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04/09/2001 | SUISSE | N°4C.173/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 septembre 2001, 4C.173/2001


«/2»

4C.173/2001

Ie C O U R C I V I L E
************************

4 septembre 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu
et Corboz, juges. Greffière: Mme Aubry Girardin.

___________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ S.A., défenderesse et recourante, représentée par
Me Yves Hofstetter, avocat à Lausanne,

et

W.________, demandeur et intimé, représenté par Me François
Magnin, avocat à Lausanne;

(contrat de travail; interdict

ion de concurrence; dommage)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Créée en janvier 1994,...

«/2»

4C.173/2001

Ie C O U R C I V I L E
************************

4 septembre 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu
et Corboz, juges. Greffière: Mme Aubry Girardin.

___________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ S.A., défenderesse et recourante, représentée par
Me Yves Hofstetter, avocat à Lausanne,

et

W.________, demandeur et intimé, représenté par Me François
Magnin, avocat à Lausanne;

(contrat de travail; interdiction de concurrence; dommage)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Créée en janvier 1994, X.________ S.A. a pour
but la réalisation de villas à ossature en bois et l'exploi-
tation d'une entreprise générale de construction.

W.________ était l'un des fondateurs et actionnai-
res de X.________ S.A. Il avait une fonction
d'administrateur
dans la société et était chargé de promouvoir les construc-
tions réalisées, ainsi que de conclure des contrats avec les
acheteurs potentiels.

Par convention du 25 janvier 1994, les actionnaires
se sont notamment engagés à ne pas faire concurrence à la so-
ciété tant qu'ils en détenaient des actions et durant les
trois ans suivant la cession de celles-ci.

Au moment de la constitution de X.________ S.A.,
W.________ était également associé gérant de Y.________
Sàrl,
une société s'occupant de la vente de villas et d'immeubles
en tout genre à des prix compétitifs et selon la formule
"clé
en main". Le président du conseil d'administration de
X.________ S.A. connaissait parfaitement l'existence de
Y.________ Sàrl.

Le 13 janvier 1995, W.________ a vendu ses actions
de X.________ S.A.

Par convention du 6 février 1995, X.________ S.A.
et W.________ ont notamment déclaré que ce dernier serait dé-
chargé de sa fonction d'administrateur et de son poste de di-
recteur, pour se consacrer entièrement au secteur de la
vente, dont il assumerait la responsabilité en tant que di-
recteur commercial.

Le 20 février 1995, les parties ont passé un con-
trat de travail dans lequel W.________ a été désigné comme
directeur des ventes.

Le 25 septembre 1995, W.________ a donné son congé
pour le 30 novembre suivant. Un litige est survenu entre les
parties s'agissant du versement de commissions sur les
ventes
effectuées, d'arriérés de salaires et de divers frais.

Le 26 décembre 1995, X.________ S.A. a déposé une
plainte pénale contre W.________ pour gestion déloyale. Elle
lui reprochait d'avoir, à son insu, vendu d'autres villas de
construction traditionnelle à .... Cette procédure s'est fi-
nalement soldée par un non-lieu prononcé le 13 février 1997;
le recours formé par X.________ S.A. à l'encontre de cette
décision a été rejeté, le 26 juin 1997, par le Tribunal d'ac-
cusation cantonal.

B.- Le 17 octobre 1997, W.________ a assigné
X.________ S.A. en justice, faisant valoir une série de pré-
tentions résultant de son contrat de travail. Il a requis le
versement de la somme de 120'006 fr., sous déduction des re-
tenues légales, avec intérêt à 5 % dès le 1er mai 1996, et
de
la somme de 3'783 fr. plus intérêt à 5 % dès le 10 novembre
1995. En cours d'instance, il a réduit ses conclusions, fai-
sant passer les deux montants précités respectivement à
34'138,60 fr. et à 3'911,10 fr.

X.________ S.A. a conclu à la libération des fins
de la demande et, reconventionnellement, au paiement par
W.________ de la somme de 150'000 fr. avec intérêt à 5 % dès
le 30 octobre 1995, représentant le manque à gagner qu'elle
aurait subi à la suite de la concurrence que lui aurait
faite
le demandeur en relation avec la promotion immobilière réali-
sée à ....

Par jugement du 6 novembre 2000, la Cour civile du
Tribunal cantonal vaudois a condamné X.________ S.A. à payer
à W.________ 34'138,60 fr., moins les déductions légales,
avec intérêt à 5 % dès le 1er mai 1996, et 3'911,10 fr. avec
intérêt à 5 % l'an dès le 10 novembre 1995. Les juges ont
par
ailleurs débouté X.________ S.A. de sa demande reconvention-
nelle en dommages-intérêts.

C.- Contre ce jugement, X.________ S.A. (la défen-
deresse) interjette un recours en réforme au Tribunal fédé-
ral. S'en prenant uniquement au rejet de ses conclusions re-
conventionnelles, elle conclut à la réforme du jugement atta-
qué en ce sens que W.________ est déclaré son débiteur du
montant de 150'000 fr. avec intérêt à 5 % dès le 30 octobre
1995, sous déduction des montants qu'elle-même a été condam-
née à lui verser.

Dans sa réponse, W.________ (le demandeur) propose
le rejet du recours, dans la mesure où il est recevable.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Dès lors que les conditions d'application
de l'art. 451a al. 1 LPC vaud. ne sont pas réalisées en l'es-
pèce, le jugement rendu par la Cour civile du Tribunal canto-
nal revêt le caractère d'une décision finale qui ne peut fai-
re l'objet d'un recours ordinaire de droit cantonal, soit
d'un recours ayant effet suspensif et dévolutif (ATF 120 II
93 consid. 1b p. 94 s.), de sorte que la voie du recours en
réforme au Tribunal fédéral est ouverte (art. 48 al. 1 OJ).

b) Interjeté par la défenderesse, qui a été débou-
tée de ses conclusions en paiement fondées sur la violation

d'obligations de nature contractuelle, le recours porte sur
une contestation civile dont la valeur litigieuse atteint le
seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ). Déposé en temps utile (art.
54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ), il
est
donc en principe recevable.

c) La défenderesse ne s'en prend, devant le Tribu-
nal fédéral, qu'au rejet de ses conclusions reconventionnel-
les, sans remettre en cause les montants qu'elle a été con-
damnée à verser au demandeur. Non contestées, les
prétentions
du demandeur doivent donc être considérées comme définitive-
ment tranchées par la cour cantonale et ne seront pas revues
dans la présente procédure (cf. art. 55 al. 1 let. b et c
OJ).

2.- Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fé-
déral doit mener son raisonnement sur la base des faits con-
tenus dans la décision attaquée, à moins que des
dispositions
fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y
ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille
compléter les constatations de l'autorité cantonale parce
que
celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents régulière-
ment allégués (art. 64 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c et les
arrêts cités). Hormis ces exceptions, que le recourant doit
invoquer expressément (ATF 115 II 399 consid. 2a p. 400), il
ne peut être présenté de griefs contre les constatations de
fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55
al. 1 let. c OJ).

La défenderesse semble perdre de vue ces principes,
dans la mesure où, sous le couvert de violations du droit,
elle s'en prend à l'appréciation des preuves figurant dans
le
jugement entrepris, ce qui n'est pas admissible.
Conformément
aux règles rappelées ci-dessus, la Cour de céans se bornera

donc à examiner si le jugement attaqué procède d'une applica-
tion correcte du droit fédéral à la lumière des faits tels
que constatés.

3.- Dans sa demande reconventionnelle, la défen-
deresse cherche à obtenir des dommages-intérêts pour le man-
que à gagner qu'elle aurait subi à la suite de la vente, par
le demandeur, de plusieurs maisons de construction tradition-
nelle à ...., alors qu'il était encore à son service. Elle
reproche au demandeur d'avoir violé la clause d'interdiction
de concurrence figurant dans la convention d'actionnaires du
25 janvier 1994 et son devoir de fidélité découlant du con-
trat de travail les liant.

a) Comme toute action en dommages-intérêts, la pré-
tention de la défenderesse suppose l'existence d'un dommage.
Il s'agit d'une condition sine qua non (Pierre Engel, Traité
des obligations en droit suisse, 2e éd. Berne 1997, p. 472),
qui doit être réalisée que la responsabilité du demandeur re-
pose sur l'interdiction de concurrence figurant dans la con-
vention d'actionnaires (cf. Hans-Dietrich Rautmann, Wettbe-
werbsenthaltungspflicht im Gesellschaftsrecht, thèse Berne
1965, p. 107) ou qu'elle résulte de la violation de son de-
voir de fidélité au sens de l'art. 321a al. 3 CO (cf.
Manfred
Rehbinder, Schweizerisches Arbeitsrecht, 14e éd. Berne 1999,
no 59).

La jurisprudence a maintes fois indiqué que la
fixation du dommage ressortit en principe au juge du fait.
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral n'inter-
vient que si l'autorité cantonale a méconnu la notion juri-
dique du dommage ou si elle a violé des principes de droit
relatifs au calcul du préjudice (ATF 127 III 73 consid. 3c
p.
75; 126 III 388 consid. 8a; 120 II 296 consid. 3b p. 298 et
les arrêts cités).

Le dommage juridiquement reconnu réside dans la di-
minution involontaire de la fortune nette; il peut consister
en une réduction de l'actif, en une augmentation du passif
ou
dans un gain manqué; il correspond à la différence entre le
montant actuel du patrimoine et le montant que celui-ci au-
rait atteint si l'événement dommageable ne s'était pas pro-
duit (ATF 127 III 73 consid. 4a p. 76; 126 III 388 consid.
11a p. 393).

b) En l'occurrence, il ressort du jugement attaqué
que la défenderesse a été déboutée de sa prétention, notam-
ment parce qu'elle n'avait pas subi de préjudice. La cour
cantonale a ainsi relevé, au sujet de la violation de la con-
vention d'actionnaires invoquée, que le demandeur, en
vendant
des villas traditionnelles à ...., n'avait pas effectué des
opérations qui seraient préjudiciables à la défenderesse,
puisqu'aucun client potentiel n'avait été concrètement dé-
tourné de traiter avec elle. S'agissant de la violation de
l'obligation de fidélité dont se prévalait également la dé-
fenderesse, les juges ont en particulier retenu qu'il
n'était
pas démontré que l'activité privée du demandeur ait porté
préjudice à ses prestations de travail et que les intérêts
économiques légitimes de la défenderesse n'avaient pas été
atteints par le comportement du demandeur en tant que tra-
vailleur.

Cette motivation ne laisse pas apparaître que la
cour cantonale ait méconnu la notion juridique du dommage,
ce
que la défenderesse n'invoque du reste même pas. En effet,
sur la base des éléments retenus, on ne voit pas en quoi
celle-ci aurait subi une diminution effective de sa fortune
nette ou qu'elle ait eu à souffrir d'un gain manqué, puis-
qu'il a été constaté que les ventes effectuées par le deman-
deur parallèlement à son activité auprès de la défenderesse
n'avaient pas affecté ses prestations de travail et qu'aucun
client potentiel n'avait été détourné.

Les critiques de la défenderesse à cet égard ne
sont pas recevables, dès lors qu'elles consistent à remettre
en cause l'appréciation des preuves et les faits tels qu'éta-
blis par la cour cantonale, ce qui, comme indiqué ci-dessus
(cf. supra consid. 2), n'est pas admissible dans un recours
en réforme. C'est ainsi en vain qu'elle cherche à démontrer
que le demandeur l'a privée de clients potentiels ou que ses
intérêts économiques ont été atteints, alors que l'inverse a
été constaté dans le jugement entrepris.

Le préjudice n'étant pas établi, l'une des condi-
tions essentielles à l'octroi de dommages-intérêts à la dé-
fenderesse fait défaut. Il n'est dès lors pas nécessaire de
se demander si, au surplus, les autres conditions d'une ac-
tion en responsabilité envers le demandeur auraient pu être
admises.

En déboutant la défenderesse de ses conclusions
reconventionnelles, la cour cantonale n'a donc pas violé le
droit fédéral.

Dans ces circonstances, le recours doit être rejeté
dans la mesure où il est recevable et le jugement attaqué
confirmé.

4.- La prétention de la défenderesse devant la
cour cantonale porte sur un montant supérieur à 30'000 fr.,
de sorte que, même si cette demande se fonde sur un contrat
de travail, la procédure n'est pas gratuite, puisqu'elle dé-
passe la limite de l'art. 343 al. 2 CO (version du 15 décem-
bre 2000, entrée en vigueur le 1er juin 2001; RO 2001 p.
1048).

Les frais et dépens seront par conséquent mis à la
charge de la défenderesse, qui succombe (art. 156 al. 1 et
159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable et confirme le jugement attaqué;

2. Met un émolument judiciaire de 6'000 fr. à la
charge de la défenderesse;

3. Dit que la défenderesse versera au demandeur une
indemnité de 8'000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal
vaudois.
__________

Lausanne, le 4 septembre 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FÉDÉRAL SUISSE:
Le Président, La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.173/2001
Date de la décision : 04/09/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-09-04;4c.173.2001 ?
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