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16/08/2001 | SUISSE | N°5C.60/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 16 août 2001, 5C.60/2001


«/2»
5C.60/2001

IIe C O U R C I V I L E
**************************

16 août 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
M. Gardaz, juge suppléant. Greffier: M. Abrecht.

_________

Dans la cause civile pendante
entre

P.________, demandeur et recourant, représenté par Me Edmond
Perruchoud, avocat à Sierre,

et

X.________, Société d'Assurances, défenderesse et intimée,
représentée par Me Jean-François Pfefferlé, avocat à Sion;

(contra

t d'assurance)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Depuis 1984, P.________ a assuré ses véh...

«/2»
5C.60/2001

IIe C O U R C I V I L E
**************************

16 août 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
M. Gardaz, juge suppléant. Greffier: M. Abrecht.

_________

Dans la cause civile pendante
entre

P.________, demandeur et recourant, représenté par Me Edmond
Perruchoud, avocat à Sierre,

et

X.________, Société d'Assurances, défenderesse et intimée,
représentée par Me Jean-François Pfefferlé, avocat à Sion;

(contrat d'assurance)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Depuis 1984, P.________ a assuré ses véhicules
automobiles, notamment Mercedes-Benz, auprès de X.________
Société d'Assurances, avec une couverture «casco complet va-
leur à neuf».

Le 18 juillet 1994, P.________ a signé une nouvelle
proposition d'assurance ensuite de l'achat d'un nouveau véhi-
cule Mercedes-Benz C36 AMG. À l'occasion de la signature de
ce document, il a été informé par le collaborateur de
X.________, D.________, que la couverture «casco complet»
serait restreinte à la «valeur actuelle». La proposition
d'assurance a été remplie par D.________, qui sous la rubri-
que «Assurance-casco» a simplement fait une croix dans la
case «casco complet» n° 1.

Le 18 août 1994, X.________ a adressé à P.________
la police d'assurance, qui contenait la condition complémen-
taire suivante: "Casco N° 301 Assurance à la valeur actuelle
pour les dommages de collision si, en cas de collision, les
frais de réparation dépassent la valeur actuelle, il y a
dommage total. Les prestations de X.________ seront alors
limitées à la valeur actuelle."

B.- Le 24 mars 1997, le véhicule Mercedes-Benz C36
AMG de P.________ a été gravement endommagé lors d'une vio-
lente collision avec un autre véhicule. L'expert en auto-
mobiles mandaté par X.________, B.________, a établi un
rapport aux termes duquel les frais de réparation du
véhicule
assuré s'élevaient à 47'235 fr. 45. Ce montant correspondant
pratiquement à la valeur résiduelle du véhicule, arrêtée par
l'expert à 50'000 fr., les parties au contrat d'assurance
ont
admis qu'il s'agissait d'un sinistre total. Dans un calcul
prenant en considération la «valeur vénale majorée»,
l'expert

B.________ arrêtait l'indemnité à 91'732 fr., ce qui repré-
sente le 83% d'une valeur à neuf de 110'520 fr.

Le 27 juin 1997, X.________ a fait parvenir à
P.________ une convention d'indemnité pour une valeur de
49'000 fr., soit la valeur du véhicule au moment de l'acci-
dent, sous déduction de la franchise de 1'000 fr. P.________
a contesté cette proposition et, après divers échanges de
vues, son mandataire a sommé le 21 janvier 1998 X.________
de
payer le montant de 91'732 fr. arrêté par l'expert
B.________
au titre de la «valeur vénale majorée», avec intérêts.

Le 9 avril 1998, sur demande du mandataire de
P.________ qui requérait que le montant admis soit versé à
son client, les prétentions supérieures de celui-ci étant
réservées, X.________ a versé le montant de 49'000 fr. à
P.________.

C.- Par mémoire déposé le 6 mai 1998, P.________ a
actionné X.________ en paiement de la somme de 41'732 fr.,
avec intérêt à 5% l'an dès le 25 avril 1997, et des intérêts
ayant couru sur la somme de 49'000 fr. du 25 avril 1997 au 9
avril 1998.

Par jugement du 18 janvier 2001, la IIe Cour civile
du Tribunal cantonal du canton du Valais a condamné
X.________ à payer le montant de 187 fr. 95 à P.________ à
titre d'intérêts; elle a rejeté toutes autres et plus amples
conclusions et mis les frais et dépens à la charge du deman-
deur.

D.- Contre ce jugement, P.________ interjette en
parallèle un recours de droit public et un recours en
réforme
au Tribunal fédéral. Le premier a été rejeté, dans la mesure
de sa recevabilité, par arrêt rendu ce jour par la cour de
céans. Par le second, le demandeur conclut, avec suite de dé-

pens, à la réforme du jugement entrepris en ce sens que la
défenderesse soit condamnée à lui payer la somme de 41'732
fr. avec intérêt à 5% l'an dès le 10 mars 1998.

Une réponse au recours n'a pas été requise.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Interjeté en temps utile contre une décision
finale rendue par le tribunal suprême du canton du Valais
dans une contestation civile de nature pécuniaire, le
recours
est recevable au regard des art. 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ.
Comme les droits contestés dans la dernière instance cantona-
le atteignent manifestement 8'000 fr., il l'est aussi selon
l'art. 46 OJ.

2.- a) Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal
fédéral doit conduire son raisonnement sur la base des faits
contenus dans la décision attaquée, à moins que des disposi-
tions fédérales en matière de preuve n'aient été violées,
qu'il y ait lieu à rectification de constatations reposant
sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il
faille compléter les constatations de l'autorité cantonale
parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents
et
régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 127 III 248, consid.
2c; 126 III 59 consid. 2a; 119 II 353 consid. 5c/aa). Dans
la
mesure où un recourant présente un état de fait qui s'écarte
de celui contenu dans l'arrêt attaqué sans se prévaloir avec
précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappe-
lées, il n'est pas possible d'en tenir compte (ATF 127 III
248, consid. 2c). Au surplus, il ne peut être présenté dans
un recours en réforme de griefs contre les constatations de
fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55
al. 1 let. c OJ), de sorte que l'appréciation des preuves à
laquelle s'est livrée l'autorité cantonale ne peut être remi-

se en cause en instance de réforme (ATF 126 III 189 consid.
2a; 125 III 78 consid. 3a).

b) Les faits qui ne ressortent pas du jugement en-
trepris et que le recourant invoque sans pouvoir se
prévaloir
de l'une ou l'autre des exceptions susmentionnées sont donc
irrecevables. Ainsi en va-t-il notamment lorsqu'il invoque
la
petite dimension des caractères du texte de l'art. 12 LCA
(RS 221.229.1) inséré dans la police, lorsqu'il affirme
avoir
été convaincu qu'il s'agissait de la prolongation de la rela-
tion contractuelle existant depuis des années ou avoir eu,
vu
la confiance qu'il faisait au représentant de X.________, la
certitude que la couverture «valeur à neuf» continuerait
comme auparavant. Il en va de même lorsqu'il affirme n'avoir
jamais envisagé la rectification de la police ou encore lors-
qu'il se réfère aux trois possibilités de couverture casco -
«casco complet», «casco complet: valeur actuelle pour les
dommages de collision» et «casco partiel» - prévues dans la
proposition d'assurance.

3.- a) Le recourant reproche à la cour cantonale
d'avoir violé le droit fédéral en qualifiant l'accord conclu
entre parties en été 1994 de nouveau contrat, alors qu'il
s'agissait de la modification d'un contrat antérieur. Dans
une telle hypothèse, le silence de l'intimée dans les quator-
ze jours après la signature de la proposition d'assurance
vaudrait acceptation des termes de cette proposition (art. 2
al. 1 LCA). Or le collaborateur de l'intimée, sous la rubri-
que «Assurance-casco» de la proposition d'assurance, a fait
une croix dans la case «casco complet», ce qui impliquait
selon le recourant une couverture pour la «valeur à neuf».

Ce point n'est toutefois pas déterminant, comme la
cour cantonale l'a relevé à juste titre (jugement attaqué,
p.
24). En effet, si l'on admet qu'il n'y a eu que modification
et que, par conséquent, la proposition signée par le recou-

rant doit être, à défaut de refus dans les quatorze jours,
considérée comme acceptée (art. 2 al. 1 LCA), il n'en
découle
pas pour autant que la couverture casco était octroyée pour
la «valeur à neuf». Le recourant savait parfaitement, vu les
explications reçues, que cette couverture était limitée à la
valeur actuelle, ce qui a au demeurant été confirmé par les
conditions complémentaires accompagnant la police qui lui a
été adressée le 18 août 1994. Mais ce qui est déterminant,
c'est que le recourant n'a pas fait usage - à juste titre,
dans la mesure où, comme on vient de le voir, la police et
ses annexes concordaient avec les conventions intervenues le
18 juillet 1994 - de la possibilité de rectification prévue
par l'art. 12 LCA.

Or selon cette disposition, si la teneur de la poli-
ce ou des avenants ne concorde pas avec les conventions in-
tervenues, le preneur d'assurance doit en demander la recti-
fication dans les quatre semaines à partir de la réception
de
l'acte, faute de quoi la teneur en est considérée comme ac-
ceptée. L'écoulement sans avoir été utilisé de ce délai de
quatre semaines constitue une présomption absolue et irréfra-
gable que la police représente complètement et exactement le
contenu du contrat (Viret, Droit des assurances privées, 3e
éd., 1991, p. 84 et les arrêts cités; Roelli/Keller, Kommen-
tar zum Schweizerischen Bundesgesetz über den Versicherungs-
vertrag, Band I, 2e éd., 1968, p. 215 et les arrêts cités).
L'art. 12 LCA, en faisant prévaloir la police sur la proposi-
tion en cas de divergence entre ces deux documents, déroge
pour des questions de sécurité juridique aux règles normales
du droit des contrats: le contrat d'assurance étant fréquem-
ment destiné à durer de nombreuses années, il importe que le
document en possession du preneur reflète la situation de
droit (Viret, op. cit., p. 84).

C'est en vain que le recourant prétend que l'on ne
saurait invoquer contre lui le fait qu'il n'a pas exercé son
droit à la rectification conformément à l'art. 12 al. 1 LCA,
dans la mesure où la règle posée par cette disposition
n'était insérée qu'en petits caractères dans la police et
tombait ainsi sous le coup de la clause d'insolite. En
effet,
le jugement attaqué, qui constate que la disposition que
l'art. 12 al. 2 LCA impose d'insérer textuellement dans cha-
que police figurait en première page de la police envoyée le
18 août 1994 (jugement attaqué, p. 9), ne contient aucune
constatation sur la taille des caractères, dont le recourant
ne saurait ainsi tirer argument (cf. consid. 2b supra).

b) Le recourant fait ensuite valoir que, pour le
lier, les conditions complémentaires devaient être acceptées
expressément et ce en la forme écrite afin de protéger la
confiance du recourant, auquel les conditions générales
d'assurance n'avaient pas été remises avant la signature de
la proposition, contrairement à l'art. 3 al. 1 LCA.

Il faut d'abord remarquer que l'obligation, prévue
par l'art. 3 al. 1 LCA, de remettre les conditions générales
au proposant avant qu'il remette sa proposition à l'assureur
tend à garantir l'information du proposant de façon qu'il
puisse contracter en toute connaissance de cause. Il doit au
moins avoir eu la possibilité d'examiner ces conditions
avant
de s'engager (RVJ 1974 p. 46 ss, 49; Maurer, Schweizerisches
Privatversicherungsrecht, 3e éd., 1995, p. 215).

Sur le point déterminant en l'espèce, c'est-à-dire
sur l'étendue de la couverture casco, il ressort des consta-
tations de fait de la cour cantonale, qui lient le Tribunal
fédéral (cf. consid. 2a supra) que le recourant a reçu
toutes
explications utiles le 18 juillet 1994. Il était donc au
clair sur les engagements des parties à cet égard indépendam-
ment de la remise des conditions générales et ne peut donc
se

prévaloir d'un défaut d'information à ce sujet, ni de sa
prétendue confiance quant à la continuation d'une couverture
casco «valeur à neuf». Au contraire, les informations reçues
étaient de nature à dissiper tout malentendu. Au surplus, il
convient de rappeler encore une fois que le recourant, lors-
qu'il a reçu la police du 18 août 1994 - qui contenait la
condition complémentaire limitant clairement les prestations
de l'intimée à la «valeur actuelle» pour les dommages de
collision «si, en cas de collision, les frais de réparation
dépassent la valeur actuelle» -, n'a pas réagi, alors que
l'art. 12 al. 1 LCA, reproduit dans la police, lui en
donnait
la possibilité s'il estimait que cette condition complémen-
taire ne concordait pas avec les conventions intervenues
(cf.
consid. 3a supra).

c) Le recourant soutient enfin avoir été victime
d'une erreur essentielle. Ce moyen est dénué de fondement.
En
effet, celui qui prétend s'être trouvé au moment de conclure
dans l'erreur sur des faits considérés par lui comme des
éléments nécessaires du contrat et qu'objectivement il pou-
vait tenir pour tels d'après les règles de la loyauté commer-
ciale (art. 24 al. 1 ch. 4 CO; cf. ATF 118 II 58 consid. 3b;
114 II 131 consid. 2; 107 II 419 consid. 3c; 97 II 43
consid.
2 et les arrêts cités) doit prouver (cf. art. 8 CC) non seu-
lement qu'il considérait ces faits comme des éléments néces-
saires du contrat, mais encore qu'il était dans l'erreur à
leur sujet (ATF 109 II 105 consid. 4c in limine). Or en l'es-
pèce, le recourant n'a rien prouvé de tel, la cour cantonale
ayant au contraire retenu que le recourant avait reçu, le 18
juillet 1994, toutes les explications utiles au sujet de la
couverture casco accordée par l'intimée. Au bénéfice de
cette
information, le recourant ne pouvait plus croire qu'il
s'agis-
sait encore d'une couverture «valeur à neuf». Il ne peut
donc
se prévaloir d'une erreur, c'est-à-dire d'une divergence en-
tre sa représentation de la réalité et la réalité elle-même.

4.- Il résulte de ce qui précède que le recours doit
être rejeté dans la mesure où il est recevable, ce qui en-
traîne la confirmation du jugement entrepris. Le recourant,
qui succombe,
supportera les frais judiciaires (art. 156 al.
1 OJ). Il n'aura en revanche pas à payer de dépens à l'inti-
mée, qui n'a pas été invitée à procéder.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est
recevable et confirme l'arrêt entrepris.

2. Met un émolument judiciaire de 3'000 fr. à la
charge du recourant.

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la IIe Cour civile du Tribunal canto-
nal du canton du Valais.

__________

Lausanne, le 16 août 2001
ABR/frs
Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FÉDÉRAL SUISSE :
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.60/2001
Date de la décision : 16/08/2001
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-08-16;5c.60.2001 ?
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