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27/09/2001 | SUISSE | N°2A.251/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 27 septembre 2001, 2A.251/2001


«/2»

2A.251/2001

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

27 septembre 2001

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger,
président, Müller et Yersin. Greffier: M. Addy.

__________

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

X.________ , né le 17 juin 1964, ainsi que ses enfants
Y.________, né en 1986 et Z.________, née en 1990, repré-
sentés par Me Pierre-Alexandre Schlaeppi, avocat à Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 24 avril 2001 par le Tribunal administratif
du canton de Vaud, dans la cause qui oppose le...

«/2»

2A.251/2001

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

27 septembre 2001

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger,
président, Müller et Yersin. Greffier: M. Addy.

__________

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

X.________ , né le 17 juin 1964, ainsi que ses enfants
Y.________, né en 1986 et Z.________, née en 1990, repré-
sentés par Me Pierre-Alexandre Schlaeppi, avocat à Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 24 avril 2001 par le Tribunal administratif
du canton de Vaud, dans la cause qui oppose les recourants
au
Service de la population du canton de Vaud;

(autorisation de séjour et d'établissement)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Ressortissant yougoslave né en 1964, X.________ est
entré en Suisse le 26 juillet 1993 au bénéfice d'une autori-
sation de séjour d'une durée de trois mois. Une semaine plus
tôt, il avait divorcé de A.________, une compatriote avec la-
quelle, marié depuis 1987, il avait eu deux filles,
Z.________, née en 1990 et B.________, née en 1993. D'un pré-
cédent et premier mariage, X.________ était également le
père
d'un garçon, Y.________, né en 1986.

Le 4 septembre 1993, X.________ a épousé C.________ en
troisièmes noces; son autorisation de séjour a depuis lors
été régulièrement prolongée, vu la nationalité suisse de son
épouse. Au cours de l'été 1996, les époux X.________ se sont
séparés avant d'entamer, en juillet 1998, une procédure de
divorce qui a finalement abouti au prononcé d'un jugement de
divorce au début 1999.

Dans l'intervalle, X.________ avait requis et obtenu,
en
1998, des autorisations de séjour pour faire venir en
Suisse,
au titre du regroupement familial, ses enfants Y.________ et
Z.________. En revanche, la demande qu'il avait formulée
pour
lui-même, également en 1998, tendant à la délivrance d'un
permis d'établissement, a été considérée comme
provisoirement
"sans objet" par l'autorité compétente qui voulait d'abord
connaître le résultat d'une enquête pénale ouverte à l'encon-
tre de l'intéressé avant de se prononcer sur son cas. Cette
enquête portait sur des infractions que X.________ était
accu-
sé d'avoir commises sur la personne de D.________, une femme
avec laquelle il avait entretenu une relation
extra-conjugale
entre 1997 et 1998.

En mai 1999, X.________ s'est remarié en Albanie avec
sa
deuxième épouse, A.________, qui lui avait entre-temps
donné,

en 1998, une troisième fille prénommée E.________. Peu de
temps après son remariage, A.________ est entrée en Suisse
avec ses enfants B.________ et E.________; elle a immédiate-
ment sollicité des autorisations de séjour pour elle-même et
ses enfants au titre du regroupement familial.

Par décision du 4 avril 2000, le Service de la popula-
tion du canton de Vaud (ci-après : le service cantonal) a
refusé de prolonger l'autorisation de séjour d'X.________,
subsidiairement de la transformer en autorisation d'établis-
sement, en considérant que son mariage avec C.________ était
"abusif". Dans la même décision, le service cantonal
refusait
également de prolonger les autorisations de séjour accordées
à ses enfants Y.________ et Z.________ ainsi que d'accorder
de telles autorisations à son épouse A.________ et à ses
deux
autres enfants B.________ et E.________.

B.- Par arrêt du 24 avril 2001, le Tribunal administra-
tif du canton de Vaud a rejeté le recours formé par
X.________ ainsi que son épouse et ses enfants contre la dé-
cision du 4 avril 2000 du service cantonal, en leur impartis-
sant un délai au 30 juin 2001 pour quitter le territoire vau-
dois.

C.- Agissant par la voie du recours de droit administra-
tif, X.________ et ses enfants Y.________ et Z.________
demandent au Tribunal fédéral, sous suite de dépens, de ré-
former l'arrêt rendu le 24 avril 2001 par le Tribunal admi-
nistratif du canton de Vaud en ce sens que leurs autorisa-
tions de séjour soient renouvelées.

Le service cantonal s'en remet intégralement aux déter-
minations du Tribunal administratif. Sur le fond, celui-ci
conclut au rejet du recours dans la mesure où il est receva-
ble, ce que propose également l'Office fédéral des
étrangers.

D.- Par ordonnance présidentielle du 12 juin 2001, la
requête d'effet suspensif au recours a été admise.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1. Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la
recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 127 III 41
consid. 2a p. 42; 126 II 506 consid. 1 p. 507; 126 I 81 con-
sid. 1 p. 83, 207 consid. 1 p. 209 et la jurisprudence ci-
tée).

a) Selon l'art. 100 al. 1 let. b ch. 3 OJ, le recours
de
droit administratif n'est pas recevable en matière de police
des étrangers contre l'octroi ou le refus d'autorisations
auxquelles le droit fédéral ne confère pas un droit. Selon
l'art. 4 de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et
l'établissement des étrangers (LSEE; RS 142.20), les autori-
tés compétentes statuent librement, dans le cadre des pres-
criptions légales et des traités avec l'étranger, sur l'oc-
troi ou le refus d'autorisations de séjour ou d'établisse-
ment. En principe, l'étranger n'a pas droit à l'autorisation
de séjour. Ainsi, le recours de droit administratif est irre-
cevable, à moins que ne puisse être invoquée une disposition
particulière du droit fédéral ou d'un traité, accordant le
droit à la délivrance d'une telle autorisation (ATF 126 II
335 consid. 1a p. 337/338, 377 consid. 2 p. 381, 425 consid.
1 p. 427; 126 I 81 consid. 1a p. 83; 124 II 289 consid. 2a
p.
291, 361 consid. 1a p. 363; 123 II 145 consid. 1b p. 147).

b) Aux termes de l'art. 7 LSEE, le conjoint étranger
d'un ressortissant suisse a droit à l'octroi et à la prolon-
gation de l'autorisation de séjour (al. 1 1ère phrase).
Après
un séjour régulier et ininterrompu de cinq ans, il a droit à
l'autorisation d'établissement (al. 1 2ème phrase). Ce droit
n'existe pas lorsque le mariage a été contracté dans le but
d'éluder les dispositions sur le séjour et l'établissement

des étrangers, notamment celles sur la limitation du nombre
des étrangers (al. 2).

Selon la jurisprudence, pour juger de la recevabilité
d'un recours de droit administratif lorsqu'est invoqué un
droit découlant de l'art. 7 LSEE, seule est déterminante
l'existence d'un mariage au sens formel. Relève en revanche
du fond le point de savoir si le conjoint étranger a effec-
tivement droit à l'autorisation de séjour ou d'établissement
qu'il sollicite ou alors si celle-ci doit au contraire lui
être refusée, par exemple parce qu'il se prévaut de manière
abusive d'un droit (ATF 124 II 289 consid. 2b p. 291 et les
références; Alain Wurzburger, La jurisprudence récente du
Tribunal fédéral en matière de police des étrangers, in RDAF
1997 1 267, p. 349).

c) Célébré le 4 septembre 1993, le mariage du recourant
avec C.________ a été dissous au début 1999; comme cette
union a duré plus de cinq ans, le recourant aurait en prin-
cipe droit - sous réserve notamment de l'existence d'un abus
de droit - à l'octroi d'une autorisation d'établissement (et
non de séjour, comme il le demande), et cela indépendamment
du fait qu'il n'est plus marié à une ressortissante suisse.
En effet, non limité dans le temps, le droit de s'établir en
Suisse ne s'éteint pas avec le divorce (ATF 121 II 97
consid.
4c p. 104/105; Wurzburger, op. cit. p. 273). Dans cette mesu-
re, son recours est recevable.

d) Quant aux enfants du recourant, Y.________ et
Z.________, ils ne peuvent pas se prévaloir d'un droit
propre
leur permettant d'obtenir le renouvellement de leur autorisa-
tion de séjour. Leur recours est toutefois recevable dans la
mesure où ils contestent le refus de prolonger
l'autorisation
de séjour de leur père. En effet, l'autorisation d'établisse-
ment que celui-ci pourrait cas échéant obtenir (cf. supra
consid. 1c), leur donnerait en principe droit à une autorisa-

tion d'établissement (art. 17 al. 2 LSEE), de sorte qu'ils
ont, sous cet angle, un intérêt digne de protection au sens
de l'art. 103 let. a OJ. C'est dans cette mesure seulement
qu'il convient d'entrer en matière sur leur recours et sur
les moyens qu'ils développent à l'appui de celui-ci.

e) L'épouse et les autres enfants du recourant,
B.________ et E.________, bien que parties à la procédure
cantonale, n'ont pas recouru contre l'arrêt entrepris.
Celui-ci est donc entré en force en ce qui les concerne.

2.- a) Lorsque le recours de droit administratif est di-
rigé, comme en l'espèce, contre la décision d'une autorité
judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par les faits consta-
tés dans cette décision, sauf s'ils sont manifestement
inexacts ou incomplets ou s'ils ont été établis au mépris de
règles essentielles de procédure (art. 105 al. 2 OJ). La pos-
sibilité de faire valoir des faits nouveaux ou de nouveaux
moyens de preuve est alors très restreinte. En particulier,
on ne saurait tenir compte, en principe, de modifications ul-
térieures de l'état de fait (ATF 124 II 409 consid. 3a p.
421; 122 II 97 consid. 1c p. 99/100, et les références ci-
tées).

En conséquence, les pièces produites par les
recourants,
qui ont été établies postérieurement à l'arrêt attaqué, doi-
vent être écartées du dossier. Au demeurant, elles visent à
prouver des faits (possibilités d'embauche du recourant, mon-
tant de l'aide sociale qui lui a été allouée, importance
pour
ses enfants de poursuivre leur scolarité en Suisse) qui ne
sont pas déterminants pour l'issue du litige dont l'objet se
limite, comme on l'a vu, au point de savoir si le recourant
peut prétendre une autorisation d'établissement sur la base
de l'art. 7 al. 1 LSEE.

b) Selon l'art. 110 al. 2 OJ, si le Tribunal fédéral or-
donne un échange d'écritures, il invite d'office l'autorité
qui a rendu la décision attaquée à lui communiquer le
dossier
dans le délai qui lui est imparti pour déposer sa réponse,
ce
que cette autorité a fait. La requête des recourants tendant
à l'édition du dossier du Tribunal administratif est dès
lors
sans objet.

3.- a) D'après la jurisprudence, le fait d'invoquer
l'art. 7 al. 1 LSEE peut être constitutif d'un abus de
droit,
même en l'absence d'un mariage contracté dans le but
d'éluder
les dispositions sur le séjour et l'établissement des étran-
gers, au sens de l'art. 7 al. 2 LSEE (mariage fictif).
L'existence d'un éventuel abus de droit doit toutefois être
appréciée dans chaque cas particulier et avec retenue, seul
l'abus manifeste pouvant être pris en considération. Un tel
abus ne peut en particulier être déduit du simple fait que
les époux ne vivent plus ensemble, puisque le législateur a
volontairement renoncé à faire dépendre le droit à une auto-
risation de séjour de la vie commune (ATF 121 II 97 consid.
2
p. 100 s.). De même, on ne saurait uniquement reprocher à
des
époux de vivre séparés et de ne pas envisager le divorce. Ce-
pendant, il y a abus de droit lorsque le conjoint étranger
invoque un mariage n'existant plus que formellement dans le
seul but d'obtenir une autorisation de séjour ou d'établisse-
ment, car ce but n'est pas protégé par l'art. 7 LSEE (ATF
121
II 97 consid. 4a p. 103 s.).

b) En l'espèce, le mariage du recourant avec son ex-
épouse suisse, C.________, n'a pas été qualifié de fictif au
sens de l'art. 7 al. 2 LSEE par l'autorité intimée. Certes
les intéressés ont-ils l'un et l'autre affirmé s'être unis
par amour lors de leur audition par la Police municipale de
Lausanne le 28 avril 1998. Certaines circonstances
permettent
toutefois de s'interroger sur les véritables motivations qui
ont poussé le recourant à épouser C.________. En
particulier,

il faut constater que ce mariage s'est fait le 4 septembre
1993, soit presque aussitôt après que le recourant eut divor-
cé de sa deuxième femme en Yougoslavie (le 19 juillet 1993)
et fut arrivé en Suisse (le 26 juillet 1993). Il est égale-
ment étonnant que la procédure de divorce entre le recourant
et son épouse suisse ait été entamée en juillet 1998, soit,
à
deux mois près, cinq ans exactement après la célébration du
mariage, durée qui correspond précisément au délai minimum
requis pour prétendre l'octroi d'une autorisation d'établis-
sement. Enfin, la rapidité avec laquelle le recourant, une
fois son divorce prononcé, s'est remarié avec sa deuxième
épouse et a fait venir celle-ci et ses enfants en Suisse,
est
également une coïncidence de nature à éveiller des doutes
sur
ses véritables intentions et motivations.

La chronologie des événements, et plus encore leur en-
chaînement conduit, en définitive, à se demander si le recou-
rant a jamais vraiment rompu avec sa deuxième épouse. Quoi
qu'il en soit, cette question peut rester indécise.

En effet, bien que le mariage avec l'épouse suisse ait
formellement duré plus de cinq ans, il reste que la
procédure
de divorce a été précédée d'une séparation qui, elle, est
déjà survenue en juillet-août 1996, soit moins de trois ans
après la célébration du mariage. Or, après s'être séparés,
les époux n'ont plus jamais repris la vie commune. Cette cir-
constance n'est certes pas à elle seule suffisante, selon la
jurisprudence, pour qu'on puisse retenir l'existence d'un
abus de droit de la part du recourant. D'autres éléments dé-
montrent toutefois que celui-ci n'avait plus la volonté de
reprendre la vie commune avec son épouse suisse après qu'il
se fut séparé d'elle et que, par voie de conséquence, le
maintien du mariage n'a servi qu'à lui assurer
la poursuite
de son séjour en Suisse. Il est en effet avéré que, peu de
temps après sa séparation, entre 1997 et 1998, il a
entretenu
une liaison extra-conjugale avec une autre femme,
D.________.

Par ailleurs, il apparaît qu'il s'est remarié avec sa deuxiè-
me épouse, d'origine yougoslave, en Albanie en mai 1999,
après que celle-ci lui eut donné, en 1998, une troisième fil-
le; c'est dire qu'au plus tard au début de l'année 1998, il
avait renoué avec sa deuxième épouse - pour autant qu'il eût
jamais rompu - une relation sérieuse, ce qui témoigne bien
qu'il n'avait, dès ce moment, plus la volonté ni même le dé-
sir de reprendre la vie commune avec son épouse suisse.

c) C'est donc à bon droit que le Tribunal administratif
a conclu que le mariage d'X.________ avec C.________ n'a
plus
revêtu, trois ans environ après sa célébration, qu'un carac-
tère purement formel, son maintien n'ayant, dès ce moment,
servi qu'à assurer au recourant - de manière abusive - la
poursuite de son séjour en Suisse. Comme cet abus de droit
existait déjà avant l'écoulement du délai de cinq ans prévu
par l'art. 7 al. 1 2ème phrase LSEE, le recourant, bien
qu'ayant été formellement marié pendant plus de cinq ans
avec
une Suissesse, ne peut se prévaloir de cette disposition
pour
se voir délivrer une autorisation d'établissement.

4.- A défaut d'autorisation de séjour ou
d'établissement
en faveur de leur père, les enfants Y.________ et Z.________
ne peuvent prétendre au regroupement familial et n'ont, dès
lors, aucun droit non plus à séjourner en Suisse. Il en va
de
même pour l'épouse du recourant et les deux autres enfants
qui n'ont pas recouru.

5.- Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être
rejeté dans la mesure où il est recevable.

Succombant, les recourants doivent supporter les frais
judiciaires (art. 156 al. 1, 153 et 153a OJ). Ils n'ont par
ailleurs pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est receva-
ble.

2. Met à la charge des recourants un émolument judi-
ciaire de 2'000 fr.

3. N'alloue pas de dépens.

3. Communique le présent arrêt en copie au mandataire
des recourants, au Service de la population et au Tribunal
administratif du canton de Vaud, ainsi qu'à l'Office fédéral
des étrangers.

Lausanne, le 27 septembre 2001
ADD/vlc

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.251/2001
Date de la décision : 27/09/2001
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-09-27;2a.251.2001 ?
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