La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/09/2001 | SUISSE | N°4P.198/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 24 septembre 2001, 4P.198/2001


«/2»

4P.198/2001

Ie C O U R C I V I L E
************************

24 septembre 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu
et Corboz, juges. Greffière: Mme Aubry Girardin.

___________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

W.________, représenté par Me Raymond Didisheim, avocat à
Lausanne,

contre

la décision rendue le 26 juillet 2001 par le Président de la
Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois dans la cau-
se qui oppose le

recourant à F.________, représenté par Me
Bernard Katz, avocat à Lausanne;

(effet suspensif; droit à une décision motivée...

«/2»

4P.198/2001

Ie C O U R C I V I L E
************************

24 septembre 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu
et Corboz, juges. Greffière: Mme Aubry Girardin.

___________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

W.________, représenté par Me Raymond Didisheim, avocat à
Lausanne,

contre

la décision rendue le 26 juillet 2001 par le Président de la
Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois dans la cau-
se qui oppose le recourant à F.________, représenté par Me
Bernard Katz, avocat à Lausanne;

(effet suspensif; droit à une décision motivée)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Depuis le 1er avril 1986, W.________ loue des
locaux, dans lesquels il exploite un café-restaurant sous
l'enseigne "X.________".

Le 23 avril 1998, F.________ est devenu propriétai-
re de l'immeuble abritant les locaux loués.

Le 15 février 2001, il a sommé W.________ de ver-
ser, dans un délai de 30 jours, un arriéré de loyers de
20'880 fr. correspondant aux loyers impayés des mois de dé-
cembre 2000, ainsi que de janvier et février 2001.

Le 30 mars 2001, F.________ a notifié à W.________
une résiliation de bail sur formule officielle pour l'échéan-
ce extraordinaire du 30 avril 2001.

B.- Le 30 avril 2001, W.________ a saisi la Com-
mission de conciliation en matière de baux à loyer du dis-
trict de X.________ en requérant l'annulation de la résilia-
tion du bail, subsidiairement sa prolongation.

Le 1er mai 2001, F.________ a déposé une requête
d'expulsion.

Les deux causes ont été jointes.

Le 6 juillet 2001, le Juge de Paix a rejeté la de-
mande en annulation de congé, subsidiairement en
prolongation
de bail, et il a notifié aux parties une ordonnance d'expul-
sion, impartissant à W.________ un délai au lundi 30 juillet

2001 à midi pour quitter les locaux qu'il occupe, sous peine
d'exécution forcée.

Contre cette décision, W.________ a déposé, le 18
juillet 2001, un recours en nullité auprès de la Chambre des
recours du Tribunal cantonal vaudois. Il a demandé l'effet
suspensif, pour éviter que l'ordonnance attaquée ne déploie
ses effets avant droit connu sur le recours.

Le 26 juillet 2001, le Président de la Chambre des
recours du Tribunal cantonal vaudois a rejeté la requête
d'effet suspensif sans motiver sa décision.

Par avis du 3 août 2001, le Juge de Paix a reporté
le délai d'exécution de son ordonnance d'expulsion au 31
août
2001.

C.- Contre le rejet de la requête d'effet suspen-
sif du 26 juillet 2001, W.________ interjette un recours de
droit public au Tribunal fédéral. Il conclut à l'annulation
de la décision attaquée et à ce qu'il soit ordonné à l'auto-
rité cantonale compétente d'accorder l'effet suspensif à son
recours en nullité du 18 juillet 2001. Par ailleurs, il de-
mande, à titre de mesures provisionnelles, que le Président
du Tribunal fédéral ordonne la suspension provisoire de
l'exécution de l'ordonnance d'expulsion du 6 juillet 2001
jusqu'à droit connu sur son recours de droit public.

Le Tribunal fédéral a indiqué qu'aucune mesure
d'exécution ne pourra être entreprise jusqu'à décision sur
la
requête d'effet suspensif formée par le recourant.

F.________ propose que la requête d'effet suspensif
contenue dans le recours de droit public soit rejetée et que
le recours soit déclaré irrecevable.

Le Président de la Chambre des recours du Tribunal
cantonal vaudois a déclaré, pour sa part, s'en remettre à
justice en ce qui concerne la requête d'effet suspensif. Il
n'a pas présenté d'observations quant au fond.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et avec
une pleine cognition la recevabilité des recours qui lui
sont
soumis (ATF 127 I 92 consid. 1).

a) Il ressort de l'art. 87 OJ, dans sa teneur au 8
octobre 1999 entrée en vigueur le 1er mars 2000 (RO 2000 p.
417 s.), que, sous réserve de cas particuliers non réalisés
en l'espèce (cf. al. 1), le recours de droit public est rece-
vable contre les décisions préjudicielles et incidentes pri-
ses séparément s'il peut en résulter un préjudice
irréparable
(al. 2). Selon la jurisprudence relative à l'ancien art. 87
OJ, dont il n'y a pas lieu de se départir sous l'empire du
nouveau droit (cf. ATF 126 I 207 consid. 2), il faut, pour
qu'un préjudice puisse être qualifié d'irréparable, qu'il
cause un inconvénient de nature juridique. Tel est le cas
lorsqu'une décision finale même favorable au recourant ne le
ferait pas disparaître entièrement; en revanche, un dommage
de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un
accroissement des frais de celle-ci, n'est pas considéré
comme irréparable (ATF 127 I 92 consid. 1c p. 94; 123 I 325
consid. 3c p. 328 s.).

La décision relative à une requête d'effet suspen-
sif est de nature incidente (ATF 120 Ia 260 consid. 2b p.
264; 117 Ia 247 consid. 1; 116 Ia 177 consid. 2a et les
arrêts cités). Il convient donc d'examiner si elle cause au

recourant un dommage irréparable au sens qui vient d'être
défini ci-dessus. Il résulte du contrat de bail que le loca-
taire a le droit d'user de la chose louée (art. 253 CO;
Roger
Weber/Peter Zihlmann, Commentaire bâlois, art. 253 CO no 3).
En l'occurrence, le bailleur a mis fin au contrat avec effet
immédiat en invoquant la demeure du locataire et il a entamé
une procédure d'expulsion. Le recourant a, pour sa part, de-
mandé l'annulation de la résiliation, subsidiairement la pro-
longation de son bail, et il s'est opposé à son expulsion.
Les deux procédures ont été jointes conformément à l'art.
274g al. 1 let. a CO. Dans ce contexte, une décision finale
favorable au locataire aurait pour effet de lui permettre de
rester dans les locaux loués, alors qu'en cours de
procédure,
il aurait été privé de ce droit en raison du rejet de sa re-
quête d'effet suspensif. Contrairement à ce que soutient
l'intimé, la décision entreprise cause donc au locataire un
préjudice de nature juridique, de sorte que la voie du re-
cours de droit public lui est ouverte sous l'angle de l'art.
87 al. 2 OJ.

b) Interjeté en temps utile (art. 89 al. 1 OJ),
dans la forme prévue par la loi (art. 90 al. 1 OJ), par le
destinataire de la décision d'expulsion (cf. art. 88 OJ), le
présent recours est donc en principe recevable.

Il convient toutefois de préciser qu'hormis certai-
nes exceptions qui ne sont pas réalisées en l'espèce, le re-
cours de droit public n'a qu'un caractère cassatoire (ATF
127
III 279 consid. 1b p. 282; 126 III 524 consid. 1b p. 526),
de
sorte que les conclusions du recourant visant à ordonner à
l'autorité cantonale d'accorder l'effet suspensif au recours
ne sont pas admissibles dans la mesure où elles tendent à au-
tre chose qu'à l'annulation totale ou partielle de la déci-
sion attaquée.

2.- Le recourant se plaint notamment d'une viola-
tion de son droit d'être entendu, en invoquant l'absence de
motivation de la décision attaquée.

a) Comme le droit d'être entendu a un caractère
formel et que sa violation entraîne l'admission du recours,
ainsi que l'annulation de la décision attaquée
indépendamment
des chances de succès du recours sur le fond (ATF 126 V 130
consid. 2b p. 132; 125 I 113 consid. 3), il convient d'exami-
ner ce grief en premier lieu.

Le recourant ne se plaignant pas de la violation de
règles du droit cantonal de procédure régissant le droit
d'être entendu, son grief sera examiné exclusivement à la lu-
mière de l'art. 29 al. 2 Constitution et avec un plein pou-
voir d'examen (ATF 126 I 15 consid. 2a et les arrêts cités).

b) La jurisprudence, rendue sous l'empire de l'art.
4 aCst. et qui s'applique également à l'art. 29 al. 2 Cst.,
a
déduit du droit d'être entendu le devoir pour l'autorité de
motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la com-
prendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et que
l'autorité
de recours puisse exercer son contrôle. Pour répondre à ces
exigences, il suffit que le juge mentionne, au moins briève-
ment, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé
sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se
rendre
compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en
connaissance
de cause (ATF 126 I 97 consid. 2b; 124 V 180 consid. 1a p.
181; 123 I 31 consid. 2c p. 34). L'autorité n'a pas l'obli-
gation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de
preuve et griefs invoqués par les parties, mais elle peut au
contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, lui appa-
raissent pertinents (ATF 126 I 97 consid. 2b; 121 I 54 con-
sid. 2c p. 57 et les arrêts cités). L'étendue de la motiva-
tion dépend au demeurant de la liberté d'appréciation dont

jouit le juge et de la gravité des conséquences de sa déci-
sion (ATF 112 Ia 107 consid. 2b p. 110).

En l'espèce, le Président de la Chambre des recours
cantonale n'a présenté aucune motivation à l'appui de sa dé-
cision de rejeter la requête d'effet suspensif. Un tel silen-
ce n'est en principe pas conforme au droit d'être entendu ga-
ranti par l'art. 29 al. 2 Cst. Il empêche non seulement le
recourant de critiquer valablement cette décision, mais
aussi
la Cour de céans de se prononcer sur sa constitutionnalité.
Ce défaut de motivation est d'autant plus blâmable que le re-
jet de l'effet suspensif entraînerait en l'occurrence des
conséquences sérieuses pour le recourant, puisqu'il le con-
traindrait à quitter les locaux dans lesquels il exploite de-
puis de nombreuses années un établissement public.

Enfin, il n'y a pas lieu de se demander si cette
violation de l'obligation de motiver la décision entreprise
pourrait éventuellement être réparée devant le Tribunal fédé-
ral (cf. ATF 107 Ia 1 consid. 1, 240 consid. 4; 104 Ia 201
consid. 5g p. 214), puisque l'autorité cantonale, en renon-
çant à formuler des observations sur le recours de droit pu-
blic, n'a de toute manière pas complété son prononcé.

Dans ces circonstances, le recours doit être admis
et la décision attaquée annulée, sans qu'il soit nécessaire
d'examiner les autres griefs soulevés par le recourant (ATF
118 Ia 104 consid. 3c p. 109).

Quant à la requête de mesures provisionnelles ten-
dant à la suspension de l'ordonnance d'expulsion jusqu'à
droit connu sur le recours de droit public, elle est devenue
sans objet.

3.- Au vu de l'issue du litige, les frais et dé-
pens seront mis à la charge de l'intimé, qui succombe (art.
156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le recours et annule la décision attaquée;

2. Met un émolument judiciaire de 2'000 fr. à la
charge de l'intimé;

3. Dit que l'intimé versera au recourant une indem-
nité de 3'000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et au Président de la Chambre des recours
du Tribunal cantonal vaudois.

__________

Lausanne, le 24 septembre 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FÉDÉRAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.198/2001
Date de la décision : 24/09/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-09-24;4p.198.2001 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award