La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/09/2001 | SUISSE | N°K.207/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 septembre 2001, K.207/00


«AZA 7»
K 207/00 Kt

IIIe Chambre

MM. et Mme les Juges fédéraux Spira, Widmer et Ursprung.
Greffier : M. Wagner

Arrêt du 26 septembre 2001

dans la cause

SWICA Organisation de santé, Römerstrasse 38,
8401 Winterthour, recourante,

contre

G.________, intimée, représentée par la Compagnie
d'assurance de protection juridique (CAP), rue Monnier 4,
1206 Genève,

et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

A.- G.________ est assurée par SWICA Orga

nisation de
santé contre les maladies et les accidents.
Le 13 janvier 1999, elle a consulté son médecin-den-
tiste, le docteur W._...

«AZA 7»
K 207/00 Kt

IIIe Chambre

MM. et Mme les Juges fédéraux Spira, Widmer et Ursprung.
Greffier : M. Wagner

Arrêt du 26 septembre 2001

dans la cause

SWICA Organisation de santé, Römerstrasse 38,
8401 Winterthour, recourante,

contre

G.________, intimée, représentée par la Compagnie
d'assurance de protection juridique (CAP), rue Monnier 4,
1206 Genève,

et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

A.- G.________ est assurée par SWICA Organisation de
santé contre les maladies et les accidents.
Le 13 janvier 1999, elle a consulté son médecin-den-
tiste, le docteur W.________ à V.________. Elle indiquait
qu'en mâchant du pain, il y avait un morceau dur et que ce-
la avait cassé son bridge. Le médecin-dentiste a constaté

une fracture du pont 37-35 (formule d'annonce des lésions
dentaires, du 16 avril 1999).
Le 2 février 1999, l'assurée a rempli une déclaration
d'accident, selon laquelle le 10 janvier 1999, en mangeant
du pain aux noix, elle avait mordu dans un corps étranger
et s'était cassé deux dents, ainsi que son bridge.
Le docteur O.________, médecin-dentiste à G.________
et médecin conseil de SWICA, a nié que G.________ ait été
victime d'un accident, aucun élément n'ayant été identifié
comme étant un corps étranger. Pour cette raison, SWICA a
refusé de prendre en charge le cas.
Représentée par CAP Protection juridique, l'assurée a
requis la production du rapport du docteur O.________. Elle
a produit une lettre du docteur W.________ du 20 janvier
2000, indiquant que le pont endommagé était un pont récent,
mis en bouche le 8 novembre 1997. Comme elle le lui avait
expliqué ainsi qu'à l'assurance, c'est en tombant sur un
corps étranger, en mangeant du pain aux noix de X.________
qu'elle avait cassé la porcelaine de sa prothèse fixe, ceci
le 10 janvier 1999. Selon son médecin-dentiste, il va de
soi que le motif de la fracture était clair.
Le 8 mars 2000, SWICA a rendu une décision, par la-
quelle elle a refusé de prendre en charge les frais résul-
tant des lésions dentaires du 10 janvier 1999, au motif que
l'existence d'une cause extérieure extraordinaire n'était
pas établie.
Par décision du 7 juin 2000, SWICA a rejeté l'opposi-
tion formée par G.________ contre cette décision.

B.- Celle-ci a recouru contre cette décision devant le
Tribunal administratif de la République et canton de
Genève.
Le 12 septembre 2000, la juridiction cantonale a pro-
cédé à l'audition de l'assurée et du docteur W.________. La
première a déclaré qu'elle avait craché le corps étranger
dans les toilettes car elle avait peur de s'étouffer. Elle

n'avait pas eu le temps de voir de quoi il s'agissait. Par
la suite, il est arrivé que son mari mange du pain aux noix
de X.________ et à cette occasion, il avait trouvé un mor-
ceau de coquille de noix dans le pain. Pour sa part, elle
avait toujours été persuadée qu'il s'agissait d'un morceau
de coquille de noix, bien qu'elle ne l'ait pas précisé dans
la déclaration d'accident du 2 février 1999. De son côté,
le docteur W.________, qui avait constaté un éclat de por-
celaine sur la dent 36, a précisé que pour que la dent se
soit cassée, il fallait qu'un élément incompressible soit
intervenu. En d'autres termes, la seule présence de noix
dans le pain n'aurait pas occasionné de brisure.
Par jugement du 21 novembre 2000, le tribunal adminis-
tratif a admis le recours, annulé la décision attaquée et
renvoyé le dossier à SWICA pour nouvelle décision au sens
des considérants.

C.- SWICA interjette recours de droit administratif
contre ce jugement, en concluant, sous suite de dépens, à
l'annulation de celui-ci.
G.________ conclut, sous suite de dépens, au rejet du
recours. L'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) ne
s'est pas déterminé.

Considérant en droit :

1.- Le litige porte sur le point de savoir si l'inti-
mée a été victime le 10 janvier 1999 d'un accident en man-
geant du pain.

2.- a) Par accident, on entend toute atteinte domma-
geable, soudaine et involontaire, portée au corps humain
par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la
santé physique ou mentale (art. 2 al. 2 LAMal).

b) Il résulte de la définition même de l'accident que
le caractère extraordinaire de l'atteinte ne concerne pas
les effets du facteur extérieur, mais seulement ce facteur
lui-même. Dès lors il importe peu que le facteur extérieur
ait entraîné, le cas échéant, des conséquences graves ou
inattendues. Le facteur extérieur est considéré comme ex-
traordinaire lorsqu'il excède, dans le cas particulier, le
cadre des événements et des situations que l'on peut, ob-
jectivement, qualifier de quotidiens ou d'habituels (ATF
122 V 233 consid. 1, 121 V 38 consid. 1a ainsi que les ré-
férences).

3.- a) Les premiers juges ont retenu que l'intimée, en
mangeant du pain aux noix, avait mordu sur un corps étran-
ger dur, se brisant la dent sur une coquille de noix, et
qu'elle avait ainsi été victime d'un accident, puisqu'un
débris de coquille de noix dans un pain de facture indus-
trielle doit être considéré comme une cause extérieure
extraordinaire.

b) Cela est contesté par la recourante. Selon elle,
les déclarations de l'intimée sont imprécises. Si elle
avait vraiment identifié un élément exogène, elle aurait
sans aucun doute été en mesure de le qualifier dès le dé-
part. On peut en effet tout aussi bien supposer qu'elle a
seulement mordu sur un morceau de croûte un peu dure ou sur
un bout de noix.

c) Ainsi que l'a maintes fois exprimé le Tribunal
fédéral des assurances, dans le domaine des assurances so-
ciales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions con-
traires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis
de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vrai-
semblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vrai-
semblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait
puisse être considéré seulement comme une hypothèse possi-

ble. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisagea-
bles, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui
paraissent les plus probables (ATF 121 V 208 consid. 6b).
En droit des assurances sociales, la procédure est
régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits
pertinents de la cause doivent être constatés d'office par
le tribunal, lequel apprécie librement les preuves sans
être lié par des règles formelles (art. 87 let. c LAMal;
art. 108 al. 1 let. c LAA). Mais ce principe n'est pas
absolu. Celui-ci comprend en particulier l'obligation des
parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être
raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par
la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi
elles risquent de devoir supporter les conséquences de
l'absence de preuves (ATF 125 V 195 consid. 2; VSI 1994,
p. 220 consid. 4; comp. ATF 125 III 238 consid. 4a à propos
de l'art. 274d al. 3 CO). Car si le principe inquisitoire
dispense les parties de l'obligation de prouver, il ne les
libère pas du fardeau de la preuve : en cas d'absence de
preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit
d'en supporter les conséquences (ATF 117 V 264 consid. 3),
sauf si l'impossibilité de prouver un fait peut être impu-
tée à l'adverse partie (ATF 124 V 375 consid. 3; RAMA 1999
n° U 344, p. 418 consid. 3). Au demeurant, il n'existe pas,
en droit des assurances sociales, un principe selon lequel
l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute,
en faveur de l'assuré (RAMA 1999 n° U 349, p. 478 con-
sid. 2b; DTA 1998 n° 48, p. 284).

d) Les premiers juges ont considéré que le fait que
l'intimée s'était brisé la dent sur une coquille de noix
présentait un degré de vraisemblance prépondérante. Selon
eux, ce qui est décisif en fin de compte, c'est que celle-
ci a affirmé dans la déclaration d'accident du 2 février
1999 qu'elle avait mordu sur un corps étranger et que rien
ne permet de remettre en doute cet élément de fait.

Toutefois, si l'on s'en tient aux indications de l'in-
timée lorsqu'elle a consulté le docteur W.________ le
13 janvier 1999, consignées dans la formule d'annonce des
lésions dentaires du 16 avril 1999, il est tout aussi
vraisemblable que ce soit le pain lui-même qui ait été dur
de consistance.
La présence d'un corps étranger dans cet aliment n'est
pas prouvée. Il ne suffit pas, pour admettre l'existence
d'une cause extérieure extraordinaire, que l'intimée ait
déclaré ultérieurement, dans une lettre du 17 février 2000,
qu'elle avait consommé du pain à la noix et à la pomme de
terre et qu'il contenait un fragment de coquille, ni que le
docteur W.________ ait affirmé, lors de l'audition du
12 septembre 2000, qu'il fallait, pour que la dent se soit
cassée, qu'un élément incompressible soit intervenu et que
la seule présence de noix dans le pain n'aurait pas occa-
sionné de brisure.
En l'occurrence, l'existence d'une cause extérieure
extraordinaire n'est donc pas rendue vraisemblable. Il con-
vient dès lors de nier que l'intimée ait été victime, le
10 janvier 1999, d'un accident en mangeant du pain. Le re-
cours étant bien fondé, il se justifie d'annuler le juge-
ment attaqué.

4.- La recourante obtient gain de cause. Elle ne sau-
rait, cependant, prétendre une indemnité de dépens pour
l'instance fédérale. En effet, les autorités et les organi-
sations chargées de tâches de droit public n'ont en princi-
pe pas droit à des dépens lorsqu'elles obtiennent gain de
cause (art. 159 al. 2 en corrélation avec l'art. 135 OJ).
Comptent au nombre des organisations chargées de tâches de
droit public notamment la CNA, les autres assureurs-acci-
dents, les caisses-maladie et les caisses de pension
(consid. 6 de l'ATF 120 V 352). Exceptionnellement des
dépens peuvent être alloués lorsqu'en raison de la parti-
cularité ou de la difficulté du cas, le recours à un avocat

indépendant était nécessaire (ATF 119 V 456 consid. 6b;
RAMA 1995 no K 955 p. 6). Tel n'est pas le cas en l'espèce.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis et le jugement du Tribunal admi-
nistratif de la République et canton de Genève, du
21 novembre 2000, est annulé.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice ni alloué de
dépens.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal administratif de la République et canton de
Genève et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 26 septembre 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Juge présidant la IIIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : K.207/00
Date de la décision : 26/09/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-09-26;k.207.00 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award