La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/08/2001 | SUISSE | N°4C.169/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 22 août 2001, 4C.169/2001


«/2»

4C.169/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

22 août 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ S.à r.l., défenderesse et recourante, représentée
par Me Philippe von Bredow, avocat à Genève,

et

A.________, demandeur et intimé, représenté par Me Mike
Hornung, avocat à Genève;

(contrat de travail; abandon d

e poste)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 1er novembre 1998, A.________ a été engagé
...

«/2»

4C.169/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

22 août 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ S.à r.l., défenderesse et recourante, représentée
par Me Philippe von Bredow, avocat à Genève,

et

A.________, demandeur et intimé, représenté par Me Mike
Hornung, avocat à Genève;

(contrat de travail; abandon de poste)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 1er novembre 1998, A.________ a été engagé
par X.________ S.à r.l. (ci-après: X.________) en qualité
d'agent d'assurance, avec pour mission de prospecter, au nom
de son employeur, en vue de la conclusion de polices d'assu-
rance et de mandats de gestion d'avoirs des clients; le sa-
laire brut du travailleur était fixé à 6500 fr. par mois,
une
période d'essai de trois mois étant prévue.

A.________ était tenu, au même titre que les autres
employés, de remettre chaque début de semaine au directeur
de
X.________, C.________, un rapport d'activité, lequel permet-
tait à ce dernier de contrôler si les objectifs fixés aux
collaborateurs avaient été atteints. A.________ devait ainsi
effectuer 48 rendez-vous par mois ou 12 rendez-vous par se-
maine et réaliser mensuellement 500 points, c'est-à-dire, un
point correspondant à 17 fr. de commission encaissée,
8500 fr. d'encaissement par mois.

Le 22 février 1999, à l'issue d'un entretien avec
C.________, A.________ a présenté sa démission pour le 31
mars 1999 au motif que ses relations avec le directeur de
X.________ s'étaient dégradées; il fut alors convenu que
A.________ exécuterait pendant le délai de congé des tâches
administratives.

Le vendredi 26 février 1999, C.________ et
A.________ ont eu un entretien destiné à rendre compte des
tâches effectuées par le travailleur. Au cours de cette en-
trevue, A.________ a remis au directeur une liste des der-
nières personnes rencontrées et a promis de lui remettre une
seconde liste afférente aux contacts pris dans le courant du
mois de février. C.________ a alors décidé de vérifier sur-

le-champ les allégations de son collaborateur; il a ainsi
réussi à atteindre la première personne figurant sur la
liste, qui a omis d'indiquer qu'elle avait rencontré
A.________ la veille. Une altercation est alors survenue
entre C.________ et A.________, à l'issue de laquelle ce
dernier a quitté le bureau. Si un employé de X.________
entendu comme témoin, V.________, a interprété le départ de
A.________ comme étant définitif, d'autres employés de la
société n'ont pas pu se prononcer de façon précise sur les
circonstances dans lesquelles le travailleur a pris la porte
le 26 février 1999.

Par courrier du 1er mars 1999, X.________ a re-
proché à A.________ de s'être, par son départ du bureau le
26
février précédent, lui-même "exclu avec effet immédiat de
(son) poste de travail".

Le 4 mars 1999, l'assurance de protection juridique
Z.________, intervenant au nom de A.________, a écrit à
X.________ pour lui réclamer notamment le paiement des salai-
res de février et mars 1999 ainsi que d'un solde de vacances
non prises; ce courrier ne faisait pas référence à
l'écriture
de X.________ du 1er mars 1999.

Egalement par pli du 4 mars 1999, le conseil de
X.________ a fait grief à A.________ d'avoir abandonné son
emploi à l'issue de l'entretien du 26 février 1999 et a
sommé
l'intéressé de communiquer à l'employeur des informations
concernant son activité et son emploi du temps accompagnées
d'un listing détaillé de sa clientèle. Ces griefs et cette
sommation ont été transmis à l'assurance Z.________ par let-
tre du 8 mars 1999.

Le vendredi 5 mars 1999, A.________ s'est rendu
dans les locaux de X.________ afin de reprendre son service.
Comme C.________ n'était pas présent, le travailleur a
quitté

les lieux. Il s'est présenté à nouveau auprès de son em-
ployeur le lundi 8 mars 1999 au matin, accompagné d'un té-
moin. Invoquant un abandon d'emploi, C.________ a refusé que
A.________ recommence son activité. Le conseil de X.________
a confirmé cette position par une écriture du 8 mars 1999
adressée à l'assurance de protection juridique de l'employé.

B.- Le 27 avril 1999, A.________ a ouvert action
contre X.________ devant la juridiction des prud'hommes de
Genève, lui réclamant le paiement de 22 118 fr.25 plus inté-
rêts, soit 13 500 fr. à titre de salaire pour les mois de
février et mars 1999, 78 fr.25 à titre de retenue indue sur
le salaire de janvier 1999, 1020 fr. à titre d'allocations
familiales, 520 fr. pour un solde de vacances non prises et
7000 fr. à titre de tort moral.

La défenderesse s'est opposée à la demande. Elle a
fait valoir que le demandeur avait quitté l'entreprise de
son
propre chef après la dispute du 26 février 1999, si bien
qu'il ne pouvait prétendre à un salaire pour le mois de mars
1999. Elle a encore déclaré opposer en compensation à la
créance de salaire du travailleur pour février 1999 une
contre-créance correspondant au dommage que le demandeur lui
aurait causé dans l'exécution de son travail par ses caren-
ces, lesquelles auraient empêché l'entreprise de réaliser le
chiffre d'affaires budgété.

Par jugement du 11 janvier 2000, le Tribunal des
prud'hommes de Genève a partiellement fait droit aux conclu-
sions du demandeur en condamnant la défenderesse à lui
verser
la somme de 13 000 fr. à titre de salaire pour février et
mars 1999 et le montant de 520 fr. pour un solde de
vacances.

X.________ a appelé de ce jugement devant la Cour
d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genè-
ve.

Entendu par la cour cantonale, A.________ a reconnu
avoir quitté le bureau le 26 février 1999 parce que son di-
recteur lui avait déclaré qu'il ne lui verserait pas son sa-
laire. Il a indiqué avoir reçu par la suite un courrier du
conseil de la défenderesse le sommant de reprendre son acti-
vité mais s'être vu montrer la porte lorsqu'il s'est
présenté
au siège de l'entreprise. Le demandeur a également admis
avoir passé un contrat de travail avec la société Y.________
le 1er janvier 1999 avec un début d'activité fixé au 1er
avril 1999 et avoir sollicité une avance de son futur em-
ployeur, faute d'avoir reçu ses salaires de février et mars
1999.

Par arrêt du 9 octobre 2000, la Cour d'appel a con-
firmé le jugement précité. Elle a retenu, en se fondant sur
un arrêt non publié du Tribunal fédéral du 7 décembre 1999
(affaire 4C.269/1999), que le comportement adopté par le de-
mandeur le 26 février 1999 ne pouvait être constitutif d'un
abandon d'emploi, du moment qu'il n'exprimait pas une
volonté
consciente, intentionnelle et définitive du travailleur de
cesser les rapports de service. En outre, l'employeur, par
lettre du 1er mars 1999, n'a pas mis en demeure le demandeur
de réintégrer son poste, car cette écriture ne contenait au-
cune sommation à cet effet. Le contrat de travail ayant donc
couru jusqu'à la fin mars 1999, A.________ avait droit à son
salaire pour les mois de février et mars 1999 ainsi qu'au
paiement de 1,67 jours de vacances non prises. Enfin, l'auto-
rité cantonale a nié que le demandeur ait occasionné à la dé-
fenderesse, par un rendement insuffisant, un quelconque dom-
mage, car son contrat ne lui imposait aucune obligation de
résultat au niveau du gain rapporté à son employeur.
Ajoutant
encore que la question de la preuve du dommage paraissait de
toute manière problématique, la Cour d'appel a donc rejeté
la
demande de dommages-intérêts invoquée par la défenderesse
comme créance compensante.

C.- X.________ exerce un recours en réforme au
Tribunal fédéral. Outre l'annulation de l'arrêt cantonal et
du jugement de première instance, elle requiert qu'il soit
constaté que la créance de salaire du demandeur pour février
1999 est dûment compensée par les créances de la
défenderesse
et que le demandeur soit débouté de toute autre ou contraire
conclusion, les créances de X.________ contre le travailleur
à raison du dommage supplémentaire allégué étant réservées.

L'intimé propose le rejet du recours et la confir-
mation de l'arrêt déféré.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Les conclusions qui portent sur une somme
d'argent doivent être chiffrées (cf. art. 55 al. 1 let. b
OJ), le recourant ne pouvant se borner à demander au
Tribunal
fédéral de fixer le montant dû (ATF 121 III 390 consid. 1;
Corboz, Le recours en réforme au Tribunal fédéral, in SJ
2000
II p. 45). Lorsque la défenderesse requiert la juridiction
fédérale de réserver ses créances en dommages-intérêts
contre
le demandeur, elle prend ainsi une conclusion irrecevable.

b) Le recours en réforme est ouvert pour violation
du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). Il ne permet en
revanche
pas d'invoquer la violation directe d'un droit de rang cons-
titutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la violation du
droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts ci-
tés).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral
doit conduire son raisonnement sur la base des faits
contenus
dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédé-
rales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait

lieu à rectification de constatations reposant sur une inad-
vertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille complé-
ter les constatations de l'autorité cantonale parce que
celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et réguliè-
rement allégués (art. 64 OJ; ATF 127 III 248 ibidem). Dans
la
mesure où un recourant présente un état de fait qui s'écarte
de celui contenu dans la décision attaquée, sans se
prévaloir
avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être
rappelées, il n'y a pas lieu d'en tenir compte. Il ne peut
être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni
de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let.
c OJ). L'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée
l'autorité cantonale ne peut être remise en cause (ATF 126
III 189 consid. 2a; 125 III 78 consid. 3a).

Si le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des
conclusions des parties, lesquelles ne peuvent en prendre de
nouvelles (art. 55 al. 1 let. b in fine OJ), il n'est lié ni
par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par
ceux de la décision cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 127 III
248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a).

2.- La recourante reproche tout d'abord à l'auto-
rité cantonale d'avoir commis de nombreuses inadvertances ma-
nifestes, qu'il conviendrait de redresser.

a) La jurisprudence n'admet l'existence d'une inad-
vertance manifeste, susceptible d'être rectifiée d'office
par
le Tribunal fédéral en application de l'art. 63 al. 2 OJ,
que
lorsque l'autorité cantonale a omis de prendre en considéra-
tion une pièce déterminée, versée au dossier, ou l'a mal
lue,
s'écartant par mégarde de sa teneur exacte, en particulier
de
son vrai sens littéral (ATF 115 II 399 consid. 2a; 109 II
159
consid. 2b). Tel est le cas lorsque l'examen d'une pièce du
dossier, qui n'a pas été prise en considération, révèle une
erreur évidente dans les constatations de fait. L'absence de

mention d'une pièce dans le cadre de l'appréciation des preu-
ves ne signifie pas encore qu'il y ait inadvertance, qui
plus
est inadvertance manifeste: il faut que ladite pièce n'ait
pas été examinée, même implicitement, en d'autres termes que
le juge n'en ait pas pris connaissance ou l'ait purement et
simplement laissée de côté. L'autorité cantonale s'écarte,
par mégarde, de la teneur exacte d'une pièce, par exemple,
lorsqu'elle commet une erreur de lecture, ou lorsqu'elle ne
remarque pas l'existence d'une faute d'écriture ou lorsqu'el-
le ne prend pas en considération la relation évidente exis-
tant entre différentes pièces du dossier. Cependant, l'inad-
vertance manifeste ne saurait être confondue avec l'apprécia-
tion des preuves. Dès l'instant où une constatation de fait
repose sur l'appréciation, même insoutenable, d'une preuve,
d'un ensemble de preuves ou d'indices, une inadvertance est
exclue (Poudret, COJ II, n. 5.4 ad art. 63 OJ). Il ne peut
en
effet être remédié à une mauvaise appréciation des preuves
par la voie prévue à l'art. 55 al. 1 let. d OJ (ATF 96 I 193
consid. 2; Poudret, op. cit., n. 1.6.3 ad art. 55 OJ; cf.
également ATF 118 IV 88 consid. 2b).

Au demeurant, la rectification n'a lieu que si la
constatation erronée porte sur un fait pertinent pour
l'issue
de la querelle (Corboz, op. cit., p. 66).

Le moyen tiré de l'inadvertance manifeste n'est re-
cevable que si l'acte de recours contient l'indication
exacte
de la constatation attaquée et de la pièce du dossier qui la
contredit (art. 55 al. 1 let. d OJ; ATF 110 II 494 consid. 4
et les arrêts cités).

b) La recourante voit une première inadvertance ma-
nifeste dans le fait que la cour cantonale a retenu, préten-
dument en contradiction avec les allégations du demandeur
dans ses conclusions responsives du 29 mai 2000, que
celui-ci

a requis et obtenu une avance de salaire de son futur em-
ployeur.

Il résulte du document en cause que l'intimé a dé-
claré avoir bénéficié de deux avances sur salaire de la part
de Y.________ en février et mars 1999, lesquelles lui ont
été
allouées sans aucune contre-prestation de sa part et ont été
par la suite déduites de sa rémunération du mois de mai
1999.
On cherche ainsi vainement où réside l'inadvertance invoquée.

c) Pour la recourante,
qui se réfère à nouveau aux
conclusions responsives du 29 mai 2000 précitées, ce serait
par mégarde que la Cour d'appel n'aurait pas mentionné que
le
demandeur était absent le 24 février et la matinée du 25 fé-
vrier 1999.

Cette circonstance importe peu, dès lors que ce
n'est pas à ces dates, mais postérieurement, soit le 26 fé-
vrier 1999, que la recourante prétend que l'intimé aurait
abandonné son poste. L'inadvertance alléguée ne saurait donc
avoir aucun caractère causal.

d) La recourante fait valoir que, par inadvertance,
les magistrats genevois ont procédé à une citation tronquée
du témoignage de V.________, duquel il ressortirait claire-
ment, d'une part, que tant C.________ que ledit témoin ont
compris le départ du demandeur comme étant définitif et,
d'autre part, que le travailleur a quitté le bureau alors
que
son employeur lui demandait de ne pas le faire.

L'autorité cantonale n'a nullement ignoré la dépo-
sition de V.________ mais a au contraire mentionné, au con-
sidérant L de la partie "En fait" de l'arrêt déféré, que ce
témoin a confirmé que l'intimé était parti de son propre
chef
et n'avait pas été "chassé". Le moyen relève en réalité de

l'appréciation des preuves, qui ne peut être remise en cause
par le moyen de l'art. 55 al. 1 let. d OJ.

e) D'après la recourante, la Cour d'appel aurait
commis une nouvelle inadvertance en retenant que le courrier
de l'assurance de protection juridique du demandeur, daté du
4 mars 1999, ne se référait pas à la lettre de X.________ du
1er mars précédent "qui n'était pas encore reçue lors de
l'envoi de la correspondance de l'assurance". La
défenderesse
invoque les déclarations du demandeur du 25 septembre 2000,
qui a affirmé notamment que l'assurance Z.________ a "répon-
du" le 4 mars 1999 au courrier de X.________ du 1er mars
1999.

Quand bien même l'assurance Z.________ aurait eu
connaissance de l'écriture de la défenderesse du 1er mars
1999 lorsqu'elle a écrit à X.________ le 4 mars 1999, il
n'en
demeure pas moins que ce courrier du 4 mars 1999 ne fait pas
référence à la lettre de l'employeur du 1er mars 1999. On ne
voit toutefois pas en quoi cette prétendue inadvertance pour-
rait avoir une quelconque influence sur le sort du litige.

f) La recourante soutient que la cour cantonale n'a
pas retenu, par inadvertance, qu'il résulterait de deux té-
moignages et d'une lettre du conseil de X.________ du 8 mars
1999 que C.________ avait insisté dès le 26 février 1999, en
vain, pour que le demandeur lui remette des dossiers
relatifs
à la clientèle.

L'inadvertance alléguée n'existe pas. La Cour d'ap-
pel a de fait expressément retenu, au considérant E in fine
de la partie fait de l'arrêt critiqué, que, par courriers
des
4 et 8 mars 1999, le conseil de X.________ a sommé le deman-
deur de communiquer à l'employeur des informations au sujet
de son activité avec une liste de ses clients. La cour can-

tonale n'a enfin pas constaté que le demandeur aurait déféré
à ces sollicitations pressantes.

g) A suivre la recourante, l'autorité cantonale n'a
pas relevé que le Tribunal des prud'hommes a rendu le 11
août
1999 une ordonnance préparatoire ordonnant au demandeur de
produire ses rapports d'activité ainsi que les contrats d'as-
surance qu'il avait établis au nom de X.________ et que, les
31 août 1999 et 20 décembre 1999, l'intimé a finalement dépo-
sé les documents en question, soit "dès mois après la
demande
de C.________".

La circonstance que la cour cantonale n'a pas fait
état de l'ordonnance préparatoire du 11 août 1999 n'a aucune
pertinence quant au sort du recours. S'agissant des divers
documents auxquels elle fait allusion, la recourante ne pré-
tend pas que la Cour d'appel les aurait ignorés. Et le
manque
d'empressement du demandeur à déposer lesdites pièces n'a
pas
échappé à l'autorité cantonale qui a retenu, en page 14 de
son arrêt, que le demandeur "a montré quelques réticences à
fournir les renseignements souhaités par son employeur".

h) La recourante est d'avis que l'autorité cantona-
le a omis l'intégralité des allégués et éléments de preuve
qu'elle a avancés en vue de démontrer le dommage que le tra-
vailleur lui aurait causé et qu'elle fait valoir en compensa-
tion de la créance du demandeur en paiement de son salaire
du
mois de février 1999. Et de reproduire in extenso 33 des 106
allégués de la partie "en fait" de son mémoire d'appel du 20
avril 2000.

Sous le couvert de l'inadvertance manifeste, la re-
courante s'en prend à l'appréciation des preuves opérée par
la cour cantonale, qui a conduit celle-ci à considérer que
l'existence du préjudice dont se prévaut la défenderesse
était sujette à caution. De toute manière, cette
constatation

n'est pas décisive, dès l'instant où les juges cantonaux ont
encore admis que le demandeur ne pouvait pas se voir repro-
cher une violation contractuelle susceptible d'engager sa
responsabilité au sens de l'art. 321e CO.

3.- La recourante prétend que l'autorité cantonale
a violé le droit fédéral en la condamnant à verser au deman-
deur son salaire de mars 1999.

a) Dans une première branche du grief, la défende-
resse reproche à la Cour d'appel d'avoir enfreint les art. 8
CC et 343 al. 4 CO pour ne s'être pas prononcée sur les cir-
constances dans lesquelles le demandeur a quitté son poste
de
travail le 26 février 1999, cela alors que tant ce dernier
qu'un témoin auraient reconnu que le travailleur était parti
de son propre chef et sans volonté de revenir.

L'art. 343 al. 4 CO institue, dans les conflits re-
levant du contrat de travail, la maxime inquisitoire lorsque
la valeur litigieuse ne dépasse pas - comme en l'espèce -
30 000 fr. (art. 343 al. 2 CO dans sa teneur en vigueur de-
puis le 1er juin 2001, applicable aux procédures déjà pendan-
tes (ATF 115 II 30 consid. 5a)). L'obligation pour le juge
d'établir d'office les faits n'est cependant pas sans
limite;
il n'est tenu de s'assurer que les allégations et offres de
preuves sont complètes que lorsqu'il a des motifs objectifs
d'éprouver des doutes sur ce point. De toute façon, la
maxime
inquisitoire ne dispense pas les parties d'une collaboration
active à la procédure et d'étoffer leurs propres thèses; il
leur incombe ainsi de renseigner le juge sur les faits de la
cause et de lui indiquer les moyens de preuve disponibles
(ATF 107 II 233 consid. 2c).

En l'occurrence, la cour cantonale a retenu, sur la
base des éléments de preuve recueillis, que les
circonstances
de la rupture des rapports de service, à la suite de l'alter-

cation du 26 février 1999, n'étaient pas établies avec clar-
té. Hormis le témoin V.________, les témoins entendus
pendant
les enquêtes n'ont en effet pas été en mesure de déterminer
de façon claire la personne qui avait pris l'initiative de
mettre fin à la relation de travail. Du reste, V.________ a
lui-même déclaré qu'il avait "compris" le départ du
demandeur
comme un départ définitif tout en précisant, ce qui atténue
le propos, qu'il y avait sans doute eu de la part du travail-
leur "un accès de mauvaise humeur". En ce qui concerne l'in-
timé, il a uniquement admis avoir pris la porte lorsque le
directeur C.________ lui a annoncé que son salaire de
février
1999 ne lui serait pas versé, mais n'a jamais reconnu qu'il
s'agissait d'un départ irrévocable.

Comme l'art. 343 al. 4 CO laisse le juge libre dans
l'appréciation des preuves, l'autorité cantonale ne saurait
avoir transgressé cette disposition lorsqu'elle a fait part
de sa conviction sur le déroulement des événements du 26 fé-
vrier 1999. Quant au bien-fondé de cette appréciation dans
le
cas particulier, il s'agit d'un domaine qui relève de l'ap-
préciation des moyens de preuves réunis, lequel n'est pas ré-
gi par l'art. 8 CC (ATF 122 III 219 consid. 3c; 119 III 60
consid. 2c; 118 II 142 consid. 3a).

b) Dans la seconde branche du grief, la recourante
invoque une violation de l'art. 337d CO. Elle soutient que
le
demandeur avait décidé le 26 février 1999 de quitter défini-
tivement son travail. Quand bien même le travailleur aurait
tout de même eu l'intention de reprendre son travail, pour-
suit la défenderesse, son offre, articulée dix jours après
son départ de l'entreprise, serait tardive.

aa) Il y a abandon d'emploi selon l'art. 337d CO
lorsque le travailleur quitte son poste abruptement sans jus-
tes motifs. L'application de cette disposition présuppose un
refus conscient, intentionnel et définitif du travailleur

d'entrer en service ou de poursuivre l'exécution du travail
confié (ATF 112 II 41 consid. 2). La décision du travailleur
d'abandonner son emploi doit apparaître nettement. Comme il
appartient à l'employeur de prouver que le travailleur a en-
tendu quitter sans délai son emploi (Staehelin, Commentaire
zurichois, n. 16 ad art. 337d CO), le premier, dans les si-
tuations peu claires, doit adresser au travailleur une mise
en demeure de reprendre le travail (Rehbinder, Commentaire
bernois, n. 1 ad art. 337d CO; Staehelin, op. cit., n. 5 ad
art. 337d CO).

Lorsque l'abandon d'emploi ne résulte pas d'une dé-
claration expresse du salarié, il faut examiner s'il découle
du comportement adopté par l'intéressé, c'est-à-dire d'actes
concluants. Dans cette hypothèse, on se demandera si, compte
tenu de toutes les circonstances, l'employeur pouvait, objec-
tivement et de bonne foi, comprendre que le salarié
entendait
quitter son emploi (sur le principe de la confiance: ATF 126
III 25 consid. 3c, 59 consid. 5b; 123 III 165 consid. 3a).
Il
s'agit là d'une question de droit que le Tribunal fédéral
peut revoir en instance de réforme (ATF 126 III 25 consid.
3c, 59 consid. 5b).

Quand l'absence injustifiée du travailleur est de
courte durée (p. ex. quelques jours après la fin des vacan-
ces), l'employeur ne peut déduire des circonstances que le
travailleur a abandonné son emploi. A l'inverse, une absence
de plusieurs mois doit être considérée comme un refus de
poursuivre les rapports de travail, même si, après coup, le
travailleur offre inopinément de reprendre son poste. Dans
ce
cas, la durée de l'absence suffit en soi pour admettre que
le
salarié a démontré sa volonté d'abandonner son emploi (ATF
121 V 277 consid. 3a; arrêt non publié du 24 août 1999 dans
la cause 4C.143/1999, consid. 2a).

Dans les situations intermédiaires, il faut tran-
cher selon le principe de la confiance, à la lumière des cir-
constances du cas particulier.

bb) Le moyen, qui repose pour l'essentiel sur un
état de fait différent de celui retenu souverainement par la
Cour d'appel, est dénué de fondement.

En l'espèce, les circonstances dans lesquelles a
éclaté l'altercation du vendredi 26 février 1999 n'ont pas
pu
être établies. Il apparaît néanmoins que le demandeur,
excédé
par l'attitude suspicieuse du directeur C.________ à son en-
droit, lequel entendait vérifier sur-le-champ si les person-
nes figurant sur la liste remise par le travailleur avaient
bien été approchées par celui-ci, a quitté le bureau lorsque
C.________ lui a indiqué qu'il ne paierait pas son salaire
du
mois courant. Or, l'attitude adoptée par le directeur à
cette
occasion pouvait apparaître comme purement vexatoire au sala-
rié. De fait, celui-ci avait présenté sa démission quatre
jours plus tôt en raison de la dégradation de ses relations
avec C.________. Dans ce contexte, l'emportement du
demandeur
semble excusable. L'employeur, qui a contribué dans une
large
mesure à faire sortir le travailleur de ses gonds, ne peut
de
bonne foi interpréter le départ soudain de l'intéressé, même
si une porte est claquée, comme une manifestation de volonté
de refuser définitivement de poursuivre l'exécution du tra-
vail.

Il est établi que la défenderesse, par courrier de
son conseil, a sommé l'intimé de reprendre le travail.

Le demandeur a réagi à cette invitation en se pré-
sentant dans les bureaux de la défenderesse pour reprendre
son service dès le vendredi 5 mars 1999, à savoir le cinquiè-
me jour ouvrable après l'algarade du 26 février 1999. On ne
saurait raisonnablement admettre que l'employeur puisse con-

sidérer que le travailleur a manifesté son intention irrévo-
cable de quitter son emploi, lorsque ce dernier a quitté
abruptement son poste dans un mouvement de colère et qu'il a
donné suite, sans même laisser passer une semaine entière de-
puis son départ, à la requête de revenir travailler.

Selon l'état de fait déterminant, le demandeur,
lors de sa venue dans les locaux de la recourante le 5 mars
1999, n'a pas pu rencontrer le directeur C.________, qui
était absent, si bien qu'il est retourné au siège de la dé-
fenderesse le lundi suivant 8 mars 1999 au matin. C.________
ayant alors refusé que le demandeur recommence son activité,
c'est la défenderesse qui s'est trouvée en demeure
d'accepter
l'exécution du travail au sens de l'art. 324 al. 1 CO.

Partant, l'autorité cantonale a jugé à bon droit
que les conditions de l'art. 337d CO n'étaient pas réunies,
que le contrat de travail avait couru jusqu'à la fin mars
1999 et que l'intimé avait droit à son salaire de 6500 fr.
par mois en février et mars 1999.

4.- La recourante fait valoir que le demandeur
avait l'occasion de prendre ses vacances au mois de mars
1999, de sorte que la cour cantonale a violé l'art. 329d CO
en lui accordant une indemnité de 520 fr. pour vacances non
prises.

Le principe de l'obligation d'octroyer les vacances
en nature pendant le délai de congé (cf. art. 329d al. 2 CO)
n'est pas absolu. Une fois le contrat dénoncé, le
travailleur
doit chercher un autre emploi.
Cette recherche n'étant pas
compatible avec la prise effective de vacances, il convient
d'examiner dans chaque cas, à considérer les données de l'es-
pèce, si l'employeur pouvait exiger que les vacances fussent
prises pendant le délai de congé ou s'il devait les payer en
espèces à la fin des rapports de travail (arrêt du 24 novem-

bre 1992, consid. 3, publié in SJ 1993 p. 354 et les référen-
ces citées).

In casu, le demandeur, qui a pourtant travaillé
pendant presque tout le mois de février 1999, n'a pas reçu
son salaire pour ce mois-là, ni d'ailleurs celui du mois sui-
vant. Privé de ressources, le travailleur ne pouvait ainsi
penser à organiser des vacances, si courtes fussent-elles,
pendant le délai de congé. Il suit de là qu'il avait indubi-
tablement droit au paiement de ses vacances en espèces. Le
montant de 520 fr. accordé à ce titre par l'autorité canto-
nale ne fait en tant que tel l'objet d'aucune critique.

5.- Dans un dernier moyen, la recourante, se pré-
valant de la violation des art. 8 CC, 343 al. 4 et 321e CO,
reproche à la cour cantonale de n'avoir pas retenu les
faits,
établis par pièces et témoignages, relatifs aux prétentions
en dommages-intérêts qu'elle oppose à la créance du
demandeur
en paiement du salaire de février 1999. Pourtant, allègue la
recourante, la Cour d'appel devait instruire d'office et in-
terpeller les parties si elle avait des doutes quant au gain
que le travailleur devait procurer à la défenderesse. La re-
courante prétend, pour finir, que le refus constant de l'in-
timé de fournir les dossiers des clients constituait une
faute contractuelle grave et manifeste.

a) Quoi qu'en pense la recourante, l'autorité can-
tonale a fait état des prétentions pécuniaires qu'elle a op-
posées aux conclusions du demandeur. Elle a ainsi mentionné,
au considérant H de la partie fait de l'arrêt critiqué, que
la défenderesse se plaignait de n'avoir pu obtenir, malgré
ses demandes réitérées, la liste des activités du demandeur,
lequel, par ses carences, n'aurait pas permis à l'entreprise
de réaliser le chiffre d'affaires budgété. Elle a ajouté que
la recourante chiffrait son préjudice à 31 500 fr. compte

tenu des affaires que le demandeur aurait dû rapporter à son
employeur.

Il appert ainsi que la cour cantonale s'est confor-
mée aux prescriptions de l'art. 343 al. 4 CO qui lui
imposait
d'établir d'office les faits, étant précisé que cette obliga-
tion à la charge de l'autorité judiciaire ne dispense pas
les
parties d'une collaboration active à la procédure (ATF 107
II
233 consid. 2c).

Quant à la manière dont l'autorité cantonale a ap-
précié les éléments de preuve recueillis, elle ne saurait
contrevenir à l'art. 343 al. 4 CO, qui laisse une entière li-
berté au juge dans l'appréciation des preuves.

b) A teneur de l'art. 321e al. 1 CO, le travailleur
répond du dommage qu'il cause à l'employeur intentionnelle-
ment ou par négligence. Il faut donc que le travailleur ait
violé une des obligations qui lui incombent en vertu des
art.
321 à 321d CO, à savoir notamment l'obligation d'exécuter
personnellement et avec soin le travail confié (Staehelin,
op. cit., n. 4 ss ad art. 321e CO; Tercier, Les contrats spé-
ciaux, 2e éd., n. 2621). L'étendue du devoir de diligence du
travailleur se détermine en première ligne d'après le
contrat
passé par les parties (art. 321e al. 2 CO; Staehelin, op.
cit., n. 4 ad art. 321e CO). Pour déterminer la responsabili-
té du travailleur et son étendue, il convient en particulier
de prendre en compte le risque professionnel, la
rémunération
du travailleur, ainsi que la faute du salarié et la faute
concomitante de l'employeur (ATF 123 III 257 consid. 5a et
les références).

D'après l'état de fait définitif, le demandeur
était contractuellement tenu d'effectuer 48 rendez-vous par
mois ou 12 rendez-vous par semaine en vue de conclure des po-
lices d'assurance ou des mandats de gestion de fortune, et
de

réaliser chaque mois 8500 fr. d'encaissement. Il n'a pas été
constaté que l'intimé n'est pas parvenu à atteindre les ob-
jectifs fixés. A cela s'ajoute que le 22 février 1999 déjà,
soit après moins de quatre mois d'activité, le travailleur
avait résilié son contrat pour le 31 mars 1999. On ne
saurait
ainsi attendre d'un travailleur démissionnaire qu'il procure
à l'entreprise des résultats mirobolants, comme semblait
l'attendre la défenderesse.

Il est vrai que le demandeur a montré de la mauvai-
se volonté à fournir des rapports d'activité et, après l'al-
tercation du 26 février 1999, des renseignements à propos de
ses clients. Mais, comme la défenderesse a refusé - sans
droit - de verser le salaire de l'intimé en février et mars
1999, le non-respect par le travailleur des directives de
l'employeur apparaît bénin en regard de la faute grave de la
recourante.

La cour cantonale n'a nullement violé le droit fé-
déral en rejetant les prétentions de la défenderesse fondées
sur l'art. 321e CO.

c) Le grief pris d'une violation de l'art. 8 CC ne
fait l'objet d'aucun développement, de sorte qu'il est irre-
cevable (art. 55 al. 1 let. c OJ).

6.- Il suit de là que le recours doit être rejeté
dans la mesure de sa recevabilité, l'arrêt attaqué étant con-
firmé. La procédure est gratuite, puisque la valeur litigieu-
se, déterminée selon la prétention du demandeur au moment de
l'ouverture de l'action (ATF 115 II 30 consid. 5b), ne dépas-
se pas 30 000 fr. (cf. art. 343 al. 2 et 3 CO dans sa teneur
en vigueur depuis le 1er juin 2001, applicable aux
procédures
déjà pendantes (ATF 115 II 30 consid. 5a)). Des dépens sont
toutefois dus par la partie qui succombe, en l'occurrence la
recourante (art. 159 al. 1 OJ; ATF 115 II 30 consid. 5c).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable et confirme l'arrêt attaqué;

2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciai-
re;

3. Dit que la recourante versera à l'intimé une in-
demnité de 2000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Cour d'appel de la juridiction
des
prud'hommes du canton de Genève.

____________

Lausanne, le 22 août 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.169/2001
Date de la décision : 22/08/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-08-22;4c.169.2001 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award