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23/08/2001 | SUISSE | N°6S.309/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 23 août 2001, 6S.309/2001


«/2»
6S.309/2001/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

23 août 2001

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
M. Wiprächtiger et M. Kolly, Juges. Greffier: M. Denys.
______________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

A.________, représentée par Me Christian Favre, avocat à
Sion,

contre

le jugement rendu le 29 mars 2001 par la Cour d'appel
pénale II du Tribunal cantonal valaisan dans la cause qu

i
oppose la recourante au Ministère public du canton du
V a l a i s;

(escroquerie; incendie intentionnel;
fixa...

«/2»
6S.309/2001/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

23 août 2001

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
M. Wiprächtiger et M. Kolly, Juges. Greffier: M. Denys.
______________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

A.________, représentée par Me Christian Favre, avocat à
Sion,

contre

le jugement rendu le 29 mars 2001 par la Cour d'appel
pénale II du Tribunal cantonal valaisan dans la cause qui
oppose la recourante au Ministère public du canton du
V a l a i s;

(escroquerie; incendie intentionnel;
fixation de la peine)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par jugement du 29 mars 2001, modifiant par-
tiellement le jugement rendu le 17 mai 1999 par le Tri-
bunal du IIe arrondissement pour le district de Sierre,
la Cour d'appel pénale II du Tribunal cantonal valaisan
a reconnu A.________, née en 1961, coupable d'escroquerie
par métier (art. 146 al. 2 CP), de complicité d'escroque-
rie par métier (art. 25 et 146 al. 2 CP) et d'incendie
intentionnel (art. 221 al. 1 CP). Elle l'a condamnée à
vingt-quatre mois de réclusion.

Par le même jugement, la Cour d'appel a aussi
condamné son ancien époux B.________, dont elle est
divorcée depuis le 30 août 1999, ainsi que divers membres
de la famille de celui-ci.

B.- A.________ se pourvoit en nullité au Tribunal
fédéral contre ce jugement. Elle conclut à son annulation
et sollicite par ailleurs l'assistance judiciaire.

Invité à se déterminer, le Ministère public n'a pas
réagi.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Le pourvoi ne peut être formé que pour vio-
lation du droit fédéral et non pour violation directe
d'un droit de rang constitutionnel (art. 269 PPF).

La Cour de cassation n'est pas liée par les motifs
nvoqués, mais elle ne peut aller au-delà des conclusions
de la recourante (art. 277bis PPF). Les conclusions
devant être interprétées à la lumière de leur motivation
(ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66 et les arrêts cités), la
recourante a circonscrit les points litigieux.

Le pourvoi n'est pas ouvert pour se plaindre de
l'appréciation des preuves et des constatations de fait
qui en découlent (ATF 124 IV 81 consid. 2a p. 83). Sous
réserve de la rectification d'une inadvertance manifeste,
la Cour de cassation est liée par les constatations de
fait de l'autorité cantonale (art. 277bis al. 1 PPF). Il
ne peut être présenté de griefs contre celles-ci, ni de
faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 273 al. 1
let. b PPF). Dans la mesure où l'argumentation de la
recourante serait fondée sur des faits qui ne sont pas
constatés dans le jugement attaqué, il n'est pas possible
d'en tenir compte. Le raisonnement juridique doit donc
être mené sur la base des faits retenus dans la décision
attaquée, dont la recourante est irrecevable à s'écarter
(ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66/67 et les arrêts cités).

Le mémoire de recours doit mentionner les motifs à
l'appui des conclusions prises; il doit succinctement
indiquer quelles sont les règles de droit fédéral violées
et en quoi consiste cette violation (art. 273 al. 1 let.
b PPF); un renvoi à d'autres écritures ou à des pièces du
dossier n'est pas admissible (ATF 123 IV 42 consid. 3a
p. 46). Les griefs prohibés, notamment ceux fondés sur un
autre état de fait que celui reproduit dans la décision
attaquée, et les griefs dont la motivation ne correspond
pas aux exigences légales, ne sont pas examinés (ATF 123
IV 42 consid. 3a p. 46; 118 IV 293 consid. 2b p. 295; 106
IV 338 consid. 1 p. 340); leur irrecevabilité n'entraîne
toutefois pas l'irrecevabilité du pourvoi dans son entier

si, par ailleurs, le mémoire contient au moins un grief
admissible correctement motivé (cf. Corboz, Le pourvoi en
nullité à la Cour de cassation du Tribunal fédéral, SJ
1991 p. 84 s.; Schweri, Eidgenössische Nichtigkeits-
beschwerde in Strafsachen, Berne 1993, n. 476, p. 151).

b) Lorsqu'un pourvoi, respectivement un grief
contenu dans le pourvoi, est manifestement infondé ou
bien fondé, la motivation peut être sommaire, voire
simplement renvoyer aux motifs de la décision attaquée
(art. 275bis PPF; art. 36a OJ).

2.- Dans un premier grief fondé sur l'art. 277
PPF, la recourante prétend que le jugement attaqué est
entaché de vices tels qu'il est impossible de constater
de quelle façon le droit fédéral a été appliqué. L'art.
277 PPF ne fonde toutefois pas un moyen de nullité auto-
nome, mais s'applique uniquement lorsque le pourvoi est
formé pour violation du droit pénal matériel (ATF 117
Ia 1 consid. 1b p. 2). Le grief soulevé est donc irre-
cevable.

3.- La recourante se plaint d'une violation de
l'art. 221 al. 1 CP en relation avec l'incendie qui, le
30 août 1989, a partiellement détruit une construction en
bois servant d'habitation à sa famille. A titre de moti-
vation, elle allègue brièvement que l'autorité cantonale,
dans la partie "faits" du jugement, n'a pas établi à
satisfaction de droit la réalisation des éléments consti-
tutifs objectifs de l'incendie intentionnel, qu'elle ne
s'est pas prononcée sur la question de savoir à qui doit
être imputé le comportement délictueux, qu'elle n'indique
pas si l'incendie a porté préjudice à autrui ou fait
naître un danger collectif.

a) A titre liminaire, il sied de rappeler qu'un
jugement forme un tout. On ne saurait donc tirer argument
de ce qu'une question déterminée soit traitée dans une
partie du jugement plutôt que dans une autre. En particu-
lier, que le jugement distingue ou non une partie "faits"
et une partie "droit" et que les faits de la cause con-
testés soient discutés et établis dans l'une ou dans
l'autre de ces parties est bien évidemment sans perti-
nence aucune pour ce qui concerne le contrôle de l'appli-
cation du droit fédéral.

Il ressort du jugement attaqué, qui renvoie pour
partie au jugement du Tribunal d'arrondissement, que la
Cour d'appel a notamment constaté en fait ce qui suit:

Le 30 août 1989, un incendie a détruit une cons-
truction en bois servant d'habitation à la famille de la
recourante. Le feu a été bouté par la recourante et sa
belle-mère, d'entente avec son mari. Les deux femmes ont
déposé une éponge imprégnée d'essence à proximité d'une
plaque électrique enclenchée. La recourante a par ce
stratagème intentionnellement provoqué un incendie et
porté préjudice à l'assurance du bâtiment, qui a versé
77'000 francs.

Une partie de ce que la recourante allègue à titre
de motivation de son grief se révèle ainsi être tout
simplement faux.

b) A teneur de l'art. 221 al. 1 CP, celui qui,
intentionnellement, aura causé un incendie et aura ainsi
porté préjudice à autrui ou fait naître un danger col-
lectif sera puni de la réclusion. La notion d'incendie,
contenue à l'article 221 CP, vise un feu d'une telle
ampleur qu'il ne peut plus être éteint par celui qui l'a
allumé; savoir si le feu a pris une telle importance

relève des constatations de fait (ATF 117 IV 285 consid.
2a p. 285).

Les constatations sur le comportement de la recou-
rante sont suffisantes pour retenir qu'elle a intention-
nellement causé un incendie, agissant comme coauteur avec
sa belle-mère et son mari; que l'autorité cantonale n'ait
pas distingué les actes des deux femmes agissant ensemble
est sans pertinence.

c) Pour que l'infraction prévue par l'art. 221 al.
1 CP soit réalisée, il ne suffit toutefois pas que l'au-
teur ait intentionnellement causé un incendie; cette
disposition prévoit en effet un élément supplémentaire
sous une forme alternative: soit l'auteur a causé ainsi
un préjudice à autrui, soit il a fait naître un danger
collectif (ATF 117 IV 285 consid. 2a p. 286).

aa) Par préjudice à autrui, il faut entendre le
dommage patrimonial causé à un tiers et résultant direc-
tement des dégâts commis à la chose incendiée; cette
limitation découle de ce que l'incendie intentionnel est
considéré comme un cas qualifié de dommages à la pro-
priété (cf. art. 144 CP). Ainsi, si la chose incendiée
appartient à l'auteur de l'incendie ou que celui-ci
consent à ce que sa chose soit incendiée, il n'y a pas
de préjudice à autrui; il n'en va différemment que si une
autre personne titulaire d'un droit réel restreint sur la
chose incendiée est atteinte dans ce droit. L'assureur
qui verse des prestations suite à l'incendie ne subit pas
de préjudice au sens de l'art. 221 CP (ATF 107 IV 182
consid. 2b p. 182 ss). Il s'ensuit que la personne qui
brûle ou fait brûler sa maison franche de droits réels
restreints ne cause pas de préjudice à autrui, même si
elle obtient de la sorte des prestations indues de l'as-
surance (cf. Corboz, Les principales infractions II,

Berne 1999, art. 221 CP no 17 ss; Rehberg, Strafrecht IV,
2e éd., Zurich 1996, p. 31; Stratenwerth, Schweizerisches
Strafrecht, Besonderer Teil II, 5e éd., Berne 2000, § 28
no 10 ss).

En l'espèce, l'autorité cantonale a uniquement
constaté que la recourante avait porté préjudice à l'as-
surance du bâtiment. Cela ne constitue pas un préjudice à
autrui au sens de l'art. 221 CP. L'autorité cantonale n'a
pas constaté qui était le propriétaire du bâtiment. Il
ressort uniquement du jugement attaqué que la famille de
la recourante y habitait et que son mari était le preneur
d'assurance. Quoi qu'il en soit, il n'a pas été constaté
qu'une personne autre que l'un des coauteurs de l'incen-
die était le propriétaire de l'objet incendié. Il n'a pas
non plus été constaté qu'une tierce personne était titu-
laire de droits réels limités sur le bâtiment incendié ni
qu'elle disposait de droits réels sur des biens mobiliers
contenus dans le bâtiment. Un préjudice à autrui n'est
partant pas établi.

bb) La notion de danger collectif vise de manière
générale une mise en péril, même relativement indétermi-
née au moment de l'acte, de n'importe quel bien juridi-
quement protégé, et non pas spécifiquement de la personne
humaine (ATF 117 IV 285 consid. 2a p. 286). Elle est
remplie lorsque existe le danger que le feu se propage
(cf. Corboz, op. cit., art. 221 no 23 ss).

En l'espèce, l'autorité cantonale n'a pas constaté
qu'un tel danger de propagation avait existé. Elle n'a au
demeurant pas non plus constaté que la vie ou l'intégrité
corporelle de personnes avait été intentionnellement mise
en danger au sens de l'art. 221 al. 2 CP.

d) En résumé, l'autorité cantonale a uniquement
constaté un dommage de l'assureur, qui ne constitue pas
un préjudice à autrui selon l'art. 221 al. 1 CP. Elle n'a
pas non plus constaté de danger collectif au sens de
cette disposition. Le moyen est fondé et le pourvoi doit
être admis sur ce point.

4.- La recourante se plaint d'une violation de
l'art. 221 al. 1 CP pour avoir été condamnée comme
coauteur de l'incendie qui, le 12 août 1990, a détruit
trois bâtisses en bois. Elle allègue là aussi que
l'autorité cantonale n'a pas établi les éléments
constitutifs objectifs et subjectifs de l'infraction.

L'autorité cantonale a notamment constaté que deux
bâtisses incendiées servaient de logement à D.________ et
E.________ ainsi qu'à F.________ et à son défunt mari
G.________, respectivement les parents, la tante et
l'oncle par alliance de B.________, lui-même le mari de
la recourante. La troisième bâtisse servait d'atelier et
dépôt; elle était copropriété de G.________ et
D.________. G.________ a bouté le feu à son habitation en
faisant exploser une bouteille de gaz; le feu s'est par
la suite propagé aux autres bâtiments. La recourante,
comme B.________ et F.________, a participé de manière
déterminante à la planification puis à la réalisation du
plan fomenté en vue d'escroquer l'assurance. L'autorité
cantonale n'a pas constaté qui était le propriétaire des
deux premières bâtisses ni si elles étaient grevées de
droits réels restreints ou si elles contenaient des biens
mobiliers sur lesquels une tierce personne disposait de
droits réels.

A défaut de constatations relatives aux droits
réels, il n'est pas possible de déterminer s'il y a eu

préjudice à autrui. Par contre, D.________ était copro-
priétaire de la troisième bâtisse; il n'a pas été retenu
qu'il avait participé à l'infraction, et la recourante ne
le soutient d'ailleurs pas. D.________ est dès lors un
tiers ayant subi un préjudice. Toutefois, l'autorité
cantonale n'a pas constaté si l'intention de la recou-
rante portait aussi sur l'incendie de cette troisième
bâtisse, ou si du moins elle savait que le danger d'une
propagation du feu bouté à la première bâtisse existait.
Dans ces circonstances, les faits constatés ne permettent
pas de retenir l'incendie intentionnel. Le grief est
fondé.

5.- La recourante se plaint d'une violation de
l'art. 146 CP. En guise de motivation, elle allègue
uniquement que dans les cinq cas retenus, l'autorité
cantonale n'indique pas en quoi consistait son compor-
tement délictueux. Ce reproche est faux (cf. jugement
attaqué, p. 74; jugement de première instance, p. 90, cf.
aussi consid. IV/14a al. 1, IV/14b et IV/15b p. 80-83).
Pour le surplus, on ne discerne aucune violation du droit
fédéral. Le grief est infondé.

6.- La recourante conteste avoir agi par métier
au sens de l'art. 146 al. 2 CP. Le grief, au demeurant
partiellement fondé sur un autre état de fait que celui
retenu par l'autorité cantonale, est infondé. Il peut
être renvoyé aux considérants de l'autorité cantonale
(cf. jugement attaqué, consid. V al. 1 p. 68 et 14b p.
74; jugement de première instance, consid. IV/18b p. 90;
cf. également ATF 123 IV 113 consid. 2c p. 116).

A noter
que la question de la qualification est,
contrairement à ce que soutient la recourante, sans

pertinence pour la prescription de l'action pénale.
L'escroquerie simple, tant en vertu de l'art. 146 al. 1
CP que de l'art. 148 al. 1 aCP en vigueur au moment des
faits, est passible de cinq ans de réclusion; les délais
de prescription pour l'escroquerie simple sont donc les
mêmes que pour l'escroquerie par métier, c'est-à-dire dix
ans (art. 70 CP).

7.- La recourante se plaint d'une violation de
l'art. 64 avant-dernier alinéa CP. Elle estime que l'au-
torité cantonale aurait dû atténuer la peine dès lors que
toutes les infractions sont atteintes par la prescription
ordinaire et qu'elle s'est bien comportée depuis leur
commission.

Selon la jurisprudence, on ne peut considérer
qu'un temps relativement long s'est écoulé que si la
prescription de l'action pénale est près d'être acquise,
c'est-à-dire si le jugement a été rendu à une date proche
de celle où la prescription ordinaire serait intervenue
(ATF 102 IV 198 consid. 5 p. 209; 92 IV 201 consid. I
p. 202/203). En effet, cette circonstance atténuante est
liée à la prescription; l'effet guérisseur du temps écou-
lé, qui rend moindre la nécessité de punir, doit aussi
pouvoir être pris en considération lorsque la prescrip-
tion n'est pas encore acquise mais qu'elle est près de
l'être et que le délinquant s'est bien comporté dans
l'intervalle (ATF 92 IV 201 consid. I p. 202/203). Pour
déterminer si l'action pénale est proche de la prescrip-
tion, il faut se référer à la date à laquelle les faits
ont été souverainement établis (ATF 115 IV 95 consid. 3;
102 IV 198 consid. 5 p. 209), sans qu'il y ait lieu de
tenir compte d'interruptions de la prescription qui
auraient pu intervenir entre-temps conformément à l'art.
72 CP (ATF 92 IV 201 consid. I p. 203).

Les derniers actes qualifiés d'escroquerie remon-
tent à 1993. Le délai de prescription ordinaire de dix
ans (art. 70 CP et art. 146 CP, respectivement 148 aCP)
n'était pas près d'être échu lorsque la Cour d'appel a
rendu son arrêt environ huit ans plus tard, le 29 mars
2001. Le grief est infondé.

8.- La recourante invoque une violation de l'art.
63 CP. Dans ce cadre, elle se plaint uniquement de ce que
l'autorité cantonale n'a pas constaté la violation du
principe de la célérité consacré par les art. 29 al. 1
Cst., 6 par. 1 CEDH et 14 par. 3 let. c Pacte ONU II, et
qu'en conséquence, elle n'a pas diminué la peine de ce
chef.

a) Savoir si le principe de la célérité a été violé
est une question concernant l'application du droit cons-
titutionnel ou conventionnel. Savoir si de justes consé-
quences ont été tirées d'une violation de ce principe est
par contre une question qui touche à la bonne application
du droit fédéral, c'est-à-dire à l'application du droit
fédéral conforme aux principes constitutionnels et con-
ventionnels. Il s'ensuit que la recourante doit agir par
la voie du recours de droit public si elle entend faire
grief à l'autorité cantonale de ne pas avoir formellement
constaté une violation du principe de célérité. En re-
vanche, si elle entend se plaindre de ce que celle-ci n'a
pas tiré les conséquences que le droit fédéral fait dé-
couler d'une violation de ce principe, en particulier au
plan de la peine, elle doit agir par le biais du pourvoi
en nullité. Dans ce cas de figure, il importe peu que la
violation du principe de célérité ait été constatée ou
niée par l'autorité cantonale ou que celle-ci ait ignoré
la question, car le Tribunal fédéral examine ce point à
titre préjudiciel (ATF 119 IV 107 consid. 1 p. 109 ss).

Il s'ensuit que le grief soulevé par la recourante est
recevable.

b) Les art. 6 par. 1 CEDH, 14 par. 3 let. c Pacte
ONU II et 29 al. 1 Cst. prévoient que toute personne a
droit à ce que sa cause soit jugée dans un délai rai-
sonnable. Ces normes consacrent le principe de la célé-
rité, qui impose aux autorités, dès le moment où l'accusé
est informé des soupçons qui pèsent sur lui, de mener la
procédure pénale sans désemparer, afin de ne pas mainte-
nir inutilement l'accusé dans les angoisses qu'elle sus-
cite; le principe de la célérité est sans rapport avec la
prescription de l'action pénale, laquelle se calcule à
compter de la date de l'infraction; il se distingue éga-
lement de la circonstance atténuante du temps relative-
ment long de l'art. 64 avant-dernier alinéa CP, qui est
liée à l'approche de la prescription et suppose que
l'accusé se soit bien comporté dans l'intervalle; il
s'agit d'une exigence à l'égard des autorités pénales qui
est distincte de ces autres notions du droit fédéral et
ne les contredit pas; une violation du principe de la
célérité doit en principe être prise en compte au stade
de la fixation de la peine; le plus souvent, elle conduit
à une réduction de peine, parfois même à la nécessité
d'abandonner la poursuite (ATF 124 I 139 consid. 2a
p. 140/141).

Le caractère raisonnable de la durée d'une procé-
dure s'apprécie suivant les circonstances de la cause,
lesquelles commandent généralement une évaluation glo-
bale, en tenant compte notamment de la complexité de
l'affaire, du comportement de l'accusé et de celui des
autorités compétentes. Cette appréciation d'ensemble,
tenant compte de l'ampleur du travail accompli, joue un
rôle décisif. Comme on ne peut pas exiger de l'autorité
pénale qu'elle s'occupe constamment d'une seule et unique

affaire, il est inévitable de rencontrer dans la procé-
dure quelques temps morts. Lorsqu'aucun d'eux n'est d'une
durée vraiment choquante, c'est l'appréciation d'ensemble
qui prévaut; des périodes d'activité intense peuvent donc
compenser le fait que le dossier a été momentanément
laissé de côté en raison d'autres affaires (ATF 124 I 139
consid. 2c p. 142).

Lorsque plusieurs personnes sont impliquées dans
une même affaire, il résulte de l'art. 349 CP qu'elles
doivent en principe être jugées simultanément. Cette
solution s'explique pour des raisons d'économie de pro-
cédure, mais aussi pour permettre une vision d'ensemble,
pour éviter que chacun des accusés, en comparaissant
seul, ne puisse jeter la responsabilité sur les autres,
et pour permettre une égalité de traitement au stade de
la fixation de la peine. Ce procédé n'est donc en soi pas
critiquable. La cause formant un tout, on ne saurait dire
que le principe de la célérité a été violé parce que cer-
taines opérations effectuées ne concernaient que certains
coaccusés et non pas la recourante elle-même (ATF 124 I
139 consid. 2c p. 143).

Pour qu'il y ait violation du principe de la célé-
rité, il faut qu'il apparaisse une carence choquante de
la part de l'autorité pénale imposant une réduction de la
peine; il ne suffit pas de constater que tel ou tel acte
aurait pu être réalisé un peu plus rapidement, si en dé-
finitive, compte tenu du travail à accomplir, la durée
totale de la procédure apparaît raisonnable. Selon la
jurisprudence européenne, apparaissent comme des carences
choquantes une inactivité de treize ou quatorze mois au
stade de l'instruction, un délai de quatre ans pour qu'il
soit statué sur un recours contre l'acte d'accusation, un
délai de dix ou onze mois pour que le dossier soit trans-

mis à l'autorité de recours (ATF 124 I 139 consid. 2c
p. 144; 119 IV 107 consid. 1c p.110).

c) La recourante ne relève aucune carence particu-
lière; elle estime que la procédure a globalement trop
duré. Cette critique est infondée.

La procédure a porté sur plus de vingt infractions
et a été conduite contre huit personnes apparentées niant
systématiquement les faits. De nombreuses preuves ont été
administrées, en partie sur requête des prévenus. En
cours d'instruction, de nouvelles plaintes ont été dé-
posées. Au vu des circonstances (cf. jugement attaqué,
p. 4-10), une durée de cinq ans entre l'ouverture de la
première instruction et le jugement de première instance
ne prête pas le flanc à la critique.

Le volumineux dossier de la cause a été transmis à
la Cour d'appel le 16 septembre 1999. Le président de la
Cour a statué sur les requêtes de preuves le 16 février
2001, avant que la Cour ne rende son arrêt le 29 mars
2001. Dix-sept mois entre la réception du dossier et la
décision sur les requêtes de preuves pourraient sembler
beaucoup. Toutefois, il ressort du dossier que ce n'est
qu'à la suite de nombreuses démarches et requêtes d'en-
traide judiciaire que les déclarations d'appel des con-
damnés ont pu être notifiées à C.________ le 31 mai 2000,
ce dont la Cour d'appel a été informée le 8 juin 2000;
or, C.________, plaignante et partie civile, devait
recevoir les déclarations (art. 187 ch. 1 du Code de
procédure pénale valaisan [CPP/VS]) et pouvait se joindre
à l'appel dans les trente jours dès leur notification
(art. 187 ch. 2 et 3; art. 179 ch. 2 CPP/VS). Ce n'est
donc qu'au début juillet 2000 que la Cour d'appel a pu
prendre acte de la fin du dépôt des recours. Au vu du
volume de la cause et de la charge de la Cour d'appel, on

ne saurait lui faire critique d'avoir statué sur les re-
quêtes de preuves sept mois plus tard et d'avoir, à la
suite d'un complément d'instruction, rendu l'arrêt au
fond neuf mois après.

d) Pour le surplus, au vu de l'admission partielle
du pourvoi, il n'y a pas lieu d'examiner plus avant
l'application de l'art. 63 CP. La recourante ne soulève
d'ailleurs aucune autre critique à ce sujet.

9.- Le pourvoi n'est que très partiellement fondé;
pour le surplus, il était dénué de chances de succès,
voire parfois à la limite de la témérité. L'assistance
judiciaire n'est ainsi que partiellement accordée et des
frais réduits sont mis à la charge de la recourante (art.
152 al. 1 OJ; art. 278 al. 1 PPF).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

1. Admet partiellement le pourvoi, annule le
jugement attaqué et renvoie la cause à l'autorité
cantonale pour nouvelle décision.

2. Admet partiellement la requête d'assistance
judiciaire.

3. Met un émolument judiciaire de 400 francs à la
charge de la recourante.

4. Dit que la Caisse du Tribunal fédéral versera
une indemnité de 1'000 francs à Me Christian Favre,
mandataire de la recourante.

5. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire de la recourante, au Ministère public du canton du
Valais et à la Cour d'appel pénale II du Tribunal canto-
nal valaisan.
__________

Lausanne, le 23 août 2001

Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.309/2001
Date de la décision : 23/08/2001
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-08-23;6s.309.2001 ?
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