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24/08/2001 | SUISSE | N°2A.578/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 24 août 2001, 2A.578/2000


2A.578/2000
«AZA 1/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
************************************************

24 août 2001

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger, pré-
sident, Hartmann, Hungerbühler, Müller et Yersin. Greffière:
Mme Dupraz.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

les associations UNIA Fédération Interprofessionnelle des
Salariés (FIPS), à Lausanne, UNIA Syndicat Industrie & Bâ-
timent (SIB), à Zurich, et UNIA Syndicat de l'industrie, d

e
la construction et des services (FTMH), à Berne, toutes les
trois représentées par Me Jean-Michel Dolivo, ...

2A.578/2000
«AZA 1/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
************************************************

24 août 2001

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger, pré-
sident, Hartmann, Hungerbühler, Müller et Yersin. Greffière:
Mme Dupraz.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

les associations UNIA Fédération Interprofessionnelle des
Salariés (FIPS), à Lausanne, UNIA Syndicat Industrie & Bâ-
timent (SIB), à Zurich, et UNIA Syndicat de l'industrie, de
la construction et des services (FTMH), à Berne, toutes les
trois représentées par Me Jean-Michel Dolivo, avocat à Lau-
sanne,
contre

l'arrêt rendu le 13 novembre 2000 par le Tribunal administra-
tif du canton de Vaud, dans la cause qui oppose les recouran-
tes au Département de l'économie du canton de Vaud et à la
Société coopérative Migros Vaud, à Ecublens, représentée par
Me Lucien Masmejan, avocat à Lausanne;

(horaires de travail d'un magasin à Ouchy)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- En prévision de l'ouverture de son magasin à
Ouchy le 5 mai 1998, la Société coopérative Migros Vaud (ci-
après: la Migros) a demandé aux autorités lausannoises compé-
tentes un "permis de déplacement de limites de travail de
jour". Le 21 avril 1998, le Service social et du travail -
Inspection du travail de la Ville de Lausanne (ci-après: le
Service communal) a répondu que le magasin concerné pouvait
bénéficier des horaires d'ouverture prévus à l'art. 13 du rè-
glement du 13 juin 1967 sur les heures d'ouverture et de fer-
meture des magasins de la commune de Lausanne (ci-après: le
règlement communal) et qu'à ce titre, il était régi durant
la
période estivale (1er avril au 15 octobre) par les art. 41 à
44 de l'ordonnance II du 14 janvier 1966 concernant l'exécu-
tion de la loi fédérale sur le travail dans l'industrie,
l'artisanat et le commerce (Dispositions spéciales pour cer-
taines catégories d'entreprises ou de travailleurs) (ci-
après: l'ancienne ordonnance ou aOLT 2; RO 1966 p. 119) et
n'était pas soumis à autorisation.

A la suite de l'ouverture du magasin précité, les
associations UNIA Fédération Interprofessionnelle des Sala-
riés (FIPS), UNIA Syndicat Industrie & Bâtiment (SIB) et
UNIA
Syndicat de l'industrie, de la construction et des services
(FTMH) ont adressé différentes requêtes - concernant notam-
ment l'application de l'art. 41 aOLT 2 - au Service de l'em-
ploi du canton de Vaud (ci-après: le Service cantonal) puis,
en raison de sa réponse, au Service communal dont elles con-
testaient d'ailleurs la compétence. Elles ont recouru contre
les réponses du Service cantonal, du 11 mai 1998, et du Ser-
vice communal, du 8 juin 1998, auprès du Département de
l'économie du canton de Vaud (ci-après: le Département canto-
nal) qui les a déboutées par décision du 9 mars 1999.

B.- Par arrêt du 13 novembre 2000, le Tribunal admi-
nistratif du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal adminis-
tratif) a rejeté le recours des associations en cause contre
la décision du Département cantonal du 9 mars 1999 et confir-
mé cette décision. Il a été admis devant le Tribunal adminis-
tratif que le magasin litigieux se trouvait dans le quartier
d'Ouchy et qu'il fallait appliquer les dispositions de la lé-
gislation sur le travail entrées en vigueur le 1er août
2000.
Le Tribunal administratif a retenu en particulier que l'art.
25 al. 2 de l'ordonnance 2 du 10 mai 2000 relative à la loi
sur le travail (Dispositions spéciales pour certaines catégo-
ries d'entreprises ou de travailleurs) (ci-après: l'ordonnan-
ce ou OLT 2; RS 822.112) s'appliquait au quartier d'Ouchy.
Il
a aussi considéré que le magasin en cause offrait des pro-
duits susceptibles de satisfaire "aux besoins spécifiques
des
touristes".

C.- Agissant par la voie du recours de droit admi-
nistratif, les associations concernées demandent au Tribunal
fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt du
Tribunal administratif du 13 novembre 2000, voire de le ré-
former en ce sens que le magasin concerné ne soit pas autori-
sé à occuper des travailleurs le dimanche du 5 mai au 15 oc-
tobre (saison touristique). Elles se plaignent de violation
du droit fédéral et d'établissement manifestement incomplet
des faits pertinents. Elles reprochent notamment à
l'autorité
intimée d'avoir retenu une interprétation extensive du terme
"station". Elles estiment que le Tribunal administratif n'a
pas examiné la réalisation des conditions de l'art. 25 al. 2
in fine OLT 2 dans le cas du quartier d'Ouchy. Elles contes-
tent que le magasin litigieux réponde aux besoins
spécifiques
des touristes.

Le Tribunal administratif conclut au rejet du re-
cours. Le Département cantonal conclut au rejet du recours

sous suite de frais et dépens. La Migros conclut, sous suite
de frais et dépens, au rejet du recours et à la confirmation
de l'arrêt attaqué.

Le Département fédéral de l'économie (ci-après: le
Département fédéral) a déposé des observations.

D.- Par ordonnance du 16 janvier 2001, le Président
de la IIe Cour de droit public a rejeté la requête d'effet
suspensif, traitée comme requête de mesures provisoires, pré-
sentée par les recourantes.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et libre-
ment la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF
126
III 274 consid. 1 p. 275).

a) Déposé en temps utile et dans les formes prescri-
tes par la loi contre un arrêt rendu en dernière instance
cantonale et fondé sur le droit public fédéral, le présent
recours, qui ne tombe sous aucune des exceptions des art. 99
à 102 OJ, est en principe recevable en vertu des art. 97 ss
OJ ainsi que de la règle particulière de l'art. 57 de la loi
fédérale du 13 mars 1964 sur le travail dans l'industrie,
l'artisanat et le commerce (ci-après: la loi sur le travail
ou LTr; RS 822.11), dont les modifications adoptées le 20
mars 1998 et important en l'espèce sont entrées en vigueur
le
1er août 2000.

b) Selon les art. 58 al. 1 LTr et 103 lettres a et c
OJ, ont qualité pour recourir les employeurs et travailleurs
intéressés et leurs associations ainsi que toute personne
qui
justifie d'un intérêt direct.

D'après leurs statuts respectifs, les recourantes
défendent toutes les trois les intérêts matériels, profes-
sionnels, sociaux et culturels de leurs membres ou, plus gé-
néralement, des travailleurs et travailleuses de toutes pro-
fessions. De plus, elles sont ouvertes à toute personne acti-
ve dans le secteur tertiaire privé, en particulier dans la
vente ou le commerce, ou reconnaissant leurs objectifs. Il y
a donc lieu d'admettre qu'elles ont la qualité pour agir.

c) En principe, la qualité pour recourir suppose un
intérêt actuel à obtenir l'annulation de la décision atta-
quée. Le Tribunal fédéral fait toutefois abstraction de
cette
exigence lorsque la contestation peut se reproduire en tout
temps dans des circonstances identiques ou analogues, que sa
nature ne permet pas de la trancher avant qu'elle ne perde
son actualité et que, en raison de sa portée de principe, il
existe un intérêt public suffisamment important à la
solution
de la question litigieuse (ATF 125 II 497 consid. 1a/bb
p. 499/500; 118 Ib 1 consid. 2b p. 8). En l'espèce,
l'intérêt
actuel a disparu, puisque le présent litige trouve son origi-
ne dans l'horaire d'ouverture du magasin de la Migros à
Ouchy
pour l'été 1998. Comme ce magasin jouit régulièrement en été
de certaines dérogations, une situation analogue pourrait se
reproduire chaque année sans qu'une procédure de recours
puisse aboutir en temps utile. Dès lors, les conditions pré-
vues par la jurisprudence rappelée ci-dessus sont remplies
et
il y a lieu d'entrer en matière sur le fond.

2.- D'après l'art. 104 OJ, le recours de droit admi-
nistratif peut être formé pour violation du droit fédéral, y
compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (lettre
a) ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des
faits pertinents, sous réserve de l'art. 105 al. 2 OJ, (let-
tre b). Le Tribunal fédéral vérifie d'office l'application
du
droit fédéral, qui englobe notamment les droits constitution-
nels des citoyens (ATF 124 II 517 consid. 1 p. 519; 123 II

385 consid. 3 p. 388), sans être lié par les motifs invoqués
par les parties (art. 114 al. 1 in fine OJ). Il n'en laisse
pas moins une certaine liberté d'appréciation aux autorités
inférieures dans l'application de concepts légaux indétermi-
nés, en particulier lorsque des circonstances locales
doivent
être prises en considération. En raison de cette liberté
d'appréciation, il examine avec retenue les questions que
les
autorités inférieures ont pu trancher sur la base d'une meil-
leure connaissance des circonstances particulières locales,
techniques ou personnelles (ATF 119 Ib 254 consid. 2b
p. 265). Par ailleurs, lorsque le recours est dirigé, comme
en l'espèce, contre la décision d'une autorité judiciaire,
le
Tribunal fédéral est lié par les faits constatés dans cette
décision, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incom-
plets ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentiel-
les de procédure (art. 105 al. 2 OJ). En outre, le Tribunal
fédéral ne peut pas revoir l'opportunité de l'arrêt entre-
pris, le droit fédéral ne prévoyant pas un tel examen en la
matière (art. 104 lettre c ch. 3 OJ).

3.- La loi sur le travail consacre le principe de
l'interdiction de travailler le dimanche à son art. 18 al. 1
1ère phrase - dont la forme, mais non le fond, a été touchée
par la modification du 20 mars 1998 puisqu'il est interdit
maintenant d'occuper des travailleurs du samedi à 23 heures
au dimanche à 23 heures, pour prendre en compte la nouvelle
définition de la nuit découlant de l'art. 10 al. 1 LTr -
(cf., au sujet de la justification de ce principe, l'ATF 120
Ib 332 consid. 3a p. 333/334). Ce principe souffre cependant
des exceptions (cf. art. 19 al. 1 LTr). Ainsi, l'art. 19 al.
4 LTr habilite les autorités cantonales à autoriser le tra-
vail dominical temporaire à trois conditions; il faut qu'il
existe un besoin urgent dûment établi (art. 19 al. 3 1ère
phrase LTr), que l'employeur accorde une majoration de salai-
re de 50 % au travailleur (art. 19 al. 3 2e phrase LTr) et
que le travailleur affecté à ce travail y consente (art. 19

al. 5 LTr). Avant la modification du 20 mars 1998, l'art. 19
LTr contenait déjà de telles dispositions. Par ailleurs,
l'art. 27 al. 1 LTr prévoit que certaines catégories d'entre-
prises ou de travailleurs peuvent être soumises par voie
d'ordonnance à des dispositions spéciales remplaçant en tout
ou partie les art. 18 à 20 LTr notamment, dans la mesure où
leur situation particulière le rend nécessaire. Cette derniè-
re condition existait déjà avant la modification du 20 mars
1998, contrairement à ce qu'affirment les recourantes, le dé-
but du premier alinéa de l'art. 27 LTr ayant simplement été
modifié formellement et déplacé à la fin de cet alinéa.
Quant
à l'art. 27 al. 2 lettre c LTr - qui n'a pas subi de change-
ment -, il prévoit que de telles dispositions peuvent être
édictées notamment pour les entreprises qui satisfont aux be-
soins du tourisme ou de la population agricole.

C'est sur la base de l'art. 27 LTr que le Conseil
fédéral avait édicté l'ancienne ordonnance, dont les art. 41
à 44 étaient consacrés aux entreprises des régions touristi-
ques et des localités frontières. L'art. 41 aOLT 2 définis-
sait comme régions touristiques celles que mentionnait la lé-
gislation fédérale sur l'encouragement du crédit à l'hôtelle-
rie et aux stations de villégiature (al. 2) et il prévoyait
notamment de soustraire les magasins des régions
touristiques
et des localités frontières qui satisfaisaient aux besoins
du
tourisme, ainsi que leur personnel, à l'art. 19 al. 1 et 2
LTr (al. 1) et de leur appliquer en particulier en lieu et
place les art. 42 (déplacement des limites du travail de
jour) et 44 (travail du dimanche) aOLT 2 (al. 3). Ainsi,
sous
l'empire de l'ancienne ordonnance, dans les magasins susmen-
tionnés, l'employeur pouvait, sans autorisation officielle,
déplacer la limite supérieure du travail de jour jusqu'à
l'heure de fermeture fixée par les prescriptions en la matiè-
re - mais en tout cas pas au-delà de 22 heures et demie - et

ordonner de travailler le dimanche en tant que les prescrip-
tions sur la fermeture des magasins permettaient d'exploiter
ces entreprises.

C'est également sur la base de l'art. 27 LTr que le
Conseil fédéral a édicté l'ordonnance dont l'art. 25, consa-
cré aux entreprises situées en région touristique, dispose:

"1Pendant la saison touristique, sont applicables

aux entreprises situées en région touristique et
répondant aux besoins spécifiques des touristes,
ainsi qu'aux travailleurs qu'elles affectent au
service à la clientèle, l'art. 4 al. 2 pour tout le
dimanche, de même que les art. 8, 12, al. 1, et 14,
al. 1.

2Sont réputées entreprises situées en région tou-
ristique les entreprises situées dans des stations
proposant cures, sports, excursions ou séjours de
repos, pour lesquelles le tourisme joue un rôle
prépondérant tout en étant sujet à de fortes varia-
tions saisonnières."

L'art. 4 al. 2 OLT 2 prévoit que l'employeur peut,
sans autorisation officielle, occuper des travailleurs pen-
dant la totalité ou une partie du dimanche.

4.- a) Il faut tout d'abord déterminer si le quar-
tier d'Ouchy est une station proposant cures, sports, excur-
sions ou séjours de repos, au sens de l'art. 25 al. 2 OLT 2.

Le petit
dictionnaire Robert (éd. de 1996) donne
différentes définitions du terme station. Dans le contexte
de
l'art. 25 al. 2 OLT 2, il convient de retenir celle de lieu
de séjour où l'on prend les eaux, étant précisé que le dic-
tionnaire susmentionné cite un certain nombre d'expressions
où le terme station s'applique dans ce sens par analogie:
station balnéaire, climatique, de sports d'hiver, station
d'altitude, station à la mode. Il s'agit donc d'un mot qui
peut avoir un sens aussi général que les termes utilisés
dans

les versions allemande ("Ort") et italienne ("località") de
l'art. 25 al. 2 OLT 2. Dès lors, on ne saurait suivre les re-
courantes qui considèrent qu'il faut définir le terme
station
comme une localité isolée ou un ensemble de bâtiments cons-
truits hors de toute localité pour accueillir des touristes
en particulier en montagne. Comme le terme station a un sens
très large, les caractéristiques d'un tel endroit sont essen-
tielles, pour établir si une entreprise se trouve dans une
région touristique. En l'espèce, le quartier d'Ouchy
présente
trois des caractéristiques attachées par l'art. 25 al. 2 OLT
2 à la notion de station; celles-ci ne sont d'ailleurs pas
des conditions cumulatives. Ce quartier permet de pratiquer
des sports en particulier nautiques, d'effectuer des excur-
sions aussi bien dans des sites lausannois que sur le lac
Léman ou dans des cantons et pays voisins et enfin de faire
des séjours de repos notamment dans les hôtels se trouvant à
proximité du rivage. Dès lors, il y a lieu d'admettre que le
magasin de la Migros à Ouchy est situé dans une station pro-
posant certaines des occupations mentionnées à l'art. 25 al.
2 OLT 2.

b) Il convient alors d'établir si, pour le quartier
d'Ouchy, le tourisme joue un rôle prépondérant tout en étant
sujet à de fortes variations saisonnières, comme l'exige
l'art. 25 al. 2 OLT 2.

Le Tribunal administratif n'a pas procédé expressé-
ment à l'examen de ces deux conditions en ce qui concerne le
quartier d'Ouchy, mais principalement à propos du magasin li-
tigieux (cf. consid. 6 de l'arrêt entrepris, où l'autorité
intimée parle cependant de "la saison estivale durant laquel-
le Ouchy présente le plus d'attrait touristique").
Toutefois,
il ressort du consid. 4 de l'arrêt attaqué que le Tribunal
administratif l'a effectué implicitement. En effet, la des-
cription qu'il y a faite du quartier d'Ouchy met en évidence
les grandes possibilités d'accueil et d'hébergement de cet

endroit (établissements publics, en particulier hôtels, et
camping de Vidy proche d'Ouchy). En outre, le consid. 4 de
l'arrêt entrepris souligne l'attrait des terrasses et de
sports (nautiques) qu'on ne pratique qu'à la belle saison;
il
relève aussi les possibilités d'excursions en bateau de la
Compagnie Générale de Navigation sur le Lac Léman - qui
n'existent qu'en été, pratiquement de juin à septembre. Ain-
si, l'autorité intimée a admis, sans s'y référer, que les
conditions de l'art. 25 al. 2 OLT 2 relatives à la prépondé-
rance d'un tourisme - le texte allemand de cette disposition
parlant d'endroits "in denen der Fremdenverkehr von wesentli-
cher Bedeutung ist" et le texte italien de stations "per le
quali il turismo è particolarmente importante" - sujet à de
fortes variations saisonnières étaient remplies pour le quar-
tier d'Ouchy.

c) Vu ce qui précède, il y a lieu d'admettre que le
magasin litigieux est une entreprise située en région touris-
tique au regard de l'art. 25 al. 2 OLT 2.

5.- Reste à examiner si le magasin de la Migros à
Ouchy répond aux "besoins spécifiques des touristes", selon
les termes de l'art. 25 al. 1 OLT 2.

a) La législation applicable en l'espèce ne donne
pas de définition du "tourisme" ou du "touriste".

Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de s'exprimer à
ce sujet. Se fondant sur le dictionnaire Robert précité, il
a
retenu comme définition du tourisme le fait de voyager, de
parcourir pour son plaisir (pour se distraire, se cultiver,
etc.) un lieu autre que celui où l'on vit habituellement (mê-
me s'il s'agit d'un petit déplacement ou si le but principal
du voyage est autre). Il a considéré que les besoins en rela-
tion avec le tourisme comprenaient les besoins inhérents à
la
nature humaine, que les touristes doivent satisfaire où

qu'ils se trouvent comme les habitants du lieu d'ailleurs,
(tels que le besoin de nourriture et de boisson ou
d'hygiène)
ainsi que les besoins propres aux touristes, c'est-à-dire
ceux dont la satisfaction leur permet de voyager pour leur
plaisir, dans un but de divertissement, de culture, etc.
(tels que besoin d'un guide de voyage ou d'un produit du ter-
roir pouvant faire partie des souvenirs de vacances)(ATF 126
II 106 consid. 4 p. 109).

b) L'art. 27 al. 2 lettre c LTr parle d'entreprises
qui satisfont "aux besoins du tourisme". C'était également
le
cas de l'art. 41 al. 1 aOLT 2. Il y avait donc unité de ter-
minologie entre la loi sur le travail et sa réglementation
d'exécution jusqu'à l'entrée en vigueur, le 1er août 2000,
des nouvelles dispositions de la législation sur le travail.
Tel n'est plus le cas actuellement, puisque l'art. 25 al. 1
OLT 2 parle d'entreprises "répondant aux besoins spécifiques
[souligné par le Tribunal fédéral] des touristes".

Le Tribunal fédéral a indiqué ce qu'il fallait en-
tendre par satisfaction des besoins du tourisme, au sens de
l'art 27 al. 2 lettre c LTr et de l'art. 41 al. 1 aOLT 2.
Dans un premier arrêt (ATF 126 II 106 consid. 5a et 5b
p. 109/110), il a mis l'accent sur les produits satisfaisant
aux besoins caractéristiques des touristes, soit sur la se-
conde catégorie de biens susmentionnés, en raison des parti-
cularités du litige. Dans un deuxième arrêt (arrêt non
publié
du 30 juin 2000 en la cause association UNIA, syndicat du
secteur tertiaire contre JU, Tribunal cantonal, et la
société
Coop Neuchâtel-Jura, consid. 5a et 5b), il a précisé que cet-
te catégorie de produits n'entrait pas seule en ligne de
compte dans l'application des dispositions d'exécution de la
loi sur le travail et il a admis, compte tenu des circonstan-
ces du cas, que des articles de première nécessité pouvaient
satisfaire aux besoins du tourisme et justifier
l'application
du régime dérogatoire des art. 41 à 44 aOLT 2.

Reste à savoir si cette jurisprudence est encore va-
lable au regard des dispositions de la législation sur le
travail entrées en vigueur le 1er août 2000, autrement dit
si
les notions de "satisfaction des besoins du tourisme" et de
"réponse aux besoins spécifiques des touristes" sont équiva-
lentes.

c) La modification terminologique des dispositions
d'application de la loi sur le travail n'est pas significati-
ve. D'une part, en l'absence d'un changement de la disposi-
tion légale sur la base de laquelle l'ordonnance a été édic-
tée, on ne saurait admettre qu'une modification importante
soit apportée par la réglementation d'exécution. D'autre
part, devant l'autorité intimée, le Département fédéral de
l'économie a expliqué que l'origine du terme "spécifique"
utilisé à l'art. 25 al. 1 OLT 2 devait être recherchée dans
une circulaire relative à la loi sur le travail édictée en
octobre 1997 par l'Office fédéral de l'industrie, des arts
et
métiers et du travail qui distinguait les entreprises répon-
dant effectivement aux besoins des touristes des magasins sa-
tisfaisant principalement ou uniquement aux besoins de la po-
pulation locale. Vu ces explications - qui paraissent cohé-
rentes -, l'adjectif "spécifique" employé à l'art. 25 al. 1
OLT 2 n'a pas pour but d'établir une distinction entre deux
sortes de besoins des touristes: ceux qui seraient spécifi-
ques au tourisme et ceux qui ne le seraient pas. En effet,
la
législation applicable ici n'indique pas que seule une des
deux catégories de produits précités devrait être prise en
compte à l'exclusion de l'autre. Elle n'exige pas non plus
que les diverses sortes de biens susmentionnés soient
offerts
simultanément pour admettre une dérogation au principe géné-
ral de l'interdiction du travail dominical. Elle ne contient
donc pas de conditions cumulatives quant aux genres de pro-
duits offerts aux touristes. Il en résulte que le terme "spé-
cifique" dans l'expression "répondant aux besoins
spécifiques
des touristes" - soit, dans le texte allemand de l'art. 25

al. 1 OLT 2, "die der Befriedigung spezifischer Bedürfnisse
der Touristen dienen" et, dans la version italienne de cette
disposition, "rispondenti ai bisogni specifici dei turisti"
-
doit être pris dans un sens large. Il qualifie les besoins
liés à la personne des touristes, mais pas les besoins exclu-
sifs des touristes par opposition à ceux de la population lo-
cale.

Vu ce qui précède, on peut considérer que l'art. 25
al. 1 OLT 2 n'a pas apporté de modification matérielle par
rapport à l'art. 41 al. 1 aOLT 2, quant aux besoins des tou-
ristes à prendre en compte, de sorte que la jurisprudence
rendue avant l'entrée en vigueur, le 1er août 2000, des nou-
velles dispositions de la législation sur le travail garde
toute sa valeur.

6.- a) La Migros a versé au dossier du Département
cantonal une liste des articles offerts dans le magasin liti-
gieux. Elle a divisé l'assortiment proposé en deux catégo-
ries: produits alimentaires et non-alimentaires. La première
catégorie se compose de boissons, de bonbons/confiserie, de
boulangerie/pâtisserie, de chocolat, de "convenience" - com-
prenant notamment des aspics, des canapés, des pâtés, du pou-
let rôti, des salades et des sandwichs -, de glaces, de
fruits et légumes, de pique-nique - comprenant notamment de
la charcuterie, de la viande à griller, du fromage, des
oeufs
teints, des chips et du bircher - ainsi que de spécialités
suisses. La seconde catégorie se compose de jouets, d'arti-
cles de pique-nique/camping/voyage/dépannage - comprenant no-
tamment des cartes, des guides touristiques, des produits hy-
giéniques, du matériel de pique-nique ou de camping et des
produits de lessive - ainsi que de spécialités suisses. Les
associations recourantes, quant à elles, ont produit devant
le Département cantonal une liste d'achats accompagnée d'un
ticket de caisse tendant à prouver que le magasin en cause
vend différents articles de nettoyage et d'entretien.

b) Il ressort de ce qui précède qu'en dépit de sa
surface modeste, le magasin litigieux a un assortiment de
produits axé principalement, sinon exclusivement, sur les be-
soins spécifiques des touristes. En effet, en plus des arti-
cles qui intéressent essentiellement les touristes (guides
touristiques, cartes géographiques, cartes postales, appa-
reils photographiques, films et couteaux suisses), ce
magasin
offre tout un éventail de spécialités gastronomiques suisses
ainsi qu'un grand choix de produits alimentaires faciles à
consommer en pique-nique ou appréciés des campeurs. De plus,
des touristes ne séjournant pas à l'hôtel mais qui fréquen-
tent le quartier d'Ouchy, parce qu'ils font peut-être partie
des campeurs de Vidy ou des plaisanciers naviguant sur le
lac
Léman, peuvent rechercher des produits de première nécessité
au nombre desquels figurent les articles de nettoyage ou
d'entretien.

Peu importe que le magasin de la Migros à Ouchy at-
tire aussi une certaine clientèle locale. En effet, l'art.
25
al. 1 OLT 2 n'exige pas que les entreprises qu'il vise
s'adressent exclusivement aux touristes. Au demeurant, le
Tribunal administratif a retenu que la proportion du chiffre
d'affaires réalisé auprès des titulaires d'une carte de fidé-
lité était plus faible dans le magasin litigieux que dans
les
autres magasins de la Migros. Il a considéré que c'était un
indice - qui, comme tel, n'a pas à faire l'objet d'une ins-
truction particulière - que la clientèle de passage, notam-
ment étrangère, était plus importante dans le magasin en
question ici. Par ailleurs, le chiffre d'affaires hebdomadai-
re de ce magasin s'avère nettement plus élevé en été qu'en
hiver, même si on le calcule en se fondant sur un horaire
unique pour toute l'année - soit en faisant abstraction du
chiffre d'affaires réalisé en été le soir et le dimanche.
C'est également un signe permettant d'admettre que la clien-

tèle touristique du magasin litigieux est spécialement impor-
tante et que les articles offerts visent à répondre à ses
besoins.

Dès lors, il apparaît que le magasin de la Migros à
Ouchy répond aux besoins spécifiques des touristes au sens
de
l'art. 25 al. 1 OLT 2.

7.- Compte tenu de l'ensemble des circonstances, en
particulier des diverses catégories de touristes fréquentant
le quartier d'Ouchy, le Tribunal administratif n'a pas violé
le droit fédéral ni établi les faits pertinents de manière
manifestement inexacte ou incomplète, de sorte que le
recours
doit être rejeté.

Succombant, les recourantes doivent supporter les
frais judiciaires (art. 156 al. 1, 153 et 153a OJ) et n'ont
pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

La Migros a droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).
Il n'y a pas lieu de donner suite à la demande de dépens pré-
sentée par le Département cantonal (art. 159 al. 2 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours.

2. Met à la charge des recourantes, solidairement
entre elles, un émolument judiciaire de 2'000 fr.

3. Met à la charge des recourantes, débitrices soli-
daires, une indemnité de 2'000 fr. à verser à la Société coo-
pérative Migros Vaud, à titre de dépens.

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties, au Département de l'économie et au Tribu-
nal administratif du canton de Vaud, ainsi
qu'au Département
fédéral de l'économie.

Lausanne, le 24 août 2001
DAC/elo

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.578/2000
Date de la décision : 24/08/2001
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-08-24;2a.578.2000 ?
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