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31/08/2001 | SUISSE | N°C.354/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 31 août 2001, C.354/00


«AZA 7»
C 354/00 Mh

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Wagner, Greffier

Arrêt du 31 août 2001

dans la cause

A.________, recourante,

contre

Caisse d'assurance-chômage du canton de Berne, Laupen-
strasse 22, 3011 Berne, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Berne, Berne

A.- A.________ est avocate de profession. Elle a fondé
avec B.________, dont elle est séparée, et leur fille
C.________, la s

ociété X.________ SA, dont le siège est à
D.________. La société a pour but notamment l'exploitation
d'un service d'assistance et d...

«AZA 7»
C 354/00 Mh

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Wagner, Greffier

Arrêt du 31 août 2001

dans la cause

A.________, recourante,

contre

Caisse d'assurance-chômage du canton de Berne, Laupen-
strasse 22, 3011 Berne, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Berne, Berne

A.- A.________ est avocate de profession. Elle a fondé
avec B.________, dont elle est séparée, et leur fille
C.________, la société X.________ SA, dont le siège est à
D.________. La société a pour but notamment l'exploitation
d'un service d'assistance et de renseignements en matière
de droit. Elle a été inscrite au registre du commerce le
24 décembre 1997. C.________ en est la présidente du
conseil d'administration, B.________ le vice-président et
A.________ la secrétaire, chacun disposant de la signature
individuelle.

Le 12 janvier 1998, le juge d'instruction du district
de Z.________ a ordonné la saisie pénale conservatoire du
compte bancaire sur lequel la société en formation avait
déposé le montant ayant servi à libérer le capital social
de 100 000 fr. Le 27 janvier 1998, il a ordonné la levée de
la saisie par un transfert des fonds pour permettre la res-
titution des montants dus à leurs ayants-droit.

B.- a) A.________ a sollicité l'allocation d'indem-
nités de chômage à partir du 1er décembre 1998. Elle
produisait une attestation d'employeur, selon laquelle
X.________ SA l'avait engagée dès le 1er décembre 1997 en
qualité de responsable du service juridique de la société
pour un salaire mensuel de 9000 fr., avant de résilier le
rapport de travail pour le 30 novembre 1998 en raison de la
maladie dont elle était atteinte. L'employeur indiquait que
l'activité de X.________ SA avait été suspendue à titre
provisoire dès le 6 janvier 1998, date à partir de laquelle
A.________ avait été annoncée malade.
Sur cette base, la Caisse de chômage du canton de
Berne a versé à A.________ des indemnités de chômage
jusqu'en novembre 1999.

b) Le Secrétariat d'État à l'économie (seco) a été
saisi des cas de A.________ et de C.________. Invitée à
déposer les pièces attestant d'une part le versement effec-
tif de son salaire pour le mois de décembre 1997, soit un
avis de virement sur son compte bancaire ou avis de débit
du compte bancaire de X.________ SA, et d'autre part le
paiement d'indemnités perte de gain par la Vaudoise
Assurances, A.________ a produit une quittance du 20 fé-
vrier 1998, où elle reconnaissait avoir reçu de
X.________ SA la somme de 5000 fr. à valoir sur son salaire
de décembre 1997, ainsi qu'une quittance du 15 avril 1998

concernant le solde versé de 2410 fr. Dans une lettre du
28 janvier 2000, elle déclarait que la société n'avait pas
pu exercer normalement son activité à la suite d'une en-
quête pénale ouverte le 6 janvier 1998 par le juge d'ins-
truction du district de Z.________ contre A.________ et
C.________ et que la société avait bénéficié d'un prêt de
9000 fr. accordé le 2 février 1998 par E.________, grand-
mère de C.________. Quant aux indemnités perte de gain, une
procédure avait été engagée contre la Vaudoise Assurances.
Se fondant sur un avis du seco du 18 février 2000, la
caisse a rendu le 24 février 2000 une décision par laquelle
elle a dénié le droit de A.________ à des indemnités de
chômage depuis le 1er décembre 1998, aux motifs que l'acti-
vité exercée auprès de X.________ SA dès le mois de décem-
bre 1997 n'était pas suffisamment contrôlable au sens de
l'art. 13 LACI et que la rémunération ne correspondait pas
à un salaire «normalement obtenu» ou effectivement perçu au
sens de l'art. 23 LACI.

C.- Par jugement du 6 septembre 2000, la Cour des
affaires de langue française du Tribunal administratif du
canton de Berne a rejeté le recours formé par A.________
contre cette décision.

D.- A.________ interjette recours de droit administra-
tif contre ce jugement, en concluant, sous suite de frais
et dépens, à l'annulation de celui-ci et de la décision
administrative litigieuse du 24 février 2000. Elle demande
que son droit aux indemnités de chômage dès le 1er décembre
1998 soit confirmé.
Le président de la juridiction cantonale s'est déter-
miné sur le recours. La Caisse de chômage du canton de
Berne renonce à prendre position.

Considérant en droit :

1.- a) La décision administrative litigieuse du 24 fé-
vrier 2000 est une décision de constatation, par laquelle
l'intimée dénie rétroactivement le droit de la recourante à
des indemnités de chômage depuis le 1er décembre 1998.
Il est constant que la caisse a versé à l'assurée des
indemnités de chômage jusqu'en novembre 1999. La contesta-
tion remet donc en cause les décisions (non formelles) en
vertu desquelles la recourante a perçu ces indemnités et,
dans cette mesure, sous-tend ainsi implicitement une deman-
de de restitution au sens de l'art. 95 LACI. Une telle res-
titution suppose toutefois que soient remplies les condi-
tions d'une reconsidération ou d'une révision procédurale
de ces décisions (ATF 126 V 399 consid. 1).

b) Selon un principe général du droit des assurances
sociales, l'administration peut reconsidérer une décision
formellement passée en force de chose jugée et sur laquelle
une autorité judiciaire ne s'est pas prononcée quant au
fond, à condition qu'elle soit sans nul doute erronée et
que sa rectification revête une importance notable (ATF
126 V 400 consid. 2b/aa et les références).
Ces principes sont aussi applicables lorsque des pres-
tations faisant l'objet d'une demande de restitution au
sens de l'art. 95 LACI ont été accordées sans avoir fait
l'objet d'une décision formelle et que leur versement a
néanmoins acquis force de chose décidée (ATF 126 V 400
consid. 2b/aa déjà cité). Il y a force de chose décidée si
l'assuré n'a pas, dans un délai d'examen et de réflexion
convenable, manifesté son désaccord avec une certaine so-
lution adoptée dans un acte administratif susceptible de
recours (ATF 122 V 369 consid. 3).
En l'espèce, le paiement des indemnités journalières
jusqu'en novembre 1999 a acquis force de chose décidée.

c) Les premiers juges ont retenu que le versement
d'indemnités journalières était sans nul doute erroné, dès
lors que l'exercice effectif d'une activité salariée au
service de X.________ SA à partir de décembre 1997 n'était
pas prouvé ni rendu vraisemblable; faute de satisfaire à
cette exigence, l'assurée ne remplissait donc pas les
conditions relatives à la période de cotisation (art. 13
LACI) et n'avait pas non plus perçu à ce titre un salaire
au sens de l'art. 23 al. 1 LACI. Par ailleurs, la rectifi-
cation de ce versement revêtait une importance notable. La
juridiction cantonale a ainsi admis que les conditions
d'une reconsidération sont remplies en l'occurrence, ce que
conteste la recourante.

2.- a) Selon l'art. 13 al. 1 première phrase LACI,
celui qui, dans les limites du délai-cadre (art. 9 al. 3
LACI) a exercé durant six mois au moins, une activité
soumise à cotisation remplit les conditions relatives à la
période de cotisation.

b) Dans le cas d'espèce, le délai-cadre applicable à
la période d'indemnisation a commencé à courir le 1er dé-
cembre 1998 (art. 9 al. 2 LACI). Le délai-cadre applicable
à la période de cotisation a donc commencé à courir deux
ans plus tôt (art. 9 al. 3 LACI), soit le 1er décembre
1996. Ainsi que cela ressort du dossier, la recourante a
exercé jusqu'à mars 1997 sa profession d'avocate à titre
indépendant, avant d'être radiée de manière définitive du
barreau en novembre 1997. Selon les documents produits,
X.________ SA l'a engagée dès le 1er décembre 1997 en
qualité de responsable du service juridique de la société
pour un salaire mensuel de 9000 fr. Il est donc décisif de
savoir si, durant la période du 1er décembre 1997 au
30 novembre 1998, la recourante remplissait les conditions
d'une activité soumise à cotisation.

c) Par activité soumise à cotisation, il faut entendre
toute activité de l'assuré, destinée à l'obtention d'un
revenu soumis à cotisations pendant la durée d'un rapport
de travail (Gerhards, Kommentar zum Arbeitslosenversiche-
rungsgesetz [AVIG], tome I, note 8 ad art. 13 LACI,
p. 170). Ainsi que l'a précisé la Cour de céans dans un
arrêt Z. du 9 mai 2001 (C 279/00), l'exercice effectif
d'une activité salariée suffisamment contrôlable, comme
exigence qui doit être satisfaite pour admettre que les
conditions relatives à la période de cotisation sont rem-
plies (ATF 113 V 352; DTA 1999 n° 18 p. 101 consid. 2a et
la référence; Thomas Nussbaumer, in : Schweizerisches
Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Arbeitslosenversicherung,
p. 64, ch. m. 161 et les notes n° 325 et 326), implique
également qu'un salaire soit réellement versé au travail-
leur (DTA 1988 n° 1 p. 19 sv. consid. 3b/c non publié aux
ATF 113 V 352).
Outre qu'elle découle de l'interprétation de la loi,
l'exigence d'un salaire effectif - pour admettre que les
conditions relatives à la période de cotisation sont réu-
nies (art. 8 al. 1 let. e et 13 LACI) - présente également
l'avantage de prévenir les abus qui pourraient résulter en
cas d'accord fictif entre un employeur et un travailleur au
sujet du salaire que le premier s'engage contractuellement
à verser au second (surtout lorsque l'employeur et le tra-
vailleur ne font en réalité qu'une seule et même personne).
A cet égard, les principes jurisprudentiels développés à
propos de l'art. 23 al. 1 LACI peuvent être transposés
mutatis mutandis : un salaire contractuellement prévu ne
sera dès lors pris en considération, sous l'angle de
l'art. 13 al. 1 LACI, que s'il a réellement été perçu par
le travailleur durant une période prolongée et qu'il n'a
jamais fait l'objet d'une contestation (DTA 1995 n° 15
p. 79 ss; voir aussi DTA 1999 n° 7 p. 28 consid. 1).

d) En l'occurrence, si l'on s'en tient à la lettre des
documents produits (attestation d'engagement du 1er décem-
bre 1997; licenciement du 26 octobre 1998; attestation de
l'employeur du 7 décembre 1998), la recourante était partie
à un rapport de travail avec X.________ SA du 1er décembre
1997 au 30 novembre 1998. Au regard du caractère insolite
de ces documents, il convient non pas de s'en tenir à la
lettre de ces pièces mais de rechercher la réelle et
commune intention des parties, afin de déterminer si un
rapport de travail existait effectivement ou s'il y avait
simulation (art. 18 al. 1 CO; DTA 1996/1997 n° 31 p. 173
consid. 2c).

e) A l'époque des faits, X.________ SA en formation a
engagé la recourante le ler décembre 1997. Depuis son
inscription au registre du commerce le 24 décembre 1997, la
société n'a cependant pas eu une quelconque activité com-
merciale.
L'engagement de la recourante par une société anonyme
en formation, dont on a vu que le montant de 100 000 fr.
ayant servi à constituer le capital social a été saisi et
restitué aux ayants-droit, apparaît comme fictif et le
licenciement du 26 octobre 1998 comme simulé. La lettre de
congé simulait l'existence d'un rapport de travail. En
réalité, elle avait pour but de permettre de percevoir des
indemnités de chômage dès le 1er décembre 1998.
Or, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral des
assurances, pas plus que les juges civils ou les autorités
fiscales, l'administration n'est-elle tenue de se considé-
rer comme liée par la forme de droit civil sous laquelle
les faits apparaissent (ATF 113 V 94 sv. consid. 4b; DTA
1996/1997 n° 31 p. 174 consid. 2e). Il en découle que la
recourante ne saurait se prévaloir d'un acte simulé pour en
déduire des droits en matière d'assurances sociales et que
l'exigence d'un salaire effectif n'est pas satisfaite.

f) Si, dès l'ouverture du délai-cadre, les conditions
d'une activité soumise à cotisation ne sont pas remplies,
une période de maladie lui succédant ne doit pas être prise
en considération sous l'angle de l'art. 13 al. 2 let. c
LACI (Thomas Nussbaumer, in op. cit., p. 70, ch. m. 177),
mais éventuellement sous l'angle de l'art. 14 LACI. Ainsi
que l'ont relevé les premiers juges, les conditions de
l'art. 14 al. 1 let. b LACI ne sont ici pas remplies.

g) Il s'ensuit que le versement d'indemnités journa-
lières jusqu'en novembre 1999 était sans nul doute erroné
et que sa rectification revêt une importance notable. Avec
les premiers juges, il faut admettre que les conditions
d'une reconsidération sont remplies en l'occurrence. Le
recours est dès lors mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal administratif du canton de Berne, Cour des
affaires de langue française, et au Secrétariat d'État
à l'économie.

Lucerne, le 31 août 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.354/00
Date de la décision : 31/08/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-08-31;c.354.00 ?
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