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28/08/2001 | SUISSE | N°1A.119/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 août 2001, 1A.119/2001


«/2»

1A.119/2001

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

28 août 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Féraud et Catenazzi.
Greffier: M. Kurz.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

Mohammed Sani Abacha et T.________, représentés par MMes
Bruno de Preux et Pierre de Preux, avocats à Genève,

contre

les décisions d'entrée en matière et d

e clôture rendues les
20 octobre 2000 et 13 juin 2001 par l'Office fédéral de la
justice;

(entraide judiciaire avec l...

«/2»

1A.119/2001

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

28 août 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Féraud et Catenazzi.
Greffier: M. Kurz.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

Mohammed Sani Abacha et T.________, représentés par MMes
Bruno de Preux et Pierre de Preux, avocats à Genève,

contre

les décisions d'entrée en matière et de clôture rendues les
20 octobre 2000 et 13 juin 2001 par l'Office fédéral de la
justice;

(entraide judiciaire avec le Liechtenstein)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 7 septembre 2000, le Fürstliches Landgericht
de Vaduz (Liechtenstein) a adressé à l'Office fédéral de la
justice (OFJ) une demande d'entraide judiciaire formée pour
les besoins d'une instruction pénale dirigée contre
E.________, pour blanchiment d'argent et défaut de
vigilance.
La demande indique qu'après avoir pris le pouvoir au
Nigeria,
en 1993, et jusqu'à sa mort en 1998, le général Sani Abacha
et ses proches auraient systématiquement pillé les biens du
pays, et détourné plus de 2,2 milliards d'US$ de la banque
centrale du Nigeria. Une partie de ces sommes aurait été gé-
rée par E.________. En particulier, un total de 59'065'500
US$ auraient été transférés, du 19 mai au 5 juin 1998, de
l'Union Bancaire Privée de Genève (UBP) à destination d'un
compte détenu à Vaduz par la société F.________. E.________
prétendait avoir été informé téléphoniquement par l'UBP
qu'il
s'agissait de commissions relatives à une transaction pétro-
lière, mais il n'en aurait jamais eu la confirmation. L'auto-
rité requérante demande qu'un responsable de l'UBP soit in-
terrogé afin de savoir quels renseignements ont été donnés;
elle désire également obtenir l'"Anklageschrift" dressé con-
tre Mohammed Abacha à Genève, dans le cadre d'une
instruction
ouverte sur plainte de la République du Nigeria.

B.- Le 20 octobre 2000, l'OFJ est entré en matière,
statuant lui-même en application de l'art. 79a EIMP, comme
il
l'avait déjà fait à propos d'une demande d'entraide judiciai-
re du Nigeria. Il a considéré que les faits décrits étaient
également punissables en droit suisse, le Juge d'instruction
genevois étant pour le surplus chargé d'exécuter la demande.

Le 2 novembre 2000, la banque fit savoir que le
compte débiteur des transferts était détenu par la société
T.________, et qu'aucun renseignement n'avait été donné par

la banque au sujet de la provenance des fonds. Des états de
compte et avis de débits étaient joints à l'envoi. Ceux-ci,
ainsi que le procès-verbal d'audience du 24 mai 2000 relatif
à l'inculpation de Mohammed Abacha, ont été transmis à l'OFJ
par le juge d'instruction le 6 novembre suivant.

Par ordonnance de clôture du 13 juin 2001, l'OFJ a
décidé de remettre à l'Etat requérant les documents précités.

C.- Mohammed Abacha et T.________ forment un recours
de droit administratif contre les décisions d'entrée en ma-
tière et de clôture. Ils en demandent l'annulation, ainsi
que
le rejet de la demande d'entraide, subsidiairement le renvoi
de la cause à l'OFJ pour nouvelle décision au sens des consi-
dérants.

L'OFJ conclut au rejet du recours dans la mesure où
il est recevable.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le recours est formé dans le délai utile contre
une ordonnance de clôture rendue par l'autorité fédérale en
vertu de l'art. 79a de la loi fédérale sur l'entraide inter-
nationale en matière pénale (EIMP, RS 351.1). Les recourants
peuvent agir simultanément contre la décision d'entrée en ma-
tière (art. 80g al. 1 EIMP). T.________ et Mohammed Sani
Abacha ont qualité pour recourir, la première contre la
transmission des documents relatifs à son compte bancaire
(art. 9a EIMP), le second contre la remise du procès-verbal
relatif à sa propre inculpation dans la procédure pénale
genevoise.

2.- Les recourants s'opposent à la transmission du
procès-verbal d'inculpation. L'autorité requérante fait état
des détournements commis par feu Sani Abacha, et d'un trans-

fert particulier de quelque 60 millions d'US$ sur le compte
de F.________, mais elle aurait omis d'indiquer en quoi
Mohammed Abacha pourrait être en relation avec ce versement.
On ne verrait pas, par conséquent, l'utilité de l'acte d'ac-
cusation dressé à Genève et, sur ce point, la demande serait
lacunaire. Les recourants relèvent qu'au stade de l'instruc-
tion, il ne saurait y avoir d'acte d'accusation (de la compé-
tence du Procureur général). La remise de l'acte d'inculpa-
tion ne correspondrait pas à la demande d'entraide, ni à la
décision d'entrée en matière.

a) La demande d'entraide n'est certes pas des plus
explicites en ce qui concerne la transmission de ce
document.
Son objet reste néanmoins parfaitement compréhensible.
E.________ est soupçonné d'avoir géré les fonds détournés
par
Sani Abacha, et il lui est reproché d'avoir participé à un
transfert de fonds dont l'origine est douteuse. Le recourant
Mohammed Abacha, fils de Sani Abacha, est lui aussi concerné
par ces soupçons, puisque les détournements auraient été com-
mis par le Général Abacha, ses proches et ses familiers. Il
est compréhensible que l'autorité requérante veuille connaî-
tre précisément ce qui lui est reproché en Suisse afin
d'être
complètement renseignée sur les fonds qui auraient pu être
blanchis à partir de ce pays. Cela s'inscrit dans le cadre
de
ses investigations, et n'apparaît ni abusif, ni dispropor-
tionné.

b) Il n'y a pas non plus de violation de l'art. 80a
EIMP. Cette disposition, selon laquelle l'autorité d'exécu-
tion procède aux actes d'entraide admis à l'occasion de la
décision d'entrée en matière, n'a pas pour effet de limiter
les recherches à ce qui est expressément prévu dans cette
première décision. Il arrive en effet fréquemment que des
renseignements soient découverts après coup, au gré des in-
vestigations de l'autorité d'exécution, et leur transmission
est admissible, pour autant qu'elle corresponde à la requête

de l'autorité étrangère et satisfasse au principe de la pro-
portionnalité. Tel est le cas en l'espèce: l'OFJ a ordonné
la
production de l'acte d'accusation alors qu'il ne connaissait
manifestement pas l'état d'avancement de la procédure gene-
voise. Dès lors qu'aucun acte d'accusation n'a encore été
dressé en vue du renvoi de l'inculpé devant l'autorité de
jugement, on peut raisonnablement supposer que l'autorité re-
quérante sera intéressée à la production de l'acte d'inculpa-
tion, qui donne l'état actuel des soupçons à l'encontre de
l'intéressé.

c) Les arguments tirés du droit d'être entendu et du
principe de la proportionnalité ne sont pas mieux fondés.
Ayant pris connaissance de la décision d'entrée en matière,
qui ordonne la production de l'acte d'accusation, le recou-
rant, parfaitement au courant de l'état de la procédure péna-
le dont il fait l'objet, était à même d'en déduire qu'à dé-
faut de mise en accusation formelle, le juge d'instruction
allait remettre son procès-verbal d'inculpation. En outre,
la
jurisprudence constante considère qu'une éventuelle
violation
du droit d'être entendu peut être réparée devant le Tribunal
fédéral, le recourant ayant eu à ce stade la faculté d'expo-
ser l'ensemble de ses objections (ATF 118 Ib 111 consid. 4
p.
120).

d) Quant au principe de la proportionnalité, il em-
pêche d'une part l'autorité requérante de demander des mesu-
res inutiles à son enquête et, d'autre part, l'autorité
d'exécution d'aller au-delà de la mission qui lui est
confiée
(ATF 121 II 241 consid. 3a). Saisi d'un recours contre une
décision de transmission, le juge de l'entraide se borne à
examiner si les renseignements à transmettre présentent, pri-
ma facie, un rapport avec les faits motivant la demande d'en-
traide. Il ne doit exclure de la transmission que les docu-
ments n'ayant manifestement aucune utilité possible pour les
enquêteurs étrangers (examen limité à l'utilité "potentiel-

le", ATF 122 II 367 consid. 2c p. 371). La jurisprudence ad-
met en outre qu'on peut interpréter une commission rogatoire
de manière extensive, s'il apparaît que cela correspond à la
volonté de son auteur et permet de prévenir une éventuelle
demande complémentaire (ATF 121 II 241 consid. 3a in fine).
Il faut toutefois qu'ainsi comprise, la mission que se recon-
naît l'autorité d'exécution satisfasse aux conditions posées
à l'entraide judiciaire (même arrêt).

Tel est le cas en l'espèce. A défaut d'acte d'accu-
sation, l'interprétation raisonnable de la demande permet de
penser que l'autorité requérante se contentera de l'acte
d'inculpation. On ne saurait du reste prétendre que la
remise
de l'acte d'inculpation va au-delà de l'entraide requise.
L'autorité requérante sollicite en effet la production de
l'"Anklageschrift", ce qui peut se comprendre aussi bien com-
me acte d'accusation que comme inculpation. Il n'y a pas de
risque que l'autorité étrangère méconnaisse la nature spéci-
fique de la décision d'inculpation, car il ressort suffisam-
ment clairement du procès-verbal d'audience qu'il s'agit non
pas d'une accusation au sens formel mais d'un simple exposé
des charges, à un stade déterminé de l'enquête, sans préjudi-
ce de la décision qu'une autorité de renvoi, puis de juge-
ment, pourrait un jour être appelée à rendre. Cette pièce
n'ayant pas le caractère définitif d'une condamnation, il
est
sans importance que sa validité soit contestée, en raison de
la demande de récusation dont son auteur a fait l'objet de
la
part du recourant. Celui-ci, invoquant la protection de sa
sphère privée et de son domaine secret, perd de vue que
l'acte d'accusation - respectivement d'inculpation - n'a pas
été requis en tant qu'élément formel de la procédure pénale,
mais à titre informatif, au sujet des charges recueillies en
Suisse à un certain stade de l'enquête. Le grief doit par
conséquent être écarté.

3.- a) A propos des renseignements bancaires concer-
nant T.________, les recourants se plaignent également d'un
exposé insuffisant de la demande d'entraide. Il ressort tou-
tefois de celle-ci qu'une série de versements ont été effec-
tués à partir du compte de la recourante, et sont soupçonnés
constituer des actes de blanchiment des fonds du clan
Abacha,
commis par E.________. Celui-ci n'aurait notamment pas été
en
mesure de démontrer qu'il connaissait la provenance des
fonds. Ces indications sont suffisantes, sans que l'autorité
requérante n'ait à les prouver.

b) Les recourants invoquent également en vain le
principe de la proportionnalité. Certes, l'autorité ne deman-
dait que l'interrogatoire du responsable de la banque au su-
jet des renseignements donnés par celle-ci sur la provenance
des fonds transférés. Toutefois, en fournissant l'identité
du
titulaire du compte ainsi que certains extraits, limités aux
opérations litigieuses, l'autorité d'exécution a interprété
la requête dans un sens raisonnable: l'identité du titulaire
du compte constitue un élément essentiel pour définir si les
fonds sont ou non de provenance douteuse, et juger du crédit
que l'on peut attribuer aux explications données par
E.________ concernant des commissions relatives à une opéra-
tion pétrolière.

4.- Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit
administratif doit être rejeté. Conformément à l'art. 156
al.
1 OJ, un émolument judiciaire est mis à la charge des recou-
rants, qui succombent.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours.

2. Met à la charge des recourants un émolument judi-
ciaire de 6000 fr.

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des recourants et à l'Office fédéral de la justice
(B 114025).

Lausanne, le 28 août 2001
KUR/col

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.119/2001
Date de la décision : 28/08/2001
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-08-28;1a.119.2001 ?
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