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22/08/2001 | SUISSE | N°4C.127/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 22 août 2001, 4C.127/2001


«/2»

4C.127/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

22 août 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffière: Mme de Montmollin Hermann.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

P.________, demandeur et recourant, représenté par Me Ninon
Pulver, avocate à Genève,

et

K.________, défendeur et intimé, représenté par Me Emmanuel
Stauffer, avocat à Genève;

(représentation directe)>
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- P.________ exploitait à Genève le café restau-
rant "..."....

«/2»

4C.127/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

22 août 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffière: Mme de Montmollin Hermann.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

P.________, demandeur et recourant, représenté par Me Ninon
Pulver, avocate à Genève,

et

K.________, défendeur et intimé, représenté par Me Emmanuel
Stauffer, avocat à Genève;

(représentation directe)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- P.________ exploitait à Genève le café restau-
rant "...". Seul propriétaire du fonds de commerce, il était
colocataire avec la société X.________ S.A., dont il était
l'unique actionnaire, des locaux abritant l'établissement pu-
blic.

En 1995, P.________ a informé son expert-comptable,
B.________, qu'il désirait remettre son affaire. B.________
a
songé à son propre cousin, A.________, qui - selon les décla-
rations concordantes des parties - était alors au chômage.
Comme un acte de défaut de biens avait été délivré à l'encon-
tre de ce dernier, B.________ a proposé que l'acquisition
soit faite par K.________, père de A.________.

B.________ a préparé une convention, portant la da-
te du 11 novembre 1995, qui prévoit les opérations
suivantes.
P.________ cède à K.________ pour la somme de 1 fr. le capi-
tal-actions de la société X.________ S.A. La société
X.________ désigne A.________ comme unique administrateur.
X.________ S.A., représentée par A.________, achète à
P.________ la moitié du fonds de commerce et du droit au
bail
pour un prix total de 350 000 fr.

Cette convention a été signée par P.________ et par
A.________. K.________ n'a pas participé aux pourparlers
avec
le vendeur et n'était pas présent lors de la signature de
l'acte. Il a été retenu que A.________ s'était comporté
d'une
manière telle que l'on pouvait en déduire qu'il avait le pou-
voir de représenter son père. Un nouveau contrat de bail à
loyer daté du 24 novembre 1995, mentionnant comme locataires
P.________, K.________ et X.________ S.A., a été signé par
A.________ et P.________.

Dans le courant de l'année 1996, P.________ a ap-
pris de sa banque que les mensualités prévues dans la conven-
tion n'avaient pas été payées. Par la suite, il a été
informé
que le loyer n'était plus versé.

Au début de l'année 1997, P.________, par l'inter-
médiaire de son conseil, s'est adressé à K.________ et
A.________, les mettant en demeure de verser les mensualités
et loyers arriérés. A.________ n'a pas donné suite.
K.________ a refusé de procéder à un quelconque paiement, af-
firmant ne s'être nullement engagé contractuellement dans
cette affaire.

B.- Le 7 septembre 1998, P.________ a déposé devant
les tribunaux genevois une demande en paiement dirigée
contre
K.________, concluant à ce que ce dernier soit condamné à
lui
payer la somme de 94 661 fr.60 avec intérêts.

Réformant un jugement rendu par le Tribunal de pre-
mière instance du canton de Genève le 30 septembre 1999, la
Chambre civile de la Cour de justice, par arrêt du 22
février
2001, a débouté P.________ de toutes ses conclusions. En
substance, la cour cantonale a retenu qu'il n'était pas éta-
bli que K.________ ait eu la volonté de devenir
cocontractant
de P.________ et qu'il ait donné procuration à son fils; il
n'avait pas adopté à l'égard du cocontractant une attitude
dont on aurait pu inférer l'existence de pouvoirs et il
n'avait pas non plus ratifié l'acte; en conséquence,
K.________ n'avait conclu aucun contrat avec le demandeur.

C.- P.________ recourt en réforme au Tribunal fédé-
ral contre l'arrêt du 22 février 2001. Invoquant une viola-
tion des art. 38 al. 1 et 33 al. 3 CO, il conclut à l'annu-
lation de l'arrêt attaqué et reprend ses conclusions sur le
fond.

L'intimé propose le rejet du recours et la confir-
mation de l'arrêt attaqué.

D.- Par arrêt de ce jour, le Tribunal fédéral a re-
jeté un recours de droit public interjeté parallèlement par
P.________.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal
fédéral doit conduire son raisonnement sur la base des faits
contenus dans la décision attaquée, à moins que des disposi-
tions fédérales en matière de preuve n'aient été violées,
qu'il y ait lieu à rectification de constatations reposant
sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il
faille compléter les constatations de l'autorité cantonale
parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents
et
régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 126 III 59 consid.
2a
et les arrêts cités). Dans la mesure où un recourant
présente
un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la déci-
sion attaquée sans se prévaloir avec précision de l'une des
exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possi-
ble d'en tenir compte. Il ne peut être présenté de griefs
contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens
de
preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ).

Le recours en réforme n'est pas ouvert pour se
plaindre de l'appréciation des preuves et des constatations
de fait qui en découlent (ATF 126 III 189 consid. 2a; 122
III
26 consid. 4a/aa; 122 III 61 consid. 2c/cc).

Le Tribunal fédéral ne peut pas aller au-delà des
conclusions des parties, lesquelles ne peuvent prendre de
conclusions nouvelles (art. 55 al. 1 let. b in fine OJ). En

revanche, il n'est lié ni par les motifs invoqués par les
parties (art. 63 al. 1 OJ), ni par l'argumentation juridique
retenue par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 126 III
59 consid. 2a; 123 III 246 consid. 2).

2.- a) Il est constant que le défendeur n'a pas
lui-même signé le contrat de remise de commerce du 11 novem-
bre 1995 et le contrat de bail du 24 novembre 1995, conclus
en la forme écrite, dans lesquels il est mentionné en tant
que cocontractant.

La première question à résoudre est de savoir si il
est néanmoins lié par ces conventions pour le motif qu'il au-
rait été valablement représenté par son fils, en tant que re-
présentant direct.

Selon l'art. 32 al. 1 CO, la représentation directe
suppose notamment que le représentant (en l'occurrence: le
fils) soit autorisé. Les effets de la représentation ne nais-
sent que si le représentant dispose du pouvoir de représenta-
tion, c'est-à-dire s'il est habilité à faire naître des
droits et des obligations directement en faveur et à la char-
ge du représenté (en l'occurrence: le défendeur); il faut
donc que le représenté ait la volonté d'être lié par les ac-
tes du représentant (cf. ATF 126 III 59 consid. 1b; ATF re-
produit in SJ 1996 p. 554 ss consid. 5c).

Déterminer la volonté d'une personne relève des
constatations de fait qui lient le Tribunal fédéral saisi
d'un recours en réforme (ATF 123 III 165 consid. 3a; 121 III
414 consid. 2a; 118 II 58 consid. 3a; 118 II 365 consid. 1).
Procédant à une appréciation des preuves, la cour cantonale
est parvenue à la conclusion qu'il n'était pas prouvé que le
défendeur ait eu la volonté d'être représenté par son fils
et
de devenir partie à ces contrats. Comme on l'a rappelé, l'ap-
préciation des preuves et les conclusions qui en résultent
ne

peuvent donner lieu à un recours en réforme. Sur la base de
l'état de fait qui lie le Tribunal fédéral (art. 63 al. 2
OJ), il n'y a donc pas de représentation directe, faute
d'une
volonté du défendeur d'autoriser son fils à agir en son nom.

b) Il faut ensuite se demander si le défendeur,
bien qu'il n'ait pas eu la volonté d'être représenté par son
fils, se trouve néanmoins lié par les actes de celui-ci pour
le motif que le représenté (en l'occurrence: l'intimé)
aurait
adopté à l'égard de son cocontractant (le recourant) une at-
titude permettant à ce dernier, selon le principe de la con-
fiance, de déduire l'existence d'un rapport de
représentation
(cf. art. 33 al. 3 CO; sur l'apparence d'un pouvoir de repré-
sentation: ATF 124 III 418 consid. 1c; 120 II 197 consid.
2a;
cf. également: ATF in SJ 2000 I 198 ss consid. 2c).

Il est constant en l'espèce que le défendeur n'a eu
aucun rapport direct avec le demandeur avant la signature
des
contrats. Il n'a adressé aucune communication, écrite ou ora-
le, au demandeur, dont on puisse déduire qu'il accordait à
son fils un pouvoir de représentation. Il n'est même pas éta-
bli qu'il ait eu connaissance des textes soumis à la signatu-
re.

Que le défendeur ait visité les locaux que son fils
envisageait d'exploiter et qu'il ait promis de l'aider finan-
cièrement ne permet en rien au cocontractant de déduire que
le père accorde un pouvoir de représentation à son fils et
qu'il entend être lui-même partie aux contrats. Le texte des
conventions et le comportement du fils sont sans pertinence,
puisqu'il ne s'agit pas d'une communication du représenté
(l'intimé) adressée au demandeur. Il en va de même des dis-
cussions (dont le contenu n'est pas établi) que l'intimé au-
rait pu avoir avec son neveu B.________.

Sur la base des faits constatés par la cour canto-
nale - d'une manière qui lie le Tribunal fédéral saisi d'un
recours en réforme (art. 63 al. 2 OJ) -, on ne peut pas
dire,
en appliquant le principe de la confiance, que le défendeur
ait créé une apparence dont se déduirait l'existence d'un
pouvoir de représentation. La cour cantonale a donc écarté
cette éventualité sans violer l'art. 33 al. 3 CO.

c) Il reste à examiner si le défendeur a ratifié
les contrats conclus en son nom (cf. art. 38 al. 1 CO). Il
suffit pour cela qu'il ait adopté une attitude, active ou
passive, dont le cocontractant pouvait déduire qu'il approu-
vait le contrat signé sans pouvoirs par son fils (cf. ATF
publié in SJ 2001 I p. 186 ss consid. 4a/cc; ATF 124 III 355
consid. 5a).

Il est constant que le défendeur n'a pas exprimé,
par écrit ou oralement, à l'égard du demandeur la volonté
d'approuver ou d'exécuter les conventions après leurs signa-
tures. Il n'a pas non plus fourni en son propre nom une pres-
tation contractuelle.

En refusant de signer le bail, lorsqu'il lui a été
présenté, le défendeur a manifesté sa volonté de ne pas être
lié par cette convention.

Qu'il ait aidé financièrement son fils au début de
l'exploitation ne permet pas de déduire qu'il était d'accord
de devenir lui-même le cocontractant du demandeur.

Selon l'appréciation des preuves effectuée par la
cour cantonale, il n'est pas établi que le défendeur ait su
que la convention de remise du commerce le faisait
apparaître
comme cocontractant avant la mise en demeure de janvier 1997
à laquelle il s'est immédiatement opposé par une
protestation
claire. On ne saurait donc dire qu'il ait adopté, en connais-

sance de cause, une attitude passive qui pourrait être inter-
prétée, selon la théorie de la confiance, comme une ratifica-
tion.

Dans la mesure où le demandeur voudrait, sur ce
point, revenir sur l'appréciation des preuves et substituer
un autre état de fait à celui retenu par la cour cantonale,
il n'est pas possible d'en tenir compte pour les raisons
déjà
exposées.

Sur la base de l'état de fait qui lie le Tribunal
fédéral (art. 63 al. 2 OJ), il n'y a pas trace d'une ratifi-
cation.

Le recours doit donc être rejeté; on ne discerne,
dans l'arrêt cantonal, aucune violation du droit fédéral.

3.- Les frais et dépens seront mis à la charge du
recourant qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué;

2. Met un émolument judiciaire de 4500 fr. à la
charge du recourant;

3. Dit que le recourant versera à l'intimé une in-
demnité de 5000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre civile de la Cour de jus-
tice genevoise.

__________

Lausanne, le 22 août 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le président,

La greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.127/2001
Date de la décision : 22/08/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-08-22;4c.127.2001 ?
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