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10/09/2001 | SUISSE | N°I.719/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 septembre 2001, I.719/00


«AZA 7»
I 719/00 Tn

IIe Chambre

MM. les juges Lustenberger, Président, Meyer et Ferrari.
Greffière : Mme von Zwehl

Arrêt du 10 septembre 2001

dans la cause

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
Avenue Général-Guisan 8, 1800 Vevey, recourant,

contre

R.________, intimé, représenté par Maître Laurent Damond,
avocat, Av. du Tribunal-Fédéral 3, 1002 Lausanne,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- R.________, travailla

it depuis 1989 comme canton-
nier au service de X.________. A partir du mois de juillet
1993, il a commencé à ressentir des doule...

«AZA 7»
I 719/00 Tn

IIe Chambre

MM. les juges Lustenberger, Président, Meyer et Ferrari.
Greffière : Mme von Zwehl

Arrêt du 10 septembre 2001

dans la cause

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
Avenue Général-Guisan 8, 1800 Vevey, recourant,

contre

R.________, intimé, représenté par Maître Laurent Damond,
avocat, Av. du Tribunal-Fédéral 3, 1002 Lausanne,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- R.________, travaillait depuis 1989 comme canton-
nier au service de X.________. A partir du mois de juillet
1993, il a commencé à ressentir des douleurs à la main
droite, ainsi que des paresthésies. Ces douleurs allant en
s'aggravant, il a consulté le docteur A.________, neu-
rologue, qui a conclu à un syndrome du tunnel carpien (rap-
port du 24 août 1993). Le 6 septembre 1993, R.________ a
subi une opération qui a eu, dans un premier temps, une in-

fluence favorable sur sa symptomatologie; sitôt qu'il a
repris le travail, son état s'est à nouveau empiré (rapport
du docteur A.________ du 24 mars 1994). En dépit d'une
deuxième intervention chirurgicale au mois de mai 1994, ses
plaintes sont demeurées inchangées. Vu la persistance de
son incapacité de travail, il a été mis au bénéfice d'une
rente d'invalidité temporaire par la Caisse de pension de
X.________.
Le 15 mai 1995, R.________ a présenté une demande de
prestations de l'assurance-invalidité tendant à l'octroi de
mesures de réadaptation d'ordre professionnel et d'une ren-
te.
Afin de déterminer ses capacités de réinsertion dans
le circuit économique, l'Office AI pour le canton de Vaud
(ci-après : l'office) a organisé à son intention un stage
au Centre d'intégration professionnelle de Genève (COPAI)
du 20 janvier au 13 février 1997. Dans leur rapport du
7 mai 1997, les responsables du COPAI ont noté que l'assuré
refusait systématiquement de mobiliser sa main droite, si
bien qu'aucune proposition professionnelle concrète ne pou-
vait être envisagée en l'état; ils ont toutefois précisé
qu'à leurs yeux, l'assuré pourrait certainement exercer une
activité adaptée à 100%, sans port de charges, ni gestes
répétitifs, s'il trouvait la motivation et la volonté né-
cessaires pour faire abstraction de son handicap.
Comme mesure d'instruction complémentaire, l'office a
confié une expertise au docteur B.________, spécialiste en
chirurgie de la main à la Clinique Y.________. Selon ce
médecin, le problème majeur de l'assuré ne se situait pas
au niveau somatique (un taux de 100% dans une activité
adaptée serait théoriquement exigible), mais bien plutôt au
plan psychique (rapport du 6 août 1998).
Sur la base de ces pièces, l'office a nié le droit de
l'assuré à une rente, au regard d'un taux d'invalidité de
36% (décision du 22 avril 1999).

B.- Saisi d'un recours contre cette décision, le Tri-
bunal des assurances du canton de Vaud l'a admis en ce sens
qu'il a reconnu à l'assuré le droit à une rente d'invalidi-
té entière à partir du 1er mars 1996 (jugement du 12 octo-
bre 1992).

C.- L'office interjette recours de droit administratif
contre ce jugement, dont il requiert l'annulation.
R.________ conclut, sous suite de frais et dépens, au
rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assur-
ances sociales propose son admission.

Considérant en droit :

1.- Les juges cantonaux ont retenu que l'existence,
chez l'intimé, d'une atteinte psychique invalidante était
suffisamment établie pour lui ouvrir le droit à une rente
entière d'invalidité, et qu'il était donc superflu de re-
cueillir encore l'avis d'un psychiatre. Ils se sont fondés,
d'une part, sur les observations du docteur B.________ et,
d'autre part, sur le fait que même X.________ avait renoncé
à recycler son employé malgré les nombreuses possibilités
de reclassement existant au sein de l'administration.
L'office recourant s'oppose à ce point de vue et sou-
tient au contraire que les constatations effectuées par le
docteur B.________ conduisent à admettre, sur le plan
médical, l'exigibilité d'une reprise d'activité à 100%.
Quant à l'intimé, il se réfère aux rapports de ses mé-
decins traitants, les docteurs A.________ et C.________,
qui estiment illusoire qu'il se remette au travail.

2.- Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'ad-
ministration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin
de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres
spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin con-
siste à porter un jugement sur l'état de santé et à indi-

quer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré
est incapable de travailler. En outre, les données médica-
les constituent un élément utile pour déterminer quels tra-
vaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré
(ATF 125 V 261 consid. 4, 115 V 134 consid. 2, 114 V 314
consid. 3c, 105 V 158 consid. 1).

3.- a) Mandaté par l'assurance-invalidité pour éclair-
cir la problématique des membres supérieurs, le docteur
B.________ a posé le diagnostic de ténosynovite chronique
des fléchisseurs des doigts avec prédominance à droite;
selon lui, une telle atteinte ne fait généralement pas
obstacle à l'exercice d'une activité adaptée, à condition
d'éviter l'emploi répété de la force dans les mains. Notant
toutefois chez l'assuré une attitude régressive et un
comportement d'invalide manifeste, l'expert a évoqué - en
sus de l'atteinte précitée - l'hypothèse d'une composante
somatoforme prépondérante et exprimé l'avis que dans de
telles dispositions, R.________ ne pourrait vraisembla-
blement pas assumer une quelconque mesure de reclassement
professionnel (rapport du 6 août 1998). Les docteurs
C.________ et A.________ ont abouti, dans les grandes
lignes, à des conclusions similaires (rapports respective-
ment des 31 mars et 9 avril 1999). Tous ont attesté une
incapacité de travail totale dans l'ancienne profession de
cantonnier.

b) Devant ces constatations médicales, l'office ne
pouvait, d'emblée et sans autre examen, partir de l'idée
que l'intimée disposait d'une capacité de travail entière
dans une activité adaptée. Il apparaît en effet clairement
que ce dernier a des problèmes psychiques qui ne sont pas
dépourvus de toute incidence sur son aptitude à travailler,
ce qu'a également révélé le stage accompli au COPAI. Cela
étant, on ne saurait pas non plus suivre les premiers juges
lorsqu'ils tiennent pour établi que l'assuré présente une
maladie psychique invalidante sous la forme d'un syndrome

somatoforme douloureux. Si les rapports médicaux versés au
dossier contiennent certes des indices allant dans ce sens,
il n'en demeure pas moins que s'agissant d'une atteinte à
la santé entrant dans la catégorie des affections psychi-
ques, c'est en principe à un expert psychiatre qu'il re-
vient de poser un diagnostic et de se prononcer sur l'in-
capacité de travail qui peut ou non en résulter (VSI 2000
p. 160 consid. 4b). Or, jusqu'à présent, l'avis d'un méde-
cin psychiatre fait défaut. Que le docteur B.________ ait
émis des réserves sur l'utilité d'un examen psychiatrique
dans le cas d'espèce, ne dispensait en aucune façon
l'autorité cantonale de mettre en oeuvre une telle experti-
se. Ce médecin a d'ailleurs admis lui-même que «pour justi-
fier (...) la situation dans laquelle on se trouve, il fau-
drait faire appel à des diagnostics (du ressort) de la
psychiatrie», domaine qui ne relève toutefois pas de sa
spécialité.
Il convient par conséquent de renvoyer à la cause à
l'office recourant afin qu'il en complète l'instruction en
ordonnant une expertise psychiatrique. Il appartiendra en
particulier à l'expert psychiatre de poser un diagnostic
clair en se conformant, au besoin, aux critères mentionnés
par la jurisprudence relative au syndrome somatoforme dou-
loureux (VSI 2000 p. 155 consid. 2c), et de déterminer si
et dans quelle mesure la mise à profit de la capacité de
travail résiduelle de l'intimé ne peut plus être raisonna-
blement exigée de lui; le cas échéant, il examinera égale-
ment l'opportunité de mettre en oeuvre des mesures médica-
les d'ordre psychiatrique si celles-ci sont de nature à fa-
voriser le succès d'une réadaptation professionnelle qui,
en l'état, a été abandonnée. Après quoi, l'office statuera
à nouveau sur la demande de prestations de l'intimé.
Dans cette mesure, le recours est bien fondé.

4.- L'intimé, qui succombe, n'a pas droit à des dépens
pour l'instance fédérale (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis en ce sens que les chiffre I et
II du jugement du Tribunal des assurances du canton de
Vaud, du 12 octobre 2000, ainsi que la décision de
l'Office AI pour le canton de Vaud du 22 avril 1999
sont annulés, la cause étant renvoyée audit office
pour instruction complémentaire au sens des considé-
rants et nouvelle décision.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice, ni alloué de
dépens.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 10 septembre 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.719/00
Date de la décision : 10/09/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-09-10;i.719.00 ?
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