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02/10/2001 | SUISSE | N°5C.137/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 octobre 2001, 5C.137/2001


«/2»
5C.137/2001

IIe C O U R C I V I L E
**************************

2 octobre 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme
Nordmann, juges. Greffier: M. Abrecht.

_________

Dans la cause civile pendante
entre

Dame R.________, demanderesse et recourante, représentée par
Me Christine Gaitzsch, avocate à Genève;

et

R.________, défendeur et intimé, représenté par Me Gilbert
Bratschi, avocat à Genève;

(contribution extraordinaire

d'un époux selon l'art. 165 CC)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- R.________, né en 1926...

«/2»
5C.137/2001

IIe C O U R C I V I L E
**************************

2 octobre 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme
Nordmann, juges. Greffier: M. Abrecht.

_________

Dans la cause civile pendante
entre

Dame R.________, demanderesse et recourante, représentée par
Me Christine Gaitzsch, avocate à Genève;

et

R.________, défendeur et intimé, représenté par Me Gilbert
Bratschi, avocat à Genève;

(contribution extraordinaire d'un époux selon l'art. 165 CC)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- R.________, né en 1926, et dame R.________, née
en 1941, se sont mariés le 15 février 1975 sous le régime
matrimonial de la séparation de biens.

B.- Le 23 mai 1996, l'épouse a saisi le Tribunal de
première instance de Genève d'une demande en divorce, à la-
quelle le mari s'est opposé tout en concluant reconvention-
nellement à la séparation de corps.

Depuis le 28 juillet 1996, date à laquelle l'épouse
a quitté définitivement le domicile conjugal, le mari a vécu
seul dans l'habitation sise sur l'immeuble à X.________ que
son épouse avait acquis en pleine propriété pour 150'000 fr.
selon acte authentique du 30 avril 1975.

C.- Le 26 juillet 1996, le mari a requis des mesures
provisionnelles qui ont finalement abouti à la saisie conser-
vatoire provisionnelle de la moitié des avoirs de son épouse
déposés sur divers comptes bancaires auprès des grandes ban-
ques suisses, le mari étant astreint à fournir des sûretés à
hauteur de 5'000 fr., qui ont été versées.

D.- Du point de vue des effets accessoires de la
séparation de corps qu'il sollicitait à titre reconvention-
nel, le mari a notamment conclu le 20 octobre 1998 au paie-
ment par son épouse d'une somme de 826'800 fr.; cette préten-
tion était fondée sur les prestations qu'il avait fournies
en
faveur de son épouse en rapport avec l'immeuble de celle-ci.

E.- Par jugement du 10 décembre 1998, le Tribunal de
première instance a notamment prononcé le divorce et ordonné
la levée de la saisie conservatoire provisionnelle frappant
la moitié des avoirs bancaires de la demanderesse; les con-

clusions du défendeur portant sur 826'800 fr. ont été décla-
rées irrecevables pour avoir été formulées tardivement.

Par arrêt du 8 septembre 1999, la Cour de justice du
canton de Genève a confirmé ce jugement, sauf en ce qui con-
cernait les susdites conclusions pécuniaires et la levée de
la saisie conservatoire provisionnelle, le jugement déféré
étant annulé sur ce point et la cause renvoyée au premier
juge pour complément d'instruction et nouveau jugement.

F.- Par jugement du 14 septembre 2000, le Tribunal
de première instance a en particulier débouté le défendeur
de
ses conclusions en paiement de la somme de 826'800 fr.
(chiffre 2 du dispositif) et ordonné la levée de la saisie
conservatoire provisionnelle frappant la moitié des avoirs
bancaires de la demanderesse (chiffre 3 du dispositif).

G.- Le défendeur a appelé de ce jugement devant la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève en
reprenant ses conclusions de première instance, sa
prétention
étant toutefois réduite à 341'435 fr. en capital. Par arrêt
du 5 avril 2001, cette autorité a condamné la demanderesse à
verser au défendeur une somme de 120'000 fr. "à titre de
contribution extraordinaire en application de l'art. 165 al.
2 CC", validé à due concurrence la saisie conservatoire pro-
visionnelle précitée et ordonné la restitution au défendeur
des 5'000 fr. versés à titre de sûretés.

H.- Contre cet arrêt, la demanderesse exerce un
recours en réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut à ce
que
le défendeur soit débouté de ses conclusions pécuniaires
qu'il a chiffrées en dernier lieu à 341'435 fr. et à ce que
la saisie conservatoire provisionnelle frappant la moitié
des
avoirs bancaires de la demanderesse soit levée. Le défendeur
conclut avec suite de frais et dépens au rejet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- L'arrêt attaqué tranche une contestation civile
portant sur des droits de nature pécuniaire dont la valeur
dépasse largement 8'000 fr.; il constitue une décision
finale
prise par le tribunal suprême du canton de Genève qui ne
peut
pas être l'objet d'un recours ordinaire de droit cantonal.
Le
recours en réforme, interjeté en temps utile, est donc rece-
vable au regard des art. 46, 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ.

2.- a) La cour cantonale a commencé par rappeler les
faits pertinents retenus par le premier juge, qui pouvaient
être résumés comme il suit (arrêt attaqué, lettre F p. 8):

aa) La demanderesse travaillait depuis 1969 auprès
de l'OMPI et réalisait un traitement mensuel net de 6'187
fr.
10 en 1998; à cette même date, ses avoirs bancaires représen-
taient 342'828 fr. 77 et 229'315 pesetas. Quant au
défendeur,
après avoir été représentant en vins, il avait cessé toute
activité professionnelle à partir du 1er janvier 1986, rece-
vant des prestations d'assurance. En 1998, ses revenus men-
suels (rente AVS simple, rente complémentaire pour l'épouse
et une petite retraite de 226 fr. 15) se montaient à 2'233
fr. 15 et sa fortune mobilière à 5'552 fr.

bb) Dès son acquisition, l'immeuble de X.________
avait fait l'objet de divers aménagements et constructions
et avait été entretenu. Les conjoints avec l'aide d'amis y
avaient beaucoup travaillé le week-end, notamment dans le
jardin et dans l'habitation qui avait bénéficié de répara-
tions et d'améliorations. Les époux étaient l'un et l'autre
économes et, de 1975 à 1982, ils avaient utilisé essentiel-
lement du matériel de récupération, notamment en vue de la
réalisation de la dépendance; pour sa part, le défendeur
avait effectué lui-même beaucoup de travaux et, à partir de
1993 ou 1994, il avait été aidé par un jardinier. De nombreu-

ses factures avaient été établies au nom du défendeur et il
avait assuré le paiement de deux d'entre elles pour 10'076
fr., montant payé au cours de la période allant de décembre
1993 à l'été 1995 ou 1996.

b) L'autorité cantonale a ensuite exposé que d'après
une expertise datant du 28 janvier 1997 et confirmée lors
des
enquêtes par l'architecte qui l'a rédigée, la valeur vénale
de l'immeuble oscillait entre 750'000 fr. et 800'000 fr. et
sa valeur intrinsèque était de 870'000 fr. D'après une autre
expertise rédigée le 11 août 1998 par deux autres architec-
tes, la parcelle en question avait une valeur intrinsèque de
690'000 fr. Il résultait enfin des témoignages que le défen-
deur avait beaucoup travaillé sur l'immeuble de son épouse,
notamment du point de vue de la construction de la maison,
de
l'aménagement de la dépendance ainsi que de l'aménagement et
de l'entretien du jardin (arrêt attaqué, lettre G p. 9-11).

c) En droit, les juges cantonaux ont considéré qu'il
était possible de retenir, au regard de l'art. 165 al. 2 CC,
que le défendeur, en mettant à disposition sa capacité et sa
force de travail manuel, en procédant, seul ou avec l'aide
de
son épouse, à des améliorations notables dans la demeure
commune et en assurant l'entretien du jardin, avait
contribué
plus qu'il ne devait aux charges du ménage en faisant en
sorte que les conjoints puissent bénéficier, du point de vue
habitat, de conditions optimales. En outre, il en était ré-
sulté manifestement des économies importantes pour le
couple,
qui pouvaient être évaluées du point de vue de l'entretien
du
jardin à au moins plusieurs milliers de francs par année
pendant une période de vingt ans. Par son travail, le défen-
deur avait très largement contribué à procurer à son épouse
un avantage important sous la forme d'une plus-value impor-
tante apportée à l'immeuble de celle-ci pour un montant de
l'ordre de 600'000 fr., somme obtenue en déduisant de la
valeur vénale de cet immeuble en 1997 (750'000 fr.) le prix

d'achat de la parcelle (150'000 fr.). En tenant compte de ce
que le défendeur avait cessé d'assumer une activité profes-
sionnelle à partir de 1986 et du fait que, depuis le 28 juil-
let 1996, il avait bénéficié seul de la demeure commune sans
payer un loyer qui à dire d'expert représentait au jour de
l'arrêt cantonal près de 150'000 fr. (37'500 fr. par an x 4
ans), la cour cantonale a estimé que le défendeur avait
droit, sur la base de l'art. 165 al. 2 CC, à une indemnité
équitable de 120'000 fr., montant qui ajouté de 150'000 fr.
représentait à peu de choses près la moitié de la plus-value
de l'immeuble considéré (arrêt attaqué, consid. 9c p. 18-20).

d) À titre subsidiaire, l'autorité cantonale a expo-
sé que même si l'on ne retenait pas la solution qui précède,
le défendeur pourrait se prévaloir des dispositions sur l'en-
richissement illégitime pour une cause qui a cessé
d'exister.
En effet, l'activité du défendeur a consisté en une attribu-
tion qui a augmenté l'actif de la demanderesse par la
plus-value procurée à l'immeuble et qui a diminué son passif
en lui évitant des dépenses d'entretien concernant cette pro-
priété. Comme cette attribution avait pour cause juridique
les effets du mariage et que celui-ci a été dissous par le
divorce, on serait en présence d'une cause qui a cessé d'e-
xister au sens de l'art. 62 al. 2 CO (arrêt attaqué, considé-
rant 10 p. 20).

3.- La demanderesse reproche à la cour cantonale
d'avoir violé les dispositions transitoires afférentes à
l'art. 165 CC pour avoir appliqué cette disposition avec
effet rétroactif, la prétendue contribution extraordinaire
fournie par le défendeur l'ayant été antérieurement au 1er
janvier 1988. À titre subsidiaire, la demanderesse fait
grief
à l'autorité cantonale d'avoir violé l'art. 163 CC pour n'a-
voir pas retenu que l'activité déployée par le défendeur
relevait de la contribution normale à l'entretien convenable
de la famille au sens de cette disposition. Enfin, elle sou-

tient qu'en retenant que le défendeur pourrait se prévaloir
des dispositions sur l'enrichissement illégitime pour une
cause qui a cessé d'exister, la cour cantonale aurait mani-
festement procédé à une interprétation erronée de l'art. 62
al. 2 CO.

a) aa) Selon l'art. 8 tit. fin. CC, les effets géné-
raux du mariage sont régis par le nouveau droit dès l'entrée
en vigueur de la loi fédérale du 5 octobre 1984, en vigueur
depuis le 1er janvier 1988 (RO 1986 122). Par effets
généraux
au sens de l'art. 8 tit. fin. CC, il faut entendre tous les
effets énoncés aux art. 159 à 180 CC, précisément sous le
titre "Des effets généraux du mariage". Le principe d'appli-
cabilité immédiate de l'art. 8 tit. fin. CC - qui concrétise
le principe posé par l'art. 3 tit. fin. CC, aux termes
duquel
les cas réglés par la loi indépendamment de la volonté des
parties sont soumis à la loi nouvelle après l'entrée en vi-
gueur du code civil, même s'ils remontent à une époque anté-
rieure - signifie a contrario que jusqu'à l'entrée en
vigueur
du nouveau droit, les effets du mariage sont régis par l'an-
cien droit, le nouveau droit n'ayant aucun effet rétroactif
dans ce domaine (sur tous ces points, voir Deschenaux/Stein-
auer/Baddeley, Les effets du mariage, 2000, n. 1969 à 1971).

bb) En ce qui concerne plus particulièrement l'art.
165 CC, cette disposition ne constitue pas une règle établie
dans l'intérêt de l'ordre public et des moeurs au sens de
l'art. 2 tit. fin. CC, qui pourrait déployer un effet ré-
troactif; un époux ne peut donc réclamer une indemnité équi-
table fondée sur l'art. 165 CC pour une contribution extraor-
dinaire faite avant le 1er janvier 1988 (Deschenaux/Stein-
auer/Baddeley, op. cit., n. 1977 et les références citées;
Reusser, Basler Kommentar, Schweizerisches Zivilgesetzbuch
II, 1998, n. 7 ad art. 8 tit. fin. CC; Piotet, Le travail ou
l'argent non dus légalement fournis par un des conjoints à
l'autre ou à la communauté, in RDS 108/1989 p. 317 ss, 317).

Seule peut être invoquée la jurisprudence rendue sous l'empi-
re de l'ancien droit (cf. ATF 113 II 414 consid. 2b et les
références citées), qui reconnaissait sur la base de l'art.
320 al. 2 CO un droit au salaire à l'époux qui avait collabo-
ré à l'activité professionnelle de son conjoint, dans la
mesure où cette collaboration excédait les limites de son
devoir d'assistance (Reusser, op. cit., n. 7 ad art. 8 tit.
fin. CC).

cc) En l'espèce, dans la mesure où l'activité sur
laquelle le défendeur fonde ses prétentions a été déployée
avant le 1er janvier 1988, il ne s'agit manifestement pas
d'un travail fourni dans le cadre de la collaboration à l'ac-
tivité professionnelle de la demanderesse - laquelle est
fonctionnaire internationale à l'OMPI -, mais dans le cadre
de l'amélioration et de l'entretien de la demeure conjugale.
La jurisprudence précitée ne saurait dès lors constituer un
fondement aux prétentions du défendeur.

b) À supposer que l'art. 165 CC soit applicable
ratione temporis à la présente espèce - ce que l'état de
fait
de l'arrêt attaqué ne permet pas de déterminer, étant
précisé
qu'il ne peut être tenu compte des éléments de fait exposés
dans la réponse au recours dès lors que ceux-ci ne trouvent
aucune assise dans l'arrêt attaqué (art. 55 al. 1 let. c, 3e
phrase, et art. 63 al. 2 OJ) -, les prétentions élevées par
le défendeur ne sauraient se fonder sur cette disposition.

aa) Aux termes de l'art. 165 CC, lorsqu'un époux a
collaboré à la profession ou à l'entreprise de son conjoint
dans une mesure notablement supérieure à ce qu'exige sa con-
tribution à l'entretien de la famille, il a droit à une in-
demnité équitable (al. 1); il en va de même lorsqu'un époux,
par ses revenus ou sa fortune, a contribué
à l'entretien de
la famille dans une mesure notablement supérieure à ce qu'il
devait (al. 2); un époux ne peut élever ces prétentions lors-

qu'il a fourni sa contribution extraordinaire en vertu d'un
contrat de travail, de prêt ou de société ou en vertu d'un
autre rapport juridique (al. 3).

bb) A raison, la cour cantonale n'a pas retenu l'ap-
plication de l'art. 165 al. 1 CC. En effet, cette
disposition
ne peut s'appliquer, comme cela résulte clairement de sa
formulation, qu'au travail fourni par un époux dans le cadre
de sa collaboration à la profession ou à l'entreprise de son
conjoint (Hausheer/Reusser/Geiser, Kommentar zum Eherecht,
vol. I, 1988, n. 9 ad art. 165 CC; Bräm/Hasenböhler, op.
cit., n. 17 ad art. 165 CC; Gabi Huber, Ausserordentliche
Beiträge eines Ehegatten [art. 165 ZGB], thèse Fribourg
1990,
p. 170 ss). Même si cette notion doit être entendue dans un
sens large, elle ne saurait à l'évidence s'étendre au
travail
fourni par le défendeur dans l'amélioration et l'entretien
du
bien immobilier propriété de son épouse (cf. consid. 3a/cc
supra; cf. Hausheer/Reusser/Geiser, op. cit., n. 9 ad art.
165 CC; Bräm/Hasenböhler, op. cit., n. 18 ad art. 165 CC).

cc) L'art. 165 al. 2 CC ne peut pas davantage
trouver application en l'espèce, contrairement à ce qu'ont
retenu les juges cantonaux. En effet, comme cela résulte
clairement du texte de cette disposition, celle-ci ne peut
s'appliquer qu'aux contributions d'un époux provenant de ses
revenus ou sa fortune (Bräm/Hasenböhler, op. cit., n. 42 et
49 ad art. 165 CC; Huber, op. cit., p. 184 s.), ce qui
exclut
la prise en compte de contributions fournies sous forme de
travail. Le fait que, comme l'a relevé la cour cantonale, la
contribution visée par l'art. 165 al. 2 CC n'a pas besoin
d'être faite en argent, mais peut également être faite en
nature, par exemple par la mise à disposition du logement
familial (Deschenaux/Steinauer/Baddeley, op. cit., n. 537;
Bräm/Hasenböhler, op. cit., n. 50 ad art. 165 CC; Huber, op.
cit., p. 186), n'implique pas que l'on puisse tenir compte
de
n'importe quelle prestation appréciable en argent: il doit

toujours s'agir d'une contribution provenant du revenu ou de
la fortune de l'époux qui prétend à une indemnité.

dd) En dehors des hypothèses prévues spécifiquement
par les alinéas 1 et 2 de l'art. 165 CC, un époux ne peut
réclamer de compensation financière. La commission d'experts
avait proposé, à l'art. 166 de l'avant-projet de 1976, une
disposition ouverte selon laquelle "si un conjoint, par son
travail, son revenu ou sa fortune, a contribué aux charges
du
mariage dans une mesure notablement supérieure à ce qui pou-
vait être raisonnablement exigé de lui, il a droit à une
compensation équitable" (Message du Conseil fédéral concer-
nant la révision du code civil suisse - effets généraux du
mariage, régimes matrimoniaux et successions - du 11 juillet
1979, FF 1979 II 1179 ss, p. 1239 et p. 1364 note 163). Tou-
tefois, le Conseil fédéral, considérant que la contribution
accrue qu'un époux fournit à l'entretien de la famille n'a
en
principe pas à se monnayer, a délibérément renoncé à
proposer
aux Chambres, qui l'ont suivi sur ce point, une formulation
aussi générale et s'en est tenu aux deux hypothèses évoquées
plus haut (Message précité, FF 1979 II 1239), dont aucune
n'est réalisée en l'espèce.

c) Il convient par ailleurs de relever qu'il n'est
pas possible non plus d'appliquer la règle de l'art. 206 CC,
qui permet, dans le régime matrimonial de la participation
aux acquêts, au conjoint qui a contribué par son travail,
sans contrepartie correspondante, à l'amélioration ou à la
conservation d'un bien de son conjoint qui se retrouve à la
liquidation avec une plus-value de faire valoir une créance
de ce fait (cf. Deschenaux/Steinauer/Baddeley, op. cit., n.
1262; Piotet, in RDS 108/1989 p. 330; cf. l'art. 239 CC pour
le régime matrimonial de la communauté de biens). En effet,
quoique cette règle eût pu de lege ferenda être appliquée
quel que soit le régime matrimonial, en tant que règle sur
les effets généraux du mariage (cf. Piotet, in RDS 108/1989

p. 333), telle n'est pas la solution du droit positif, qui
exclut l'application d'une telle règle dans le régime matri-
monial de la séparation de biens.

d) Enfin, contrairement à l'opinion des juges canto-
naux (cf. consid. 2d supra), les prétentions du défendeur ne
sauraient davantage se fonder sur l'art. 62 CO. Aux termes
de
cette disposition, celui qui, sans cause légitime, s'est
enrichi aux dépens d'autrui est tenu à restitution (al. 1);
la restitution est due, en particulier, de ce qui a été reçu
sans cause valable, en vertu d'une cause qui ne s'est pas
réalisée, ou d'une cause qui a cessé d'exister (al. 2).

En l'espèce, en l'absence de toute convention à ce
sujet entre les parties, la cause des services fournis par
le défendeur dans le cadre de l'amélioration et de l'entre-
tien de la demeure conjugale doit être vue dans les liens
affectifs qui unissaient les époux et dans la communauté
d'intérêts (au sens le plus large) qu'ils formaient entre
eux
(Message précité, FF 1979 II 1239; Deschenaux/Steinauer/Bad-
deley, op. cit., n. 523; ATF 95 II 126 consid. 2). Le fait
que le mariage des parties, qui a duré plus de vingt ans, a
ensuite été dissous par le divorce ne permet pas de considé-
rer que la demanderesse se trouve enrichie en vertu d'une
cause qui a cessé d'exister au sens de l'art. 62 al. 2 CO.
Les conséquences financières de la dissolution du mariage
par
le divorce sont régies par les dispositions du droit de la
famille. Si les règles sur l'enrichissement illégitime é-
taient applicables à un tel cas de figure, le législateur
n'aurait pas eu besoin d'adopter l'art. 165 CC pour permet-
tre, dans les limites tracées par cette disposition, à l'é-
poux qui a fourni une contribution extraordinaire de
réclamer
une compensation. En tous les cas, si certains auteurs esti-
ment que l'époux qui a mis à disposition des sommes d'argent
au profit non pas de la famille, mais de son seul conjoint,
peut en l'absence d'indices en faveur d'une donation ou
d'une

renonciation en réclamer la restitution sur la base des art.
62 ss CO (Deschenaux/Steinauer/Baddeley, op. cit., n. 540 et
les auteurs cités; contra Bräm/Hasenböhler, op. cit., n. 31
ad art. 165 CC), le conjoint qui a mis à disposition non pas
de l'argent, mais sa force de travail, ne saurait se préva-
loir des dispositions sur l'enrichissement illégitime.

4.- En définitive, le recours, fondé, doit être
admis et l'arrêt attaqué réformé en ce sens que les chiffres
2 et 3 du dispositif du jugement rendu le 14 septembre 2000,
le Tribunal de première instance du canton de Genève doivent
être confirmés. Pour le surplus, la cause doit être renvoyée
à l'autorité cantonale pour qu'elle rende une nouvelle déci-
sion sur les frais et dépens de la procédure cantonale ainsi
que sur le sort des sûretés fournies par le défendeur. Ce
dernier, qui succombe, supportera les frais judiciaires
(art.
156 al. 1 OJ) ainsi que ceux de la demanderesse (art. 159
al.
1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le recours et réforme l'arrêt attaqué en ce
sens que les chiffres 2 et 3 du dispositif du jugement rendu
le 14 septembre 2000 par le Tribunal de première instance du
canton de Genève sont confirmés.

2. Renvoie la cause à l'autorité cantonale pour
nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure
cantonale ainsi que sur le sort des sûretés fournies par le
défendeur.

3. Met à la charge du défendeur:
a) un émolument judiciaire de 2'000 fr.;
b) une indemnité de 2'000 fr. à verser à la demande-
resse à titre de dépens.

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre civile de la Cour de jus-
tice du canton de Genève.

__________

Lausanne, le 2 octobre 2001
ABR/frs

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.137/2001
Date de la décision : 02/10/2001
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-10-02;5c.137.2001 ?
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