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16/08/2001 | SUISSE | N°4C.137/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 16 août 2001, 4C.137/2000


«/2»

4C.137/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

16 août 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu, juge, et
Aubert, juge suppléant. Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

B.________, demandeur et recourant, représenté par Me Jean-
Paul Salamin, avocat à Sierre,

et

X.________ S.A., défenderesse et intimée, représentée par
Me Serge Métrailler, avocat à Sion;

(contrat de travail; rÃ

©siliation immédiate pour justes mo-
tifs)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par contr...

«/2»

4C.137/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

16 août 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu, juge, et
Aubert, juge suppléant. Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

B.________, demandeur et recourant, représenté par Me Jean-
Paul Salamin, avocat à Sierre,

et

X.________ S.A., défenderesse et intimée, représentée par
Me Serge Métrailler, avocat à Sion;

(contrat de travail; résiliation immédiate pour justes mo-
tifs)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par contrat de travail du 15 juin 1988,
X.________ S.A. (alors Y.________ S.n.c.; ci-après:
X.________), entreprise de ferblanterie, couvertures, sa-
nitaires, bardages et façades industrielles, a engagé
B.________ comme responsable du département technique. Le
contrat prévoyait une durée hebdomadaire du travail de 43,5
heures sur cinq jours.

Le 11 juin 1991, B.________ a été promu au rang de
mandataire commercial, avec signature collective à deux. Son
dernier salaire annuel brut était de 94 657 fr.

Le mercredi 24 mai 1995, dame A.________, adminis-
tratrice déléguée, a licencié B.________ avec effet immédiat.

B.- Le 21 août 1995, B.________ a ouvert action
contre X.________, en réclamant le paiement de 75 901 fr.30,
intérêts en sus. Dans ses dernières conclusions, B.________
a
conclu au paiement de 77 498 fr.55, plus intérêts, sous dé-
duction de 6343 fr.10 que le demandeur reconnaissait devoir
à
la défenderesse.

X.________ a conclu au rejet de la demande. Elle a
pris des conclusions reconventionnelles, en réclamant au de-
mandeur le paiement de 6343 fr.10, 983 fr.65 et 68 734
fr.40,
intérêts en sus.

Par jugement du 9 octobre 1998, la IIe Cour civile
du Tribunal cantonal valaisan a rejeté la demande. Elle a ad-
mis la demande reconventionnelle et condamné le demandeur à
payer à la défenderesse 6343 fr.10, 885 fr.30 et 20 000 fr.,
intérêts en sus.

Par arrêt du 23 juin 1999, le Tribunal fédéral a
admis le recours de droit public formé par le demandeur con-
tre ce jugement, qu'il a annulé pour défaut de motivation.

Le 28 mars 2000, la IIe Cour civile du Tribunal
cantonal valaisan a rendu un nouveau jugement, par lequel
elle a rejeté la demande principale et, statuant sur la re-
convention, condamné le demandeur à payer à la défenderesse
6343 fr.10, 885 fr.30 et 5657 fr., intérêts en sus. En
substance, l'autorité cantonale a considéré que le licencie-
ment immédiat du demandeur était justifié, aux divers motifs
que le travailleur ne s'était pas conformé aux instructions
de son employeur, qu'il n'avait pas rendu compte de son acti-
vité et qu'il avait violé son devoir de fidélité par son
absentéisme. La Cour civile a encore rejeté les prétentions
du travailleur en paiement d'indemnités de vacances et d'heu-
res supplémentaires. Reconventionnellement, outre le montant
non contesté, les magistrats valaisans ont alloué à la défen-
deresse 885 fr.30 au titre du salaire versé en trop au deman-
deur et 5657 fr. en réparation du dommage que celui-ci a cau-
sé à l'employeur dans le cadre du chantier de la route natio-
nale (RN) 9.

C.- Parallèlement à un recours de droit public qui
a été rejeté dans la mesure de sa recevabilité par arrêt de
ce jour, B.________ exerce un recours en réforme au Tribunal
fédéral. Il conclut principalement au paiement par la défen-
deresse de 77 498 fr.55, sous déduction de 6343 fr.10, inté-
rêts en sus. A titre subsidiaire, il requiert l'annulation
du
jugement cantonal et le renvoi de la cause à la cour cantona-
le pour que le dossier soit complété dans le sens des motifs
du recours.

La défenderesse propose le rejet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le recours en réforme est ouvert pour viola-
tion du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). Il ne permet en
revanche pas d'invoquer la violation directe d'un droit de
rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la vio-
lation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les
arrêts cités).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral
doit conduire son raisonnement sur la base des faits
contenus
dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédé-
rales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait
lieu à rectification de constatations reposant sur une inad-
vertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille complé-
ter les constatations de l'autorité cantonale parce que
celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et réguliè-
rement allégués (art. 64 OJ; ATF 127 III 248 ibidem). Dans
la
mesure où un recourant présente un état de fait qui s'écarte
de celui contenu dans la décision attaquée, sans se
prévaloir
avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être
rappelées, il n'y a pas lieu d'en tenir compte. Il ne peut
être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni
de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let.
c OJ). L'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée
l'autorité cantonale ne peut être remise en cause (ATF 126
III 189 consid. 2a; 125 III 78 consid. 3a).

Si le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des
conclusions des parties, lesquelles ne peuvent en prendre de
nouvelles (art. 55 al. 1 let. b in fine OJ), il n'est lié ni
par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par
ceux de la décision cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 127 III
248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a).

2.- Le demandeur reproche tout d'abord aux magis-
trats valaisans d'avoir violé l'art. 337 CO en jugeant que
la
défenderesse était fondée à résilier son contrat de travail
avec effet immédiat.

a) Selon l'art. 337 al. 1 CO, l'employeur et le
travailleur peuvent résilier immédiatement le contrat pour
de
justes motifs. Sont notamment considérées comme de justes mo-
tifs toutes les circonstances qui, selon les règles de la
bonne foi, ne permettent pas d'exiger de celui qui a donné
le
congé la continuation des rapports de travail (art. 337 al.
2
CO).

Mesure exceptionnelle, la résiliation immédiate
pour justes motifs doit être admise de manière restrictive
(Brunner/Bühler/Waeber, Commentaire du contrat de travail,
2e
éd., n. 1 ad art. 337c CO; Streiff/von Kaenel, Leitfaden zum
Arbeitsvertragsrecht, 5e éd., n. 3 ad art. 337 CO et les ré-
férences). D'après la jurisprudence, seul un manquement par-
ticulièrement grave du travailleur justifie son licenciement
immédiat. Si le manquement est moins grave, il ne peut en-
traîner une résiliation immédiate que s'il a été répété mal-
gré un avertissement (ATF 127 III 153 consid. 1a, 310
consid.
3, 351 consid. 4a). Par manquement du travailleur, on entend
la violation d'une obligation découlant du contrat, comme
par
exemple l'obligation d'exécuter le travail ou le devoir de
fidélité (ATF 121 III 467 consid. 4d p. 472 et les arrêts ci-
tés).

Le juge apprécie librement s'il existe de justes
motifs (art. 337 al. 3 CO). Il applique les règles du droit
et de l'équité (art. 4 CC). A cet effet, il prendra en consi-
dération tous les éléments du cas particulier, notamment la
position et la responsabilité du travailleur, la nature et
la
durée des rapports contractuels, ainsi que la nature et l'im-
portance des manquements. Le Tribunal fédéral ne revoit

qu'avec réserve la décision d'équité prise en dernière ins-
tance cantonale. Il intervient lorsque celle-ci s'écarte
sans
raison des règles établies par la doctrine et la jurispruden-
ce en matière de libre appréciation, ou lorsqu'elle s'appuie
sur des faits qui, dans le cas particulier, ne devaient
jouer
aucun rôle, ou encore lorsqu'elle n'a pas tenu compte d'élé-
ments qui auraient absolument dû être pris en considération;
il sanctionnera en outre les décisions rendues en vertu d'un
pouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un
résultat
manifestement injuste ou à une iniquité choquante (ATF 127
III 153 consid. 1a, 310 consid. 3, 351 consid. 4a).

b) Lorsque l'employeur entend user de la sanction
du congé immédiat contre un travailleur et le menace d'un
tel
licenciement en cas de manquement dans un délai d'épreuve,
le
travailleur peut comprendre de bonne foi que, s'il se confor-
me aux ordres donnés, son employeur ne prononcera pas le li-
cenciement abrupt à raison des faits qui l'ont incité à for-
muler la menace. En d'autres termes, l'employeur est lié par
la sanction annoncée; il ne peut plus mettre fin au contrat
avec effet immédiat si le salarié se conforme à ses instruc-
tions (ATF 108 II 301 consid. 3c; cf. également ATF 123 III
86 consid. 2b où il a été jugé que lorsque l'employeur a li-
cencié le salarié en respectant le délai de congé, il ne
peut
plus, pour les mêmes motifs, résilier après coup le contrat
sans délai).

L'employeur doit formuler l'avertissement selon les
règles de la bonne foi (art. 321d al. 1 CO). Ainsi,
lorsqu'il
fixe au salarié un délai pour exécuter un ordre, sous menace
de licenciement immédiat, il doit formuler cet ordre de
telle
façon que le travailleur sache quelle tâche il doit exécuter
pendant le délai d'épreuve pour échapper à la sanction annon-
cée. Si l'employeur donne une instruction trop vague, dont
le
salarié ne peut pas s'acquitter pendant le délai de grâce,

celui-là ne saurait de bonne foi se prévaloir de la désobéis-
sance de celui-ci pour justifier un congé abrupt.

c) Selon les constatations définitives de la cour
cantonale (art. 63 al. 2 OJ), la défenderesse a fixé au de-
mandeur, dans les premiers jours de mai 1995, un premier ul-
timatum au 19 mai 1995 pour fournir des documents de chan-
tier, puis un second, le 19 mai 1995, expirant le 24 mai
1995. Elle lui a fait sèchement savoir que, si ces rensei-
gnements n'étaient pas fournis dans le délai imparti, il se-
rait "fout(u) à la porte". Ainsi, l'autorité cantonale a ad-
mis que le demandeur a été "formellement averti" de son
licenciement immédiat au cas où il ne satisferait pas aux
exigences de la défenderesse. Comme le travailleur n'avait
pas donné suite aux injonctions de l'employeur dans le délai
fixé, elle a considéré que ce dernier avait de justes motifs
de le licencier avec effet immédiat.

La question qui se pose est ainsi de savoir si le
demandeur a violé les instructions données le 19 mai 1995,
sous menace de licenciement immédiat.

Or, on cherche en vain dans le jugement cantonal
sur quels chantiers et sur quelles questions précises de-
vaient porter les renseignements et les documents exigés par
la défenderesse le 19 mai 1995. C'est ce que relève à juste
titre le demandeur à l'appui de son recours en réforme. Dans
sa réponse au recours, la défenderesse ne prétend pas avoir
formulé des injonctions précises à ce sujet. Pourtant, comme
on l'a vu, la défenderesse devait donner au recourant des
instructions suffisamment claires pour qu'il sache ce qu'il
devait faire afin de donner satisfaction à son employeur
dans
le bref délai d'épreuve qui lui avait été fixé.

Dès l'instant où l'intimée n'a pas rempli l'exigen-
ce relative au contenu de l'avertissement, elle ne saurait

reprocher au demandeur, selon les règles de la bonne foi,
d'avoir méconnu son avertissement de telle façon qu'un licen-
ciement immédiat se justifiât.

d) Si la cour cantonale n'a posé aucune exigence
sur le contenu de l'avertissement du 19 mai 1995, c'est sans
doute parce qu'elle a retenu que le demandeur n'avait pas es-
sayé ou voulu essayer de produire les documents demandés
pour
le 19 ou le 24 mai 1995; à la suivre, le demandeur n'aurait
même pas prétendu avoir tenté de produire lesdits documents.

Ces constatations sont le fruit d'une inadvertance
manifeste, qu'il convient de redresser d'office (art. 63 al.
2 OJ in fine).

En effet, selon le Tribunal cantonal lui-même, à la
page 8 de son jugement, dans le cadre du chantier de la
STEP,
le demandeur a fourni au représentant du maître de l'ouvrage
Zumofen un "supplément du prix au kilo sur métal" le 18 mai
1995. En outre, le 23 mai suivant, il a produit la facture y
relative. Il s'agissait là de documents de chantier qui fai-
saient partie de ceux requis du demandeur.

C'est donc par mégarde que l'autorité cantonale
reproche au demandeur de ne pas avoir tenté de fournir les
pièces requises, puisque au moins deux documents ont été re-
mis à Zumofen après sommations, l'un dans le cadre du
premier
ultimatum et l'autre dans le cadre du second ultimatum.

C'est aussi par inadvertance manifeste, qu'il y a
lieu de rectifier d'office, que la cour cantonale indique
que
le demandeur n'a pas allégué avoir essayé de produire les
documents demandés, puisque, en réalité, le demandeur a ex-
pressément fait état de la remise des documents les 18 et 23
mai 1995 aux ch. 25 et 26 de ses conclusions motivées du 7

octobre 1998, en se référant au témoignage Z.________ (page
553 du dossier cantonal).

En conclusion, si la défenderesse a estimé, le 19
mai 1995, que le comportement du demandeur méritait un aver-
tissement assorti d'une menace de licenciement immédiat,
elle
n'était pas autorisée à résilier abruptement son contrat le
24 mai 1995 au motif que l'intéressé n'avait pas fourni des
documents ou des renseignements dont il n'apparaît pas
qu'ils
aient été réclamés de façon précise.

3.- a) Si l'intimée était d'avis, le 19 mai 1995,
que le comportement du demandeur méritait un avertissement
comportant une menace de licenciement sans délai, elle ne
pouvait invoquer de justes motifs de congé abrupt
qu'en cas
de désobéissance inexcusable du travailleur ensuite de
l'avertissement formulé. Autrement dit, elle n'était pas en
droit de se prévaloir de faits antérieurs au 19 mai 1995
pour
justifier un licenciement immédiat.

Au surplus, il ne ressort pas du jugement cantonal
que la défenderesse ait invoqué, après coup, des faits igno-
rés d'elle le 24 mai 1995 et qui eussent justifié, rétrospec-
tivement, un licenciement immédiat (ATF 124 III 25 consid.
3c; 121 III 467 consid. 5a et 5b).

b) De toute façon, et par surabondance, s'ils mon-
trent que les rapports entre les parties se sont gravement
dégradés depuis octobre 1994, les faits reprochés au deman-
deur par les juges valaisans ne pouvaient pas justifier un
licenciement immédiat le 24 mai 1995.

aa) En elles-mêmes, les prestations insuffisantes
du travailleur ne suffisent pas à justifier un congé abrupt
(ATF 97 II 142 consid. 2a).

Ainsi, les erreurs commises par le demandeur dans
la conduite des chantiers du four WSP (commande de matériel
qui s'est révélé inutile) et de la RN 9 (sous-évaluation du
prix d'une sous-traitance) ne sauraient fonder le licencie-
ment immédiat prononcé le 24 mai 1995, dès lors qu'il n'est
pas établi que de telles erreurs dépassent la limite du to-
lérable dans le domaine de la construction. D'ailleurs, la
défenderesse n'a pas subi de dommage dans le cadre du chan-
tier WSP (cf. considérant 20 b/aa du jugement déféré).

bb) L'autorité cantonale a retenu que le demandeur
s'absentait souvent de façon injustifiée, sous de faux pré-
textes, en usant de son statut de cadre dans l'entreprise.
Notamment entre Noël et Nouvel-An 1994-1995, il n'a
travaillé
que quelques heures par jour, voire moins. Le demandeur a en-
core quitté sans raison l'entreprise au printemps 1995.

Mais comme le manquement le plus important établi à
la charge du demandeur (absences injustifiées lors de la pé-
riode des fêtes de fin d'année 1994) remonte au début de jan-
vier 1995, l'employeur était forclos à s'en prévaloir en mai
1995, soit quelque quatre mois plus tard.

Quant aux autres absences injustifiées survenues au
printemps 1995, leur importance ne ressort pas du jugement
cantonal. Les ayant tolérées pendant une relativement longue
période, l'employeur ne pouvait pas, sans avertissement spé-
cifique, en arguer à l'appui du licenciement immédiat pronon-
cé le 24 mai 1995.

cc) Il a été constaté que le demandeur s'est pré-
senté ivre à son travail au milieu de janvier 1995. Ce fait
était toutefois trop ancien, le 24 mai 1995, pour être invo-
qué à l'appui du congé sans délai.

dd) Selon le jugement attaqué, le demandeur se mon-
trait parfois désagréable avec ses collègues et se déchar-
geait sur d'autres employés subalternes des tâches qui lui
étaient confiées, surtout lorsque ses patrons étaient
absents
et ne pouvaient pas s'en apercevoir.

Il n'apparaît pas que l'attitude désagréable du de-
mandeur envers ses collègues ait précédé immédiatement le li-
cenciement immédiat. Si le comportement du demandeur était
trop difficilement supportable, rien n'empêchait la défende-
resse de lui notifier un avertissement spécifique ou de le
licencier en respectant le délai de congé.

A considérer le statut de cadre du recourant, il
pouvait paraître normal qu'il se décharge sur des employés
subalternes d'une part de son travail. Quoi qu'il en soit,
la
cour cantonale n'a pas établi que l'intimée ait adressé au
recourant des critiques précises à cet égard ou lui ait noti-
fié un avertissement.

ee) Il a été retenu en fait que, pendant plusieurs
mois, le demandeur n'a pas fourni à temps des décomptes, des
mesurages, des relevés de travaux de régie et des factures
dans le cadre des chantiers de la STEP et de la RN 9. Les do-
cuments fournis étaient souvent insatisfaisants.

S'agissant d'un problème récurrent qui a persisté
pendant une relativement longue période, rien n'empêchait
l'employeur d'exiger les documents nécessaires sous menace
de
licenciement immédiat s'ils n'étaient pas remis dans un
délai
raisonnable. Toutefois, comme on l'a vu, une telle
injonction
devait être suffisamment claire pour que le demandeur con-
naisse précisément les ordres qu'il devait exécuter dans le
délai imparti. Or, l'autorité cantonale n'a pas établi que
tel fût le cas.

c) Au terme de cet examen, il appert que le licen-
ciement immédiat prononcé le 24 mai 1995 n'était pas justi-
fié. Dans ces conditions, le demandeur a droit à son salaire
jusqu'à l'échéance normale du délai de congé, soit le 31
juillet 1995, le délai de congé étant de deux mois pour la
fin d'un mois (art. 335c al. 1 et 337c al. 1 CO).

Il est établi que le demandeur a reçu son salaire
jusqu'au 31 mai 1995. La défenderesse reste donc lui devoir
deux mois de salaire, soit 15 776 fr.15 ((94 657 : 12 =
7888,08) x 2).

En outre, le demandeur a droit à une indemnité pour
les vacances non prises jusqu'à l'échéance normale du con-
trat. En 1995, le demandeur aurait travaillé sept mois pour
un salaire mensuel de 7888 fr.08; il aurait donc gagné
55 216 fr.56 de janvier à fin juillet 1995. Le demandeur
avait droit à quatre semaines de vacances par an, si bien
que
l'indemnité due à ce titre représente 8,33% de ce dernier
montant (Brunner/Bühler/Waeber, Commentaire du contrat de
travail, 2e éd., p. 125), à savoir 4599 fr.55.

Selon le Tribunal cantonal, le demandeur a pris
sept jours ouvrables de vacances en 1995. Le salaire
afférent
à un jour ouvrable est de 364 fr.35 (7888 fr.08 : 4,33 semai-
nes par mois : 5 jours ouvrables). Le salaire des sept jours
de vacances déjà pris est donc de 2550 fr.45.

Partant, le solde dû de ce chef au demandeur est de
2049 fr.10 (4599,55 - 2550,45)

4.- Le demandeur réclame une indemnité pour licen-
ciement immédiat injustifié, au titre de l'art. 337c al. 3
CO.

Selon l'art. 337c al. 3 CO, en cas de licenciement
immédiat injustifié, le juge peut condamner l'employeur à
verser au travailleur une indemnité dont il fixera librement
le montant, compte tenu de toutes les circonstances, parmi
lesquelles figurent notamment la situation sociale et écono-
mique des deux parties, la gravité de l'atteinte à la person-
nalité de la partie congédiée, l'intensité et la durée des
relations de travail antérieures au congé, la manière dont
celui-ci a été donné, ainsi que la faute concomitante du tra-
vailleur; aucun de ces facteurs n'est décisif en lui-même
(ATF 123 III 391 consid. 3b/bb; 121 III 64 consid. 3c; 120
II
243 consid. 3e). L'indemnité, qui ne peut dépasser le
montant
correspondant à six mois de salaire du travailleur, a une
double finalité, punitive et réparatrice (ATF 123 III 391
consid. 3c).

S'agissant de la quotité de cette indemnité, le ju-
ge cantonal possède, de par la loi (art. 4 CC), un large pou-
voir d'appréciation, qui conduit le Tribunal fédéral à ne
substituer sa propre appréciation à celle de l'instance infé-
rieure qu'avec une certaine retenue. Il n'interviendra que
si
la décision s'écarte sans raison des règles établies par la
doctrine et la jurisprudence en matière de libre
appréciation
ou lorsqu'elle s'appuie sur des faits qui, dans le cas parti-
culier, ne devaient jouer aucun rôle ou encore lorsqu'elle
n'a pas tenu compte d'éléments qui auraient absolument dû
être pris en considération; il sanctionnera en outre les dé-
cisions rendues en vertu d'un tel pouvoir d'appréciation
lorsqu'elles aboutissent à un résultat manifestement injuste
ou à une iniquité choquante (ATF 121 III 64 consid. 3c et
les
arrêts cités).

Le Tribunal fédéral a jugé que, sauf circonstances
particulières, l'indemnité est due dans tous les cas de li-
cenciement immédiat injustifié (ATF 121 III 64 consid. 3c;
120 II 243 consid. 3e p. 247; 116 II 300 consid. 5a). Les ex-

ceptions doivent être fondées sur les circonstances de
chaque
cas particulier; elles supposent l'absence de faute de l'em-
ployeur ou d'autres motifs qui ne sauraient être mis à sa
charge (ATF 116 II 300 consid. 5a).

Cette jurisprudence a été critiquée par Adrian von
Kaenel (Die Entschädigung aus ungerechtfertigter fristloser
Entlassung nach art. 337c Abs. 3 OR, thèse Berne 1996, p. 69
ss). Selon cet auteur, l'art. 337c al. 3 CO n'oblige pas le
juge à ordonner, en principe, le versement de la pénalité en
cas de licenciement immédiat injustifié; il s'agit en effet
d'une véritable "Kann-Vorschrift", qui ne restreint
nullement
le pouvoir d'appréciation du juge.

Il faut reconnaître que, selon le libellé même de
l'art. 337c CO, l'indemnité prévue à l'art. 337c al. 3 CO
est
facultative, alors que l'indemnité prévue à l'art. 336a al.
1
CO est obligatoire. La comparaison littérale des textes est
éclairante (art. 337c al. 3 CO: "Le juge peut condamner...";
art. 336a al. 1 CO: "La partie qui résilie abusivement le
contrat doit verser à l'autre une indemnité").

Le Tribunal fédéral s'est écarté du texte récent et
clair de la loi sur la base des travaux préparatoires. Toute-
fois, se bornant à citer quelques passages des débats au Con-
seil national, il n'a pas analysé l'ensemble des délibéra-
tions du Parlement. En particulier, il n'a pas pris en
compte
le fait que, sur ce sujet fort controversé entre les deux
Chambres, le texte final n'a été voté qu'après trois
lectures
au Conseil des Etats, sur la base d'une proposition Bonny
qui
constituait une véritable "Kann-Vormulierung" (pour une ana-
lyse complète des travaux préparatoires, Adrian von Kaenel,
op. cit., p. 22 ss, spéc. p. 25, et 69 ss).

Il faut donc se demander si la jurisprudence préci-
tée doit être maintenue.

La question peut toutefois demeurer indécise, car,
en l'occurrence, si l'on peut reprocher à la défenderesse
d'avoir formulé un avertissement insuffisamment explicite,
force est de constater, au vu des faits rappelés ci-dessus,
que le demandeur, après plusieurs années de collaboration
satisfaisante, a commis des manquements si nombreux que la
réaction maladroitement excessive de la défenderesse se révè-
le très largement excusable. Il se justifie donc de refuser
au demandeur le bénéfice de l'art. 337c al. 3 CO.

5.- La cour cantonale a mis à la charge du deman-
deur, par 5657 fr., le préjudice qu'il a causé à l'employeur
en offrant de poser des socles de clôtures pour 55 fr. la
pièce, alors que le travail a été sous-traité pour 76 fr. la
pièce.

Le demandeur conteste avoir commis une faute.

a) Le jugement cantonal, au considérant 20, indique
correctement les quatre conditions de la responsabilité du
salarié selon l'art. 321e CO. Il sied de renvoyer à cette dé-
cision sur ce point (art. 36a al. 3 OJ).

Il n'est nullement établi par le jugement cantonal
que le prix de 55 fr. ait été imposé au demandeur par la dé-
fenderesse. Le demandeur ne peut donc pas s'exonérer de sa
responsabilité pour ce motif.

Le travailleur soutient que le prix de 76 fr. la
pièce correspondait aux prix du marché. Toutefois, même s'il
avait raison sur ce point, ce fait n'expliquerait nullement
pourquoi il a établi un devis pour 55 fr. la pièce.

b) Le demandeur affirme avoir offert des preuves
démontrant que les quatre conditions de la responsabilité du
travailleur ne sont pas remplies. La Cour civile aurait

transgressé l'art. 8 CC en n'en tenant pas compte.
Cependant,
le demandeur n'indique nullement quelles offres de preuve
l'autorité cantonale a indûment écartées, de sorte qu'il n'y
a pas lieu d'entrer en matière sur ce pan du grief.

Le moyen pris d'une violation de l'art. 321e CO est
dénué de fondement.

6.- a) Au vu de ce qui précède, le recours doit
être partiellement admis et le jugement attaqué réformé en
ce
sens que la défenderesse est condamnée à payer au demandeur
15 776 fr.15 à titre d'arriéré de salaire et 2049 fr. 10 à
titre d'indemnité de vacances, soit un total de 17 825 fr.25
avec intérêts à 5% l'an dès le 7 juillet 1995.

Pour sa part, le demandeur sera condamné à payer à
la défenderesse 6343 fr.10 avec intérêts à 5% l'an dès le 15
septembre 1995 (travaux effectués par la défenderesse pour
le
demandeur, dont le montant a été admis par le recourant) et
5657 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 20 septembre 1995
(réparation du préjudice causé par un devis sous-évalué).

b) La valeur litigieuse dépassant 30 000 fr., la
procédure n'est pas gratuite (art. 343 al. 2 CO dans sa te-
neur en vigueur depuis le 1er juin 2001, applicable aux pro-
cédures déjà pendantes (ATF 115 II 30 consid. 5a)).

Le recourant obtient gain de cause pour une somme
de 17 825 fr.25 (15 776,15 + 2049,10), alors que ses conclu-
sions tendaient à l'allocation d'un montant supplémentaire
de
53 330 fr.30, cela compte tenu du montant qu'il a reconnu
devoir à sa partie adverse. Il voit en outre réduit de seu-
lement 885 fr.30, soit de 6,87 %, le montant de 12 885 fr.40
que la cour cantonale l'avait condamné à verser à la défende-
resse. Il convient par conséquent de répartir l'émolument de
justice à raison des 3/4 à la charge du demandeur et de 1/4
à

la charge de la défenderesse et d'accorder des dépens
réduits
dans la même proportion à cette dernière.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet partiellement le recours et réforme le
jugement attaqué en ce sens que

- le demandeur paiera à la défenderesse 6343 fr.10
avec intérêts à 5% l'an dès le 15 septembre 1995 et 5657 fr.
avec intérêts à 5 % l'an dès le 20 septembre 1995.

- la défenderesse paiera au demandeur 17 825 fr.25
avec intérêts à 5% l'an dès le 7 juillet 1995;

2. Met un émolument judiciaire
de 4000 fr. pour
trois quarts à la charge du demandeur et pour un quart à la
charge de la défenderesse;

3. Dit que le demandeur versera à la défenderesse
une indemnité de 2000 fr. à titre de dépens réduits;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la IIe Cour civile du Tribunal canto-
nal valaisan.

____________

Lausanne, le 16 août 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.137/2000
Date de la décision : 16/08/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-08-16;4c.137.2000 ?
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