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23/08/2001 | SUISSE | N°I.699/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 23 août 2001, I.699/00


«AZA 7»
I 699/00 Kt

IIe Chambre

composée de MM. les Juges fédéraux Lustenberger, Président,
Meyer et Ferrari; Frésard, Greffier

Arrêt du 23 août 2001

dans la cause

P.________, recourant, représenté par Me Jean-Bernard
Waeber, avocat, rue d'Aoste 1, 1204 Genève,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
avenue Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- P.________, né en 1946,

travaillait en qualité
d'ouvrier au service de la Commune X.________ depuis le
1er juillet 1980. Il était responsable de la décharg...

«AZA 7»
I 699/00 Kt

IIe Chambre

composée de MM. les Juges fédéraux Lustenberger, Président,
Meyer et Ferrari; Frésard, Greffier

Arrêt du 23 août 2001

dans la cause

P.________, recourant, représenté par Me Jean-Bernard
Waeber, avocat, rue d'Aoste 1, 1204 Genève,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
avenue Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- P.________, né en 1946, travaillait en qualité
d'ouvrier au service de la Commune X.________ depuis le
1er juillet 1980. Il était responsable de la décharge
municipale. Les rapports de travail ont été résiliés par
l'employeur en 1995 pour raisons de santé. L'employé a été
mis au bénéfice d'une rente d'invalidité de la Caisse in-
tercommunale de pensions dès le 1er août 1995.

Le 20 juin 1995, P.________ a présenté une demande de
prestations de l'assurance-invalidité. Entre autres mesures
d'instruction, l'Office de l'assurance-invalidité du canton
de Vaud a confié une expertise à la Policlinique médicale
universitaire, Centre médical d'observation de l'assurance-
invalidité (COMAI), à Lausanne. Dans un rapport du 19 juin
1996, les docteurs M.________, médecin-chef, et J.________,
chef de clinique adjoint, tous deux au service de cet éta-
blissement, ont posé le diagnostic de rachialgies sur lé-
gers troubles statiques et dégénératifs pluri-étagés, ainsi
que de troubles somatoformes douloureux et état anxio-dé-
pressif modéré chez une personnalité mal structurée. Les
troubles statiques et dégénératifs du rachis pouvaient
limiter les travaux lourds (déplacement de «containers»
pleins). En revanche, l'assuré était apte à travailler avec
un trax et à effectuer des travaux de surveillance d'une
décharge. Sa capacité de travail était de 75 pour cent dans
son activité antérieure d'ouvrier au service de la commune
X.________. Sur le plan psychiatrique, les troubles somato-
formes douloureux, l'état anxio-dépressif et la personnali-
té mal structurée pouvaient représenter des obstacles à la
reprise d'une activité professionnelle. Toutefois, dans
l'activité susmentionnée, une reprise à 75 pour cent pa-
raissait exigible aux yeux des experts. Ceux-ci notaient
enfin que, compte tenu de cette personnalité mal structu-
rée, une prise en charge psychiatrique n'était pas envisa-
geable, ce qui rendait le pronostic à long terme défavora-
ble.
Se fondant sur cette expertise, l'office de l'assuran-
ce-invalidité, par décision du 29 janvier 1997, a rejeté la
demande de prestations. Saisi d'un recours de l'assuré, le
Tribunal des assurances du canton de Vaud l'a partiellement
admis par jugement du 29 mai 1997 en annulant la décision
litigieuse et en renvoyant la cause à l'office de l'assu-
rance-invalidité pour complément d'instruction sur la capa-
cité de l'assuré à être réadapté.

B.- A la suite de ce jugement, l'office de l'assuran-
ce-invalidité a fait suivre à l'assuré un stage au Centre
d'observation professionnelle de l'assurance-invalidité
(COPAI), à Genève, du 20 avril au 15 mai 1998. D'après les
conclusions d'un rapport établi par ce centre le 9 juin
1998, l'assuré n'est pas susceptible d'être réadapté en
raison de son inaptitude au travail liée notamment à ses
capacités physiques (instabilité des positions; mauvaise
position assise; rendements insuffisants et non suscepti-
bles d'amélioration; impossibilité de suivre le rythme
imposé par une machine; manque de résistance; limitation du
port de charges à 5 - 10 kg). A cela s'ajoute que l'inté-
ressé a un faible bagage intellectuel et scolaire et qu'il
dispose de capacités d'abstraction limitées. Le médecin-
conseil du COPAI, le docteur L.________, a pour sa part
exprimé l'avis que «le pronostic de cette affection (psy-
chique) chronicisée depuis plus de quatre ans est très
sombre» et qu'il paraissait donc totalement illusoire d'en-
visager une reprise d'activité (rapport du 15 juin 1998).
Par une nouvelle décision, du 30 avril 1999, l'office
de l'assurance-invalidité a cependant rejeté la demande de
prestations, au motif que l'assuré disposait d'une capacité
de travail de 75 pour cent, conformément aux conclusions du
COMAI.

C.- B.________ a recouru contre cette décision.
Par lettre du 26 juillet 1999, le juge délégué a posé
des questions complémentaires à la Policlinique médicale
universitaire de Lausanne. L'assuré a été soumis dans cet
établissement à un examen clinique le 14 décembre 1999,
ainsi qu'à un examen psychiatrique (consilium de la docto-
resse M.________ du 2 février 2000) et à un examen rhuma-
tologique (consilium du professeur G.________ du même
jour). La policlinique a établi un rapport détaillé le
14 avril 2000. En réponse à diverses questions posées par
le tribunal, les auteurs de ce rapport constatent que,

depuis mars 1996, l'évolution de l'état de santé de l'as-
suré est plutôt défavorable avec aggravation d'un état dé-
pressif sous-jacent associé à des troubles somatoformes
douloureux et somatisations multiples. Le taux d'incapacité
de travail de 25 pour cent attesté précédemment ne peut pas
être confirmé, en raison de l'estimation faite par l'ex-
pert-psychiatre et sur le vu des conclusions du rapport de
l'expert en rhumatologie. En effet, malgré l'absence d'ag-
gravation des troubles somatiques, il existe une surcharge
fonctionnelle encore plus importante. De ce fait, le taux
d'incapacité de travail est de 100 pour cent, à partir du
mois de juin 1998.
Statuant le 19 juillet 2000, le tribunal des assuran-
ces a rejeté le recours porté devant lui.

D.- B.________ interjette un recours de droit adminis-
tratif dans lequel il conclut à l'annulation du jugement
cantonal et à l'allocation d'une rente entière d'invalidité
à partir du 1er septembre 1995. Subsidiairement, il conclut
au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle
décision.
L'office de l'assurance-invalidité conclut au rejet du
recours. Quant à l'Office fédéral des assurances sociales,
il ne s'est pas déterminé à son sujet.

Considérant en droit :

1.- Selon l'art. 28 al. 1 LAI, l'assuré a droit à une
rente entière s'il est invalide à 66 2/3 % au moins, à une
demi-rente s'il est invalide à 50 % au moins, ou à un quart
de rente s'il est invalide à 40 % au moins; dans les cas
pénibles, l'assuré peut, d'après l'art. 28 al. 1bis LAI,
prétendre une demi-rente s'il est invalide à 40 % au moins.
Selon l'art. 28 al. 2 LAI, pour l'évaluation de l'in-
validité, le revenu du travail que l'invalide pourrait

obtenir en exerçant l'activité qu'on peut raisonnablement
attendre de lui, après exécution éventuelle de mesures de
réadaptation et compte tenu d'une situation équilibrée du
marché du travail, est comparé au revenu qu'il aurait pu
obtenir s'il n'était pas invalide.

2.- Les premiers juges considèrent que le rapport
complémentaire de la policlinique médicale universitaire du
14 avril 2000 ne fait pas état d'une aggravation détermi-
nante des troubles de santé de l'assuré, que ce soit sur le
plan physique ou psychique, par rapport aux constatations
antérieures du COMAI. En effet, le docteur G.________ con-
firme globalement le taux d'incapacité de travail fixé an-
térieurement (25 pour cent), sous réserve d'une forte sur-
charge fonctionnelle. Quant à la doctoresse Z.________, son
diagnostic est superposable au diagnostic posé en 1996,
sauf à relever une souffrance plus marquée de l'intéressé.
Aussi bien, toujours selon les premiers juges, la fixation
à 100 pour cent du taux d'incapacité de travail dans le se-
cond rapport de la policlinique médicale n'emporte pas la
conviction. En réalité, le recourant est à même de mettre
en valeur sa capacité de gain à raison de 75 pour cent. En
ce qui concerne les conclusions du COPAI, la juridiction
cantonale retient qu'il n'est pas établi que l'incapacité
de gain reconnue par les spécialistes de la réadaptation
professionnelle soit en relation de causalité avec une
atteinte à la santé : il apparaît au contraire que des
facteurs inhérents à la personnalité de l'assuré jouent un
rôle prédominant.

a) Le juge des assurances sociales doit examiner de
manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en
soit la provenance, puis décider si les documents à dispo-
sition permettent de porter un jugement valable sur le
droit litigieux. Si les rapports médicaux sont contradic-
toires, il ne peut liquider l'affaire sans apprécier l'en-

semble des preuves et sans indiquer les raisons pour les-
quelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur
une autre. C'est ainsi qu'il importe, pour conférer pleine
valeur probante à un rapport médical, que les points liti-
gieux aient fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le
rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne
également en considération les plaintes exprimées par la
personne examinée, qu'il ait été établi en pleine connais-
sance de l'anamnèse, que la description du contexte médical
et l'appréciation de la situation médicale soient claires
et enfin que les conclusions du médecin soient dûment moti-
vées. Au demeurant, l'élément déterminant pour la valeur
probante n'est ni l'origine du moyen de preuve ni sa dési-
gnation comme rapport ou comme expertise, mais bel et bien
son contenu (ATF 125 V 352 consid. 3a et les références).
Ces principes, développés à propos de l'assurance-acci-
dents, sont applicables à l'instruction des faits d'ordre
médical dans toutes les branches d'assurance sociale
(Spira, La preuve en droit des assurances sociales, in
Mélanges en l'honneur de Henri-Robert Schüpbach, Bâle 2000
p. 268).

b) Contrairement à l'avis des premiers juges, on ne
voit pas de motif de mettre en doute la crédibilité des
conclusions du rapport du 14 avril 2000. Ce document a été
établi après un examen complet du patient et en connais-
sance de l'ensemble du dossier de la cause. Il n'y a pas de
contradiction avec le rapport établi précédemment par le
COMAI et dont les auteurs attestaient une capacité de tra-
vail de 75 pour cent. Le second rapport fait état, contrai-
rement aux constatations du jugement attaqué, d'une réelle
aggravation de l'état de santé du recourant. Sur le plan
psychique notamment, les raisons de cette aggravation sont
explicitées dans le corps du rapport : depuis 1996, l'évo-
lution est marquée par une chronicité des troubles associée
à l'apparition de plaintes somatiques multiples ainsi qu'à

l'absence de modification des symptômes sous traitement.
C'est ainsi au terme d'une étude minutieuse que les auteurs
du rapport du 14 avril 2000 sont arrivés à la conclusion
que l'incapacité de travail de l'assuré était de 100 pour
cent depuis le mois de juin 1998. Ce rapport répond au
demeurant aux critères formels permettant de lui attribuer
une valeur probante.
Cette valeur probante se trouve encore renforcée si
l'on considère que le médecin-conseil du COPAI, le docteur
L.________, s'était auparavant exprimé dans le même sens
(rapport du 15 juin 1998) et que le rapport établi en 1996
par le COMAI laissait présager l'évolution défavorable
relatée ci-dessus.
Il convient en outre de relever que cette évolution
est corroborée par les constatations faites par le COPAI au
terme du stage suivi par l'assuré. Les informations re-
cueillies à cette occasion complètent en l'occurrence uti-
lement les données médicales en montrant, concrètement, que
le recourant n'est plus à même de mettre en valeur de ma-
nière significative une capacité de travail et de gain sur
le marché du travail (voir au surplus, à propos du rôle des
COPAI pour l'évaluation de l'invalidité : L'instruction
des possibilités de gain des personnes prétendant une ren-
te, compte-rendu d'une séance du 10 novembre 1989 consacrée
aux problèmes de l'expertise médicale et professionnelle,
RCC 1990 p. 59 ss; Karl Abegg, Coup d'oeil sur l'activité
des centres d'observation professionnelle de l'AI [COPAI],
RCC 1985, p. 246 ss).
Enfin, on ne voit pas quel facteur inhérent à la per-
sonne de l'assuré - et étranger à l'invalidité - prédomine-
rait dans le cas d'espèce. Concrètement, les premiers juges
n'en mentionnent aucun. Le rapport du COPAI indique certes,
comme cause d'inaptitude au travail, le faible bagage in-
tellectuel et scolaire de l'assuré et son manque de capaci-
té d'abstraction. Mais ces éléments paraissent tout à fait
secondaires par rapport aux autres causes indiquées dans ce

même rapport et qui sont, quant à elles, directement liées
aux capacités physiques de l'intéressé.

c) En conclusion, sur la base des données médicales et
professionnelles concordantes dont on dispose, on doit
admettre que le recourant présente une incapacité de tra-
vail et de gain pratiquement totale depuis le mois de juin
1998. Il convient, dès lors, de renvoyer la cause à l'offi-
ce de l'assurance-invalidité pour qu'il fixe le début du
droit à la rente du recourant, conformément à l'art. 29
al. 1 LAI, ainsi que son montant.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis et le jugement du Tribunal des
assurances du canton de Vaud du 19 juillet 2000, ainsi
que la décision de l'Office de l'assurance-invalidité
du canton de Vaud du 30 avril 1999, sont annulés.

II. La cause est renvoyée à cet office pour qu'il procède
conformément aux considérants.

III. Il n'est pas perçu de frais de justice.

IV. L'Office de l'assurance-invalidité du canton de Vaud
versera au recourant une indemnité de 2500 fr. (y
compris la taxe à la valeur ajoutée) à titre de dépens
pour l'instance fédérale.

V. Le tribunal cantonal des assurances statuera à nouveau
sur les dépens de l'instance
cantonale, au regard de
l'issue définitive du procès de dernière instance.

VI. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 23 août 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.699/00
Date de la décision : 23/08/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-08-23;i.699.00 ?
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