à donner son interpré-
tation des conventions du 1er juillet 1993 pour soutenir en
particulier que les montants versés n'avaient pas qualité
de salaire. Cette interprétation, que le recourant a faite
sienne dans ses écritures, a été reprise dans les faits par
le tribunal.
Dans ces conditions, le refus d'entendre le témoin ne
constitue pas une violation du droit d'être entendu. De
toute manière, et par appréciation anticipée des preuves
(ATF 124 V 94 consid. 4b), les premiers juges étaient fon-
dés à considérer comme superflue cette audition, le témoin
n'étant pas en mesure de se prononcer sur des faits surve-
nus en 1993 et le litige portant, pour l'essentiel, sur
l'appréciation juridique d'une situation de fait claire.

3.- Dans un deuxième moyen, le recourant invoque une
violation du principe de non-rétroactivité des lois au
motif que la décision entreprise se fonde sur des disposi-
tions légales entrées en vigueur après la survenance des
faits déterminants.

a) Selon les principes généraux du droit intertempo-
rel, on applique, en cas de changement de règles de droit,
les dispositions en vigueur lors de la réalisation de
l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui
a des conséquences juridiques. En conséquence, le nouveau
droit ne s'applique pas aux faits antérieurs à son entrée
en vigueur, sauf sous certaines conditions non pertinentes
en l'espèce (ATF 122 V 408 consid. 3; Moor, Droit adminis-
tratif, vol. I, p. 170).

b) Le cas particulier soulève la question de la coti-
sation spéciale sur les bénéfices en capital. Normalement
cette cotisation est due pour l'année durant laquelle le
bénéfice est réalisé (art. 23bis al. 2 RAVS) et la date à
prendre en considération résulte de la communication des
autorités fiscales cantonales (Duc/Greber/Scartazzini,
Commentaire des articles 1 à 16 de la loi fédérale sur
l'assurance vieillesse et survivants [LAVS] ad art. 9 LAVS
n° 71).
Dès lors que le bénéfice de liquidation imposé a été
réalisé en 1993, selon communication fiscale, la caisse et
la juridiction cantonale devaient rendre leur décision et
leur jugement selon les dispositions légales en vigueur à
cette époque. L'Ordonnance du Conseil fédéral du 26 sep-
tembre 1994 a modifié notamment l'art. 23bis RAVS. Il y
avait donc lieu d'appliquer cette disposition dans sa
teneur en vigueur du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1994
(RO 1983 903, 1994 2162) et non dans celle introduite par
l'ordonnance précitée.
Bien que fondé dans son principe, ce grief est toute-
fois sans conséquence car il appartient au juge d'appliquer
d'office le droit. Il suffit à cet égard de constater que
l'art. 23bis RAVS, dans l'une et l'autre formulations,
prévoit le prélèvement d'une cotisation spéciale sur les
bénéfices en capital.

4.- a) Le recourant invoque ensuite une violation du
principe de la légalité. Se fondant sur la teneur de
l'art. 23bis RAVS applicable jusqu'au 31 décembre 1994, il
soutient que la soumission du bénéfice en capital à l'impo-
sition annuelle spéciale prévue à l'art. 43 AIFD est une
condition sine qua non du prélèvement de la cotisation spé-
ciale. Or, le bénéfice en capital aurait été soumis, selon
le recourant, à l'impôt prévu par l'art. 47 LIFD auquel se
référait l'art. 23bis RAVS dans sa teneur en vigueur
jusqu'au 31 décembre 2000, si bien que la base légale fe-
rait défaut.

b) La loi sur l'impôt fédéral direct (LIFD) du 14 dé-
cembre 1990 est entrée en vigueur le 1er janvier 1995
(art. 222 LIFD), abrogeant à cette date l'arrêté du Conseil
fédéral (AIFD) du 9 décembre 1940 (art. 201 LIFD). S'agis-
sant de l'imposition annuelle sur les bénéfices en capital
et les augmentations de valeur, les art. 43 AIFD et 47 LIFD
prévoient les mêmes dispositions, soit l'imposition en
entier au taux correspondant à ces seuls revenus.
Dans le cas particulier, la lettre du 13 février 1997
de la Commission d'impôt est une communication - spontanée
- des bénéfices en capital et des augmentations de valeur
"au sens de l'art. 47 LIFD", formule utilisée dès lors que
la LIFD était en vigueur à la date de cet envoi. Cela ne
signifie cependant pas, contrairement à la thèse du recou-
rant, que le bénéfice en capital a été effectivement soumis
à l'imposition selon la LIFD. En effet, les principes géné-
raux régissant l'application du droit dans le temps énoncés
au consid. 2a ci-dessus s'appliquent également, en règle
générale, en matière fiscale (cf., en relation avec la
LIFD, RDAF 1999 2 546 consid. 1b; Jean-Marc Rivier, Droit
fiscal suisse - l'imposition du revenu et de la fortune,
2ème éd., Lausanne 1998, p. 80). Le bénéfice en capital
ayant été réalisé en 1993, rien ne permet de penser que la
taxation n'a pas été effectuée conformément à l'AIFD.

Au surplus, il s'agit d'une communication fiscale por-
tant sur des bénéfices en capital, notion identique dans la
LIFD et l'AIFD. Comme l'art. 23bis al. 1 RAVS, dans sa
teneur en vigueur avant comme après le 31 décembre 1994
n'exigeait que la soumission à l'impôt annuel spécial défi-
ni par la loi - condition réalisée en l'espèce -, le grief
s'avère, pour ces deux motifs, infondé.

5.- Après avoir soutenu pendant toute la procédure,
pièce produite à l'appui, que le montant versé par son
cocontractant était un goodwill, le recourant se plaint,
pour la première fois en procédure fédérale, de ce que la
caisse a effectivement considéré ces montants comme étant
un goodwill.
Les juges cantonaux ont exposé en détail et de manière
pertinente les règles de droit applicables et les consé-
quences à en tirer en matière, notamment, de revenu pro-
venant d'une activité indépendante, de bénéfice de liqui-
dation, de cotisation spéciale, du rôle et de la force
probante d'une communication fiscale, de gain en capital et
de goodwill. On peut intégralement renvoyer à leur consi-
dérants, le recourant n'apportant sur ces questions aucun
argument qui n'aurait déjà été dûment réfuté par la juri-
diction cantonale.

6.- A toutes fins utiles, le recourant soulève encore
les moyens de la péremption et de la prescription. Toute-
fois comme la décision litigieuse a été rendue le 21 dé-
cembre 1998, les délais fixés par l'art. 16 LAVS ont été
respectés, si bien que ce moyen doit également être rejeté.

7.- a) Le recourant soutient enfin, à titre subsi-
diaire, qu'une partie des montants perçus en 1993 doivent
être assimilés à des prestations de prévoyance allouées
volontairement par l'employeur, partant exonérées du
paiement de la cotisation.

Examinant déjà cette argumentation, les juges canto-
naux ont considéré que le recourant n'avait pas encore
atteint l'âge de 50 ans révolus au moment déterminant dès
lors que le bénéfice de liquidation avait été réalisé le
1er juillet 1993, ce qui suffit à faire obstacle à l'appli-
cation de l'art. 23ter RAVS. Pour sa part, le recourant
soutient que, par moment où le bénéfice a été réalisé, il
faut entendre l'année, et non une date précise de celle-ci,
ce qui aurait pour conséquence que la disposition du RAVS
serait applicable.

b) Selon l'art. 23ter RAVS (dans sa teneur en vigueur
du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1994 (RO 1983 903, 1994
2162), l'art. 6bis est applicable par analogie aux béné-
fices en capital et aux augmentations de valeur sur
lesquels une cotisation spéciale est due en vertu de
l'art. 23bis (al. 1). Cette disposition n'est, en revanche,
pas applicable lorsque l'assuré a obtenu le bénéfice en
capital ou réalisé l'augmentation de valeur à un moment où
il n'avait pas encore accompli sa cinquantième année
(al. 3). Le contenu de cette disposition - sous réserve de
sa rédaction - n'a pas été modifié par la novelle du
26 septembre 1994.
Les dispositions topiques du RAVS - dont la légalité
n'est pas en discussion ici - instituent, pour la cotisa-
tion spéciale, un système différent suivant le moment où le
bénéfice ou le revenu a été réalisé au regard de l'âge de
l'assuré. Ainsi, de même que la date de naissance précise
de l'assuré est déterminante - accomplissement de la cin-
quantième année -, le moment de la réalisation du bénéfice
(ce moment-là selon le texte en langue française, Zeitpunkt
dans la version en langue allemande et momento dans le
texte italien) doit être déterminé avec précision, comme
l'expriment aussi bien et de manière claire les textes en
langues française et allemande, parce que la date de la
réalisation du bénéfice joue un rôle particulier dans le

domaine de la cotisation spéciale (ATF 122 V 294 con-
sid. 5d). Contrairement à ce que soutient le recourant, on
ne peut en effet comprendre que le moment
en question
viserait seulement l'année déterminante. Cette interpré-
tation irait non seulement à l'encontre du sens littéral de
la disposition réglementaire, mais la date de l'accomplis-
sement de la cinquantième année n'aurait alors ni sens ni
portée.

c) Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral
des assurances (ATF 122 V 291 consid. 5), la caisse de com-
pensation est liée par les communications fiscales en ce
qui concerne le moment de la réalisation du revenu soumis à
cotisation spéciale, principe que ne discute pas le recou-
rant. Or, en l'espèce, le recourant a accompli sa cinquan-
tième année le 24 octobre 1993. Il n'avait donc pas 50 ans
révolus lorsque le bénéfice en capital a été réalisé à la
date non contestable du 1er juillet 1993, si bien que les
conditions d'application de l'art. 23ter aRAVS ne sont pas
réunies.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Les frais de justice, d'un montant de 3500 fr., sont
mis à la charge du recourant et son compensés avec
l'avance de frais d'un même montant qu'il a versée.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal des assurances du canton de Vaud ainsi qu'à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 8 octobre 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la Ière Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.127/01
Date de la décision : 08/10/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-10-08;h.127.01 ?
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