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15/08/2001 | SUISSE | N°4C.385/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 15 août 2001, 4C.385/2000


«/2»

4C.385/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

15 août 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu, juge, et
Zappelli, juge suppléant. Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ S.A., demanderesse et recourante, représentée par
Me Steven Street, avocat à Genève,

et

Y.________ S.A., défenderesse et intimée, représentée par Me
Silvio Venturi, avocat à Genève;

(contrat de col

laboration; contrat d'agence)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Y.________ S.A. (ci-apr...

«/2»

4C.385/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

15 août 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu, juge, et
Zappelli, juge suppléant. Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ S.A., demanderesse et recourante, représentée par
Me Steven Street, avocat à Genève,

et

Y.________ S.A., défenderesse et intimée, représentée par Me
Silvio Venturi, avocat à Genève;

(contrat de collaboration; contrat d'agence)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Y.________ S.A. (ci-après: Y.________) vend
dans toute la Suisse des ordinateurs de marque Y.________.
Sa
stratégie commerciale englobe tant la vente directe de ses
ordinateurs à l'utilisateur final que leur vente par des re-
vendeurs offrant à l'utilisateur, outre l'ordinateur, divers
services de conseil, d'installation et de configuration de
programmes informatiques, ainsi que la mise en réseau de plu-
sieurs ordinateurs.

Lorsque la vente a lieu par des revendeurs,
Y.________ conclut avec ces derniers, qu'elle désigne sous
le
nom de "revendeurs à valeur ajoutée" (value added
resellers),
un contrat-cadre selon lequel, en règle générale, les reven-
deurs achètent eux-mêmes les produits Y.________, en leur
nom
mais pour le compte de leurs clients, avant de fournir à ces
derniers leurs prestations globales portant tant sur l'ordi-
nateur que sur les autres services. Le contrat permet aussi
aux revendeurs de se borner à prescrire les ordinateurs
Y.________ à leurs clients, lesquels les paient directement
à
Y.________.

X.________ S.A. (ci-après: X.________) est une so-
ciété genevoise de services informatiques. Elle a fonctionné
comme revendeur pour Y.________ conformément à un contrat-
cadre conclu le 16 octobre 1992 (art. 64 al. 2 OJ).

Le 22 octobre 1993, les parties ont conclu un se-
cond accord dénommé: "contrat de collaboration, Advanced Sys-
tems Support". Selon ce contrat, Y.________ et X.________
devaient s'envoyer mutuellement des clients en cas d'instal-
lations complexes pouvant nécessiter aussi bien des ordina-

teurs Y.________ que des services de X.________, chacun des
partenaires ayant droit à une commission pour chaque client
apporté à l'autre. Les termes "Advanced Systems Support" dé-
signaient, essentiellement, l'installation de réseaux infor-
matiques nécessitant un serveur.

L'accord prévoyait en particulier les clauses sui-
vantes:

"Art. 1. Objet du contrat

Le but du présent contrat de collaboration est de
fournir à Y.________ un réseau de services "Advanced Systems
Support" extra muros dans le but d'assurer la vente de maté-
riel à tous leurs clients qui requièrent un système complexe
ou qui nécessitent une installation complète et profession-
nelle (...).

Art. 4. Procédure

Suite à un appel d'offre reçu des clients et ayant
identifié ses exigences comme étant de celles qui
nécessitent
"Advanced Systems Support", Y.________ fera suivre immédiate-
ment l'information à (X.________)".

L'art. 5 de ce contrat prévoyait la perception, par
Y.________, d'une commission de 15% sur les revenus de
X.________ en cas d'installation d'ordinateurs Y.________,
alors que X.________, agissant comme revendeur de
Y.________,
recevait une commission réduite de 50% par rapport au
premier
accord du 16 octobre 1992.

A la suite de ce dernier accord, de fin 1993 à la
fin 1994, Y.________ et X.________ se sont mutuellement ap-
portés quelques clients. Y.________ a cependant continué
d'acheminer certains de ses clients vers d'autres
revendeurs.

Dès le début 1995, les parties ont mis fin à leurs
relations commerciales.

Par lettre du 22 juillet 1996, X.________ a résilié
le contrat de collaboration du 22 octobre 1993 pour son pro-
chain terme, soit le 22 octobre 1996.

B.- Par demande du 30 avril 1998, X.________ a
saisi le Tribunal de première instance de Genève d'une
action
en paiement de 5 737 545 fr., conclusions portées par la sui-
te à 10 526 785 fr., avec intérêts à 6% dès le 22 octobre
1996. La demanderesse alléguait avoir subi un dommage, sous
la forme de gain manqué, en raison de la violation par
Y.________ du contrat de collaboration du 22 octobre 1993.
Y.________ a conclu au rejet de la demande.

Par jugement du 25 mai 2000, le Tribunal de premiè-
re instance a rejeté l'action de X.________, retenant, en
bref, que le contrat de collaboration précité n'octroyait à
X.________ aucune exclusivité en matière de services liés à
l'achat d'ordinateurs Y.________.

Saisie d'un appel de la demanderesse, la Cour de
justice du canton de Genève, par arrêt du 10 novembre 2000,
a
confirmé le jugement attaqué.

C.- X.________ exerce un recours en réforme au
Tribunal fédéral contre l'arrêt du 10 novembre 2000. La re-
courante conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et, cela
fait, à ce qu'il soit dit que les art. 418f al. 3 et 418g
al.
2 CO sont applicables et confirment l'exclusivité accordée
par l'intimée à la demanderesse du 22 octobre 1993 au 22 oc-
tobre 1996 pour la vente et l'installation de matériel infor-
matique en réseau, la cause étant renvoyée à la juridiction
cantonale pour fixation du dommage.

L'intimée propose le rejet du recours dans la mesu-
re où il est recevable.

Y.________ a présenté une requête en assurance du
droit qui a été rejetée par ordonnance présidentielle du 21
février 2001.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Le recours en réforme est ouvert pour vio-
lation du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). Il ne permet en
revanche pas d'invoquer la violation directe d'un droit de
rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la vio-
lation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les
arrêts cités).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral
doit conduire son raisonnement sur la base des faits
contenus
dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédé-
rales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait
lieu à rectification de constatations reposant sur une inad-
vertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille complé-
ter les constatations de l'autorité cantonale parce que
celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et réguliè-
rement allégués (art. 64 OJ; ATF 127 III 248 ibidem). Dans
la
mesure où un recourant présente un état de fait qui s'écarte
de celui contenu dans la décision attaquée, sans se
prévaloir
avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être
rappelées, il n'y a pas lieu d'en tenir compte. Il ne peut
être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni
de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let.
c OJ). L'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée
l'autorité cantonale ne peut être remise en cause (ATF 126
III 189 consid. 2a; 125 III 78 consid. 3a).

Si le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des
conclusions des parties, lesquelles ne peuvent en prendre de

nouvelles (art. 55 al. 1 let. b in fine OJ), il n'est lié ni
par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par
ceux de la décision cantonale, de sorte qu'il peut apprécier
librement la qualification juridique des faits constatés
(art. 63 al. 3 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c; 126 III 59
consid. 2a).

b) Selon la cour cantonale, la convention conclue
entre les parties le 22 octobre 1993 prévoyait le renvoi mu-
tuel de clients intéressés par l'installation d'ordinateurs
en réseau en ce sens que Y.________ devait promouvoir les
services informatiques de la demanderesse, laquelle devait,
de son côté, favoriser la vente d'ordinateurs Y.________,
chaque contractant percevant une commission pour le renvoi
d'un client à l'autre partie. La demanderesse ayant soutenu
que cet accord était un contrat d'agence, l'autorité canto-
nale l'a d'abord analysé sous cet angle pour conclure que
les
dispositions légales relatives à ce contrat n'obligeaient
pas
la défenderesse à accorder à la demanderesse une exclusivité
dans la fourniture de services aux clients de Y.________.
Les
juges cantonaux se sont ensuite efforcés de rechercher si le
contrat lui-même permettait de retenir une telle
exclusivité,
pour parvenir à la conclusion que non seulement la volonté
des parties d'accorder ladite exclusivité n'était pas
établie
mais encore que celle-ci ne pouvait pas être déduite de l'in-
terprétation du contrat selon le principe de la confiance.

2.- La recourante se plaint tout d'abord d'une
constatation de fait prétendument arbitraire de la cour can-
tonale. Ce serait à tort que celle-ci a retenu qu'avant la
conclusion du contrat du 22 octobre 1993, des commandes de
clients de la demanderesse avaient été facturées directement
par la défenderesse.

La recourante n'est pas recevable à s'en prendre
aux constatations de fait souveraines posées par la cour can-

tonale, dès l'instant où elle ne se prévaut pas d'une inad-
vertance manifeste (art. 55 al. 1 let. d OJ OJ) pas plus
qu'elle ne prétend que le fait incriminé serait décisif
pour la solution du litige, au point que l'état de fait rete-
nu serait lacunaire au sens de l'art. 64 al. 1 OJ.

3.- Invoquant la violation des art. 418f al. 3 et
418g al. 2 CO, la recourante affirme qu'en sa qualité
d'agent
de Y.________, elle avait l'exclusivité, en vertu de la loi
(art. 418f al. 3 CO), non seulement de la prestation de ses
services mais aussi de la vente des ordinateurs de la mandan-
te auprès d'une clientèle déterminée.

On peut d'emblée relever que les juges cantonaux
n'ont examiné la convention litigieuse sous l'angle du con-
trat d'agence que de façon hypothétique, comme ils l'ont
clairement indiqué au considérant 4 in initio de l'arrêt dé-
féré.

A propos du principe d'exclusivité instauré par
l'art. 418f al. 3 CO, ces magistrats ont considéré que la
seule exclusivité à laquelle la demanderesse, en sa qualité
d'agent de la défenderesse, aurait pu prétendre était celle
de la vente des ordinateurs Y.________, l'intimée ayant de
son côté l'exclusivité des services de la recourante. Puis,
ils ont retenu que la demanderesse ne s'était nullement
plainte "(..) de la violation d'une exclusivité dans la
vente
des ordinateurs Y.________, auprès d'une clientèle détermi-
née, mais de la violation d'une prétendue exclusivité de
fournir ses services informatiques à une clientèle détermi-
née". La cour cantonale a donc procédé à la constatation
d'un
fait de procédure - l'absence de moyens au sujet de l'exclu-
sivité pouvant entrer en ligne de compte - laquelle lie le
Tribunal fédéral (ATF 125 III 305 consid. 2e p. 311),
puisque
la recourante ne prétend pas que cette constatation serait
le
fruit d'une inadvertance manifeste.

Il en résulte que, sur la base de l'état de fait
souverain, le grief de violation de l'art. 418f al. 3 CO est
irrecevable, dès lors que la question de la violation d'une
clause d'exclusivité concernant la vente des ordinateurs
Y.________ n'entrait pas dans le cadre du litige qui était
soumis à l'autorité cantonale.

4.- La recourante reproche à la cour cantonale
d'avoir considéré que le contrat litigieux devait être inter-
prété comme contenant implicitement une clause de non-exclu-
sivité; l'autorité cantonale aurait transgressé par-là les
règles applicables en matière d'interprétation des contrats.

Cette critique doit être rejetée déjà au motif que,
contrairement à ce qu'avance la recourante, la cour
cantonale
n'a pas retenu que le contrat contenait une "clause de non-
exclusivité", mais bien que cette exclusivité ne pouvait
être
déduite ni de la volonté réelle des parties contractantes ni
de l'interprétation objective de la convention qui les liait.

5.- La recourante soutient encore qu'à défaut
d'appliquer les dispositions légales relatives au contrat
d'agence, la cour cantonale aurait dû admettre que l'intimée
devait réparation à la demanderesse en vertu de sa responsa-
bilité contractuelle découlant de l'art. 97 CO.

On peut sérieusement douter de la recevabilité de
ce grief au regard de l'art. 55 al. 1 let. c OJ, étant donné
que son exposé est d'une rare indigence. Loin de tenter de
démontrer que le raisonnement juridique adopté par la cour
cantonale est erroné, la demanderesse se contente désormais
de marteler l'argument selon lequel le contrat litigieux lui
conférait le droit exclusif de vendre des ordinateurs
Y.________ à certains clients et de réaliser chez ceux-ci
divers travaux d'installation informatique.

L'autorité cantonale a retenu qu'en cours d'exécu-
tion du contrat de collaboration, la défenderesse a acheminé
certains clients vers d'autres revendeurs pour des installa-
tions complexes, cela sans que la demanderesse, qui en avait
eu connaissance, n'ait élevé la moindre protestation. Il
s'agit là d'un indice de la volonté réelle des parties - que
la recourante n'est pas à même de critiquer en instance de
réforme (cf. ATF 118 II 365 consid. 1 p. 366) - qui ne va
certainement pas dans le sens de l'exclusivité prétendue par
la recourante.

Enfin, la Cour de justice a admis, au considérant 5
in fine de son arrêt, que l'exclusivité est une chose rare
dans le domaine informatique. Si tant est qu'on ne soit pas
en présence de la constatation de l'existence et du contenu
d'un usage - points qui relèvent du fait et sont donc sous-
traits à la censure de la juridiction de réforme (ATF 113 II
25 consid. 1a) -, la recourante ne discute même pas cet élé-
ment, qui va derechef clairement à l'encontre de l'opinion

qu'elle professe.

Le grief n'a aucun fondement à supposer qu'il soit
recevable.

6.- En définitive, le recours doit être rejeté
dans la mesure de sa recevabilité, l'arrêt critiqué étant
confirmé. Vu l'issue de la querelle, les frais et dépens doi-
vent être mis à la charge de la recourante qui succombe
(art.
156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable et confirme l'arrêt attaqué;

2. Met un émolument judiciaire de 30 000 fr. à la
charge de la recourante;

3. Dit que la recourante versera à l'intimée une
indemnité de 40 000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Cour de justice du canton de
Genève.

______________

Lausanne, le 15 août 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.385/2000
Date de la décision : 15/08/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-08-15;4c.385.2000 ?
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