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02/10/2001 | SUISSE | N°5C.87/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 octobre 2001, 5C.87/2001


«/2»
5C.87/2001

IIe C O U R C I V I L E
*************************

2 octobre 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi,
M. Raselli, Mme Nordmann et Mme Escher, juges.
Greffière: Mme Mairot.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

C.________, demandeur et recourant, représenté par Me
Olivier
Boillat, avocat à Genève,

et

T.________, défendeur et intimé, représenté par Me Nicolas
Droz, avocat à Genève;

(délai pour agir

en libération de dette
selon l'art. 83 al. 2 LP)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 13 ...

«/2»
5C.87/2001

IIe C O U R C I V I L E
*************************

2 octobre 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi,
M. Raselli, Mme Nordmann et Mme Escher, juges.
Greffière: Mme Mairot.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

C.________, demandeur et recourant, représenté par Me
Olivier
Boillat, avocat à Genève,

et

T.________, défendeur et intimé, représenté par Me Nicolas
Droz, avocat à Genève;

(délai pour agir en libération de dette
selon l'art. 83 al. 2 LP)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 13 août 1998, T.________ a fait notifier un
commandement de payer à C.________ dans la poursuite n° 98
132644G, d'un montant de 400'000 fr. plus intérêts à 5% dès
le 30 juin 1998. Le débiteur a formé opposition. Par
jugement
du 14 juillet 1999, le Tribunal de première instance de Genè-
ve a confirmé la mainlevée provisoire de l'opposition qu'il
avait prononcée par défaut le 22 janvier précédent.

Le poursuivi a, le 3 septembre 1999, interjeté appel
contre ce jugement auprès de la Cour de justice du canton de
Genève en sollicitant l'effet suspensif, qui lui a été accor-
dé le même jour par le président de cette juridiction. Par
arrêt du 14 octobre 1999, notifié au débiteur le 20 octobre
suivant, la cour cantonale a confirmé le jugement du 14 juil-
let 1999 et, partant, la mainlevée provisoire de l'opposi-
tion.

B.- Le 9 novembre 1999, C.________ a ouvert action
en libération de dette. Le Tribunal de première instance l'a
déclarée irrecevable pour cause de tardiveté le 31 mai 2000.
Ce jugement a été confirmé par arrêt de la Cour de justice
du
16 février 2001.

C.- Parallèlement à un recours de droit public,
C.________ exerce un recours en réforme contre l'arrêt du 16
février 2001. Dans ce dernier mémoire, il conclut à l'annula-
tion de la décision entreprise et demande au Tribunal
fédéral
de constater que son action en libération de dette a été in-
tentée dans le délai imparti à l'art. 83 al. 2 LP, ainsi que
d'ordonner à la Cour de justice de renvoyer la cause au Tri-
bunal de première instance pour qu'il ouvre l'instruction.

L'intimé propose le rejet du recours et la confirma-
tion de l'arrêt entrepris.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Selon la règle générale de l'art. 57 al. 5 OJ,
le recours de droit public doit être examiné en premier
lieu.
Il se justifie néanmoins de déroger à ce principe lorsque le
recours en réforme paraît devoir être admis indépendamment
des griefs soulevés dans le recours de droit public (ATF 122
I 81 consid. 1 p. 83; 120 Ia 377 consid. 1 p. 378/379 et les
arrêts cités; J.-F. Poudret/S. Sandoz-Monod, Commentaire de
la loi fédérale d'organisation judiciaire, n. 5 ad art. 57).
Tel est le cas en l'espèce.

2.- Interjeté en temps utile contre une décision fi-
nale prise dans une contestation civile par le tribunal su-
prême du canton, le recours est recevable selon les art. 48
al. 1 et 54 al. 1 OJ; il l'est également au regard de l'art.
46 OJ, la valeur litigieuse étant à l'évidence atteinte.

3.- La Cour de justice a considéré en substance que,
selon la loi de procédure civile genevoise (LPC/GE), les ju-
gements de mainlevée provisoire de l'opposition rendus par
le
Tribunal de première instance ne pouvaient faire l'objet que
d'un appel extraordinaire (art. 292 LPC/GE). Dès lors que
cette voie de recours ne suspendait pas l'exécution du juge-
ment attaqué, sauf décision contraire du juge (art. 304 al.
1
et 2, art. 356 al. 2 LPC/GE), le délai pour ouvrir action en
libération de dette commençait à courir, en principe, dès le
jour de la communication du jugement de première instance
prononçant la mainlevée de l'opposition. Quant au débiteur
qui avait appelé de ce jugement et avait obtenu l'effet sus-
pensif au recours, il devait tenir compte, dans le calcul du
délai de 20 jours de l'art. 83 al. 2 LP, du temps qui
s'était
écoulé entre la réception du jugement de première instance
et

l'octroi de l'effet suspensif. En l'occurrence, ce délai
était expiré lorsque le débiteur avait ouvert action.

Le recourant estime que le point de départ du délai
pour intenter action en libération de dette n'est pas la com-
munication du jugement de mainlevée lorsque, comme en l'espè-
ce, un appel a été interjeté contre cette décision et que
l'effet suspensif a été accordé au recours. Il soutient
qu'en
pareil cas, le dies a quo est celui de la notification de
l'arrêt sur appel, l'octroi de l'effet suspensif produisant
ses effets ex tunc.

4.- a) A teneur de l'art. 83 al. 2 LP, le débiteur
peut, dans les 20 jours "à compter de la mainlevée",
intenter
au for de la poursuite une action en libération de dette. Le
calcul de ce délai et le contrôle de son respect relèvent du
droit fédéral (cf. arrêt du Tribunal fédéral du 12 septembre
1985, consid. 2 publié in SJ 1985 p. 625). Selon la jurispru-
dence, si le droit cantonal de procédure prévoit un recours
ordinaire contre le prononcé de mainlevée, le délai de
l'art.
83 al. 2 LP court du jour où le délai de recours est expiré
sans avoir été utilisé, de celui du retrait du recours ou de
la notification de l'arrêt sur recours. Si le recours contre
le prononcé de mainlevée n'emporte pas d'effet suspensif en
vertu de droit de procédure cantonal et que celui-ci n'a pas
non plus été accordé par décision judiciaire, le délai pour
ouvrir action en libération de dette part de la notification
- conformément à la législation cantonale - du prononcé de
mainlevée (ATF 124 III 34 consid. 2a p. 35; 104 II 141 con-
sid. 2 p. 142/143; 101 III 40 consid. 2 et 3 p. 42/43; 100
III 76 consid. 1 p. 77 et les références citées).

Dans l'arrêt publié aux ATF 104 II 141 (consid. 3 in
fine p. 144), sur lequel s'est essentiellement fondée la
Cour
de justice, le Tribunal fédéral a considéré que lorsque le

droit cantonal ne prévoit pas, comme en l'espèce, de recours
ordinaire contre le prononcé de mainlevée, et pour toutes
les
procédures qui déclarent provisoirement exécutoires les déci-
sions de mainlevée de l'opposition, le poursuivi devrait in-
tenter l'action en libération de dette dans le délai de [20]
jours de l'art. 83 al. 2 LP et utiliser la voie de l'appel
avec demande d'effet suspensif dans le délai accordé par la
loi cantonale de procédure, en courant le risque de payer
les
frais de justice et une indemnité à la partie adverse si, en
cas d'admission de l'appel, l'action en libération de dette
devait se révéler inutile. En d'autres termes, quand le
droit
cantonal n'institue qu'une voie de recours extraordinaire,
le
poursuivi serait tenu d'intenter l'action dès la communica-
tion du prononcé de mainlevée rendu en première instance, in-
dépendamment de l'octroi de l'effet suspensif au recours di-
rigé contre cette décision. Il faut toutefois relever que ce
considérant a été rédigé sous une forme hypothétique, car la
question de l'effet suspensif se posait différemment que
dans
le cas particulier.

Le dernier arrêt rendu sur ce point par le Tribunal
fédéral semble s'écarter de cette jurisprudence, dans la me-
sure où on peut en déduire, a contrario, que le délai ne com-
mence pas à courir dès la notification du prononcé de mainle-
vée si le recours est doté de l'effet suspensif "en vertu
d'une disposition expresse de la juridiction de recours ou
de
son président" (ATF 124 III 34 consid. 2a p. 35). Or, dans
ce
cas, le recours extraordinaire empêche l'entrée en force du
jugement de la même manière qu'un recours ordinaire (Max
Guldener, Schweizerisches Zivilprozessrecht, 3e éd., p. 392
ch. IV in fine). Aussi le délai pour ouvrir action en libéra-
tion de dette ne courrait-il que de la communication de la
décision de la juridiction supérieure (dans ce sens, Daniel
Staehelin, in Kommentar zum Bundesgesetz über Schuldbetrei-

bung und Konkurs, n. 25 ad art. 83 LP et les références ci-
tées).

b) Cette solution doit être suivie. Il faut par ail-
leurs admettre, comme la doctrine en général, que l'octroi
de
l'effet suspensif sortit ses effets ex tunc, à savoir rétro-
agit à la date de la décision attaquée (cf. arrêts du Tribu-
nal fédéral 5C.227/2000 du 21 décembre 2000, consid. 4c,
5P.45/1999 du 26 février 1999, consid. 3b, et les auteurs
cités, auxquels on peut ajouter Guldener, op. cit, p. 392
note 126). L'effet suspensif reporte ainsi le dies a quo du
délai (cf. notamment ATF 123 III 330 consid. 2 p. 331; Peter
von Salis, Probleme des Suspensiveffektes von Rechtsmitteln
im Zivilprozess- und Schuldbetreibungs- und Konkursrecht,
thèse Zurich 1980, p. 184/185). Ce résultat permet non seule-
ment d'éviter d'avoir à qualifier - d'ordinaire ou d'extraor-
dinaire - le recours ouvert contre le prononcé de mainlevée,
ce qui n'est pas toujours aisé et risque de créer des dispa-
rités cantonales (cf. dans ce sens Staehelin, op. cit., n.
22
ad art. 83 LP, pour qui l'appel "extraordinaire" du droit ge-
nevois est en réalité une voie de recours ordinaire, vu le
pouvoir de libre examen dont dispose l'autorité de recours;
arrêt du Tribunal fédéral du 12 septembre 1985, précité);
mais aussi, de faciliter le contrôle du respect du délai
pour
ouvrir action. Néanmoins, le débiteur devra dans tous les
cas
prendre les dispositions nécessaires pour que sa demande ne
soit pas déclarée tardive, car le risque subsiste que
l'effet
suspensif ne soit pas octroyé au recours dirigé contre la dé-
cision de mainlevée provisoire.

En l'occurrence, compte tenu de l'effet suspensif
accordé à l'appel cantonal, le délai de 20 jours de l'art.
83
al. 2 LP a commencé à courir le 20 octobre 1999, soit à la
date de la notification de l'arrêt sur appel rendu par la
Cour de justice. Introduite le 9 novembre suivant, l'action

en libération de dette est intervenue en temps utile. L'auto-
rité cantonale a donc confirmé à tort la décision d'irreceva-
bilité du juge de première instance.

5.- Le recours doit par conséquent être admis, l'ar-
rêt entrepris annulé et la cause renvoyée à la Cour de justi-
ce pour qu'elle statue sur les frais et dépens cantonaux ain-
si que sur la suite à donner à la procédure. Les frais et dé-
pens de l'instance fédérale seront supportés par l'intimé,
qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le recours, annule l'arrêt entrepris et
renvoie la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle déci-
sion dans le sens des considérants.

2. Met à la charge de l'intimé:
a) un émolument judiciaire de 5'000 fr.
b) une indemnité de 5'000 fr. à payer au
recourant à titre de dépens.

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre civile de la Cour de jus-
tice du canton de Genève.
__________

Lausanne, le 2 octobre 2001
MDO/frs
Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président, La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.87/2001
Date de la décision : 02/10/2001
2e cour civile

Analyses

Mainlevée provisoire de l'opposition; délai pour agir en libération de dette (art. 83 al. 2 LP). Compte tenu de l'effet suspensif accordé au recours cantonal déposé contre le prononcé de mainlevée - dont l'octroi sortit ses effets ex tunc -, le délai pour agir en libération de dette ne commence à courir que de la notification de la décision sur recours (consid. 3 et 4).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-10-02;5c.87.2001 ?
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